L’Imitation de Jésus-Christ, traduite en vers français

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De la prudence en sa conduite

        N’écoute pas tout ce qu’on dit,
        Et souviens-toi qu’une âme forte
Selon l’esprit de Dieu, qui n’est que charité,
        Tout ce que d’un autre on publie :
        Donne malaisément crédit
A ces bruits indiscrets où la foule s’emporte.
Il faut examiner avec sincérité,
Cependant, ô faiblesse indigne d’un chrétien !
        Jusque-là souvent on s’oublie
Qu’on croit beaucoup de mal plutôt qu’un peu de bien.
        Qui cherche la perfection,
        Loin de tout croire en téméraire,
        Pèse avec mûre attention
Tout ce qu’il entend dire et tout ce qu’il voit faire ;
La plus claire apparence a peine à l’engager :
Il sait que notre esprit est prompt à mal juger,
        Notre langue prompte à médire ;
Et, bien qu’il ait sa part en cette infirmité,
        Sur lui-même il garde un empire
Qui le fait triompher de sa fragilité.
        C’est ainsi que son jugement,
        Quoi qu’il apprenne, quoi qu’il sache,
        Se porte sans empressement,
Sans qu’en opiniâtre à son sens il s’attache
Il se défend longtemps du mal d’autrui,
Ou s’il en est enfin convaincu malgré lui,
        Il ne s’en fait point le trompette,
Et cette impression qu’il en prend à regret,
        Qu’il désavoue et qu’il rejette,
Demeure dans son âme un éternel secret.
        Pour conseil en tes actions
        Prends un homme de conscience,
        Préfère ses instructions
A ce qu’ose inventer l’effort de ta science.
La bonne et sainte vie à chaque événement
Forme l’expérience, ouvre l’entendement,
        Éclaire l’esprit qui l’embrasse ;
Et plus on a pour soi des sentiments abjects,
        Plus Dieu, prodigue de sa grâce,
Répand à pleines mains la sagesse et la paix.

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