Le repos éternel des Saints

7
Nécessité de chercher diligemment le repos des Saints

Si donc il y a pour les saints un repos assuré et glorieux, pourquoi ne le cherche-t-on pas avec plus d’empressement ? Si un homme entend parler une seule fois de cette gloire ineffable, et s’il croit à ce qu’on lui dit, il semble qu’il doive être transporté d’un ardent désir de l’obtenir, et qu’il doive ne s’inquiéter d’autre chose que d’acquérir ce trésor. Et cependant ceux qui en entendent parler tous les jours, et qui font profession d’y croire, s’en occupent aussi peu et la recherchent aussi peu que s’ils n’en avaient jamais ouï parler, ou que s’ils n’en croyaient pas un mot. — Ce reproche est surtout applicable aux mondains, à la multitude des profanes, aux chrétiens formalistes, et jusqu’à un certain point aux gens pieux eux-mêmes.

1°. Les mondains sont si occupés de la recherche des choses terrestres qu’ils n’ont ni l’envie, ni le temps de chercher ce repos. O pécheurs insensés ! qui vous a charmés ainsi ? Que de courses, que de voyages, que de poursuites pour des choses de rien, pendant que le repos éternel est entièrement négligé ! Que de ruses et de sollicitudes pour s’élever dans le monde d’un degré au-dessus de leurs frères, tandis que la dignité royale des saints est méprisée ! Quelle soif insatiable des plaisirs de la chair ! Quelle infatigable activité pour élever leur famille et agrandir leurs biens (peut-être pour une misérable vie au jour le jour), tandis que le jugement approche ! mais quel sera leur sort à cet instant redoutable, c’est de quoi ils ne s’inquiètent pas un moment. — Et pourtant ces hommes s’écrient : Ne pouvons-nous pas être sauvés sans prendre tant de peine ? Ah ! monde trompeur ! combien de fois n’avons-nous pas entendu tes serviteurs les plus fidèles proférer cette plainte : « Le monde m’a trompé, le monde m’a perdu, » et cependant toutes ces leçons sont en pure perte pour les pécheurs qui viennent après eux.

2°. Quant à la multitude des profanes, jamais on ne leur persuadera, pour se sauver, de se donner la peine de remplir les devoirs extérieurs de la religion. Si l’on prêche l’Évangile dans la ville qu’ils habitent, peut-être consacreront-ils quelquefois une partie de leur temps à aller l’entendre, et plus souvent passeront ils les heures chez eux ? S’ils sont privés de la prédication vraiment simple et puissante de l’Évangile, il y a bien peu de gens qui feraient une demi-lieue pour aller l’entendre au dehors ; et cependant ils ne balancent pas à faire plusieurs lieues pour aller au marché se pourvoir de la nourriture du corps. Ils savent que la Bible contient la loi de Dieu, loi par laquelle ils seront absous ou condamnés au jour du jugement ; ils savent que bienheureux est l’homme qui prend plaisir à la loi de l’Éternel et qui la médite jour et nuit, et cependant ils ne se donneront pas la peine d’en lire un chapitre par jour. Quoique l’Écriture leur commande de prier sans cesse, ils ne prient ni en famille ni en particulier. Daniel aima mieux être jeté aux lions que de renoncer à prier trois fois par jour dans sa maison où ses ennemis pouvaient l’entendre ; ces hommes au contraire aiment mieux s’exposer à devenir la proie éternelle de Satan, ce lion rugissant, que de chercher leur salut dans la prière. Quelquefois aussi leurs prières froides et languissantes invitent Dieu à les refuser : car c’est une chose convenue que celui qui demande négligemment et rarement ne se soucie pas beaucoup de ce qu’il demande. Ils se jugent eux-mêmes indignes du ciel, ceux qui ne le jugent pas digne de leurs sollicitations ardentes et continuelles. Si l’on pouvait voir ce que font les hommes retirés dans leurs appartements, on en trouverait bien peu qui consacrassent un quart-d’heure le matin et le soir à prier sincèrement Dieu pour le salut de leur âme. De cette manière, ils ne font aucun effort pour leur propre félicité, si ce n’est de participer à quelques actes du culte public, pour obéir à l’usage et à la bienséance.

3°. Dans une autre classe sont les gens attachés aux formes de la religion, dont ils pratiquent les devoirs extérieurs, mais non les devoirs intérieurs. Ils prêchent, ils écoutent, ils lisent, ils parlent du ciel, ils prient en famille, ils se rangent du côté des gens de bien et de la bonne cause, et veulent être estimés parmi les personnes pieuses. Mais jamais vous ne les amènerez à remplir les devoirs plus spirituels ; à se livrer en secret à des prières et à des méditations ferventes ; à examiner l’état de leur âme ; à tourner toutes leurs pensées vers le ciel ; à veiller sur leur cœur, sur leurs paroles, sur leurs voies ; à mortifier leur chair et à ne pas en satisfaire les convoitises ; à aimer leurs ennemis, à leur pardonner et à préférer leur prochain à eux-mêmes ; à mettre tout ce qu’ils ont aux pieds de Christ, et à estimer au-dessus de tout son service et sa faveur ; jamais on ne persuadera à des hypocrites de remplir tous ces devoirs.

Si un hypocrite reçoit l’Évangile avec joie, il ne le reçoit qu’à la surface de son âme, jamais il ne laisse cette précieuse semence pénétrer à quelque profondeur. L’Évangile change ses opinions, mais il ne touche point son cœur, il n’y établit pas pleinement le pouvoir et l’autorité de Christ. Comme la religion est surtout pour lui une affaire d’opinion, il est ordinairement entiché de controverses, au lieu d’embrasser avec humilité, amour et obéissance la vérité une fois connue. La tentation est plus forte que lui, parce que son cœur n’est pas affermi en Christ et en sa grâce. Il ne gémit pas en secret de ses imperfections, mais il met tout son bonheur à appartenir à telle ou telle opinion, à tel ou tel parti.

On peut en dire autant du mondain hypocrite qui étouffe la semence de l’Évangile sous les épines des soins et des soucis de ce monde. Il est convaincu qu’il ne peut être sauvé s’il n’est religieux : en conséquence il lit, il écoute la parole, il prie, il renonce à ses anciennes liaisons et à ses anciennes habitudes : mais en même temps il veut retenir les biens présents. Sa raison peut dire : « Dieu est le souverain bien », mais son cœur et ses affections ne le disent pas. Le monde est avant Dieu dans ses affections, parce que le monde est son dieu. Quoiqu’il ne coure pas comme le premier après toutes les opinions et les idées nouvelles, cependant il s’attachera à l’opinion qui avancera le plus ses intérêts mondains. Quelle froideur dans ses prières secrètes ! quelle légèreté dans l’examen de lui-même et dans ses méditations ! quelle négligence à veiller sur son cœur ! quelle absence totale d’amour pour Dieu, de communion avec Dieu, de désir de Dieu ! Ainsi ces deux sortes d’hypocrites et beaucoup d’autres encore, quoique suivant les pratiques faciles et extérieures de la religion, ne se donnent jamais la peine d’en remplir les devoirs intimes et spirituels.

4°. Les gens pieux eux-mêmes sont trop négligents dans la recherche de leur éternel repos. Quelle différence, hélas ! entre nos lumières et notre zèle, entre notre croyance et notre pratique ! Qui de nous se hâte comme pour le ciel ? Comme nous sommes tranquilles ! comme nous travaillons mollement ! comme nous perdons notre temps en vains propos, en vaines plaisanteries, en bagatelles inutiles ! comme nous travaillons déloyalement à l’œuvre de Dieu ! Nous écoutons comme si nous n’écoutions point ; nous prions comme si nous ne priions point ; nous examinons, nous méditons, nous blâmons le péché comme si nous n’en faisions rien ; nous jouissons de Christ comme si nous n’en jouissions point. Il semble que nous usions des choses du ciel comme l’apôtre nous enseigne à user des choses du monde. Christ nous dit : « Aujourd’hui, si vous entendez ma voix, n’endurcissez pas, vos cœurs ; travaillez pendant qu’il est jour, car la nuit vient où personne ne peut travailler. » Et pourtant nous nous remuons comme des gens à moitié endormis. Avec quelle rapidité viennent la mort et le jugement ! Comme ils approchent vite ! ils nous touchent presque, et cependant comme nous, nous pressons peu ! Il semble que les hommes regardent leur sort éternel comme une bagatelle : ils s’en occupent un peu et comme en passant, mais ils sont bien loin de le regarder comme l’affaire principale de leur vie. Ah ! si je n’étais pas moi-même atteint de cette maladie, de combien de larmes je mouillerais ces pages, et avec quelle douleur je gémirais sur cette mort universelle !

Nos magistrats font-ils sérieusement leur devoir ? sont-ils zélés pour Dieu ? édifient-ils sa maison ? Sont-ils jaloux de son honneur, et s’élèvent-ils contre le péché et contre les pécheurs comme étant les perturbateurs de notre repos et l’unique source de nos misères ? Emploient-ils toute leur puissance, toute leur richesse, toute leur influence à l’avancement du règne de Christ, comme des hommes qui doivent bientôt rendre compte de leur administration ?

Qu’ils sont en petit nombre les ministres qui travaillent sérieusement à leur mission ! Eclatons-nous en reproches contre la désobéissance des hommes à l’Évangile ? Traitons-nous le péché comme le feu qui dévore nos villes, et employons-nous la force pour en arracher les hommes ? Prêchons-nous au peuple comme doivent le faire ceux qui connaissent les terreurs du Seigneur ? Présentons-nous aux hommes Christ, la régénération, la foi, la sainteté, comme les conditions sans lesquelles ils ne peuvent avoir la vie ? Nos entrailles sont-elles émues sur le sort de la multitude ignorante, insouciante et obstinée ? A la vue des pécheurs, nos cœurs se fondent-ils de tristesse par la crainte que nous avons de ne pas les retrouver dans l’éternel repos ? Comme saint Paul, pleurons-nous sur leurs dispositions charnelles et terrestres ? Les avertissons-nous publiquement, de maison en maison, en tout temps et avec larmes ? Les supplions-nous comme s’il s’agissait du salut de leur âme ? ou plutôt ne recherchons-nous pas l’approbation de nos auditeurs éclairés ? La prudence charnelle n’étouffe-t-elle point notre zèle, et ne nous fait-elle pas prononcer des discours sans vie sur les sujets les plus propres à émouvoir ? Comme nous traitons doucement ces péchés qui traiteront si cruellement l’âme de nos auditeurs !

En un mot notre manque d’ardeur et de zèle pour les choses du ciel fait que nos auditeurs se bornent à l’observation des formes, et qu’ils nous écoutent avec cette attention insouciante et routinière qui cause leur perte.

Et le peuple fait-il plus sérieusement son devoir que les magistrats ou les ministres ? Comment peut-on l’espérer ? Lecteur, examinez-vous vous-même, et répondez à cette question : interrogez votre conscience et souffrez qu’elle vous dise la vérité. — Votre repos éternel est-il continuellement devant vos yeux comme l’affaire la plus importante de votre vie ? Avez-vous veillé soigneusement et travaillé de toute votre force afin que nul ne vous ravisse votre couronne ? Vous êtes-vous précipité à travers les obstacles vers le terme de la carrière, pour remporter le prix auquel Dieu vous appelle par Jésus-Christ ? Votre conscience peut-elle rendre témoignage de vos sanglots, de vos gémissements, de vos larmes secrètes ? Votre famille peut-elle témoigner que vous l’avez élevée dans la crainte du Seigneur et que vous l’avez avertie de ne pas aller dans ce lieu de tourment ? Vos voisins peuvent-ils certifier que vous reprenez les impies et que vous vous efforcez de sauver les âmes de vos frères ? Que tous ces témoins jugent aujourd’hui entre Dieu et vous si vous aspirez sérieusement à votre éternel repos. — Votre amour pour Christ, votre foi, votre zèle, enfin toutes vos grâces spirituelles sont-elles faibles ou puissantes ? Etes-vous préparé à mourir, si Dieu vous appelait dans ce jour ? C’est à cela que vous reconnaîtrez bientôt si vous n’avez apporté que de la nonchalance à l’œuvre de votre salut ou si vous y avez travaillé avec zèle.

O bienheureux repos ! combien tu es indignement négligé ! O bienheureux royaume ! combien ta valeur est dépréciée ! J’espère, lecteur, que vous reconnaissez combien il est imprudent de se jouer du repos éternel, et combien vous avez été coupable à cet égard. J’espère aussi que vous ne laisserez pas cette conviction s’évanouir. Si un médecin vous disait : Vous n’avez qu’une seule chose à faire ; si vous la faites, je suis sûr de vous guérir de votre maladie, ne l’observeriez-vous pas ? De même je vous dis : Si vous voulez observer cette seule chose à l’égard de votre âme, je n’ai aucun doute sur votre salut. Secouez votre paresse, faites tous vos efforts et soyez véritablement Chrétien ; je ne connais rien alors qui puisse mettre obstacle à votre bonheur. Cherchez Dieu de tout votre cœur et vous le trouverez. Malgré votre ingratitude envers Jésus-Christ, cherchez-le sincèrement, obéissez-lui sans réserve, et vous êtes aussi sûr de votre salut que si vous en étiez en possession. Mais quelque complète que soit l’expiation de Jésus-Christ, quelque gratuite que soit la promesse, quelque infinie que soit la miséricorde de Dieu, si vous vous bornez à parler de toutes ces grâces au lieu de les saisir avec empressement, jamais vous n’en tirerez aucun avantage. Et si vous vous amusez au lieu de travailler, vous perdrez la couronne. Mettez-vous donc à l’ouvrage promptement et sérieusement, et bénissez Dieu de ce que vous en avez encore le temps. — J’ajouterai ici quelques considérations propres à vous encourager, et je vous dirai comme Moïse au peuple d’Israël : Appliquez votre cœur aux paroles que je prononce en ce jour ; car ce n’est point chose vaine, c’est votre vie.

Considérez combien il est raisonnable que notre activité réponde à l’ouvrage que nous avons a faire, ainsi qu’à la brièveté et à l’incertitude de notre temps. L’objet des désirs et des efforts d’un Chrétien est si grand que l’intelligence humaine ne peut le comprendre. Quoi de plus excellent ou de plus important que de sauver notre âme et celle de nos frères, en échappant aux tourments de l’enfer et en possédant la gloire du ciel ? Un homme peut-il trop s’intéresser à des objets de cette importance ? Ne savons-nous pas que si nos prières ne sont point exaucées, et si nos efforts ne réussissent point, nous sommes perdus pour toujours ? Le Chrétien a à remplir ici-bas une tâche immense et compliquée. Il faut que son âme soit renouvelée, ses passions mortifiées, ses habitudes vaincues, ainsi que les tentations, les intérêts mondains ; il faut que sa chair soit domptée, que le repos de sa conscience soit fondé sur des bases solides ; il faut enfin qu’il obtienne l’assurance de son pardon et de son salut. Quoique Dieu nous accorde toutes ses grâces sans que nous les méritions, il ne nous les donnera cependant pas sans que nous les cherchions avec ardeur et persévérance. Nous avons eu outre bien des connaissances à acquérir, bien des moyens à employer, bien des devoirs à remplir, bien des obligations envers nos enfants, nos épouses, nos serviteurs, nos voisins, nos amis et nos ennemis. C’est donc une folie de différer ou d’hésiter. Le temps passe ; encore quelques jours et nous ne serons plus sur la terre ; nous ne savons pas si nous entendrons encore un seul sermon, si nous verrons encore un sabbat, encore une heure. Combien devrions-nous être actifs, quand nous avons si peu de temps pour tant d’ouvrage !

La considération des lumières et des grâces que nous avons reçues devrait aussi exciter notre activité. Ces lumières sont abondantes et infiniment précieuses. Nous avons reçu plus qu’aucun peuple des instructions simples, des conseils persuasifs, des exhortations continuelles. Nous avons eu des sermons à en être fatigués, des sabbats jusqu’à les profaner, d’excellents livres en telle abondance que nous ne savons lequel lire. Quel peuple a jamais eu Dieu si près de lui ! Quel peuple a jamais eu le ciel et l’enfer si clairement révélés à lui ? Comme nous devrions voler avec de semblables ailes ! Nous ne devons point nous contenter d’une faible mesure de grâce, et nous sommes inexcusables, si nous ne montrons point une activité extraordinaire dans l’œuvre de Dieu. Toute notre vie a été comblée de faveurs miséricordieuses ; nous en avons été nourris et revêtus, nous en avons reçu au dedans et au dehors un aussi grand nombre que les étoiles ou que les sables du rivage. Dieu n’a jamais cru en trop faire pour nous ; craindrons-nous d’en faire trop pour lui ? — Quand je compare ma vie inerte et inutile avec les faveurs étonnantes et multipliées que j’ai reçues, je suis couvert de honte, je suis réduit au silence, je me trouve inexcusable.

Considérons de plus qu’en travaillant mollement à notre salut nous perdons nos peines. Beaucoup de gens qui, comme Agrippa, ne sont que presque chrétiens, s’apercevront à la fin qu’ils ne seront que presque sauvés. Un homme qui veut soulever un poids et qui n’y met pas assez de force, ferait aussi bien de ne pas y en mettre du tout. Combien de devoirs sont perdus pour les chrétiens faute d’avoir été remplis de tout point ! Il y en a beaucoup qui chercheront à entrer et qui ne le pourront point (Luc 13.24). S’ils avaient fait tous leurs efforts, ils auraient pu réussir. Redoublez donc de force et d’activité afin que tout ce que vous avez déjà fait ne soit point perdu. De plus, n’avez-vous pas déjà perdu beaucoup de temps précieux ? Pour quelques-uns de nous, l’enfance et la jeunesse sont passées ; pour d’autres, l’âge mûr ; et le temps qui nous reste est très incertain. Combien de temps avons-nous perdu en sommeil, en conversations, en jeux, en pensées et en sollicitudes mondaines ! Comme notre tâche est peu avancée ! Le temps que nous avons perdu ne peut se réparer. Ne devrions-nous pas alors profiter du peu qui nous reste ? — Soyons assurés que la récompense sera proportionnée à notre travail. Quoi que nous fassions, quoi que nous souffrions, le repos éternel nous récompensera de tout. Nous pouvons tous dire comme saint Paul : « J’estime que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes d’être comparées avec la gloire qui sera révélée en nous. Dieu n’est pas injuste pour oublier notre œuvre, et le travail de notre charité que nous avons témoigné pour son nom (Hébreux 6.10) »

Ce qui mérite encore de fixer notre attention, c’est que ces efforts sont les moyens de salut que Dieu lui-même nous a enseignés ; que tous les hommes les approuvent ou les approuveront ; qu’à l’heure de la mort les meilleurs chrétiens déplorent leur négligence ; que faute de faire tous ces efforts on perd quelquefois le ciel, et qu’on ne l’obtient jamais à des conditions plus faciles. La sagesse souveraine de Dieu a voulu que ces efforts fussent nécessaires au salut. Lorsque les hommes nous disent que nous sommes trop sévères, qui accusent-ils ? Dieu ou nous ? La faute, s’il y en a, en est à Celui qui commande, et non à celui qui obéit. Ce sont ces mêmes hommes qui nous demandent si nous sommes plus sages que tout le monde ensemble ; et cependant ils prétendent être plus sages que Dieu. Comment peuvent-ils concilier leur langage avec les lois de Dieu ? « Le royaume des cieux est forcé et ce sont les violents qui le ravissent. — Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car beaucoup chercheront à y entrer et ne le pourront point. — Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement. — Etudiez-vous à affermir votre vocation et votre élection. — Si le juste ne se sauve que difficilement, que deviendra l’impie et le pécheura ? » — Qu’ils cherchent maintenant toutes les raisons spécieuses qu’ils pourront trouver pour combattre la nécessité de cette pieuse violence recommandée aux saints : il me suffit pour les réfuter de dire que Dieu pense autrement qu’eux, et qu’il m’a commandé de faire beaucoup plus d’efforts que je n’en fais. Et quand je n’en verrais pas d’autre raison, sa volonté en est une suffisante. Qui doit dicter les conditions du salut, sinon celui qui en est l’auteur ? Que le monde, la chair et le démon s’élèvent contre une vie sainte et laborieuse, voici ma réponse : Dieu l’a commandée. Il est vrai qu’aujourd’hui partout on s’élève contre cette vie ; mais la plupart de ceux qui parlent contre elle l’approuvent dans leur cœur : et ceux qui la combattent maintenant seront bientôt d’un autre sentiment.

aMatthieu 11.12 ; Luc 13.24 ; Philippiens 2.12 ; 2 Pierre 1.10 ; 1 Pierre 4.18.

C’est faute de plus d’activité que l’on perd souvent le ciel. Il y a bien des hommes qui entendent la parole et la reçoivent avec joie, qui écoutent avec plaisir les ministres de Christ, qui font beaucoup de choses suivant leur avisb, et qui cependant périront. Cette idée ne devrait-elle point nous réveiller de notre funeste sécurité ? Combien d’hommes ont suivi Christ pendant longtemps, et cependant l’ont abandonné quand il a fallu renoncer à leurs intérêts temporels ! — Le repos doit être le prix du travail. Si les hommes pouvaient être sauvés sans cela, ils ne s’en inquiéteraient jamais. Mais quand Dieu a déclaré que sans l’activité la plus soutenue sur la terre vous ne vous reposerez point dans le ciel, la sagesse vous prescrit de faire pour cela tous les efforts possibles.

bMatthieu 13.20.

Mais afin de vous persuader, lecteur, de persévérer dans vos efforts pour obtenir le ciel, permettez-moi de vous offrir encore quelques considérations. — Dieu en agit sérieusement avec vous, pourquoi ne feriez-vous pas de même avec lui ? Dans ses commandements, dans ses promesses, dans ses menaces, sa parole est sincère, ses jugements sont certains. N’en a-t-il pas donné la preuve quand il a fait périr le monde par le déluge ? quand il a consumé Sodome et Gomorrhe ? quand il a dispersé les Juifs ? Est-ce donc le temps de se jouer de Dieu ? — C’est sérieusement que Jésus-Christ a travaillé à notre rédemption. Dans le cours de sa mission, il a négligé le manger et le boire, il a passé des nuits en prières, il a jeûné quarante jours, il a été tenté, il a été trahi, il a souffert les crachats, les soufflets, la couronne d’épines ; une sueur de sang a inondé son corps ; il a été crucifié, il a été percé, il est mort. Et n’est-ce pas sérieusement aussi que nous devons chercher notre salut ? — C’est sérieusement que le Saint-Esprit nous invite à être heureux. Ses sollicitations sont continuelles, pressantes, importunes ; il lutte avec nous ; il s’afflige quand nous lui résistons ; et n’est-ce pas sérieusement que nous devons lui obéir et céder à ses impulsions ? — C’est sérieusement que Dieu entend nos prières et nous accorde ses grâces : il écoute tous nos gémissements et tous nos soupirs, il recueille avec soin toutes nos larmes : devons-nous nous attendre à en recevoir des faveurs véritables, si nous sommes légers et insouciants dans l’œuvre de Dieu ? — C’est sérieusement que les ministres de Christ vous exhortent et vous instruisent, qu’ils vous supplient, et qu’ils sollicitent Dieu. Faut-il que d’autres se donnent tant de soins et tant de peines pour votre salut, et que vous soyez vous-mêmes si insouciant à cet égard ?

Quelle activité déploie Satan dans toutes sortes de tentations ! quelle activité déploient ses ministres ! Les serviteurs du monde et du démon travaillent comme s’ils n’en pouvaient jamais faire assez ; ils font tout pour paralyser les efforts des ministres de Dieu ; ils détruisent le fruit des sermons, ils renversent tout ce qui leur fait obstacle : faut-il qu’ils soient plus actifs à vous perdre que vous ne l’êtes à vous sauver ? N’avez-vous pas un meilleur maître, une occupation plus douce, une récompense plus précieuse ? — Autrefois, (et peut-être encore à présent) vous étiez zélé au service de Satan et de la chair. Avec quel empressement vous vous livriez à vos divertissements, à vos mauvaises compagnies, à vos jouissances criminelles ! Ne serez vous pas maintenant aussi zélé, aussi empressé pour Dieu ? Jusqu’à présent vous vous êtes occupé sérieusement des choses de la terre ; l’affaire de votre salut n’est-elle pas beaucoup plus importante ? Maintenant, lecteur, après avoir mis sous vos yeux ces arguments irrésistibles, je vous demande quelle est votre résolution ? voulez-vous obéir ou non ? Je suis sûr que votre conscience est convaincue de votre devoir ; oserez-vous maintenant continuer à vivre dans votre insouciance malgré les preuves de votre raison, les commandements de Dieu et les lumières de votre conscience ? Oserez-vous vivre aussi licencieusement, pécher aussi audacieusement, et prier aussi rarement qu’auparavant ? Oserez-vous profaner le jour du sabbat, dédaigner le service de Dieu, et penser à votre sort éternel avec la même insouciance qu’autrefois ? Ou plutôt n’êtes-vous pas résolu à ceindre les reins de votre esprit, à vous mettre sérieusement à l’œuvre de votre salut, à braver les oppositions, à mépriser les railleries du monde, à rejeter tout fardeau, et le péché qui vous enveloppe aisément, et à poursuivre constamment la course qui vous est proposée ? — J’espère que ce sont là vos résolutions. Cependant, comme je connais l’opiniâtreté du cœur de l’homme, et que je désire que votre âme vive, je vous prie de faire attention aux questions suivantes, je vous commande au nom de Dieu de ne point étouffer la voix de votre conscience, de ne point résister à votre conviction, mais plutôt de répondre avec sincérité et d’agir en conséquence. — Si le zèle pour la religion pouvait vous procurer dans ce monde des richesses, des honneurs, de l’avancement, de la santé, de la prospérité, que de peine vous prendriez pour le service de Dieu ! Et cependant combien tout cela est peu de chose auprès du repos des saints ? — Si Dieu punissait de châtiments terrestres tous les péchés comme il punit le mensonge d’Ananias et de Saphira, quelle vie mèneriez-vous ! Et pourtant la colère éternelle n’est-elle pas bien plus redoutable ? — Si vous saviez que vous n’avez plus qu’un jour à passer sur la terre, comment le passeriez-vous ? Eh bien ! vous ignorez si votre dernier jour n’est pas arrivé ; toujours êtes-vous certain qu’il n’est pas éloigné. — Si vous aviez vu le tribunal suprême, les livres ouverts, les méchants tremblants à la gauche du juge, les bons se réjouissant à sa droite, quel changement cette vue aurait produit en vous ! Et ce spectacle, vous le verrez certainement un jour. — Si vous aviez passé seulement une heure en enfer, et si vous y aviez ressenti les tourments dont on vous parle, avec quel effroi vous en parleriez, avec quelle ardeur vous prieriez Dieu de vous en préserver ! Faut-il absolument que vous en fassiez vous-même l’épreuve pour croire à la vérité de la parole de Dieu ? — Si vous aviez possédé seulement pendant un an la gloire du ciel, quelle peine vous donneriez-vous plutôt que de perdre cette félicité incomparable !

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