Théologie Systématique – I. Introduction à la Dogmatique

6.3 Enseignements : argument dogmatique

Les faits nous ont dévoilé l’existence générale de la théopneustie à la fondation de l’Eglise ; il faut examiner si les enseignements l’attestent aussi, s’ils l’affirment ou l’impliquent de manière à nous convaincre qu’ils réclament, en effet, le caractère supérieur que leur a constamment attribué le monde chrétien. Souvenons-nous, dans cette recherche, que la théopneustie, quelle qu’elle puisse être, n’ayant pas été contestée à cette première période, où les faits la rendaient en quelque manière sensible, n’a pas eu besoin d’être expressément établie, ou attestée, et que, dès lors, nous devons nous attendre à ne la voir guère apparaître qu’incidemment, dans des traits occasionnels qui la supposent ou la reflètent. Il en est ainsi, ne l’oublions pas, de presque toutes les doctrines évangéliques. Celles-là seules sont directement et catégoriquement affirmées dans les Epîtres qui étaient méconnues ou faussées dans les Eglises. Les doctrines admises sans altération ni contestation, les croyances générales, sont simplement touchées et pressées dans l’intérêt de l’avancement spirituel. Après cette observation capitale, dont on tient trop peu de compte dans la plupart des questions théologiques, recueillons les données doctrinales du Nouveau Testament sur l’inspiration apostolique.

1° Les auteurs des Evangiles se présentent comme des historiens qui rapportent ce qu’ils ont vu (Jean 21.24) ou soigneusement recueilli (Luc 1.3)… Les faits de la vie de Jésus étant la base de la révélation évangélique en même temps que de la prédication apostolique, il convenait qu’ils fussent d’abord constatés. Fonder la vérité de l’histoire sur l’inspiration des écrivains, et puis la réalité de l’inspiration sur la vérité de l’histoire, c’eût été un cercle vicieux : les évangélistes n’y tombent point. Le Nouveau Testament a suivi spontanément la marche que l’apologétique s’est prescrite plus tard, parce que c’est la marche naturelle et, à vrai dire, la marche rationnelle. De plus, et c’est une remarque que nous aurons à rappeler en bien des sens, quoi qu’il en soit du concours divin, l’homme a persisté chez l’apôtre avec ses obligations et ses responsabilités…

Parmi les faits que les évangélistes rapportent en simples historiens, il en est un qui tient étroitement à notre question et qui la déciderait à lui seul : ce sont les Promesses du Seigneur qui, attachant à l’œuvre apostolique des dons exceptionnels, visiblement surnaturels, les y constatent par cela même…

[Le professeur Jalaguier, dans une étude approfondie de nombreuses déclarations des Evangiles et des Epîtres, établissait que Jésus-Christ a bien promis à ses Apôtres la direction extraordinaire de l’Esprit, et que ce fait, sur lequel ils appuyèrent tout leur enseignement, explique seul la puissance merveilleuse de leur ministère. (Voir la brochure citée). Nous nous bornons à énumérer ici les principaux textes étudiés et à reproduire les considérations apologétiques et les affirmations qu’en tirait notre auteur (Edit.).]

Evangiles (Matthieu 10.8,19 ; Luc 20.35 ; 21.14-15 ; 24.47 ; Actes 1.4, 8 ; Jean 14.12 ; 16.7, 12-17, 26). Peut-on ne laisser subsister dans ces solennelles paroles que l’action générale de la Grâce, rien que ce secours ou ce recours toujours ouvert à la prière, et dont une expérience de dix-huit siècles a révélé, sinon les mystères, du moins les effets ? Il y a évidemment davantage. C’est une intervention divine d’un ordre spécial et supérieur. C’est un Guide céleste qui tiendra la place de Jésus-Christ et le continuera en quelque manière, c’est une lumière qui éclairera le passé, révélera l’avenir et donnera, pure et complète, la vérité sainte.

Pour réduire cela aux effets ordinaires et permanents du Saint-Esprit, à cette énergie vivifiante partout et toujours active, à ce concours divin promis à tous et pour tous les temps, il faut forcer les textes, en ôter ce qui y est, y mettre ce qui n’y est point, leur faire dire ce qu’on croit, au lieu de croire ce qu’ils disent, à l’aide des procédés élastiques de la science du jour qui fait de la Bible ce qu’elle veut, la plie à toutes les fluctuations de la pensée philosophique et théologique, y trouve à son gré tous les contraires… Réduite au concours général de la Providence et de la Grâce, la solennelle promesse du Seigneur n’aurait rien eu de spécial, par conséquent rien d’effectif, rien de réel ; en quoi pouvait-elle donc être l’espoir et l’appui des disciples ? Ainsi expliquée, elle cesse d’être, à vrai dire. Tout ce qu’elle paraît contenir disparaît. Que deviennent ces assertions si expresses : le Saint-Esprit vous sera envoyé à ma prière et en mon nom ; il vous révélera ce que vous ne pourriez comprendre maintenant ; il vous rappellera et vous expliquera ce que vous avez vu ou entendu sans le bien saisir ; il vous dévoilera les destinées et les mystères du Royaume de Dieu ; il vous conduira dans toute la vérité, etc. ? Que devient tout cela qui est justement l’essentiel ? Et que devient, la plupart du temps, le Saint-Esprit lui-même, qui finit par n’être que l’esprit ou le sens chrétien, que la raison ou la conscience régénérées par l’Evangile ? On n’échappe aux textes qu’en changeant, à vrai dire, le point de vue général du Nouveau Testament. Mais les textes et le Nouveau Testament demeurent, pour juger cette science qui les défait et les refait selon son bon plaisir.

On dit, à la véritéd, que rien ne limitant la promesse aux Apôtres, rien, n’autorise à la leur appliquer exclusivement, non plus que bien d’autres. Il serait plus exact de dire qu’à première vue tout la restreint à eux ; et son contenu qui dépasse manifestement ce que les croyants ont le droit d’attendre ; et les circonstances où elle fut prononcée, puisque les Apôtres étaient seuls.

dRevue de Strasbourg, déc. 1851.

Mais il y a, ajoute-t-on, dans ces discours du Seigneur bien des choses qui concernent les disciples en général, non moins que les Douze. Cela est tout simple, car les Douze étaient d’abord des disciples comme les autres ; comme les autres, ils étaient des pécheurs rachetés et appelés à marcher jusqu’à la fin dans la voie de la régénération ; ils se trouvaient sous les mêmes obligations ; ils avaient besoin des mêmes grâces. Mais si les privilèges de l’apôtre n’anéantissaient pas chez eux les devoirs du chrétien, les devoirs du chrétien n’anéantissaient pas non plus les privilèges de l’apôtre. De là vient que, dans ce qui leur est personnel, il existe encore quelque chose de commun à tous les fidèles et à tous les âges. Le Saint-Esprit sera éternellement la lumière et la vie de l’Eglise. Là-dessus, nulle contestation. Mais intervient-il de la même manière dans tous les temps ? A côté de ses dons permanents, n’y a-t-il pas eu des dons temporaires, à la grande époque où s’implantèrent dans le monde le Christianisme et le Royaume des Cieux ?… C’est à l’esprit ou au sens chrétien de faire sur ces points, ainsi que sur tant d’autres de dogme, de morale, de discipline, la distinction que l’Ecriture ne fait pas formellement. Eh bien ! qu’on mette la promesse adressée aux Apôtres dans les derniers discours de Jésus-Christ, qu’on la mette, avec tout ce qui la spécialise, à côté de la promesse générale du Saint-Esprit, et que la conscience et l’expérience chrétiennes prononcent. La pente de la science a toujours été d’élever un des aspects des faits aux dépens de l’autre, parce qu’elle se figure que la vérité n’est que dans l’unité logique ou systématique. De même qu’en dogmatique elle s’est incessamment jetée dans les extrêmes en ne regardant qu’à l’homme, ou à Dieu, soit en Christ, soit dans le chrétien ; de même en ecclésiologie, tantôt elle a placé les Apôtres en dehors de la masse des croyants, à force de les placer au-dessus en ne s’attachant qu’aux traits qui les en séparent, tantôt, ne tenant compte que des caractères qui les y unissent, elle n’a pas voulu les en distinguer. Ici et partout, prenons le fait évangélique dans l’ensemble de ses éléments, et sachons maintenir à la fois le rapport et la différence. Si le rapport est positif, la différence ne l’est pas moins. L’apostolat a eu des attributs, et par là même des droits, qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer rigoureusement, mais qu’il n’est pas possible de contester.

On insiste, et l’on pose cette règle : « Toute parole adressée par Jésus à ceux qui l’entouraient immédiatement, s’adresse à tous les disciples, excepté ce qui est limité soit expressément, soit par les circonstances et par la nature des chosese. »

eRevue de Strasbourg, art, cité ci-dessus.

Ce critère des faits est justement celui que nous avons partout invoqué et essayé d’appliquer, nous l’acceptons donc pleinement. Voyons ce qu’il donne ici. Nous croyons avoir montré, qu’à part les traits internes et externes qui circonscrivent la promesse et y constatent des charismes particuliers aux fondateurs du Christianisme, il est un fait collatéral qui peut servir à tout éclairer et à tout décider. A la promesse du Saint-Esprit, se joint celle des miracles (Jean 14.12-16). Au fond, les deux promesses n’en font qu’une. C’est un double aspect du même don. Et les deux promesses ne sont pas plus restreintes l’une que l’autre, dans les divers textes où elles se rencontrent. Peut-être même celle des miracles l’est-elle moins que celle du Saint-Esprit, à la place et sous la forme où nous l’envisageons (textes cités et Marc 16.17 ; Matthieu 10.20, 23 ; Jean ch. 15 et 16). Ou l’exceptionnel n’est dans aucune des deux promesses, ou il est dans les deux, et tout spécialement dans celle des dons théopneustiques, puisque c’est la plus personnelle, la plus limitée par l’ensemble des circonstances et des expressions. Or, l’exceptionnel a été manifestement dans les dons miraculeux. Si les termes de la déclaration ne le disent pas, les annales de l’Eglise le démontrent… Une fois reconnues l’existence des dons miraculeux dans les premiers temps et leur cessation dans les temps postérieurs double déposition de l’histoire ecclésiastique, nul doute n’est possible ou du moins n’est raisonnable sur la question qui nous occupe ; elle est jugée par le principe qu’on pose, le critère des faits. Ce que la parole du Seigneur pourrait laisser incertain, la Providence l’a décidé ; le commentaire divin a éclairé le texte divin, et d’autant mieux, il convient de ne point l’oublier, que le théopneustique est impliqué dans le miraculeux.

D’ailleurs, cette grande promesse du Seigneur s’accomplit le jour de la Pentecôte. Et là le providentiel exceptionnel se fait voir comme à l’œil, et dans la merveilleuse dispensation dont les disciples furent l’objet, et dans les puissances spirituelles dont ils se trouvèrent revêtus, et dans cette transformation de leurs idées et de leurs sentiments qui changea tout pour eux, en changeant tout en eux. Qu’on prenne simplement et pleinement les données des Livres saints à cet égard, et l’on restera convaincu qu’il y eut là un surnaturel à la fois interne et externe, que la croyance traditionnelle est au fond la seule adéquate, par conséquent la seule admissible, et que les explications qui prétendent faire tout rentrer dans l’ordre naturel violentent la langue et l’histoire évangéliques.

La transformation de la Pentecôte ne saurait se ramener au renouvellement spirituel qui s’opère chez les croyants, et où le progrès de la connaissance chrétienne suit à divers degrés celui de la vie chrétienne. Chez les premiers disciples, il y eut davantage ou, pour mieux dire, il y eut autre chose. C’est plus qu’une évolution, c’est une révolution ; c’est plus que le développement d’idées anciennes qui se rectifient en s’étendant. c’est l’avènement d’une lumière nouvelle, qui transfigure tout à leurs yeux ; ils voient se dissiper ces préventions, ces erreurs, ces fausses espérances que n’avait pu déraciner la parole de Jésus-Christ, le Royaume des Cieux leur apparaît sous un tout autre jour. Si quelques points secondaires demeurent encore plus ou moins voilés, l’essence vitale de l’Evangile, sur laquelle leurs méprises avaient été jusque-là invincibles, leur est manifeste maintenant, ils la saisissent avec une rectitude qui, dès le premier moment, fait de leur doctrine la règle de la foi et la base de l’Eglise (Actes 2.42 ; Éphésiens 2.20)…

Epîtres. — Pour ne pas attendre ici plus qu’il ne peut s’y trouver, il faut se représenter les hommes apostoliques, non dans la position idéale qu’on leur a faite fort souvent, mais dans la position historique que leur font les Livres saints. Les Apôtres se tiennent avec l’Eglise entière au pied de la Croix ; ils sont des chrétiens parmi les chrétiens ; ils tendent sans cesse, conformément aux préceptes et aux exemples du Seigneur, à s’abaisser comme serviteurs plutôt qu’à s’élever comme maîtres ; ils voilent leur prérogative avec les disciples de la même manière que le Seigneur avait voilé avec eux sa gloire et sa divinité, mais ils la laissent percer ça et là, quand les circonstances ou les intérêts de l’Evangile et de leur ministère viennent à l’exiger. Ce sont ces indications occasionnelles, en tant qu’attestations directes du privilège théopneustique, que nous devons examiner … — [Pas plus ici que pour les Evangiles nous n’entrerons dans l’examen des textes. Voir la brochure citée et l’étude spéciale des déclarations de saint Paul à la fin du présent chapitre. (Edit.)] — Parmi les textes des Epîtres qui contiennent le fait théopneustiques voici les principaux : Romains 15.14-19, (cf. 2 Corinthiens 12.12 ; 1 Thessaloniciens 1.5 ; Galates 3.5) ; Romains 16.25-26 ; 1 Corinthiens 2.2, 4-5, 9-13, 16. Dans cette révélation si positivement attestée, on ne fait disparaître le théopneustique proprement dit, qu’en substituant au réalisme biblique ce subjectivisme élastique qui, tout en retenant la terminologie sacrée, la dépouille de son contenu véritable. Mais c’est faire deux Bibles différentes, celle de la science et celle de la foi. Comment s’étonner qu’elles rendent des réponses différentes sur presque tous les problèmes théologiques ?– 1 Corinthiens 11.23 ; 15.1-3 ; 2Cor.3.1-13 : parallèle entre le ministère apostolique et celui de Moïse. (Cf. Jean 1.17 ; Hébreux 3.2-6. ; Éphésiens 2.20) La foi des Apôtres à la théopneustie de Moïse est un fait incontestable. En mettant leur enseignement à côté ou même au-dessus du sien, ne font-ils pas entendre qu’ils reconnaissent et tiennent pour reconnue leur propre théopneustie ? — 2 Corinthiens 4.6-7 ; 5.19-20 ; 1 Thessaloniciens 4.2, (cf. 1 Corinthiens 5.3-5 ; 14.37 ; 1 Timothée 1.20 ; 2 Corinthiens 13.3 ; Galates 1.1-12). Ces solennelles paroles signifient bien que saint Paul tenait immédiatement de Jésus-Christ, ou de Dieu en Christ, sa doctrine comme sa mission, son Evangile comme son apostolat… Dans sa ferme conviction, sa doctrine n’était pas de lui, mais de Dieu. Cependant la haute théologie du moment et la haute exégèse, sa suivante ou sa servante, persistent à réduire l’œuvre de l’Esprit de Dieu chez l’Apôtre au travail de l’esprit de l’Apôtre sur lui-même ; elles font de la révélation, à laquelle il rapporte son ministère et sa doctrine, un effet moral de sa conversion qui, en brisant sa justice pharisaïque, le pousse à se réfugier dans cette justice de la foi, principe fondamental et générateur de son Evangile. Sans doute, dit-on, Dieu lui révéla son Fils, puisqu’il l’affirme ; mais ce ne fut pas en lui découvrant les mystères de sa personne et de son œuvre, ce fut en l’attirant à lui par l’éveil et le développement du sens spirituel qui, anéantissant la justice de la loi, ne laisse d’espoir que dans la justice de la foi… Et l’on s’évertue à montrer dans la scène qui abattit le pharisien persécuteur aux pieds de Jésus-Christ, les origines de ce qu’on nomme avec lui son Evangile.

Mais ce genre d’explication, quelque spécieux qu’on le fasse, se soutiendra-t-il un instant, si nous nous plaçons au point de vue de saint Paul et que nous l’interprétions par lui-même ? Le sens qu’on donne au terme de révélation en est-il le sens réel dans la langue religieuse de l’époque, et ce terme n’est-il pas d’ailleurs déterminé ici par le contexte ? Saint Paul atteste qu’il ne tient des hommes ni son Evangile, ni son apostolat. Son Evangile est tellement de Dieu, que ni lui-même, ni personne sur la terre ou dans le Ciel, n’y peut rien changer (v. 8-9). Etait-il possible de marquer plus nettement la source, la nature, le caractère de la révélation qu’il s’attribue ? S’il l’avait puisée en lui-même, si elle n’eût été que le produit métaphysique ou mystique de son expérience extérieure, elle aurait été de lui, par conséquent de l’homme, dans le sens qu’il dénie et qu’entendaient ses adversaires. Qu’il ne la sépare pas de sa conversion, accordons-le, quoiqu’il ne le dise nullement, qu’en résultera-t-il, sinon. que le surnaturel de l’un des faits constate le surnaturel de l’autre ?…

L’Evangile de saint Paul, c’est ce qu’il prêche, c’est ce qu’il donne comme parole de Dieu et qu’il impose à ce titre, c’est ce que prêchent avec lui les autres hommes apostoliques. (1 Corinthiens 15.1-4,11 ; Romains 2.16 ; 2 Timothée 2.8 ; Éphésiens 3.3-5 ; 1 Thessaloniciens 2.13 ; 4.8, 15 ; 2 Corinthiens 5.19-20)…

Disons un mot de 1 Corinthiens 7.12, 25-40, textes généralement invoqués en preuve de la doctrine ecclésiastique, et aussi, fréquemment retournés contre elle. « Pour ce qui est des autres, ce n’est pas le Seigneur, c’est moi qui leur dis, etc. Pour ce qui est des vierges, je n’ai point reçu de commandement du Seigneur, mais je vous donne un conseil, etc. ». S’il donne là des avis, des conseils, plutôt que des préceptes obligatoires, s’il distingue les recommandations qu’il y fait, des révélations et des prescriptions divines qui forment la matière générale de ses instructions, il en résulte que, partout où n’apparaît pas cette distinction, nous devons recevoir son enseignement comme venant de Dieu. Et s’il veut dire qu’il règle, sous son autorité apostolique, ce que Jésus-Christ n’avait pas eu occasion de régler lui-même, comme le croient certains interprètes (M. Gaussen, par exemple), il place alors sa parole au même rang que celle du Seigneur. Dans les deux cas, ces textes, au lieu de porter atteinte à son inspiration, la supposent et la constatent…

Le témoignage de saint Paul (sur lequel nous reviendrons), a bien la portée qu’y attache le sens chrétien. Et ce qui était chez saint Paul était chez les autres Apôtres ; prouvé pour lui, il l’est pour tous, puisqu’il l’invoque pour se placer, non au-dessus d’eux, mais à leur côté : la révélation qu’il s’attribue est la même que l’Esprit faisait à l’Eglise par tous les grands Evangélistes. — Voir 1 Pierre 1.11, 23-25 ; 2 Pierre 3.16 (où les lettres de saint Paul sont mises au rang des Ecritures : expression décisive, lorsque l’authenticité de cette Epître est reconnue). 1 Jean 5.6, 9 ; Jude 1.17 ; Apocalypse 1.1

La partie épistolaire du Nouveau Testament confirme donc ce qu’annonce sa partie historique. Elles conduisent ; !’une et l’autre à reconnaître que la première prédication chrétienne fut donnée et reçue comme Parole de Dieu, au sens supranaturaliste, par conséquent, comme théopneustique.

Une autre considération mérite d’être rappelée (et elle pourrait, à vrai dire, suffire à elle seule). Les promulgateurs de l’Evangile mettent leur enseignement au même rang que celui des anciens Prophètes. Or, nous savons ce qu’était pour eux l’Ancien Testament. Toute l’Ecriture est divinement inspirée, dit saint Paul ; et ce mot exprime la croyance universelle de ces temps. (1 Pierre 1.11-12)…

Les fondateurs du Christianisme s’attribuent le droit de changer les ordonnances lévitiques, de reformer des institutions que les hommes de Dieu avaient établies en son nom (Actes 15.6-29 ; Galates 5.2, etc.). Acte qui eût été le plus grand des sacrilèges, acte impie à leurs yeux et, par conséquent, impossible, si une lumière et une direction supérieures ne l’avaient légitimé. Jésus-Christ n’avait rien statué sur ce grave sujet ; et ce n’est pas par induction, c’est par révélation que les chefs de l’Eglise l’ont décidé ainsi, c’est l’ordre ou le conseil divin qu’ils ont voulu réaliser…

On croit souvent en avoir fini avec le dogme de l’inspiration, quand on a dit que c’est une idée empruntée à l’Ancien Testament, un reste ou un réchauffé du Judaïsme. Mais que vaut cet argument, par lequel on se figure tout emporter ? La théopneustie apostolique, si elle est réelle, ne peut être qu’un renouvellement de la théopneustie prophétique. Et si les fondateurs du Christianisme ont assimilé la première à la seconde, s’ils ont mis leur enseignement au rang de celui des Voyants d’Israël, il sort de là une des plus fortes preuves du dogme ecclésiastique, pour qui croit au témoignage, si explicite, que les Apôtres rendent, avec Jésus-Christ, de la divinité des Livres sacrés des Juifs. On se trouve alors dans l’alternative ou d’abaisser le Nouveau Testament au-dessous de l’Ancien, ou d’accuser d’erreur les premiers chrétiens comme les chrétiens de tous les temps, et le Seigneur comme les Apôtres ; car s’il est quelque chose de certain, c’est que le Maître et les disciples ont vu dans les Saintes Ecritures les oracles de Dieu

A cette indication générale, joignons celle qui sort de la classification des ministres de l’Evangile dans saint Paul (1 Corinthiens 12.28-30, etc.). Quelque indéterminée que fut l’organisation de cette Eglise, qu’animaient et régissaient des charismes supérieurs, il y existait pourtant une sorte de hiérarchie, créée par ces charismes mêmes, et dans laquelle les Apôtres occupaient le premier rang et les Prophètes le second… Ce qui distingue ces deux ordres supérieurs des ministres de la Parole, c’est qu’ils sont fondateurs et révélateurs (Éphésiens 2.20 ; 3.5), double aspect d’une même prérogative : fondateurs de l’Eglise, elle s’élève sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l’angle ; révélateurs de l’Evangile, le mystère de Dieu est révélé par l’Esprit à ses saints Apôtres et aux Prophètes. Il y a là une donnée trop peu remarquée, qui dit tout à elle seule, pour peu qu’on y soit attentif. La place qu’occupent les Apôtres et les Prophètes, tient aux dons exceptionnels qui les distinguent ; et la théopneustie est un de ces dons ; c’est, à vrai dire, celui que tous les autres ont pour but de signaler et de constater…

Nos recherches, toujours historiques, par conséquent toujours positives, nous ont conduits au même résultat par des voies diverses, ce qui est de nature à en accroître l’évidence et la certitude : car ces différents ordres de preuves se soutiennent mutuellement, ils se contrôlent et se vérifient les uns les autres. Ce sont autant de témoignages indépendants qui, réunis, élèvent à un plus haut degré de force la démonstration morale que chacun d’eux, pris à part, donnait déjà. Ce qu’annonce la promesse, ce qu’implique le miracle, ce que manifeste la prophétie, se trouve au fond des enseignements ; et tout indique qu’il était universellement reconnu dans ces premiers temps, parce que les interventions célestes le rendaient en quelque sorte visible. Le fait que la foi chrétienne a à sa base, sur lequel l’Eglise s’est constamment appuyée, dont le protestantisme a déduit sa maxime et sa règle constitutive, le fait théopneustique, ressort comme de lui-même des données historiques et dogmatiques du Nouveau Testament. Que le mystère qui l’environne rende difficile de s’en former une notion précise, et quelquefois même de le concilier avec d’autres faits également certains, nous ne le contestons point. Mais il est là ; et si nous avons foi aux Ecritures, il faut l’admettre tel quel, avec ses lumières et ses ombres, sans l’étendre ni le restreindre arbitrairement.

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