Théologie Systématique – II. Dogmes Mixtes

2. Expérience générale et individuelle — Philosophie

A). Expérience Générale

Antédiluvienne. — Chute dans l’idolâtrie, après Noë. — Israël. — Monde chrétien. — Eloignement naturel de Dieu. — État général des mœurs. — Législations. — Le désordre externe révèle le désordre intérieur.
B). Expérience Individuelle

— Conviction de péché grandissant avec la connaissance de la loi. — Tendance naturelle au mal. — Ordre des mobiles renversé. — Epreuve de l’état du cœur à la lumière de tous les devoirs.

Les dépositions de l’expérience, soit générale, soit individuelle, confirment pleinement les témoignages de la Bible sur la corruption de l’homme : l’observation nous montre partout le péché.

A). Expérience Générale. — Que dit l’histoire ? n’atteste-t-elle pas d’un bout à l’autre la vérité de cette parole de Saint-Jean : Le monde est plongé dans le mal ? La vie générale de l’humanité n’apparaît-elle pas comme une déviation profonde de la loi morale ? Quelques siècles après la création, toute chair avait corrompu sa voie sur la terre. (Genèse 6.5, 11-12), à tel point qu’il ne reste d’autre moyen d’y prévenir la perte absolue des principes moraux que d’en exterminer et renouveler les habitants. — En face des effets et des souvenirs du Déluge, encore sous la main vengeresse de Dieu, la famille miraculeusement préservée penche vers l’idolâtrie, et la race humaine s’y précipite bientôt tout entière. — Un peuple particulier est choisi alors pour conserver la vérité et la promesse, d’où sortira un jour le salut du monde ; et il faut que le Ciel lutte sans cesse avec ce peuple privilégié pour l’empêcher de tomber avec les autres dans l’abîme de l’erreur ou pour l’en retirer — (Israël est le type de l’homme et de l’humanité. Si l’histoire générale avait été écrite par des prophètes nous y verrions sans doute les mêmes infidélités d’un côté et les mêmes attentions providentielles de l’autre. Les dispensations miséricordieuses de Dieu y restent voilées, mais les impiétés et les crimes de l’homme s’y manifestent de toute part ; et le fait que nous cherchons à y constater y apparaît avec une effrayante évidence).

Par ces interventions d’En-haut la vérité est sauvée, la grande promesse peut s’accomplir, le christianisme est donné à la Terre ; la Parole s’est faite chair, la vie éternelle s’est manifestée. Or, que voyons-nous, sous l’influence de la lumière et de la grâce évangélique ? Le monde chrétien avance à travers les siècles en se jetant tantôt dans le dogmatisme qui, séparant la vérité de la vie, transforme le champ de la foi, où devraient croître les vertus, en une arène de disputes et de haines ; — tantôt dans le formalisme qui frappe aussi d’aridité les croyances régénératrices et de plus convertit le culte et la morale en vaines observances et la religion tout entière en une œuvre morte ; — tantôt dans un rationalisme métaphysique, politique ou mystique, qui, sous prétexte de dégager l’Evangile de ses enveloppes transitoires ou de ses superfétations séculaires, le dépouille de ses doctrines vitales et le dénature en se glorifiant de l’épurer et de le spiritualiser ; — tantôt dans une incrédulité superficielle, qui se paye d’arguties et de sarcasmes, remplace le raisonnement par le dédain, et pense avoir tout anéanti quand elle a déclaré que le siècle ne peut plus croire aux mystères et aux miracles ; — tantôt dans une indifférence plus inconcevable peut-être et plus injurieuse à la grâce et à la vérité que l’incrédulité elle-même, car, à côté des révélations chrétiennes, n’éprouvant d’intérêt que pour les choses de la Terre, ne portant pas un seul regard vers le Ciel, elle semble fuir d’autant plus le Seigneur qu’il s’approche davantage.

On ne remarque pas assez cette pente à s’éloigner de Dieu et à altérer la vraie notion de son caractère, de son culte, de sa loi, cette pente qui se trahit par l’indifférence religieuse du monde moderne comme par l’idolâtrie du monde ancien. « La doctrine de l’existence de Dieu, du Dieu saint, juste et bon, qu’à peu près tout le monde frémirait de renier, est habituellement étrangère à notre esprit. Elle y demeure ensevelie comme au fond d’une retraite obscure et profonde : on ne songe pas à l’en retirer pour en faire l’objet de méditations journalières ; on semble se réfugier dans une sorte d’athéisme pratique quand on ne peut pas ou qu’on n’ose pas aller jus qu’à l’athéisme spéculatif. C’est un des mystères les plus terribles et les plus inexplicables de l’esprit humain, que de voir une vérité qui se montre au milieu de toutes les vérités comme la plus solennelle et la plus importante, devenir précisément celle que l’homme néglige avec le plus de légèreté et bannit le plus aisément de son souvenir. Il semble que l’esprit soit plus à l’aise, plus dans son élément naturel, lorsque Dieu est loin de toutes ses pensées, que le cœur soit comme délivré d’une prison et respire plus librement quand il se sent éloigné de la présence divine ; la créature cherche à se dérober sans cesse à son créateur ; par l’effet d’une tendance naturelle, elle s’efforce de se tenir à distance de l’Etre qui l’a formée et qui la conserve ; et l’homme entièrement dévoué au culte des choses terrestres, ne voit plus dans le Maître absolu de l’univers qu’une pure idée ou qu’un vain nom. Tel est le prodige moral que présente la race d’Adamb. » C’est là peut-être le trait saillant de la corruption humaine ; car, à vrai dire, tout le reste sort de là. C’est le trait que saint Paul relève comme le principe premier du polythéisme et de ses immoralités (Romains 1.21-28).

b – Chalmers, Sermons.

Cette disposition, si étrange chez des êtres dont Dieu est la vie et qui ne peuvent arracher de leur cœur le sentiment religieux, se manifeste de mille manières. Elle se montre dans l’orgueil des avantages naturels et acquis, car, si l’on ne tenait pas Dieu loin de sa pensée, oublierait-on ainsi cette déclaration : Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu, et si tu l’as reçu pourquoi t’en glorifies-tu » — Elle se montre dans le jugement qu’on porte sur la vie de la foi et de la piété, qu’on trouve terne, monotone, triste, comparée à la vie mondaine ; — Elle se montre dans la répugnance pour la prière, les méditations saintes, les entretiens religieux, la société des chrétiens prononcésc ; et si vous voulez la constater par une autre épreuve, demandez aux personnes les plus avancées dans les voies spirituelles ce qu’il leur coûte d’efforts pour demeurer en constante communion avec leur Dieu-Sauveur, et combien de fois encore une pente secrète les emporte loin de lui, malgré leurs résolutions et leurs vœux ? Ces tendances générales, qui restent toujours les mêmes au fond dans l’infinie variation de leurs formes, qui pervertissent tous les dons de Dieu, qui triomphent de tous les obstacles que leur oppose sa Providence, qui résistent à toutes les dispensations de sa justice et de sa miséricorde, ne sont-elles pas la démonstration du fait que nous cherchons à constater ?

c – Cette répugnance se trahit jusque chez les enfants qui savent trouver des mépris et des sarcasmes contre ceux d’entre eux qui veulent vivre selon la piété.

Il se manifeste encore dans les lois civiles et politiques, qui n’ont pour but, les unes que de réprimer le désordre et le crime, les autres que de prévenir les usurpations du pouvoir ou les révoltes du peuple ; — dans l’état général des mœurs, si éloignées des préceptes de la justice, de la piété, de la charité, de la tempérance ; — dans la nature des plaisirs frivoles ou avilissants auxquels se livre la masse des hommes ; — dans les plaintes unanimes sur le défaut d’intégrité et de bonne foi ; — dans les garanties dont on environne partout la propriété et le commerce ; — dans le règne universel de l’égoïsme que tout accuse et que rien ne guérit ; — dans les indices révélateurs des germes du mal dès le premier âge ; — dans les difficultés de l’éducation religieuse et morale et l’incertitude de ses résultats ; — dans les craintes des parents lorsque leurs enfants entrent dans le monde ; — dans l’idée de purification et d’expiation inhérente à tous les cultes ; — et jusque dans ce principe littéraire qu’un caractère trop parfait nuit à l’intérêt des ouvrages d’imagination, parce qu’il s’éloigne de la nature.

Il est inutile de faire remarquer combien ces données de l’histoire et de l’observation confirment les déclarations bibliques sur l’universalité de la culpabilité humaine. Mais la culpabilité implique ici la corruption ; il faut le répéter : le désordre extérieur, à un tel degré de généralité et de constance, trahit un désordre intérieur correspondant et ne s’explique que par là. L’arbre qui porte de mauvais fruits n’est pas bon, dit le Seigneur. La nature des faits nous force à les rapporter à une disposition intérieure et profondément enracinée dans le cœur, car le désordre se montre essentiellement le même au milieu de l’infinie variété de circonstances à travers lesquelles l’homme et le monde ont passé ; car il se manifeste dans tous les temps, dans tous les lieux, à tous les degrés de culture ; car il a résisté à tous les moyens, humains et divins, employés pour le détruire.

Cette induction n’est point arbitraire ; elle se fonde sur le principe de causalité qui constitue une des lois de notre être, et que nous appliquons spontanément, continuellement, nécessairement, dans l’ordre spirituel comme dans l’ordre matériel. Par les faits nous nous élevons aux causes, soit morales, soit physiques. C’est par là que nous constatons toutes les facultés et toutes les affections humaines, l’intelligence, la volonté, la sensibilité, l’amour, la haine, etc. Ces facultés, ces affections ne se montrent pas elles-mêmes, elles ne se révèlent que dans leurs effets, elles se montrent dans leurs actes. Et ce principe, qui, par delà les phénomènes, nous manifeste les causes, que donne-t-il ici ? Le péché étant partout, il atteste que ce fait, si constant et si général, doit avoir sa raison, et une raison interne, car il se produit toujours le même, dans ses caractères essentiels, lorsque toutes les circonstances et les influences extérieures changent absolument (civilisation et barbarie — cultes divers et opposés) ; et si cette raison, cette cause est interne, c’est donc une disposition, une inclination, une tendance du cœur. L’arbre se connaît par ses fruits et l’homme par ses œuvres.

Si, à une époque ou à l’autre de leur existence, les hommes commettaient tous des actes de folie, n’en conclurions-nous pas qu’il y a dans la constitution humaine une prédisposition à ces actes là ? Or, tous les hommes pèchent, ils pèchent dans tous les états et dans tous les âges, et, dans les situations les plus différentes, le péché présente toujours en eux une ressemblance frappante, quant à ses traits originels et fonciers qui se réfèrent toujours à cette trinité du mal que décrit l’Apôtre (1 Jean 2.16). Ne sommes-nous pas autorisés ou, pour mieux dire, forcés à en conclure qu’il existe dans la nature humaine un penchant anormal ?

B). Expérience individuelle (Conscience). — L’expérience individuelle conduit à un résultat identique.

a). Il n’y pas d’homme, quelque relâchées que soient ses notions de la loi morale, qui ne soit contraint d’avouer qu’il la viole fréquemment et de bien des manières ; et mieux la loi est connue, plus l’homme s’accuse et se condamne ; plus il voit ce qu’il est et ce qu’il devrait être, plus il gémit de l’esclavage de la corruption ; le sentiment du péché grandit avec la sainteté. La conscience rend donc ici la même déposition que l’histoire et la Bible.

b). L’homme peut reconnaître encore que la pratique du bien exige une sorte de violence sur soi-même ; au point que la vertu est caractérisée dans toutes les langues sous l’idée de force : fait psychologique et philologique tout ensemble, d’où sort un double témoignaged. Il n’est personne qui n’ait ressenti plus ou moins la lutte entre ces deux volontés contraires que l’Apôtre dépeint sous les noms de l’esprit et de la chair, et qui n’ait constaté dans son âme une tendance secrète à suivre le penchant, qu’il condamne, plutôt que le devoir qu’il approuve. Ici vient se placer encore cet autre fait, également reconnu, que les dispositions et Les habitudes vicieuses se forment pour ainsi dire d’elles-mêmes, tandis que la sanctification ne se développe et ne se maintient que par des efforts et des combats continuels. Or ces facilités du mal et ces difficultés du bien ne sont au fond que des aspects divers d’un seul et même fait interne, la prédominance de la disposition anormale.

d – Les langues, considérées dans leur universalité, pourraient devenir un des grands témoins et des grands critères de ces données générales de la conscience sur lesquelles doit s’appuyer la science humaine. Là est un des côtés les plus intéressants de la philosophie du langage ; et, si je ne me trompe, il a été encore peu étudié.

c). L’ordre naturel des mobiles est renversé dans l’homme. Ceux de ces mobiles, auxquels légitimement appartient l’empire, n’occupent qu’une place et une autorité inférieures ; ceux qui devraient être assujettis, dominent.

J’appelle mobiles les tendances ou les forces qui régissent la vie humaine ; savoir le mobile intéressé qui revêt deux formes, en tant qu’il est la recherche du bien-être et du plaisir sous l’impulsion do l’instinct (σαρκικος), ou la recherche du bonheur sous la conduite de la raison (ψυχικος) ; — le mobile moral, sentiment du devoir, respect de la loi, règne de la raison pratique ou de la conscience ; — le mobile religieux, foi, piété, règne de Dieu dans le cœur.

En principe, le mobile religieux devrait tout dominer et tout régler, car il est l’élément le plus élevé de la nature humaine, il constitue l’ordre suprême, le règne de Dieu sur les créatures étant manifestement la loi de l’univers. Ce mobile devrait s’assimiler le mobile moral, avec lequel il ne fait qu’un au fond, et tenir constamment sous son contrôle le mobile intéressé, sous sa forme rationnelle comme sous sa forme instinctive. C’est bien là l’état idéal et normal de l’homme.

Est-ce son état réel ? Voyons-nous en lui cette subordination régulière des mobiles, que réclament la conscience et la réflexion ? Ces mobiles existent. Le mobile intéressé se trahit partout et là même où il se cache sous des apparences étrangères ; le mobile religieux et le mobile moral se-manifestent aussi de bien des manières ; on les voit quelquefois se produire avec force, même au sein de la plus profonde dégradation et de l’impiété la plus prononcée. Mais ces mobiles sont-ils, si ce n’est chez tous les hommes, du moins chez la masse, dans leur ordre légitime ; se montrent-ils coordonnés selon leur rang, exercent-ils un empire relatif proportionnel à leur valeur, fonctionnent-ils comme la raison et la conscience exigeraient qu’ils le fissent ; le fait correspond-il au droit ? Evidemment ce qui est, est l’opposé de ce qui devrait être : 1° Il y a lutte constante, au lieu de subordination régulière, entre les mobiles ; 2° Le mobile intéressé, c’est-à-dire, d’un aveu commun, le mobile inférieur, règne presque exclusivement dans la masse des hommes, sous l’une ou l’autre de ses deux formes ; 3° Le mobile moral est souvent séparé du mobile religieux et par là dépouillé de son vrai caractère (Sadducéens chez les Juifs, — honnêtes gens parmi nous, — stoïcisme, kantisme, etc.) Vertu sans piété, par conséquent mutilée et dénaturée, car qu’est une vertu où Dieu n’entre pour rien, ni comme motif ni comme objet ? 4° D’autres fois, c’est le mobile religieux qui se déprave en s’isolant du principe moral, et qui devient superstition, formalisme, mysticisme, fanatisme.

Les éléments de la vie morale sont donc là, mais déplacés, désordonnés, intervertis. Ce fait, peu remarqué et peu signalé dans la question qui nous occupe, me paraît cependant y répandre beaucoup de jour et pouvoir la décider à lui seul.

d) A un autre égard, le parallèle de l’état de l’homme avec la loi donne, non un accord, mais un contraste. Le sentiment ou le principe destiné à régir la vie intérieure comme la vie extérieure, l’amour de Dieu et du prochain, révèle à peine son existence avant le renouvellement du cœur par la foi, et reste encore faible même après la conversion. Des êtres immortels devraient se porter par une aspiration constante vers les choses de Dieu et du Ciel ; et pourtant les pensées et les affections de l’homme tendent sans cesse vers la terre. Son âme et sa conduite sont livrées à l’empire de l’amour de soi et du monde, c’est-à-dire à une direction inverse de celle qu’elles devraient suivre. — Cette simple épreuve, qu’on peut essayer et qui donne le même résultat sur chacun des traits du caractère moral, sur chacun des préceptes de la loi (humilité, support, pardon, etc.), est décisive pour quiconque consent à la faire ; et l’impression qu’elle produit est bien plus vive encore, la conviction qui en sort est bien plus profonde quand, à la contemplation de la loi abstraite, telle que la proclament la conscience et la révélation, on joint la contemplation de la loi vivante, l’exemple de Jésus-Christ. Nous portons en nous-mêmes le témoignage de notre déchéance, dit M. Marete. « Il y a en nous des idées sublimes, des instincts divins, un besoin insatiable de vérité, d’élévation morale, de haute félicité, et en même temps nous sommes soumis à des penchants grossiers, aveugles, irrationnels, qui nous dégradent et nous font descendre au-dessous des brutes. Nous aimons la vertu, nous approuvons le bien ; et nous faisons le mal que nous condamnons. Toujours en contradiction avec nous-mêmes, nous vivons d’égoïsme et nous exaltons le dévouement… Notre raison appelle la vérité, ne veut se rendre qu’à la vérité, et s’abandonne sans cesse à l’erreur. Notre cœur aspire aux biens infinis, et il est esclave de mille passions honteuses. Notre volonté, faible et brisée, plie et s’affaisse au moindre effort pour secouer ses chaînes. Ainsi, il y a en chacun de nous deux hommes qui se livrent sans cesse une guerre cruelle, guerre intestine qui ne nous laisse aucun repos et répand sur notre existence une amertume infinie. »

eEssai sur le panthéisme.

C). Philosophie. — Aux enseignements de la Bible et aux données de l’observation viennent s’ajouter les attestations de la philosophief

f – Nous laissons de côté les témoignages de la philosophie, ancienne et moderne, que notre auteur exposait ici, sans y attacher une bien grande importance (Edit.).

Les diverses écoles philosophiques rendent aujourd’hui sur ce point un témoignage à peu près unanime. Le panthéisme lui-même, forcé logiquement d’enlever le mal de l’univers, ne nie point l’existence phénoménale des sentiments et des actes que l’humanité appelle de ce nom. Il accorde à sa manière la chute. En somme, si l’on diffère sur l’explication du fait, sur son origine et sa nature, sa raison et sa fin, on est d’accord sur sa réalité. A cet égard, comme à tant d’autres, le dogme chrétien a triomphé des contradictions et des attaques du xviiie siècle…

Toutefois, nous ne devons pas trop nous fier à ces dispositions favorables de la science, quoiqu’il nous soit certes bien permis d’en profiter. Elle accorde le fait général que révèle la Bible, parce qu’il a trouvé place dans ses théories. Si elle admet l’inclination vicieuse, c’est qu’elle entre comme condition essentielle dans sa notion de la vertu ; si elle admet la chute, c’est qu’elle lui sert à expliquer le passage primitif de l’inconscience morale à l’état de vraie liberté, ou qu’elle concorde à d’autres égards avec ses conceptions anthropologiques et cosmologiques. Otez-lui ces raisons systématiques, que nous croyons pour notre part très précaires, et elle pourra bien nier de nouveau le fait qu’elle confesse maintenant. Dès qu’il lui résistera, elle l’attaquera encore d’une ou d’autre manière, elle récusera les attestations de la conscience et de l’histoire qu’elle tient aujourd’hui pour si décisives ; et lorsqu’elle y aura intérêt, elle tentera de l’effacer de l’Ecriture, et une exégèse complaisante prétendra prouver qu’il n’y est pas.

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