Commentaire sur l’Épître aux Galates

§ 14. Inconséquence, folie, injustice des Galates. Mauvaise jalousie des judaïsants ; tendresse de Paul (4.8-20)

L’apôtre suspend un moment la série de ses arguments bibliques dialectiques, pour se livrer à une émouvante effusion de cœur et à l’entraînement éloquent d’une sollicitude paternelle, à la fois tendre et sévère, touchante et alarmée, douce et jalouse. Son âme, pleine de son objet, passe rapidement en revue les Galates, lui-même et les judaïsants. Aux premiers, il demande comment il peut se faire qu’ayant expérimenté le joug de l’idolâtrie et puis la miséricorde divine, ils puissent se replacer sous le joug, et il déplore l’infécondité possible de ses labeurs, avec prière aux Galates de l’imiter dans sa liberté (4.8-12) ; quant à lui, il leur rappelle leurs sentiments de respect, de foi, d’amour pour sa personne, le bonheur dont il les avait rendus participants, leur verve de dévouement envers lui, pour leur faire sentir l’injustice des sentiments haineux qu’on leur a inspiré (4.13-16), ce qui l’amène à parler des intentions et de la conduite blâmables des judaïsants à son égard et envers eux, puisqu’ils les faisaient déchoir du bien (4.17-18) ; il termine par l’expression de ces indicibles douleurs spirituelles, mêlées d’amour, de tristesse, de larmes, sublime de la charité souffrante, que coûte l’enfantement spirituel à son âme de père et de mère (4.19-20).

4.8

8 Autrefois, ne connaissant pas Dieu, vous serviez ceux qui sont dieux mais non par nature.

τότε, autrefois, dans l’état antérieur à la filialité, pendant votre assujettissement aux éléments du monde. — οὐκ εἰδότες θεὸν formule d’usage touchant les païens ; ne connaissant pas Dieu et la vraie manière de l’adorer (Romains 1.21 ; 1 Thessaloniciens 4.5 ; 2 Thessaloniciens 1.8). — τοῖς μὴ οὖσιν et non pas φύσει μὴ ; vous étiez esclaves de ceux qui sont dieux non de fait et en réalité ou par nature, mais seulement par la vaine opinion des hommes ; de ceux qui sont appelés dieux (1 Corinthiens 8.5). Ces éléments du monde que servaient les païens étaient les objets auxquels ils attribuaient des forces divines.

4.9

9 Mais maintenant connaissant Dieu, bien plus, étant connus de Dieu, comment vous tournez-vous encore vers ces impuissants et pauvres éléments pour vous assujettir de nouveau volontairement à eux comme autrefois !

Mais maintenant γνόντες θεόν, connaissant Dieu, instruits par la religion chrétienne à connaître le vrai Dieu, la réalité absolue, la vie parfaite ; bien plus, pour dire plus vrai (Romains 8.34). γνωσθέντες reconnaître quelqu’un tel qu’il est, avec estime et amour ; désignant un acte de connaître de la part de Dieu, ce verbe exprime une connaissance qui a son fondement dans l’amour, comme le mot hébreu Jadang (Amos 3.2 ; Osée 13.5 ; Psaumes 1.6 ; Jérémie 1.4 ; Matthieu 7.23 ; Luc 24.35 ; Jean 1.10 ; 10.14 ; 2 Timothée 2.19 ; 1 Corinthiens 8.3) ; il a ce sens dans Plutarq., Vie d’Agésilas, Deagnoscendis liberis. — Théophyl., Calvin, Grotius, Mich., Zachar., Borger, Winer, Rückert, Schott, traduisent ainsi : Reconnus par Dieu comme étant de lui, car Dieu, dit Pélage, ne connaît pas les iniques, c’est-à-dire, connus par le don de ses biens spirituels, reconnus comme ses fils au moyen de Christ. — Néander : « Vous qui avez connu Dieu ou plutôt qui avez été amenés à sa connaissance par son amour qui a eu compassion de vous ». —« Connaissant Dieu » met en relief l’homme et son activité ; « être connu de Dieu » fait ressortir Dieu et son aimante et miséricordieuse action ; or comme il y a une différence incommensurable entre la connaissance de l’homme relativement à Dieu et celle de Dieu relativement à l’homme, Paul trouve à bon droit dans celle-ci un motif plus puissant que dans celle-là pour empêcher les Galates de retourner au joug de l’idolâtrie. — Comment retournez vous encore vers ces éléments infirmes, pauvres, qui n’ont aucune force pour donner le salut (Hébreux 7.18) ? Le premier adjectif signifie : qui n’a pas en soi des forces ; inefficace ; le second a trait à l’inanité, à la viduité. C’est une sentence générale sur l’impuissance et la vanité du paganisme ; ces éléments religieux étaient impuissants parce qu’ils étaient choses extérieures, formes, nature ; le sentiment de la religion était bien là, mais aucune réalité objective ne correspondait à ses illusions pour le fixer dans le vrai et le nourrir. — Le judaïsme et le paganisme apparaissent fondus en une seule classe par opposition au christianisme ; ils constituent à eux deux l’état d’impuberté religieuse, d’asservissement de la religion à un culte extérieur consistant dans des actions individuelles, sensibles, corporelles. Le christianisme est au contraire, la religion de l’esprit, de la jouissance des droits, de la vie intérieure, de la liberté. — ἅνωθεν, de nouveau ; πάλιν ἄνωθεν serait donc un pléonasme, Sapience 19.6, comme dans Matthieu 26.42 ; Actes 10.15 ; Jean 21.16 ; Colossiens 2.20-21 ; mais Schott et Bretschneider disent que lorsque ἄνωθεν est employé pour indiquer l’idée de temps, il signifie autrefois, olim, ab initio (Luc 1.3 ; Actes 26.5) ; le sens : de nouveau, de la même manière qu’autrefois, qu’au commencement. — θέλετε vous voulez, de votre gré, servir adorer servilement.

4.10

10 Vous observez jours, nouvelles lunes, temps, années ;

παρατηρεῖσθε ; observer superstitieusement ; distinguer les jours fastes et néfastes (Josephe, Antiq. 3, 5, 5). — ἡμέρας : jours sacrés comme, celui du sabbat, celui du jeûne, ceux des sacrifices, etc. Les païens avaient aussi des jours consacrés à telle et à telle idole. Les mots qui suivent déterminant des fêtes, il faut nécessairement restreindre le sens de jour aux jours solennels. — μῆνας, les nouvelles lunes, c’est-à-dire, la nouvelle lumière (Colossiens 2.16 ; Nombres 28.11 ; 29.1). Les nouvelles. lunes étaient célébrées par des pratiques religieuses (Nombres 29.1-6). D’autres peuples de l’antiquité célébraient aussi les nouvelles lunes ; Isidore, Orig. v, 33, dit : Chez les anciens, les commencements de tous les mois étaient célébrés comme chez les Hébreux (Macrobe, Saturn. 1, 15, § 179. Horace, Carm. III, 23. Démost. Orat. I. In Aristogitonem, etc). — καιροὺς ; temps marqués. Les Septante rendent le mot hébreu de Lévitique 23.4, 44 tantôt par καιροὺς tantôt par ἑορτας. Le jour de réconciliation qui arrivait tous les ans le 10 du septième mois était, par exemple, un temps marqué (Lévitique 16 ; 24.26-32 ; Nombres 29.7-11). De ce nombre étaient aussi les trois grandes fêtes, Pâques, Pentecôte et celle des Tabernacles (Exode 23.10-17 ; Deutéronome 16.16). Il en était de même chez les païens hellènes et barbares (Strabon, x, 467 Petiti, Legg. att. tit. 1, lib. xi. Cicer., De legg. ii, 12. Macrob., Saturn. i, 16). — ἐνιαυτούς ; fêtes qui n’avaient lieu que dans certaines années, par exemple, l’année sabbatique qui revenait tous les sept ans (Exode 23.10-11 ; Lévitique 25) ; l’année jubilaire tous les cinquante ans (Lévitique 25). Les Romains avaient les féries périodiquement annuelles. Il est évident, surtout par Colossiens 2.16, que l’apôtre veut ici blâmer en général l’attachement que les Juifs et les païens avaient pour certains temps, pour des jours de distinction, pour des fêtes choisis comme moyens d’excitation religieuse, car par cet attachement exagéré à des choses extérieures regardées comme essentielles, ils montraient la faiblesse et l’asservissement de leur vie spirituelle.

4.11

11 je crains pour vous d’avoir travaillé inutilement à votre égard !

φοβοῦμαι ὑμᾶς. Winer voit ici une attraction par laquelle le mot vous qui appartient à l’idée postérieure est rattaché au premier membre, et il traduit : Je crains « quant à ce qui vous regarde » d’avoir travaillé en vain auprès de vous ; Gram., p. 432. 3. Matthies, Flatt, Schott préfèrent dire : Je crains de vous (suit l’application) que vous ne rendiez mon travail vain par votre faute. — κοπιάω est fréquemment employé pour désigner les labeurs apostoliques (Romains 16.12 ; 1 Corinthiens 15.10 ; Philippiens 2.16 ; Colossiens 1.29) ; il signifie proprement « être fatigué de travail » et dans le Nouveau Testament il s’applique à ceux qui pour la cause de l’Évangile supportent travaux, fatigues (1 Timothée 4.10 ; 5.17). Le parfait après μήπως indique non la crainte que quelque chose arrive mais la pensée que ce qu’on craint est déjà arrivé ; Gram., p. 420.

4.12

12 devenez comme moi car je suis devenu comme vous, Frères, je vous en prie ;

On a donné plusieurs explications de ce premier membre du verset. Écoutons Calvin : Faites comme moi, en ce que je ne cherche rien autre chose qu’à me rendre utile à vous. — Koppe pense qu’on peut sous-entendre j’étais après le second comme, ce qui lui donne le sens suivant : Corrigez, je vous prie, vos sentiments et votre vie selon mon propre exemple, car moi-même autrefois je pensais comme vous, j’étais zélote de la loi comme vous. Si l’on sous-entendait le présent je suis, on aurait alors ; Imitez mon propre exemple, car moi-même quoique juif de naissance, je n’observe pas plus les rites juifs que vous, je vis païennement comme vous. Koppe partage cette dernière opinion, surtout à cause du v. 13. La première traduction ne nous paraît pas soutenable, car la force de la particule on disparaît, et d’ailleurs parce que Paul avait été autrefois zélote comme l’étaient présentement les Galates et qu’il avait quitté le judaïsme pour l’Évangile, était-ce une raison pour exiger de droit des Galates le même changement ? Au sujet de la seconde, nous rappellerons que toute l’épître nous montre par son contenu et par son but que les Galates étaient épris de judaïsme ; on ne peut donc pas faire dire à Paul : Je n’observe pas plus que vous les rites juifs ; enfin si les Galates n’y étaient pas attachés à quoi bon les inviter à imiter son exemple d’indépendance ? — Rückert : Comme dans mes enseignements je me suis accommodé à votre faiblesse, de même il est juste que vous incliniez à la modération, afin que vous vous montriez à votre tour dociles et obéissants à mon égard, ou afin que vous vous conformiez à mon exemple. Il est permis de douter que ces mots si brefs : « Je suis devenu comme vous » renferment l’idée de cette soigneuse accommodation de Paul à l’esprit de ses disciples galates. — D’autres ont pensé que la ressemblance en question est celle de l’amour : « Embrassez-moi de ce même amour avec lequel je vous embrasse » ; avec ce sens que ce qui précède ne favorise en aucune façon, on ne saurait comprendre le membre de phrase postérieur qui resterait inexplicable. — Néander : Comme ses adversaires l’accusaient de ne pas être sincère avec les Galates et de n’affranchir les païens de l’observation de la loi que par complaisance humaine, il ne pouvait employer aucun moyen plus convenable pour les réfuter et pour inspirer de la confiance aux Galates qu’en leur donnant l’exemple de sa propre vie. Il vivait lui-même comme un païen parmi les païens, sans se laisser enchaîner par la loi mosaïque, ce qu’il n’aurait pas fait à coup sûr s’il eût cru qu’on ne pouvait arriver à la pleine possession des biens du règne messianique que par l’observation de la loi ; c’est pourquoi il adresse aux Galates cette demande : Devenez comme moi (relativement à cette inobservance de la loi), car je suis devenu comme vous (semblables à vous comme païens dans la non-observation de la loi, quoique né juif). ἐγενόμην serait sous-entendu. Voyez, pour des omissions de ce genre, 2 Timothée 1.5habite en est sous-entendu dans le second membre. Éphésiens 5.24 élision du mot soient soumises (Galates 2.9 ; Marc 14.29 ; 1 Corinthiens 11.1 ; 2 Corinthiens 2.10 ; Romains 9.32 ; 14.23 ; Gram., Win. 467). Il y a nombre de cas semblables chez les profanes. Ce sens nous paraît beaucoup mieux approprié au but de la discussion, et a la plus grande analogie avec l’interprétation suivante de Chrys., de Théodor. de Pelage, de Théophyl., etc. : Répudiez, vous aussi, la loi judaïque, comme moi quoique juif de naissance l’ai répudiée et suis comme passé dans le parti des païens. — οὐδέν με etc. Les uns : « Je n’ai pas de quoi m’irriter contre vous, mais bien plutôt je vous aime, et je dis ces choses, croyez-le, guidé par amour pour vous » ; ce serait alors un argument pour faire céder les Galates à ses prières. D’autres : Jamais vous ne vous êtes opposés à mes prières et à mes désirs. Si mes prières, dit Koppe, ont quelque puissance auprès de vous, ne croyez pas que je sois irrité contre vous, car vous ne m’avez lésé en aucune chose pour que je puisse être mal disposé à votre égard. — Peu satisfait de toutes ces tournures, je serais disposé à arrêter la phrase à « je vous prie » et à joindre « vous ne m’avez pas fait injustice » à ce qui suit : car vous savez la touchante réception que vous me fîtes, etc. Le verbe à ἀδικεῖν a le sens de nuire, offenser (Luc 10.19 ; Apocalypse 6.6 ; 7.2-3) : Vous ne m’avez nui en rien ; vous n’avez pas été injustes à mon égard ; vous n’avez pas lancé d’indignes accusations sur moi et sur mon caractère comme l’ont fait mes ennemis ; vous aviez eu pleine confiance en moi, à ma parole, car vous me regardiez presque comme J. C. ; cédez donc à ma prière, aux sollicitations de ce Paul envers lequel vous ne vous êtes pas laissés entraîner à un esprit d’injustice, d’offense, et pour lequel vous aviez tant de confiance car vous savez, etc. On ne peut mettre dans la bouche de Paul des paroles comme celles-ci : « Frères, je vous supplie non en homme irrité mais avec des sentiments de charité pour vous, et cela n’est pas étonnant car vous ne m’avez nui en rien, autrefois même vous m’avez témoigné une grande charité », car alors l’apôtre ne paraîtrait avoir de la charité pour eux que parce qu’ils ne lui avaient pas nui, ce qui est la charité des péagers mais non point celle d’un chrétien, ni celle que Paul leur témoigne dans sa lettre.

4.13

13 vous ne m’avez offensé en rien, vous savez même que vous ayant évangélisé premièrement au milieu des misères corporelles,

δὲ marque gradation ; bien plus ; au contraire. — διὰ indique la condition dans laquelle se trouve celui qui fait une chose ; il est facile de déduire cette signification de la première valeur de διὰ, à travers, durant. Dans Jean 6.57 ; Philippiens 1.15, διὰ est pour ἐν. — ἀσθέν. ; les uns ont expliqué ce mot de la timidité qui empêcha Paul de résister fortement aux judaïsants ; mais nous ne connaissons rien par l’histoire, qui autorise à penser qu’après sa conversion il fit par timidité des concessions aux hommes ! — D’autres y ont vu la simplicité d’érudition et d’esprit dont il usa envers les Galates ; mais à quoi bon leur rappeler cette prétendue simplicité ! — Chrys., Théophyl., Œcum., traduisent par : Vexations de ses adversaires soit Juifs soit païens, lesquelles l’avaient gravement affligé lorsqu’il alla en Galatie (Romains 8.26 ; 1 Corinthiens 2.3 ; 2 Corinthiens 11.30 ; 12.9). Mais Luc (Actes 16.1-6) ne dit rien d’une semblable affliction et le passage Actes 14.5-6, ne se rapporte pas à notre verset ! — Stolz : Avec faiblesse corporelle. — Jérome, Bolten, Rückert, Matthies, etc. : Avec douleurs et chagrins provenant de quelque infirmité du corps. — Calvin entend par là tout ce qui pouvait le rendre vil et méprisé au jugement du vulgaire. — Rosenmüller, Borger, Koppe, Winer : Les contrariétés qui arrivent au corps et aux choses extérieures des hommes. — Schott : Son évangélisation assidue et active parmi les Galates, quoiqu’il fût en proie à des faiblesses corporelles, n’exerça pas peu d’influence, etc. — Néander : Paul avait beaucoup à lutter contre des souffrances corporelles, ce qui résulte de plusieurs traits de ses épîtres. Il n’y a là rien d’étonnant ; comme pharisien aspirant à la justice de la loi, il ne devait pas ménager sa vie. Si après sa conversion, possesseur du salut et de la liberté chrétienne il était délivré des castoiements du corps et des rigueurs de la sainteté légale, comme nous le voyons par les belles paroles de Philippiens 4.12-13, sa nouvelle vocation néanmoins lui permettait encore moins de se ménager. Il gagnait péniblement sa vie par un travail manuel ; d’un autre côté son activité apostolique consumait toutes ses forces, et nous savons ses dangers, ses douleurs, ses maux sous lesquels son corps épuisé devait facilement succomber (2 Corinthiens 6.4-8) ; enfin il était en proie à une souffrance particulière qui contenait l’élan de son esprit et qu’il portait partout avec lui (2 Corinthiens 7.12) ; c’était une chose qu’il serait insensé de vouloir déterminer exactement parce que nous manquons de documents, mais qui était personnelle à Paul et non à l’apôtre. A côté de ce sentiment de faiblesse il avait une puissante conscience de la force divine qui était en lui, et l’éclat de cette force était d’autant plus rayonnant que sa faiblesse propre était plus grande. C’est là le caractère de son activité apostolique en Galatie ; son corps était plié par la maladie, mais la force divine de ses paroles et de ses œuvres, en contraste avec l’organe faible et épuisé qui lui servait d’instrument, devait faire sur les âmes une impression d’autant plus forte. Le zèle de l’amour, ardent de sacrifice, qui lui faisait supporter toutes choses pour le salut des autres au milieu de ses souffrances, devait attirer les cœurs avec une puissance irrésistible, comme nous le voyons par l’entraînement des. Galates. Paul était faible de corps, son tempérament était un mélange du cholérique et du mélancolique. — πρότερον (Voyez l’Introduction, § 11)

4.14

14 loin de mépriser ou de rejeter ces épreuves de ma chair vous me reçûtes comme un envoyé de Dieu, comme Christ-Jésus ;

καὶ, et cependant — πειρασμὸν, synonyme de faiblesse (Jacques 1.2 ; 1 Corinthiens 10.13), signifie proprement : tentation (Matthieu 6.13 ; 1 Pierre 4.12), comme aussi : calamités, maux extérieurs, parce que ceux-ci mettent à l’épreuve la force, la foi, la constance (Luc 22.28 ; Actes 20.19 ; 1 Pierre 1.6). Les mots « en ma chair » favorisent ce dernier sens. — ἐξουθενήσατε ; ne rien estimer (Romains 14.3, 10 ; 1 Corinthiens 1.28 ; Actes 4.11 ; Luc 23.11 parallèles. 2 Timothée 1.16 ; Hébreux 10.34). — ἐξεπτύσατε ; une seule fois ; connu des profanes, d’Homère, d’Ælien — conspuer, mépriser ; chez les Latins respuere et conspuera signifient aussi repudiare, abhorrere ab aliqua re.ἄγγελον, envoyé, et par application aux envoyés de Dieu, génies célestes (Matthieu 2.13, 19 ; 22.30 ; Actes 27.23. Septante 2 Samuel 19.17). Ils sont inférieurs à Christ Fils de Dieu (Hébreux 1.4 ; 2.2-3) ; de là la gradation du verset. Winer ne voit là qu’une expression de très grande vénération. — ἐδέξασθέ ; recevoir quelqu’un, approuver sa doctrine (Matthieu 10.40 ; 11.14 ; Luc 10.16 ; Jean 13.20 ; 1 Thessaloniciens 2.13 ; 2 Corinthiens 8.17) : Vous m’avez donné tous les témoignages de soumission, d’honneur, de vénération, d’amour avec lesquels vous auriez reçu un envoyé de Dieu, un ange, ou plus encore, J. C. lui-même. Paul cite évidemment la fécondité de son évangélisation parmi les Galates à travers ses douleurs physiques et malgré sa chétive et misérable apparence personnelle, l’honorable réception qu’ils lui firent, la foi et le dévouement qu’ils lui témoignèrent comme une preuve qu’ils n’avaient été ni injustes ni ingrats à son égard, qu’ils l’avaient reconnu pour ce qu’il était, pour leur ami et non pour leur ennemi ; ce qui nous confirme dans le sens que nous avons donné à ces paroles : « Vous ne m’avez pas fait injustice »

4.15

15 Quels n’étaient pas vos tressaillements de bonheur ! car je vous rends ce témoignage que vous vous seriez arraché les yeux, si c’était possible, pour me les donner.

Il continue la description du dévouement des Galates à sa personne apostolique. — μακαριμὸς ; trois fois employé (Romains 4.6, 9). Manifestation éclatante de félicité ; tressaillement de bonheur. — τίς exprime souvent l’admiration (Éphésiens 1.18 ; Marc 1.27 ; 6.2 ; Luc 8.25) : Que vous vous proclamiez heureux ! — ὀφθαλμοὺς etc. Les yeux étaient le symbole de la chose là plus chère à l’homme (Deutéronome 3.10 ; Proverbes 7.7, 2 ; Psaumes 17.8 ; Zacharie 2.8) ; de là cette locution proverbiale, oculum dare, donner l’œil (Horace, Satyr. 2, 5, 35. Térence, Adelph., act. 4, scène 5, v. 67. Tibulle, 3, 6, 47). Ce verbe est habituellement usité lorsqu’on veut dire, arracher les yeux (Hérod. 8, 116. Lucien, Dial. des Dieux, 1, 3. Marc 2.4 ; Juges 16.22 ; 1 Samuel 11.2 ; Josephe, Antiq. vi, 5, 1) : Vous m’avez reçu avec un incroyable amour.

4.16

16 Vous suis-je donc devenu odieux en vous disant la vérité ?

ἐχθρὸς ; 1° haï de, odieux à ; 2° ennemi de, opposé à φίλος. Koppe, Flatt, Borger, Rückert, Schott, préfèrent le sens actif au passif parce qu’il est fréquemment en usage dans le Nouveau Testament. Cette raison ne saurait nous déterminer à accepter ce sens que rien ne favorise : « Est-ce que vous avoir dit vrai, est l’indice d’un esprit haineux et irrité contre vous ? » car l’ensemble du discours nous montre clairement qu’il n’est pas question des sentiments de Paul envers les Galates, mais de ceux des Galates envers Paul. Comment, leur dit l’apôtre, moi l’objet de votre amour si ardent, suis-je devenu celui de votre haine ? Voilà le seul contraste possible, le seul en harmonie parfaite avec ce qui précède et ce qui suit, car Paul leur était devenu odieux par les perfides insinuations des jaloux judaïsants v. 16, 17. Le passif de ce mot est en outre usité dans les auteurs profanes (Xénoph. Cyropédie, 5, 4, 35. Ælien, 2, 23. Sapien. xv, 18. — Romains 11.28). — ἀληθεύων ; sentir, agir, parler, conformément à la vérité (Éphésiens 4.15. Septante Genèse 42.16). Paul avait châtié les erreurs comme l’exigeait la vérité, mais à cause de la nature vicieuse de l’homme, la vérité enfante la haine. La mobilité de caractère des Galates nous aide à comprendre ce changement dans leurs dispositions. — Faut-il donner à ce participe la signification du présent ou du passé ? Paul ne pouvait pas vouloir parler de cette lettre, puisque lorsqu’il l’écrivait elle n’était pas encore arrivée pour dire la vérité ; il faut donc forcément le prendre au passé, par allusion probable à son second voyage (Actes 18.23) On peut conjecturer en effet que déjà lors de son passage il parla en vue des judaïsants et contre leurs erreurs puisqu’il confirmait ses disciples. N’est-il pas probable que venant d’Antioche tout plein de la discussion qu’il avait eue avec Pierre et d’ardeur pour défendre ses principes, il en parla aux Galates comme il le faisait en toute occasion et qu’il appuya plus qu’auparavant sur l’indépendance de la foi chrétienne dégagée de la loi cérémonielle ?

4.17

17 Ils brûlent pour vous d’un zèle mauvais puisqu’ils veulent vous exclure afin, que vous brûliez de zèle pour eux ;

ζηλοῦν, être plein de zèle, de ferveur. Ce zèle peut prendre une bonne ou une mauvaise direction. Il peut se porter sur quelqu’un ou sur quelque chose avec esprit d’imitation ou d’envie, à cause d’une qualité ou d’un vice. Dans Genèse 30.1 ; 37.10 : Actes 7.9, c’est un zèle d’envie, une jalousie blâmable ; et dans 2 Corinthiens 11.2 ; 7.7, c’est une bonne et sainte jalousie. Dans Proverbes 23.17 ; 24.1 ; Psaumes 37.1, c’est un zèle pour de mauvaises choses ; et dans Apocalypse 3.19 ; 1 Corinthiens 13.31 ; 14.1, 39, pour de bonnes choses. Avoir du zèle pour quelqu’un ; capter sa bienveillance ou sa personne en bonne ou en mauvaise part ; tel est le sens général du mot. Laissant de côté plusieurs interprétations forcées comme « porter envie, imiter » nous nous en tenons à l’idée générale de jalouser, suivant Paul dans les applications qu’il en fait au moyen d’adverbes et de périphrases. Ambiunt vos, comme dit Érasme ; ils vous circonviennent, ils captent votre amour, brûlent de zèle, pour vous, mais οὐ καλῶς, non à bonne intention ; ἀλλὰ au contraire — ἐκκλεῖσαι ; séparer de quelque chose ; écarter un homme d’une société, une chose d’une agrégation. De qui, de quoi les judaïsants séparaient-ils les Galates ? Selon Chrysost., Théophyl., Œcum. : De la vraie connaissance et de la condition d’âme qui en découle. Selon Grotius, Bengel, Cramer, Ramback, Winer, Rückert : De l’apôtre, de sa société, de son amour. Selon Borger, de Wette, Flatt, Schott : De l’Église. Selon Matthies : Du règne de la vérité. Selon Raphel, Baumgarten, Schleussner : Ils veulent vous forcer à suivre leur opinion. Selon Koppe et Bolten : Ils veulent vous éloigner de leur familiarité, du cercle de leurs docteurs. Selon Néander : « Ils veulent vous persuader qu’en tant que païens incirconcis vous ne pouvez entrer dans le royaume de Dieu afin que vous cherchiez a devenir juifs comme eux, pour passer dans le règne de Dieu ». — Ils veulent vous isoler, vous exclure (du règne de Dieu) afin que vous les jalousiez eux-mêmes, que vous leur portiez tout votre zèle de foi, d’attachement, d’imitation. Le vice de cette jalousie était double ; elle désocialisait les Galates de l’Évangile pour les faire tomber dans l’égoïsme et dans une espèce d’idolâtrie en les centralisant autour de l’homme et du judaïsant, en leur donnant pour point de départ et de mire l’homme d’abord et puis l’homme judaïsant qui prêchait l’erreur, c’est-à-dire ; la nécessité d’observer la loi pour être sauvé.

4.18

18 il est beau de se jalouser dans le bien, mais toujours et non pas seulement lorsque je suis au milieu de vous.

On peut traduire cette phrase de deux manières ; par le moyen : Il est bon de se jalouser mutuellement dans le bien, toujours et non pas seulement quand je suis au milieu de vous ; ou bien par le passif : C’est une belle chose d’être l’objet du zèle selon le bien, mais toujours, etc. Paul constate dans le v. 17 le zèle des judaïsants pour les Galates et il en fait ressortir le vice. Il est vraisemblable que lorsqu’il était présent (Actes 18.23), ces judaïsants n’osant pas faire ouverte résistance, étaient zélés pour le bien, comme ses disciples, mais extérieurement, et que lorsqu’il fut absent ils se montrèrent avec leurs principes opposés, y étant excités par des nouveaux venus, car l’idée saillante est la discontinuité du bon zèle, puisque le contraste est évidemment entre πάντοτε et μὴ μόνον, etc. Ainsi, dit Paul, je ne vous blâme pas d’être jalousés ; le zèle selon le bien est une bonne chose pour celui qui l’a et pour celui qui en est l’objet ; mais il faut qu’il dure toujours et non pas seulement lorsque je suis parmi vous ; ou bien par le moyen : C’est une bonne chose d’être tour à tour l’objet d’un bon zèle réciproque, de s’affectionner mutuellement, de rivaliser dans le bien, mais ce zèle qui vous animait lorsque j’étais chez vous, n’aurait pas dû changer et se corrompre. Le moyen nous semble préférable, voici pourquoi : dans le premier emploi du verbe les Galates sont affectionnés par les judaïsants ; dans le second les judaïsants le sont par les Galates ; dans le troisième Paul résume ces deux positions par la seule manière possible, par le moyen, d’abord d’une façon générale : Il est bon que vous soyez enflammés de zèle les uns pour les autres ; et puis en particulier : Mais toujours et non pas seulement, etc. Ainsi le blâme tombait à la fois sur les Galates et sur les judaïsants. — Se porter un zèle mutuel, voilà le véritable état normal que produit le christianisme, car le bien n’est pas une neutralité du mal ou un indifférentisme général, mais un amour positif, pratique, actif, remuant, le seul qui puisse devenir le nerf de la société.

4.19

19 Mes chers enfants que je porte encore douloureusement dans mon sein jusqu’à ce que Christ soit formé en vous !

πάλιν ὠδίω. Paul aime beaucoup les expressions tirées de l’enfantement lorsqu’il parle de l’évangélisation des hommes (1 Thessaloniciens 2.11 ; 1 Corinthiens 4.15 ; Philémon 1.10 ; Jacques 1.18) ; celle-ci signifie laborare in aliqua re et s’emploie pour désigner les douleurs de la femme (Apocalypse 12.2 ; Galates 4.27) ; elle peint bien là grande contention d’esprit, les douleurs intimes et spirituelles de Paul pour régénérer les Galates. Les Juifs comparaient les Docteurs à des Pères et les disciples à des enfants ; dans le Nouveau Testament, l’enfantement de la vie chrétienne est appelé « génération d’homme nouveau, renaissance (Jean 3.5-6 ; 1 Pierre 1.3, 23 ; Tite 3.5) » — Ce verbe signifie aussi, concevoir (Septante, Psaumes 7.15 ; Cantique des cantiques 8.5 ; Ésaïe 26.17). — Une mère n’enfante que lorsque le fruit est formé ; or Paul ajoute « Jusqu’à ce que Christ soit formé en vous », il faut donc traduire par : concevoir, et non par : enfanter. — Jusqu’à ce que Christ μορφωθῇ, soit formé, ait consistance, force et organisme vivant en vous. Christ est dit être et habiter en nous (Éphésiens 3.17 ; Romains 8.10 ; Galates 2.20), lorsque son esprit s’assimile notre être au point de s’en faire un organe ; on peut dès lors dire aussi qu’il se forme en nous lorsque cet esprit est en travail de création et d’organisation. — Ce verset nous rappelle nettement encore que le christianisme n’est pas une spéculation restreinte à certains objets, à une faculté de l’âme, à un ordre de sentiments, à une classe de pensées, à un monde plutôt qu’à un autre ; c’est une vie et par conséquent une organisation vivante complète, avec ses facultés et ses fonctions très positives ; c’est une vie très individualisée se démontrant par un ensemble organique d’actions intérieures et extérieures, par un rayonnement producteur à travers toutes les capacités de l’homme, à travers le sentiment, l’intelligence et la volonté dans leur application à Dieu, au monde, à l’homme, à la société. C’est une erreur volontaire de l’incrédulité ou de la tiédeur, lorsqu’elles désirent que la vie chrétienne ne soit qu’une fraction dans la totalité de l’existence, qu’une espèce de hors -d’œuvre valable uniquement dans telle situation de la vie, pour tel jour, pour telle heure, qu’un à parte de l’âme. Pour nous, nous ne saurions dire trop haut que cette vie chrétienne embrasse tout parce qu’elle a implicitement dans son esprit des principes régulateurs, des tendances irrésistibles et des buts propres dans toutes choses ; elle a sa manière de penser en philosophie, de sentir dans les arts, d’approfondir dans les sciences, de gouverner et d’obéir en politique, d’agir dans l’industrie, en un mot sa méthode de vivre dans toutes les relations. Conçoit-on que pour tous les objets de ce monde et pour les situations et les intérêts qu’on regarde habituellement mais faussement comme en dehors du cercle des intérêts religieux, Paul eût pu être mondain ? Platonicien, aristotélicien ou académicien en philosophie ; égoïste en industrie ; despote en politique ; incrédule en science ; licencieux dans les arts ; brutal dans la famille ; etc., etc. ? Si cette supposition que nous n’avons pas osé faire à l’égard de Christ dans la crainte de profaner ce saint nom, est monstrueuse pour Paul, elle l’est aussi pour tout chrétien, puisque le chrétien ne doit être qu’une personnification de son Sauveur.

4.20

20 Que je voudrais être au milieu de vous encore maintenant et vous accommoder mon langage, cas absent je ne sais comment vous parler !

Je voudrais être au milieu de vous maintenant encore, et — ἀλλάξαι, etc., changer, varier la voix. Théodoret, Œcuménius, Koppe, Borger, Winer, Matthies, Schott, comparant ce verset avec 1 Corinthiens 4.21, expliquent ce changement de voix en disant que s’il était parmi les Galates il pourrait facilement adoucir et tempérer sa voix selon la diversité des chrétiens, la réglant sur les différences de caractères et sur la gradation des torts, admonestant, corrigeant, ici avec douceur, là avec sévérité, voyant les dispositions de tous et de chacun pour leur proportionner ses discours et le ton de sa voix. Car étant absent, ἀποροῦμαι (Jean 13.22 ; 2 Corinthiens 4.8 ; Actes 25.20. Septante Genèse 23.7), je suis privé de conseils ; j’hésite sur ce qu’il faut faire ou décider ; je ne sais comment vous écrire efficacement ἐνὑμῖν, de vobis, pour ce qui vous regarde (1 Corinthiens 2.6 ; 14.11 ; 2 Thessaloniciens 1.4).

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant