Théologie Systématique – IV. De l’Église

5. Conséquences théoriques et pratiques du dualisme constitutif de l’Église

Erreur des systèmes unitaires. — Du caractère d’« institution divine » dérivent le « multitudinisme », le « pédobaptisme », l’« autorité du ministère », le devoir de rechercher l’« unité » intérieure et extérieure, et d’autres « rapports avec l’État » que ne le veut le séparationisme. — En tant que « libre association » elle suppose le droit au « libre examen » et en impose le devoir : principe dit du « Sacerdoce universel ». — Des deux caractères de l’Église dérivent deux tendances, qui doivent se limiter, se compléter, s’équilibrer. — Nécessité de bien distinguer entre le « Christianisme » et « l’Église », entre « l’Église » et » les églises ».

Après avoir constaté dans l’Église le caractère d’institution divine à côté de celui de libre association, et par conséquent le droit collectif à côté du droit individuel, il faut indiquer ce qui résulte de là.

Il est difficile de marquer le rapport général des deux faits, ou des deux caractères constitutifs, et impossible peut-être de le préciser à tous égards, l’Écriture, dans des vues évidemment providentielles, l’ayant laissé indéterminé. Il en est comme du rapport de l’individualité et de l’inspiration dans l’Écriture elle-même, ou de celui de la spontanéité et de la grâce dans le renouvellement spirituel, ou de celui de la liberté et de l’ordre dans l’État.

Cependant la coexistence des deux faits, une fois établie et reconnue, a des suites nécessaires, celle-ci tout d’abord, qui est manifeste et dont tout le reste dépend. Les systèmes unitaires qui, au lieu de coordonner les deux éléments ou les deux principes collatéraux, les subordonnent i’un à l’autre en sens inverse, ce qui revient à les anéantir l’un par i’autre, se condamnent par cela seul qu’ils refont l’œuvre de Dieu. Le point de vue romain et le point de vue radical, aboutissant chacun de son côté à dépouiller l’Église d’un de ses éléments essentiels, sont foncièrement erronés ; et le point de vue de la Réformation, qui maintient le dualisme constitutif, est, en thèse générale, le vrai. Résultat considérable quand on se préoccupe avant tout de constater les principes ou les faits-principes, ainsi que le veulent des temps tels que le nôtre, où, penchant de toutes parts vers les extrêmes, l’indépendantisme se déclare individualiste et l’ecclésiasticisme se fait sacramentel et sacerdotal, comme s’il n’y avait d’alternative qu’entre une sorte de plymouthisme et une sorte de romanisme.

Mais il importe de descendre à quelques détails. Pour arriver à des conclusions un peu positives, plaçons les principales questions du moment devant la notion de l’Église, telle que nous l’ont donnée les Livres saints.

Considérons d’abord l’Église en tant qu’institution divine, et examinons ce qu’impose ou suppose ce caractère supérieur, ce qu’il réclame ou autorise.

Il va sans dire que nous devons nous entourer ici d’une garde de circonspection, puisque nous sommes dans l’ordre surnaturel. Quelque certain que soit en lui-même le fait dont il s’agit, les inductions qui en sortent, évidentes et sûres quand elles sont immédiates, le deviennent toujours moins à mesure qu’elles s’étendent : ce sont des lignes auxquelles on ne peut se fier pleinement qu’à la condition de ne pas les prolonger arbitraire

ment. Il faut veiller avec un religieux scrupule à ne pas rester en deçà de la donnée biblique et à ne pas aller au delà, à n’en rien ôter et à n’y rien ajouter : travail délicat, sur lequel nous nous bornerons à quelques aperçus.

Envisagée sous ce premier aspecta, l’Église est une sorte d’État spirituel, dont le centre se trouve en dehors de la Terre, province perdue qu’il doit reconquérir ; c’est « un royaume », le Royaume des Cieux, qui vient rallier à lui les royaumes d’ici bas, tout en les laissant à eux-mêmes pour le temporel. Jérusalem d’En Haut, ainsi que la nomment les Livres saints, l’Église est dans ce monde sans être de ce monde. Elle a son origine, sa base, sa loi dans ces régions supérieures d’où elle descend et où elle puise sa lumière et sa force. Les nations sont son héritage, et son œuvre est de les attirer et de les rassembler sous son ; sceptre, en attirant une à une les âmes dont elles se composent. L’important pour elle est de réaliser, le plus promptement et le plus complètement possible, sa fin suprême, savoir la soumission des peuples à l’obéissance de Christ. Or, là se pose une des questions les plus graves de l’ecclésiologie : Quelle marche l’Église est-elle tenue de suivre dans ses admissions et ses exclusions ? doit-elle se montrer facile ou sévère ? — A première vue il semble que le meilleur moyen de hâter la conquête morale qu’elle a à faire, est d’ouvrir son enceinte à tous ceux qui viennent, et d’y retenir tous ceux qui veulent rester, tous ceux qui consentent à se placer sous sa bannière et sous sa parole. Sa grande obligation, et conséquemment sa grande fonction, est de répandre la foi par la vérité, et la vie par la foi. N’est-elle pas autorisée dès lors à élargir sa tente, pour agrandir et multiplier son action ? Si elle n’existait qu’à titre de manifestation d’une conception ou d’une direction chrétienne spéciale, si elle n’était que la communion des saints, comme le veut la dissidence, ou qu’une association conventionnelle, une confession et une profession organisée, comme l’entend l’indépendantisme libéral, elle ne pourrait évidemment procéder ainsi ; elle devrait demandera qui s’approcherait d’elle, non seulement : « que voulez-vous devenir ? » mais « qu’êtes-vous ? quelles sont, dès à présent, vos convictions et vos dispositions religieuses ? » « vous ne pouvez entrer qu’autant que vos principes sont les miens, qu’autant que vous êtes déjà ce que je suis. » La nécessité de cette enquête préalable naîtrait pour elle de sa nature même ; en agissant autrement, elle méconnaîtrait sa constitution et sa fin. Représentation d’une dogmatique ou d’une ascétique déterminée, elle ne pourrait admettre que qui adhère pleinement à sa doctrine et à sa discipline. Il en serait d’elle comme de ces libres associations qui se sont formées de tout temps au sein du Catholicisme lui-même, et qui s’appelaient des religions.

a – Dans la disposition présente des esprits au sein de notre Protestantisme, ce n’est pas chose facile que de se mettre et de se maintenir à ce point de vue. On a besoin pour cela de regarder moins à ce qui est qu’à ce qui devrait être, en se plaçant devant un idéal qui semble fantastique tant le réel le contredit.

Mais, dès que l’Église existe à un autre titre, dès qu’elle a ailleurs que dans une sorte de contrat social, son fondement et son appui, dès que sa raison d’être est en Dieu, à qui elle est chargée de ramener les peuples, elle a moins à regarder à elle qu’à son œuvre ou à sa mission ; elle a moins à s’occuper de ses périls et plus de ses devoirs. Institution divine, elle peut se reposer sur la vertu divine et braver des atteintes au-dessus desquelles elle se sent placée. Sans doute, il faut qu’elle veille à ne pas laisser altérer les conditions de sa vie, qui sont celles de sa puissance ; son contact avec le monde ne doit pas être une connivence avec le monde, qu’elle n’attirerait à elle qu’en se livrant à lui ; triomphe apparent, qui cacherait une défaite réelle. Il faut qu’elle garde le dépôt de la foi, auquel sont attachées les vertus célestes qui agissent en elle et pour elle ; il faut qu’elle maintienne au niveau évangélique la règle divine de la vérité et de la sainteté ; il le faut, car en cédant là-dessus, elle cesserait d’être elle-même. Mais ces réserves faites, elle a toute liberté de suivre la voie qui la conduit le plus rapidement à son but, le triomphe universel du Christianisme. La question de savoir si elle doit tenir ses portes ouvertes ou fermées n’est pas alors une question de principe, elle est simplement une question d’expédience, et ainsi déterminée elle est décidée. Avec sa base supramondaine, avec les garanties qu’elle y trouve, l’Église peut être large dans ses admissions, et si cette largeur assure ou facilite ses succès, elle est plus que licite, elle est obligatoire. L’Église n’est pas uniquement un temple, elle est aussi une école, ou si l’on ne veut voir en elle qu’un temple, il faut reconnaître qu’elle renferme et le sanctuaire et le parvis ; non seulement on y sert le Dieu-Sauveur, mais on y enseigne et l’on y apprend à le servir.

Dès lors, et pour employer le terme consacré, elle peut être multitudiniste ; elle peut l’être, et si par là elle étend et accroît son action, elle doit l’être, bien entendu dans les limites indiquées ; sa constitution lui en donne le droit, sa destination lui en impose alors le devoir. Aussi l’a-t-elle été dès l’origine, comme on le vit à la Pentecôte où elle reçut tout ce qui se présenta. Elle l’a été dans sa fondation, parce qu’elle l’est dans le plan divin, ainsi que le montreraient à elles seules les paraboles de l’ivraie et du filet.

Ce point si vivement débattu se résout ainsi comme de lui-même par la notion scripturaire de l’Église ; si l’Église n’était qu’une doctrine ou une vie spéciale constituée en association, le multitudinisme serait un désordre contre lequel elle ne saurait trop se prémunir. Mais dès qu’elle est une institution d’un ordre supérieur, que garde la main divine qui l’a fondée, dès qu’elle a en dehors et au-dessus des déterminations ou des garanties humaines, sa raison et sa fin, sa base et sa loi, le multitudinisme lui est permis, toutes les fois qu’il n’expose pas son principe et qu’il sert à son but ; plus grandit l’idée d’institution, plus s’étend la possibilité du multitudinisme, et par suite sa légitimité. — Je ne prétends certes point que tout soit décidé par là, car j’ai parlé de limites ; mais si la question de forme ou d’opportunité demeure, celle de fond ou de droit ne peut plus laisser de doute, et c’est l’important.

Ce point gagné en entraîne d’autres, en particulier le pédobaptisme (autre question qui se pose partout, et infiniment plus grave qu’il ne le semble au premier abord). Si l’Église peut recevoir qui veut venir, et garder qui veut rester, sa conduite est tracée envers les enfants nés dans son sein, et vis-à-vis desquels elle est évidemment chargée d’une responsabilité spéciale. On lui concède le droit ou, pour mieux dire, on lui reconnaît le devoir de les retenir sous l’influence de la prière et des moyens de grâce, de les environner le plus possible d’une atmosphère religieuse, de leur inoculer dès leurs premiers ans les sentiments de la foi, les impressions de la piété, l’esprit chrétien, tel qu’elle le saisit et le possède elle-même, et de les considérer ainsi, sous bien des rapports, comme siens. L’antipédobaptisme n’a jamais poussé, que je sache, jusqu’à vouloir enlever à l’Église cette sorte d’adoption et de maternité spirituelle, jusqu’à lui contester cette action qu’elle exerce sur les enfants placés par la Providence sous sa garde et sous sa tutelle ; il s’est toujours arrêté devant cette conséquence que lui imposerait la logique, comme elle l’imposa à Rousseau. Les baptistes ont beau dire (ce que personne ne leur conteste) qu’il n’y a de vraie religion que dans une adhésion raisonnée et toute personnelle, que dans une conviction libre et réfléchie, ils ont beau tourner et retourner en tous sens ce principe, ils ne négligent point la pédagogie chrétienne. Un sentiment, plus fort que les raisonnements et les systèmes, y ramène malgré qu’on en ait. Cet effort de l’Église pour s’emparer, dès le premier âge, des esprits et des cœurs, pour les lier en quelque sorte d’avance à ses idées propres, n’est pourtant légitime, surtout il ne peut être obligatoire, qu’autant que les enfants lui appartiennent sous quelque rapport et à quelque degré, et s’ils lui appartiennent, n’est-elle pas autorisée à les marquer de son sceau ? Il ne faut pas oublier que le baptême, symbole de régénération, est aussi le signe extérieur qui sépare l’Église du monde ; à cet égard, il est pour l’enfant ce qu’il est mille fois pour l’adulte, même dans les congrégations qui soumettent au plus sévère noviciat. Le baptême que l’homme donne à l’homme n’est jamais qu’un acte figuratif ; c’est le baptême d’eau, non le baptême d’esprit. On comprend, dès lors, que le pédobaptisme se soit établi comme de lui-même. S’il ne s’impose pas, il se légitime, tant il sort naturellement des obligations où l’Église se sent vis-à-vis de ces êtres que le Christ appelait à lui, et que lui confie une Providence spéciale. Si l’Église, par sa nature et par sa destination, peut être multitudiniste, le pédobaptisme est justifié. Il n’y a pas plus de motif pour elle à refuser le rite sacré à l’enfance qu’à la foule de chrétiens de nom, à qui elle est toujours mise en demeure de l’administrer. Du reste, nous ne prétendons point trancher en quelques mots cette question devenue si grave ; nous n’y touchons, ainsi qu’à bien d’autres, qu’en tant qu’elle vient se placer sous la lumière du principe dont nous cherchons à nous rendre compte. Nous aurons à l’examiner ailleurs plus directement.

Du principe que nous tenons pour convenu, je veux dire le caractère d’institution divine dans l’Église, il dérive donc, sinon l’obligation, du moins l’autorisation du multitudinisme et, par suite, du pédobaptisme.

Mais les conséquences du principe ne s’arrêtent pas là. En voici une autre d’une évidence tout aussi immédiate. L’Église étant d’institution divine, le ministère l’est aussi. De là le caractère de l’autorité qu’il exerce et de la soumission qu’il réclame : autorité, soumission, qu’on ne saurait maintenir avec trop de soin dans leurs limites scripturaires, car elles ne sont légitimes qu’à cette condition, mais qui n’en sont pas moins réelles pour n’être pas absolues. Si cela ne fonde nullement la théocratie ou le sacerdotalisme, pas plus que l’institution divine de la magistrature ne fonde l’autocratie, cela environne le ministère évangélique d’une auréole qui fait en partie sa force, et dont le radicalisme le dépouille. Il est bien clair que les attributions de la charge pastorale apparaissent tout autres, selon qu’on la considère comme étant de droit divin ou simplement de droit humain.

Du même principe, il résulte encore qu’on doit respecter, rechercher, garder l’ unité, non pas seulement l’unité intérieure qui n’est point en cause et qui va de soi, mais l’unité extérieure, dont on fait si bon marché de nos jours. Je ne parle pas, en ce moment, de ce qui se peut dans l’état présent des choses, je parle de ce qui se doit, et bien des impossibilités prétendues disparaîtraient peut-être devant le sentiment du devoir, s’il était profond et général. Oublions ce qui est pour regarder à ce qui devrait être, d’après le plan divin que nous ont révélé les Écritures. Evidemment l’unité est un des attributs essentiels du Royaume des Cieux, comme des royaumes de la terre. Les ruptures qui le divisent en campements étrangers les uns aux autres et le plus souvent hostiles, compromettent sa dignité, sa destination et jusqu’à son existence. Sa dignité, car l’esprit de secte ou l’esprit de parti, y prend la place de l’esprit évangélique ; sa destination, car on consume dans des luttes intestines, on morcelle, on disperse les ressources et les forces qu’il aurait fallu ramasser pour les porter ensemble à la conquête du monde ; son existence elle-même, car les diverses directions, pour se miner mutuellement, arrivent à miner, tantôt sur un point tantôt sur l’autre, le fond même du Christianisme, et l’incrédulité n’a qu’à faire la synthèse de leurs négations partielles pour motiver sa négation totale.

L’unité n’est pas l’uniformité, je le veux ; elle s’associe à la diversité dans toutes les œuvres de Dieu, et la vie de la foi exige probablement qu’il en soit ainsi dans l’œuvre de la grâce. Le Royaume de Christ peut, sans se briser, se partager en provinces distinctes ; il peut y avoir l’Église et les églises (ecclesiolæ in Ecclesia). J’accorde encore que, par l’effet d’aberrations dogmatiques et pratiques, les divergences peuvent devenir si profondes qu’elles constituent des religions différentes, et rendent les scissions inévitables en les rendant obligatoires. A côté du devoir de l’union est le droit de séparation, droit redoutable dont il ne faut faire usage qu’avec crainte et tremblement, mais auquel on peut être contraint de recourir. Je reconnais les hautes nécessités qui ont amené le fractionnement actuel et qui menacent de l’étendre. Mais l’erreur est de prendre cet état pour l’état régulier, en transformant le fait en principe, la déviation en loi. Non, ce n’est pas là l’idéal chrétien, ce n’est pas ce que doit et veut être le Royaume de Dieu. Que ceux qui ne voient dans la Société religieuse que des congrégations transitoires, reflet et produit du mouvement de l’opinion, s’attachent à cette vue et s’efforcent de la légitimer, je le comprends. Mais ceux qui, par delà l’association humaine, voient l’institution divine, ne sauraient faire de même, car l’ordre et le plan divin se montrent à eux sous un autre aspect, qui ne leur permet point de s’unir aux théories dissolvantes, de quelque appareil dialectique et mystique qu’elles s’entourent. S’ils repoussent ce socialisme formaliste, qui sacrifie à une uniformité menteuse l’élément de liberté, le droit du chrétien, ils ne peuvent sympathiser à cet individualisme qui méconnaît l’élément d’autorité, le devoir du chrétien, et réduirait tout en poussière.

Le dogme du morcellement est l’hérésie ecclésiologique de nos jours ; mais la notion de l’unité, tout obscurcie et faussée qu’elle est maintenant, ressortira tôt ou tard de la notion scripturaire de l’Église. Les systèmes passent, les principes restent. L’Église, contre laquelle ne prévaudront point les portes de l’Enfer, triomphera des erreurs de ses enfants comme des attaques de ses ennemis. L’Esprit de Christ la ramènera à sa loi souveraine par la puissance de la vérité et de la charité. Il n’y aura un jour, nous le savons, qu’un seul troupeau, comme il n y a qu’un seul Pasteur, et nous devons aspirer à ce jour prédit. S’il nous est impossible, dans l’état présent des idées et des choses, de concevoir par la raison cette transformation de la Chrétienté, nous pouvons, nous devons l’espérer et la contempler d’avance par la foib.

b – La question de l’unité de l’Église sera reprise au chapitre suivant et traitée avec toute l’ampleur qu’elle mérite. (Edit.)

Nous pourrions montrer encore, de ce point de vue, que l’Église, postulant la catholicité et tendant ou devant tendre à la réaliser, ses rapports avec l’État ne sauraient être, en principe, ce que les veut le radicalisme. La séparation absolue qu’il pose en droit et qu’il s’efforce de traduire en fait, possible peut-être avec un nombre indéfini de petites congrégations, contenues les unes par les autres et vis-à-vis d’elles-mêmes et vis-à vis de l’État, ne l’est pas avec une Église générale qui, embrassant le pays entier où elle aurait ses institutions, ses fondations, ses œuvres, se trouverait sur mille points en contact et pourrait, par. là même, entrer en conflit avec le corps politique. Pour que les deux corps ainsi mêlés aient leur libre action, en conservant chacun son indépendance propre, son autonomie respective, il y faut évidemment une union réglée. Je dis union, et ce système n’a vraiment pas été discuté jusqu’ici. On le confond avec le système de fusion, qu’il repousse, et l’on se figure l’avoir jugéc.

c – Notre auteur s’expliquera plus loin à cet égard (Edit.)

Voilà quelques corollaires du caractère d’institution et du droit collectif qu’il fonde. Indiquons ce que donne le caractère d’association, le droit individuel ; car il faut tenir les deux constamment unis, comme ils le sont dans l’Écriture, pour rester dans le vrai. Les reconnaître l’un et l’autre au point de départ, et puis ne tenir compte en réalité que d’un seul dans la déduction ou la construction systématique, c’est, je le veux, rendre cette déduction plus facile et plus nette, mais c’est aussi la faire radicalement erronée.

Sous ce second aspect, que les termes de « libre association », de « droit individuel », n’expriment qu’imparfaitement, l’Église, se montrant comme un produit spontané du sentiment chrétien, comme un épanouissement de la foi, ou de la vie de la foi, suppose cette foi, cette vie chez ses adhérents, et ce qu’elle suppose, elle l’exige. Mis en relation immédiate avec Dieu en Christ, le croyant est fait roi et sacrificateur, selon l’expression biblique ; et à cette haute prérogative se lient des droits et des devoirs correspondants. Le Livre des révélations lui est ouvert, et il doit y chercher, par lui-même, la règle de la vérité et de la sainteté ; appelé, sous sa propre responsabilité, et en quelque sorte à ses risques et périls, à croître continuellement dans la connaissance et dans la grâce, à combattre l’erreur et le mal, il est obligé de garder pur le dépôt de la foi, par une scrupuleuse fidélité à ce qu’il juge le vrai et le bien devant Dieu. De là le devoir d’« examiner toutes choses », doctrines et églises, « afin de retenir ce qui est bon » ; de là, par conséquent, le droit du jugement individuel : devoir et droit qui doivent être constamment contrôlés par d’autres, mais qui ressortent de l’esprit comme de la lettre de l’Évangile. Les attributions de la conscience religieuse et morale, de la conscience personnelle, suivant le langage du jour, apparaissent vives et fortes à un point de vue où tout se passe, en définitive, entre l’âme et Dieu.

Ce principe, si célébré aujourd’hui sous le nom de sacerdoce universel, relève et sauvegarde l’élément spirituel de la communauté chrétienne, en maintenant le rapport direct des fidèles avec le Sauveur, en même temps que la norme scripturaire, à laquelle tout doit se ramener. Poussant à la réalisation du pur idéal évangélique, s’attaquant à tout ce qui le rabaisse ou l’altère, il empêche l’Église de s’immobiliser et de se séculariser ; il reporte sans cesse en première ligne le fond doctrinal et vital d’où sort l’unité intérieure, hors de laquelle l’unité extérieure n’est qu’une apparence menteuse. Il tient en garde contre les excès et les dangers du multitudinisme, de même que contre le formalisme de l’orthodoxie et du culte, cette religion morte où l’homme est si enclin à se réfugier. Contenu dans ses justes limites, il entretient, à côté du respect de ce qui est, la recherche de ce qui doit être ; il produit le mouvement dans l’ordre, conformément à une des grandes lois providentielles qui régissent le monde moral comme le monde physique.

Mais on voit tout de suite que, malgré sa légitimité, s’il devient trop prépondérant, surtout s’il se fait absolu, ce principe crée une tendance non moins périlleuse que l’est la précédente, livrée à elle-même sans contrôle. Pour éviter les écueils de droite, il jette sur ceux de gauche. Si l’une des tendances donne à la longue ce qu’on a nommé le socialisme ecclésiastique, l’autre engendre un égotisme et un séparatisme sans frein. Il en est dans la sphère religieuse comme dans la sphère politique, où l’abus du droit collectif, érigé en droit divin, finit par coucher les peuples sous un joug auquel ils n’osent toucher ; tandis que l’abus du droit individuel les tient dans un état permanent de surexcitation et d’insurrection.

Le mouvement général des idées et des choses nous place, de plus en plus, sur ces pentes extrêmes. La voie moyenne, la seule vraie et la seule sûre, est toujours moins suivie. La réaction contre les écarts d’un dogmatisme dissident avait jeté l’Angleterre dans le Puséysme qui la travaille encore ; les excès d’un rationalisme et d’un latitudinarisme devant lesquels tout s’évapore, jette l’Allemagne dans un confessionalisme où l’acte liturgique remplace la vertu mystique de la foi : aberration qui prépare des conquêtes à Rome sur la terre de la Réformation, comme elle lui en a donné sur le sol le plus ferme du Protestantisme.

Oh ! que nos temps sont graves ! D’un côté le flot montant d’une science qui se glorifie de renverser le Christianisme en l’expliquant ou en le dépassant ; d’un autre côté, au sein du Christianisme lui-même, un trouble immense de la théologie et de l’ecclésiologie, des principes et des faits. L’indépendantisme surexcite l’ecclésiasticisme et l’ecclésiasticisme l’indépendantisme, qui s’exagèrent l’un l’autre en se repoussant. La marche la plus effective ou la seule effective vis-à vis d’eux, est de reconnaître à chacun la portion de vérité qu’il représente, et de lui demander de reconnaître à son tour celle qu’il néglige, c’est-à-dire de remonter aux principes constitutifs et de laisser à tous leur rôle et leur rang. Sachons les maintenir dans leur intégrité contre les directions qui les mutilent ou les faussent. Là est notre obligation et notre sûreté.

En résumé, des deux caractères, ou des deux aspects de l’Église, posés trop exclusivement, dérivent deux tendances qui doivent se limiter, se compléter, s’équilibrer, à tel point que chacune donne l’erreur au lieu de la vérité, le mal au lieu du bien, lorsqu’elle s’isole en se développant sur sa ligne logique, ainsi que le montrent, comme à l’œil, d’une part le Puséysme anglais, le confessionalisme allemand, et de l’autre l’indépendantisme dogmatique et libéral. La première de ces tendances, étendant le bénéfice de l’institution divine, avec les droits qu’elle confère, à une organisation toujours humaine, quelque basée qu’elle puisse être sur les données de la révélation, expose à mettre avant tout les intérêts de l’Église, qu’elle identifie avec le Christianisme, et à subordonner le spirituel au rituel. Pour attirer plus aisément le monde à l’Évangile, elle peut laisser mitiger l’esprit de l’Évangile par l’esprit du monde, transaction adultère, qui l’abaisse et la ruine en paraissant la servir et la glorifier. Elle peut, de concession en concession, compromettre en toute chose le fond par la forme, la piété par l’observance, le sentiment chrétien par l’acte liturgique, la vie de la foi par la profession de foi, et changer la religion tout entière en un opus operatum, sorte de pharisaïsme, qui a souvent envahi la Chrétienté, et auquel s’adressait déjà cette parole de l’Apocalypse : « Tu as le bruit d’être vivant, mais tu es mort. » Alors même que les ordonnances ecclésiastiques répètent avec l’Écriture que « Dieu regarde au cœur », elles n’atteignent, en fait, que les dehors ; et si elles portent plus haut, elles remplacent d’ordinaire la sanctification évangélique, qui veut animer la vie de la terre de la vie du Ciel, par un rigorisme ascétique qui cherche la vie du Ciel en rompant avec la vie de la terre. De plus, cette direction, tendant par son principe même à faire passer incessamment à l’Église visible les prérogatives de l’Église invisible, elle peut étendre à tout son pouvoir de lier et de délier, élever son autorité jusqu’à l’extinction de la libre spontanéité que pose ou suppose partout l’Évangile, et courber de nouveau les âmes sous le joug des traditions et des ordonnances humaines. Absolutisme, légalisme, formalisme, voilà les écueils de cette direction, sortie de ses bornes et devenue souveraine. Les Églises latine, grecque, orientale, le montrent à qui veut le voir. Le Protestantisme l’a montré lui-même bien des fois ; au xviie siècle, par exemple, et, en particulier, dans sa forme anglicane et dans sa forme luthérienne.

L’autre direction, en se faisant absolue et exclusive, comme il lui arrive si fréquemment aujourd’hui, sort également de la voie véritable et jette sur des écueils opposés. Pour fuir le socialisme, elle pousse à un individualisme qui finirait par tout compromettre, car le dernier mot de l’autonomie qu’elle célèbre est, en bonne logique, que l’on ne doit croire et obéir qu’à soi. Si l’Église, comme l’Évangile, dont elle est ou doit être l’expression, respecte et sauvegarde l’individualité dans l’intérêt de la responsabilité, si elle laisse à la conscience personnelle tous ses droits pour lui laisser tous ses devoirs, il n’en est pas moins vrai qu’elle est un corps, que la socialité fait sa vie, et que l’unité est un de ses attributs ou de ses postulats essentiels. Elle est, sans doute, une société spirituelle, mais une société réelle, providentielle, surnaturelle à bien des égards, qui a, par conséquent, d’autres bases et d’autres lois que les mobiles opinions de l’homme. On voit que par ce côté les théories radicales sont l’antipode de la notion scripturaire, tout autant que les théories théocratiques le sont par l’autre côté. Posez en principe que l’Église chrétienne n’est qu’une résultante historique de la foi et de la vie chrétienne, non seulement vous la dépouillez par là des attributions supérieures dont la revêt l’Écriture, mais vous êtes conduit, par la logique du système, à exiger qu’elle soit la représentation adéquate de son principe, et, par suite, à établir pour condition d’admission la vérité et la sainteté absolues, la plénitude de la foi et de la régénération, puisqu’en deçà se trouve, à un degré ou à l’autre, ce mélange impur qu’on flétrit sous le nom de multitudinisme, et qui fait rompre avec les Églises nationales. Or, l’expérience, plus forte que la logique du système, ayant prouvé que c’est là une utopie, on se rabat ou sur une certaine détermination de la vérité ou de la sainteté évangélique, arbitrairement érigée en norme, ou sur la profession verbale de cette vérité et de cette sainteté : un puritanisme apparent se substitue au puritanisme réel qu’implique le principe (indépendantisme dogmatique). Ou bien, se jetant dans l’extrême latitudinarisme, on demande uniquement que chacun proclame ses convictions, en appelant à soi ceux qui les partagent, et en courant même le risque de demeurer seul (indépendantisme libéral). Evidemment, c’est trop et trop peu. Je ne veux juger ici le principe que par ce qu’il donne. De quelques restrictions qu’on l’entoure, avec quelque talent qu’on l’expose, quelque prestige qu’il exerce dans certaines de ses directions, son résultat final, à moins qu’on n’y pare par une inconséquence, a toujours quelque chose qui blesse profondément le sens chrétien, comme l’esprit et la lettre des Écritures. Son dernier mot est celui-ci : « L’Église n’existe pas, il n’existe que des églisesd. » L’idéal universellement admis et constamment poursuivi durant dix-huit siècles est une illusion que dissipe la science. Au lieu d’un royaume, des campements isolés et nomades ; au lieu d’un foyer central et permanent de lumière et de vie, grandissant par sa propre flamme, des foyers détachés qui s’allument et s’éteignent incessamment ; la société chrétienne brisée en fractions toujours plus nombreuses, le monde chrétien toujours à l’état de pays de mission ; et cet état, dont on gémissait jusqu’ici comme d’un désordre, constituant l’ordre même, l’ordre éternel et divin. Voilà le terme logique de l’indépendantisme, et déjà son terme historique. Eh bien ! encore une fois, la conséquence juge le principe. Une doctrine qui a ainsi l’erreur à son terme — car, faire d’un fractionnement indéfini l’état régulier de la Chrétienté est certainement une erreur — cette doctrine a nécessairement l’erreur à son point de départ.

d – Schérer, Esquisse, etc.

Ne nous lassons pas de le dire, les deux directions antagonistes sont tout ensemble excessives et partielles ; elles dénaturent en sens inverse la notion scripturaire de l’Église, dont elles prétendent être l’expression exacte ou l’évolution normale. C’est un double écart contre lequel il faut également se prémunir.

Mais, nous crie la direction patronnée par la pensée du jour, le principe de l’indépendantisme, qui n’est que la prééminence de l’esprit sur la lettre, est vrai en soi, il l’est bibliquement aussi bien que rationnellement, vous le reconnaissez vous-même. — Oui, ce principe est vrai, mais dans sa mesure et à son rang ; il est vrai, mais incomplet ; et il se fausse en s’exagérant.

Au lieu de s’isoler et de se repousser, il faut que les deux principes s’unissent et s’équilibrent : ils doivent être coordonnés et non subordonnés. Les subordonner l’un à l’autre, c’est, en fin de compte, les absorber l’un dans l’autre et renverser l’ordre providentiel, ainsi que l’ont fait la plupart des constitutions ecclésiastiques et que le font généralement les théories théologiques.

Mais, cette coordination, d’où sortirait le mouvement régulier et progressif de la Chrétienté, comment l’opérer ? Sans prétendre résoudre cette question des questions, qui est pour l’Église ce qu’est pour l’État celle de la liberté et de l’autorité, ou celle de l’indépendance personnelle et de l’ordre public, nous essaierons d’en marquer quelques points, à mesure qu’elle viendra se poser devant nous sous ses divers aspects. Dans tous les cas, ce qui est acquis dès à présent, ce qui doit dominer la théorie et la pratique, c’est le dualisme interne, constitutif, irréductible du phénomène ecclésiastique, et conséquemment l’erreur radicale des systèmes unitaires : point capital, s’il était une fois décidément et universellement reconnu ; car il fournirait, sinon l’organisation elle-même, du moins sa base et sa loi ; s’il ne donnait pas la solution du problème, il ouvrirait et tracerait la route dans laquelle il faut la chercher.

Je terminerai ces considérations générales par une remarque qu’il peut être utile de rappeler. Il n’est pas rare que l’on confonde l’Église chrétienne avec le Christianisme, de même que l’Église protestante avec le Protestantisme, ou que l’on argumente comme si les deux termes pouvaient s’échanger. Cette confusion, fort commune, est une grande source d’erreur. Il serait bien essentiel et, ce semble, bien facile de l’éviter.

Le Christianisme est si peu l’Église, qu’on peut, avec l’esprit chrétien, repousser toutes les églises chrétiennes, comme on peut, avec l’esprit protestant, se tenir éloigné de toutes les églises protestantes (Darbysme). Une Église est l’esprit revêtu d’un corps, l’idée sous forme déterminée, avec un ensemble d’institutions et de règles, de dogmes et de rites, où entrent nécessairement bien des éléments humains, et, par suite, bien des imperfections. Le pur idéal évangélique, symbole ou reflet du Ciel, ne se retrouve jamais pleinement dans la réalisation terrestre. Quelles que soient les sévérités dont s’arme une Église pour maintenir l’intégrité de sa doctrine et de sa discipline, elle ne sera jamais, même en théorie, ce qu’elle se croit peut-être, une représentation adéquate de l’Église invisible. Et la Chrétienté, qu’on peut, à un certain point de vue, considérer comme l’Église universelle, se distingue par des caractères bien tranchés des églises proprement dites. La Chrétienté, prise en soi, est sans organisation ; les églises sont organisées : la Chrétienté n’est autre chose que le monde chrétien en opposition avec le monde non chrétien ; les églises ont de plus des institutions positives, des formules dogmatiques, des règles disciplinaires, qui les constituent chacune à part.

Sans doute, cette différence intrinsèque entre le Christianisme et l’Église n’est ni méconnue ni contestée. Et pourtant il n’est pas rare que dans les discussions on la tienne comme si elle n’était pas. Il y a là, au fond, une sorte d’hommage rendu au principe ou au postulat de catholicité par ceux-là mêmes qui le combattent.

Ce qui est vrai des églises chrétiennes vis-à-vis du Christianisme ou de la Chrétienté, l’est également des églises protestantes vis-à-vis du Protestantisme. Le latitudinarisme a longtemps affirmé que le principe protestant : « la Bible et l’examen » suffit à l’Église comme il suffit au fidèle, et que, par conséquent, l’Église protestante n’est que la résultante ou l’application de ce principe, qui, la faisant tout ce qu’elle doit être, constitue, par cela même, sa norme souveraine, comme il constitue sa base fondamentale. Il y a, certes, de la vérité dans cette assertion, quoiqu’elle n’ait été trop souvent qu’une arme de guerre, à peu près abandonnée aujourd’hui. Si la Bible, universellement reçue pour règle divine de la foi, était lue, méditée, suivie avec la religieuse soumission qu’elle réclame, si on la laissait dire simplement ce qu’elle dit, et rien que ce qu’elle dit, y cherchant uniquement à être enseigné de Dieu, elle donnerait, je n’en doute point, l’unité générale de croyance et de vie nécessaire à la direction de l’Église. Elle le fera, quand l’esprit de Christ animera plus réellement et plus complètement la Chrétienté. L’erreur du système est d’oublier ce qui est, pour poser comme existant ce qui devrait être. On peut bien dire que le Protestantisme est la Bible et l’examen, la Bible théopneustique et la foi personnelle puisée dans la Bible ; c’est là, en effet, ce qui le caractérise dans son opposition au Catholicisme d’une part, et, de l’autre, au rationalisme. Mais les églises protestantes sont des associations constituées chacune autour d’une libre interprétation de la Bible. Par delà le principe général du Protestantisme, qui leur est commun à toutes, elles ont des doctrines, des pratiques, des formes particulières, qui les distinguent et les séparent les unes des autres. Aussi longtemps que ce principe n’aura pas donné un accord plus profond et plus complet, il y aura l’Église protestante, ou le Protestantisme, et les églises protestantes.

Cette observation subsiste alors même qu’on établit pour fondement ou pour facteur, non la doctrine, mais la vie, non la Bible, mais le Christ ; car on ne s’entend pas plus sur le Christ que sur la Bible. Cela ne mène donc à rien d’effectif ; à moins qu’on ne suppose que ce simple déplacement des termes fera cesser la divergence des opinions, supposition qu’on semble faire réellement, mais qui est bien enfantine, on en conviendra.

Il y a donc dans la notion concrète d’Église chrétienne, ou d’Église protestante, plus ou moins que dans la notion abstraite de Protestantisme ou de Christianisme. Ce sont choses distinctes, quoique étroitement unies. Les confondre, dans l’intérêt de la systématisation ou de l’argumentation, c’est les fausser ; et cette confusion, d’où naissent ou peuvent naître les plus graves méprises, est, je le répète, très fréquente ; les meilleurs esprits y tombent, Vinet, par exemplee.

eManifestation des convictions religieuses.

A cette observation, j’en ajouterai une autre qu’elle appelle en quelque manière. Il faut distinguer non seulement entre le Christianisme et l’Église, mais entre l’Église et les églises. C’est au centre caché de l’Église, c’est dans le corps mystique de Christ, qui met les âmes en communion avec Dieu et la terre avec le Ciel, que réside essentiellement l’institution divine, et les forces, les grâces, les vertus qu’elle porte en elle ; c’est de là qu’elle les étend sur les diverses communautés, leur communiquant plus ou moins de ses attributions, selon qu’elles sont plus ou moins conformes à la norme scripturaire, au type divin. Dans les églises, l’élément humain existe toujours, et trop souvent il domine : formes inadéquates du Royaume des Cieux, elles ne participent à ses droits et à ses privilèges que dans la mesure où elles reproduisent son esprit. Elles ont toutes quelque chose d’En Haut, aucune n’est entièrement d’En Haut : aucune n’est l’Église. Et celles qui s’arrogent ce titre, an de s’en attribuer les prérogatives, et qui qualient toutes les autres de sectes, sont en réalité les plus sectaires de toutes.

On voit combien le problème ecclésiastique (car c’est bien un problème) est aujourd’hui complexe, par conséquent difficile et délicat. Il importe, par-dessus tout, de s’y garder des solutions extrêmes entre lesquelles oscille l’esprit du temps, et d’y maintenir fermement la vraie notion scripturaire qui, devant tout éclairer, tout contrôler, tout régler, doit par cela même tout dominer.

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