L’Imitation de Jésus-Christ, traduite en vers français

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Que les véritables consolations ne se doivent chercher qu’en Dieu

J’épuise mon désir, j’épuise ma pensée
        A chercher des contentements
        Qui par de vrais soulagements
Adoucissent les maux dont mon âme est pressée ;
Mais, hélas ! après tout, j’ai beau m’en figurer,
            J’ai beau les désirer,
Ce n’est point en ces lieux que je les dois attendre ;
        L’avenir seul me les promet,
Cet heureux avenir où chacun peut prétendre,
Mais qu’on n’obtient qu’au prix où la vertu le met.
Quand par un heureux choix d’événements propices
        Le monde me ferait sa cour,
        Quand il n’aurait soin nuit et jour
Que d’inventer pour moi de nouvelles délices ;
Quand il attacherait lui-même à mes côtés
            Toutes ses voluptés,
De combien de moments en serait la durée ?,
        Et quels biens me pourrait donner
Sa faveur la plus ferme et la mieux assurée,
Qu’en un coup d’œil peut-être il faut abandonner ?
N’espère point de joie, ô mon cœur, que frivole,
        N’en espère aucune ici-bas
        Qu’en ce grand Dieu de qui le bras
Soutient l’humble et le pauvre, et partout le console ;
Quels que soient tes ennuis, attends encore un peu,
            Sans attiédir ton feu,
Attends le doux effet des promesses divines ;
        Et tu posséderas bientôt
Des biens encor plus grands que tu ne t’imagines,
Et que le ciel pour toi garde comme en dépôt.
Ce lâche abaissement aux douceurs temporelles,
        Que le siècle fait trop goûter,
        Sert d’un grand obstacle à monter
Dans ce palais de gloire où sont les éternelles :
Attache tes désirs, mon âme, à celles-ci ;
            Fais-en ton seul souci,
Et regarde en passant celles-là pour l’usage ;
        Ne t’en laisse plus éblouir :
Ce Dieu qui du néant te fit à son image
Eut un plus digne objet que de t’en voir jouir.
De quoi te serviraient tous les trésors du monde,
        Tous ceux que la terre et la mer
        Dans leur sein peuvent enfermer,
Si ce n’est point sur eux qu’un vrai bonheur se fonde ?
Le plus pompeux éclat de ces riches trésors
            N’a qu’un brillant dehors
Qui n’excite au dedans que de l’inquiétude ;
        Il n’a point de solide bien ;
Et, si tu veux trouver quelque béatitude,
Elle n’est qu’en ce Dieu qui créa tout de rien.
Mais garde-toi surtout de la présumer telle
        Que se la peignent ces mondains
        Dont les désirs brutaux et vains
Au gré de leur caprice en forment un modèle :
Tu t’y dois figurer un amas de vrais biens,
            Tel que les vrais chrétiens
Dans leurs plus longs travaux attendent sans murmure ;
        Un avant-goût délicieux,
Tel que sent quelquefois une âme droite et pure
De qui tout l’entretien s’élève jusqu’aux cieux.
Rempli de cette idée, il te sera facile
        De juger l’instabilité
        Qu’a le monde et sa vanité,
Comme lui décevante, et comme lui fragile.
La seule vérité donne aux afflictions
            Des consolations
Durables à l’égal de sa sainte parole :
        Ainsi l’éprouvent les dévots ;
Et, portant en tous lieux un Dieu qui les console,
Ils savent bien aussi lui dire à tout propos :
        Bénin Sauveur de la nature,
        Prends soin partout de m’assister,
        Et daigne sans cesse prêter
        Ton secours à ta créature.
        Qu’au milieu de toutes mes peines
        Ce me soit un soulagement
        D’être abandonné pleinement
        Des consolations humaines.
        Qu’au défaut même de la tienne,
        J’en trouve dans ta volonté,
        Dont la juste sévérité
        Fait cette épreuve de la mienne.
        Car enfin, Seigneur, ta colère
        Fera place à des temps plus doux,
        Et les fureurs d’un Dieu jaloux
        Céderont aux bontés d’un père.

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