Théologie Systématique – IV. De l’Église

PREMIÈRE PARTIE
Notion Scripturaire
(questions connexes)

I
Idée générale de l’Église

1. Institution de l’Église

Définition. — Fondée par Jésus-Christ (paraboles, sacrements, apostolat), elle est déjà là à la Pentecôte. — L’Église, étrangère aux intérêts de ce monde, est soumise aux puissances, mais « en Dieu », etc. — Jésus-Christ son seul Chef. — Elle a sa constitution propre parce qu’elle a sa mission spéciale ; ses devoirs fondent ses droits.

L’Église, telle que nous l’envisageons, l’Église concrète, l’Église du Credo, est l’« assemblage des personnes qui font profession de reconnaître Jésus-Christ, qui invoquent son Nom ou sur qui son Nom est invoqué ». C’est l’économie nouvelle dans laquelle tous les peuples sont appelés, à la différence de l’ancienne économie qui ne s’étendait qu’à un seul peuple.

On a demandé si Jésus-Christ a réellement voulu établir une Société religieuse telle que l’Église. Une sorte de radicalisme supranaturaliste aiguise et brandit çà et là cette vieille arme du rationalisme. Mais, vraiment, un pareil doute ne peut s’élever que pour cette science aventureuse qui cherche sa gloire et sa vie dans le paradoxe, ou pour ces esprits systématiques qui font tout céder à une idée préconçue. Comment se persuader qu’il n’y ait qu’erreur dans une croyance qui a dominé la Chrétienté sans interruption, ni contestation, depuis son origine ? Et comment lire le Nouveau Testament sans y voir ce que tout le monde y avait vu jusqu’à présent ? Jésus-Christ annonce à diverses reprises la chute prochaine du Mosaïsme, en même temps que l’établissement d’une nouvelle institution religieuse destinée à couvrir la terre, et désignée sous le nom de « Royaume de Dieu » ou « des Cieux » ainsi que sous celui d’« Église ». C’est le fond de plusieurs de ses paraboles. Il dit à Céphas : « Sur cette, pierre je bâtirai mon Église et les portes etc… et je te donnerai les clefs du Royaume, etc. » (Matthieu 16.18-19). Le royaume dont il proclame l’avènement est là depuis Jean-Baptiste, et il s’ouvre à tous ceux qui croient. Le baptême et la Cène en sont les signes extérieurs. A la mort de Jésus-Christ, les disciples forment déjà une association distincte, et à certains égards organisée ; le collège apostolique lui sert de centre et de lien. Les trois mille personnes converties le jour de la Pentecôte sont dites « ajoutées à l’Église » (Actes 2.47). En réfléchissant aux idées des Juifs concernant le règne du Messie, au langage de Jésus-Christ sur le même sujet, au caractère et au but des sacrements, à l’apparition de la communauté chrétienne immédiatement après l’Ascension, on ne peut méconnaître l’intervention de l’Auteur du Christianisme dans. l’établissement de l’Église, selon la foi constante de la Chrétienté. La nature de l’institution est contestable, l’institution elle-même ne l’est pas. Fondée par Jésus-Christ, constituée par les apôtres, spirituelle dans ses bases comme dans ses fins, venue du Ciel et tendant au Ciel, l’Église reste étrangère aux intérêts terrestres, aux questions civiles et politiques (Matthieu 22.21 : Rendez à César etc. ; Luc 12.14 : Arbitrage refusé). Elle est dans ce monde sans être de ce monde (Jean 18.36). Soumise aux puissances établies (Romains ch. 13 ; 1 Pierre 2.13-17), en tout ce qui ne blesse point la foi et la conscience (Actes 4.19 ; 5.29 : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes). Elle a ses lois et ses institutions particulières (Actes 6.2 : diacres ; Actes 14.23 : anciens ; ch. 15 : assemblée délibérante), parce qu’elle a son but propre, sa mission spéciale. Elle ne connaît qu’un seul Chef, Jésus-Christ (Éphésiens 1.22 ; 4.4, 15, etc.) ; mais elle obéit en son nom aux conducteurs qu’il lui a donnés (1 Corinthiens 12.28 ; Hébreux 13.17).

Il existe « une Église » (Matthieu 16.18 ; 1 Corinthiens 10.32 ; Éphésiens 5.23) et « des églises » (1 Thessaloniciens 2.14 ; 1 Corinthiens 11.16 ; 14.33 ; Romains 16.4 ; Actes 16.1-10). Au point de vue du Nouveau Testament, les églises locales, celles d’une contrée (églises d’Asie), d’une province (églises de Galatie), d’une ville (Jérusalem, Corinthe, Rome), ne sont que les parties constitutives de l’Église générale. De même que les fidèles sont les membres des églises locales où ils vivent, les églises locales sont les membres de l’Église générale, qui est l’Église proprement dite. Ce qui unit en un même corps cette multitude de congrégations, toujours croissantes, répandues dans les diverses parties du monde et souvent inconnues les unes aux autres, c’est qu’elles s’appuient toutes sur Christ ; c’est qu’elles n’ont qu’un seul Dieu, un seul Seigneur, un seul Esprit, une seule foi, un seul baptême (Éphésiens 4.5) ; c’est qu’elles sont sous l’obligation commune de s’éclairer, de s’aider, de s’édifier mutuellement ; c’est qu’elles ont la même règle divine et la même espérance céleste : liens internes et externes, qui forment cette mystérieuse unité, objet de la prière que le Chef suprême de l’Église adressait à son Père, dans le moment où il se donnait pour elle (Jean 17.11-21). Cette communion de la Chrétienté entière dans la foi et la charité serait son état normal, car c’est l’idéal du Nouveau Testament.

L’Église doit veiller à la pureté de la doctrine et du culte, à l’administration des sacrements, à la prédication de la vérité, à la propagation de l’Évangile, au progrès de l’ordre religieux et moral, en s’appuyant avec une pleine assurance sur la protection de son divin Chef (Matthieu 28.19 ; Éphésiens 1.22 ; 4.15). Sa double mission est de développer la vie chrétienne dans son sein et de la répandre au dehors. Quoique nul de ses membres ne reste étranger à ces saintes obligations (Matthieu 5.16), elles sont cependant imposées tout particulièrement aux pasteurs (Actes 20.28 ; Éphésiens 4.11 ; 1 Pierre 5.1). Les devoirs de l’Église fondent ses droits ; car elle ne peut atteindre son but qu’autant qu’elle est maîtresse de son enseignement, de son culte, de sa discipline, et qu’elle ne se lie pas à d’autres intérêts que les siens. Ce qu’on nomme son autonomie résulte de ses attributions et de ses fins. Dans le cours des âges, elle n’a pas toujours su garder la position qui lui est faite par sa nature et sa destination elles-mêmes. Méconnaissant souvent le véritable esprit de l’Évangile et sa mission réelle dans le monde, on l’a vue, selon les temps, aller fort au delà des limites qu’elle aurait dû se prescrire, ou rester fort en deçà ; outrepasser ses droits ou négliger ses devoirs ; se placer sous le joug des puissances, vis-à-vis desquelles elle doit rester libre dans sa soumission (1 Pierre 2.13-16), ou vouloir s’en faire un instrument, et se servir du glaive temporel qui lui est interdit (2 Corinthiens 10.4) et qui ne peut que la blesser lorsqu’elle y touche.

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