Théologie Systématique – IV. De l’Église

IV
Constitution Extérieure

1. Formes d’organisation

1° Gouvernement du Clergé ; 2° Gouvernement mixte ; 3° Gouvernement de l’Église entière. — Avantages et inconvénients de ces divers systèmes. — La question est, au fond, entre l’« épiscopalisme », le « presbytérianisme », et l’« indépendantisme » ou, plus au fond encore, entre le « cléricalisme » et le « laïcisme ».

Les diverses formes d’organisation ecclésiastique peuvent se ramener à trois principales :

Gouvernement du Clergé :

  1. Monarchique, quand il se concentre dans les mains d’un seul, comme dans l’Église romaine ;
  2. Aristocratique, quand il réside dans un ordre particulier de pasteurs, les évêques, comme dans l’Église catholique (depuis le iiie jusqu’au viiie siècle) et dans l’Église anglicane ;
  3. Démocratique, quand tous les pasteurs y prennent également part, comme dans l’Église suisse (système des classes).

Les inconvénients généraux de cette constitution naissent de ce que le clergé y formant un corps qui ne relève que de lui et se recrute par lui-même, il peut se préoccuper de ses intérêts propres plus que de ceux de la religion et de l’Église.

Gouvernement mixte (pasteurs et délégués laïques) :

  1. Il peut reposer sur une autorité permanente ; c’est le système luthérien. Le souverain y est le chef suprême de l’Église ; les affaires religieuses sont administrées par un Consistoire ou Directoire supérieur, qui a pour président un laïque et dont les membres sont nommés à vie.
  2. Il peut reposer sur une autorité temporaire et élective ; c’est le système réformé. Il a d’abord les Consistoiresc, composés des pasteurs de la localité et d’un certain nombre d’anciens ; au-dessus des Consistoires les Colloquesd, au-dessus des Colloques les Synodes provinciaux, au-dessus des Synodes provinciaux le Synode national, autorité suprême qui réunit le pouvoir législatif et exécutif.

cConseils presbytéraux actuels.

dConsistoires actuels.

Cette organisation est parfaitement en rapport avec les principes du Christianisme, le but de l’Église, l’esprit des temps modernes ; c’est peut-être celle qui allie le mieux la liberté à la force, l’ordre au progrès et à la vie. Nos vœux et nos efforts doivent tendre à la rétablir ; car la loi du 18 Germinal an X, tout en paraissant la respecter, l’a changée, presque complètement. Cette loi a fait de notre ancienne constitution ecclésiastique, ce qu’elle a fait de la Confession de foi et de la Discipline ; reconnaissant tout en apparence, elle a tout mis de côté en réalité. Ainsi elle place à la base de l’organisation ecclésiastique l’Église consistoriale et supprime de fait l’ancienne distinction entre consistoires et colloques ; elle accorde des Synodes, mais ils n’embrassent dans leur ressort que cinq Consistoires, ils ne se composent que de dix députés, ils ne peuvent délibérer que sur des sujets communiqués d’avance, ni se réunir qu’avec autorisation préalable, ni faire exécuter leurs décisions qu’après approbation. Au-dessus de ces Synodes (qui répondent tout au plus aux colloques, et qui n’existent d’ailleurs qu’en théorie), il n’y a aucune autorité supérieure, aucun lien gouvernemental autre que l’État ; rien qui unisse en un corps nos églises, rien qui leur imprime cette unité de direction et de vie dont elles ont besoin. Les Consistoires eux-mêmes ne sont, ni pour leur constitution ni pour leurs attributions, les Consistoires de notre vieille Discipline. Ils ne sortent point d’une élection ecclésiastique véritable ; ils se recrutent par eux-mêmes parmi les riches, comme si Mammon présidait au service de Dieu, comme si les biens de la terre conféraient des privilèges spéciaux dans le royaume de Jésus-Christ. De plus, les droits des Consistoires sont mal définis, et il est fort à craindre qu’après les avoir négligés et méconnus longtemps, ils ne les étendent outre mesure dans la crise actuelle…

Le Décret de 1852 a modifié à divers égards la loi de Germinal, mais en y portant un principe gros, je le crains, de désordres et de périlse, celui du suffrage universel, car l’application régulière de ce principe exigerait une diffusion de lumières, de croyances et de dispositions religieuses qui n’existe pas. Dans les moments de calme on n’aura qu’une ombre de scrutin ; dans les temps d’agitation, où tout se remuera jusqu’au sédiment, on votera généralement pour un minimum de Christianisme. Qu’attendre de ces masses, protestantes de cœur si l’on veut, mais seulement chrétiennes de nom, qu’il est si aisé de prévenir par un faux libéralisme ?

e – Réflexions postérieures, qu’on pourrait qualifier de prophétiques.

Gouvernement de l’Église entière ou de l’Église par l’Église. — C’est le système des indépendants, qui ne reconnaissent que des églises particulières, soumises à une stricte discipline, et qui placent dans l’assemblée des fidèles toute l’autorité ecclésiastique. C’est aussi celui des congrégationalistes, qui tiennent une sorte de milieu entre les indépendants et les presbytériens. On peut y rattacher encore celui des Quakers. En principe, il semble que les Quakers ne devraient pas plus avoir de gouvernement que de clergé, puisque d’après eux la société comme l’individu est sous la direction immédiate de l’Esprit divin ou du Verbe intérieur. Ce fut, en effet, leur premier état ; mais ils l’ont modifié par la force des choses et réglé dans l’intérêt de l’ordre. Ils ont dans chacune de leurs réunions deux ou trois personnes qui administrent et, d’ordinaire, instruisent et prient. Ils ont des assemblées mensuelles de district ou d’arrondissement ; ensuite, des assemblées composées de députés d’un certain nombre de districts, tous les quatre mois ; et, tous les ans, une assemblée générale qui décide en dernier ressort leurs affaires et transmet des avis, ou même des ordres, à tous les membres de la Société. Il y a donc là un véritable gouvernement, qui dépasse même en autorité celui de bien des Églises établies, car il possède et exerce le droit d’exclusion ou d’excommunication…

Le principal point des débats relatifs à la constitution ecclésiastique parmi les protestants, est toujours entre l’épiscopalisme, le presbytérianisme et l’indépendantisme : chacun de ces systèmes se disant le plus conforme, ou même le seul conforme à l’institution primitive et au véritable esprit du Christianisme. Mais la question tend à se généraliser davantage et à s’engager finalement entre le cléricalisme et le laïcisme. Partout se tranchent les deux directions que nous avons rencontrées sous des formes si diverses, et dont l’une s’efforce de relever les attributions du ministère en relevant celles de l’Église (haut anglicanisme, ultra-luthéranisme, etc.) ; tandis que l’autre, ne voyant dans l’association religieuse qu’une institution humaine, ne lui laisse que des droits conventionnels et, par suite, qu’une autorité déléguée. Nous nous sommes expliqués ailleurs sur ces deux directions. Rappelons seulement qu’elles sont, à notre sens, aussi excessives et partielles l’une que l’autre. La dernière, à travers ses exagérations, plaide un principe profondément évangélique lié à celui du sacerdoce universel, qui veut que tous les chrétiens aient en quelque sorte charge d’âmes et prennent part, selon la mesure de leurs dons, à l’avancement du règne de Dieu au dedans et au dehors. Mais si c’est un principe évangélique, ce n’est pas le principe évangélique ; il en est d’autres à ses côtés, destinés à le contenir, à le compléter, à le régler ; et c’est de cette union, difficile mais obligatoire, que dérivent l’ordre et le bien.

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