Commentaire sur l’Épître aux Galates

§ 8. Foi et justification d’Abraham (3.6-9)

C’est ici une raison biblique, l’exemple d’Abraham (3.6-7), et le témoignage de l’Écriture (3.8-9).

3.6

6 Voyez ; Abraham eut foi en Dieu et elle lui fut imputée à justification ;

καθὼς, comme, sert de transition entre la preuve psychologique antérieure, et la preuve historique biblique qui va établir que ce rapport de l’Évangile et de la loi est enseigné dans l’Ancien Testament. — ἐπίστευσεν ; avoir foi. Abraham avancé en âge, désespérant d’avoir un successeur, Dieu lui promit qu’il lui naîtrait un fils dont la postérité serait très grande, et Abraham crut à cette promesse (Genèse 15.5 ; Romains 4.3,9 ; Jacques 2.23), dont l’accomplissement paraissait en opposition avec l’ordre naturel ; par sa foi à la parole de Dieu, il s’éleva au-dessus de cet ordre, tenant pour plus certain l’invisible que le visible ; ajoutant plus de confiance à ce que l’œil de la foi lui montrait, qu’à l’impossibilité probable que son œil physique lui enseignait. Cette foi était donc d’abord la reconnaissance pratique de l’action créatrice, toute puissante de Dieu, qu’aucune loi naturelle ne peut enchaîner ; en second lieu cette conscience positive et continue, de sa dépendance propre et de celle du monde à l’égard de Dieu était une véritable adoration spirituelle, un état d’âme vivant ; enfin cette foi avait pour objet une promesse uniquement issue de la miséricorde divine, et par là elle constituait un rapport à la grâce. Ainsi cette foi était complète, car elle avait une face objective, Dieu, sa base, sa source, et une face subjective, l’âme croyante, vivante et tirant de son objet sa valeur propre, son cachet particulier, la nature même de sa vie. — λογίζ. τὶ τινί ; imputer quelque chose à quelqu’un (Romains 4.6, 8), ou εἰς τὶ (Romains 2.26 ; 4.3, 5, 9, 10, 22-24). La forme moyenne de ce verbe est souvent employée avec le sens actif et passif. Le sens de cette locution est assez semblable à « être justifié ». Par l’actif on dira : Et Dieu lui imputa sa foi à justification, le mit au nombre des justes. Cette direction de sa vie intérieure appelée foi, le fit entrer avec Dieu dans le rapport d’un juste. La foi à la toute-puissance et à la miséricorde de Dieu, tirant nourriture et force de l’objet auquel elle était liée, excitait l’étincelle d’image divine restée dans la nature humaine, et la transformait en flamme de vie divine. Certainement Abraham n’était pas sans péché, mais il avait le germe de la pure piété, de la justice, et Dieu, dit Olshausen, à cause de ce germe producteur de nouvelle vie, voit l’homme entier justifié, comme le jardinier tient pour franc et non pour sauvage, l’arbre qu’il a enté. Cette imputation de justification n’était pas arbitraire, car la foi d’Abraham se montrait à Celui qui sonde les cœurs comme une tendance spirituelle qui rendait le grand patriarche capable de recevoir toutes les communications divines, et d’où pouvait sortir la sanctification de toute sa vie.

3.7

7 sachez de même que ceux de la foi ceux-là sont fils d’Abraham.

D’après l’exemple d’Abraham qui n’avait pas vécu sous la loi, et qui avait été justifié avant d’être circoncis, on pouvait conclure que la loi n’était pas nécessaire pour être déclaré juste. Dans cet enchaînement d’idées se présentait un préjugé juif qu’il ne fallait pas ménager. S’appuyant sur des promesses mal comprises les Juifs se regardaient comme le peuple saint, héritier des bénédictions divines annoncées aux patriarches, possesseur de droit de la faveur céleste et corps légal du règne futur du Messie, par cela seul qu’ils étaient la race d’Abraham par la circoncision et la descendance naturelle. Paul renverse ce préjugé par une conclusion toute simple, tirée du verset précédent : Sachez donc que ceux qui sont enfants de la foi, sont les vrais fils d’Abraham. — γινώσκετε ; impératif plutôt qu’indicatif, selon la Syriaque, la Vulgate, Calvin, Bengel, Stolz, de Wette, Winer, Schott : Sachez donc. — Des prépositions sont quelquefois jointes à des noms comme périphrase, pour tenir lieu d’adverbes ou d’adjectifs, comme ici ἐκ πίστεως ; ἐκ renferme l’idée de règle : selon ; conformément ; par exemple : ἐκ τῶν νόμων, selon les lois, conformément à elles (2 Corinthiens 8.13 ; Jean 3.34). Dans les locutions, οἱ ἐκ π., et autres (Actes 10.45 ; Tite 2.8 ; Romains 2.8), cette préposition indique la dépendance, et dès lors le parti auquel quelqu’un appartient. Winer, Gram. p. 458 : Ceux qui sont, qui vivent de la foi, et lui sont fidèles. — οὗτοι, dit avec emphase (Jacques 1.25) : « ceux-là » et non pas d’autres ; non pas ceux qui se glorifient de leur filialité charnelle. — υἱοὶ, fils, race (Romains 9.7 ; 4.11). « Ceux-là sont les seuls qui puissent se dire sang, fils, race d’Abraham », car leur vie spirituelle est identique à la sienne par unité d’origine et de nature, savoir par la foi (Jean 8.39. Jésus censure les Juifs fiers de leur descendance physique.)

3.8-9

8 Aussi l’Écriture prévoyant que par la foi Dieu justifierait les Gentils, fit cette promesse à Abraham : En toi seront bénies toutes les nations ! 9 de sorte que les croyants sont bénis avec Abraham le croyant.

Paul entre plus avant dans l’examen de cette question et dans la réfutation de cette grossière erreur. — προϊδοῦσα prévoir une chose future (Actes 2.31). On attribuait à l’Écriture ce qu’on voulait rapporter à son auteur. Métonymie pareille (Romains 4.3 ; 9.17 ; Jean 7.38 ; Marc 15.28 ; Galates 3.22) : prévoyant que Dieu justifierait par la foi les nations qui par naissance n’appartiendraient pas à la postérité d’Abraham, et que la justification ne serait pas une prérogative attachée à la race physique de ce patriarche, etc. La justification par la foi apparaît ici comme un arrêt éternel de Dieu ; en effet, si d’après ce que nous avons dit plus haut, la foi seule justifie, la nécessité exclusive de ce moyen unique l’élève forcément à la hauteur d’une disposition de la volonté divine, immuable. Ajoutons que puisque l’Esprit de Dieu peut seul sonder ses impénétrables conseils, Celui qui a prévu ce conseil et l’a communiqué à Abraham ne peut être que cet Esprit. — Que seront bénies (Genèse 12.3 ; 18.18). Les Septante ont traduit le premier passage par : En toi seront bénies toutes les tribus de la terre ; et le second : Et seront bénies en lui, toutes les ἔθνη, nations de la terre (Genèse 26.4 ; 28.14), seront bénies, justifiées, et posséderont les biens attachés à la justice, savoir le bonheur, la vie.En toi. Calvin, Carpzow, Michaëlis, Semler, Rosenm., traduisent : Avec toi ; de la même manière, à la même condition que toi. Ce sens donné à ἐν manque de preuves philologiques. Œcum., Rambach, Morus, Borger, Schott préfèrent : Par toi, comme souche de cette postérité. Ce sens ne nous paraît guère plus exact (Voyez plus haut 1.22 ; 2.17, 20), « en toi, en communion avec toi, avec ta foi, ta piété, etc. » : Les nations seront bénies par et dans leur union avec toi, union de foi, de tendance spirituelle, de piété, d’obéissance, de fidélité (Winer, Gram., p. 331, 2. not. 1, 2). — Toutes les nations sans distinction, Juifs et païens. Voici l’enchaînement des idées : Il n’y a que les hommes vivants par la foi qui soient fils d’Abraham ; en effet cela est si vrai, que s’il n’en était pas ainsi, Dieu n’aurait pas pu promettre à Abraham que tous les hommes seraient bénis dans leur union avec lui. D’où je conclus, continue l’apôtre, comme je tous le disais d’abord, que ceux qui sont de la foi, sont bénis avec Abraham croyant, πιστῷ ; il appuie sur ce mot parce qu’en effet tout roule sur lui « avec l’Abraham de la foi, et non celui de la circoncision ». Observez le présent : « sont bénis » ; ils ont l’actualité vivante des bénédictions divines ; ils les possèdent en réalité ; argument péremptoire. Tous ceux qui ont présentement la foi, Juifs ou païens, sont justifiés ; pourquoi donc, vous judaïstes, enseignez-vous aux Galates que pour être béni de Dieu, il faut se faire juif extérieur ? ou pourquoi vous Galates, recourez-vous à la loi pour être justifiés, puisque d’après l’Ancien Testament ceux qui ont la foi ont l’esprit de Dieu ? L’argument juif était : Nous sommes fils d’Abraham, Israélites, donc nous sommes justifiés, et quiconque veut l’être, doit dès lors se faire Israélite. L’argument chrétien disait : Abraham fut justifié par la foi, par conséquent ceux qui ont sa foi, Juifs ou païens, et ceux-là seuls, sont ses enfants et participent à ses bénédictions. — Ainsi la vocation des Gentils et l’universalité du christianisme, préexistaient au particularisme juif. — L’orgueilleux égoïsme des Juifs ne comprenait pas l’amour universel de Dieu, et ne voulait pas de son moyen unique et général de salut, la foi.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant