Le repos éternel des Saints

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De la contemplation céleste, ou de la méditation des choses divines

Encore une fois, lecteur chrétien, je vous supplie de remplir fidèlement le devoir de la contemplation céleste. Si elle ne vous rend pas plus utile dans votre position, si elle n’augmente pas la mesure de vos grâces spirituelles, si elle n’unit pas plus étroitement votre âme à Dieu, et si elle ne remplit pas votre vie de consolations, je consens à passer à vos yeux pour un imposteur.

Beaucoup de personnes, scrupuleuses observatrices de leurs autres devoirs, négligent celui-ci, quoiqu’il soit destiné à accroître l’utilité des autres et à faire digérer à l’âme les vérités qui la nourrissent et qui la consolent. Christ et le ciel ont des perfections diverses ; et Dieu a doué l’âme de diverses facultés destinées à saisir et à goûter ces diverses perfections. Quel avantage aurions-nous retiré du parfum des fleurs sans l’odorat ? A quoi nous auraient servi le langage et la musique sans l’ouïe ? Quel plaisir aurions-nous retiré des aliments et des boissons sans le sens du goût ? De même, quel bien nous aurait fait toute la gloire du ciel, ou quel plaisir aurions-nous pris à toutes les perfections de Dieu lui-même, si notre cœur n’avait pas été susceptible d’amour et de joie ? Quelle force et quelle douceur retirerez-vous de vos méditations sur l’éternité, si vous n’exercez pas les facultés de l’âme qui doivent vous donner le sentiment de cette douceur et de cette force ?

C’est une erreur aux chrétiens de croire que la méditation soit seulement l’œuvre de l’intelligence et de la mémoire. Méditer ainsi est une chose que peuvent faire de simples écoliers, et même les hommes qui haïraient les objets de leur méditation. Mais dans l’œuvre sainte que nous vous recommandons, il faut faire autre chose que de se souvenir du ciel et d’y penser. Les affections des pécheurs sont pour le monde, pour les idoles : elles sont, comme leur entendement, éloignées de Dieu ; par conséquent elles doivent être aussi ramenées à lui. David appelle bienheureux l’homme qui se plaît à la loi de Dieu et qui la médite jour et nuit (Psaumes 1.2).

Le principal but de ce devoir est l’union, la familiarité avec Dieu. C’est une chose terrible pour un mourant que d’avoir eu ses pensées habituellement éloignées de Dieu et du ciel ; et je suis assuré que la négligence de ce devoir est ce qui rend ordinairement la mort si redoutable, même aux gens pieux. Je voudrais donc vous persuader, lecteur chrétien, d’en faire un devoir régulier, comme la prière, la lecture des saints livres, la célébration des solennités religieuses. Avoir un temps marqué pour l’accomplissement de nos devoirs est une garantie contre les tentations d’oubli et de négligence. Mais tout le monde n’est pas maître de son temps, et par conséquent tout le monde ne peut pas avoir des heures fixes. Ceux qui sont dans ce cas doivent profiter soigneusement des occasions qui se présentent et joindre autant que possible la méditation et la prière aux travaux de leur vocation. J’ai reconnu que pour moi le temps le plus favorable était le soir. Je fais cette remarque parce qu’elle s’accorde avec l’expérience d’un homme meilleur et plus sage que moi. Il est dit dans la Genèse qu’Isaac était sorti aux champs le soir pour prier.

Le jour du Seigneur est très favorable pour l’accomplissement de ce devoir. Pensez-y bien, vous qui ce jour-là trouvez du temps pour l’oisiveté et les vains discours. Si vous connaissiez ce devoir de la contemplation, vous ne chercheriez pas un autre emploi de votre temps. Le jour le plus long vous paraîtrait assez court. Chrétiens, que le ciel occupe plus de place dans vos sabbats ; qu’ils soient pour vous autant de degrés qui vous conduisent à la gloire, quand vous les aurez tous franchis. Vous surtout qui êtes pauvres et qui ne pouvez disposer de vos moments pendant la semaine, tirez parti du jour du Seigneur. Quand Dieu aura réchauffé votre cœur du feu céleste, vous pourrez prendre votre essor avec plus de liberté, et en un jour comme celui-là vos efforts seront faciles et plus efficaces. Soyez attentifs à la manière dont l’Esprit de Christ excite le vôtre. Sans Christ nous ne pouvons rien : agissons donc en même temps que lui : lorsqu’il viendra, qu’il ne nous trouve ni éloignés ni endormis. Lorsque l’Esprit trouvera votre cœur emprisonné comme saint Pierre, et chargé de fers ; lorsqu’il vous frappera en vous disant : « Lève-toi promptement et suis-moi ; » levez-vous aussitôt et suivez-le : vos chaînes tomberont et toutes les portes s’ouvriront devant vous.

Un temps favorable à ce devoir est celui de la souffrance, de la détresse, de la tentation. Quand nos pensées doivent-elles s’élever au ciel, si ce n’est quand elles ne trouvent que de la douleur ici-bas ? A quoi devons-nous penser qu’à la maison de notre père, quand nous n’avons pas même pour nous nourrir les misérables carouges que le monde nous abandonne ? Certainement c’est dans cette vue que Dieu vous dispense ces afflictions. Heureux dans votre pauvreté si vous la faites servir à ce but ! Heureux dans votre maladie si vous en tirez un tel avantage ! Lecteur, si vous saviez combien ces méditations sérieuses sur la gloire à venir sont efficaces pour vous consoler, dans vos afflictions, vous redouteriez moins ces peines et vous auriez plus souvent recours à ce remède qui sauve et qui vivifie. « Dans la multitude de mes pensées, dit David, tes consolations réjouissent mon âme. » Saint Paul dit : « J’estime qu’il n’y a point de proportion entre les souffrances du temps présent, et la gloire qui doit être manifestée en nous. — Car notre légère affliction du temps présent produit en nous le poids éternel d’une gloire infiniment excellente ; aussi nous ne regardons point aux choses visibles, mais aux choses invisibles : car les choses visibles ne sont que pour un temps, mais les invisibles sont éternelles (2 Corinthiens 4.17). »

Le lieu le plus favorable à la contemplation céleste est une retraite paisible : nous avons besoin de nous ménager tous les secours. Pour la prière, Christ nous recommande d’entrer dans notre cabinet et d’en fermer la porte (Matthieu 6.6) ; nous devons prendre la même précaution pour la méditation. Combien de fois Christ s’est-il retiré dans un désert, sur une montagne ou dans quelque retraite ! Il avait tellement l’habitude de se retirer dans un jardin solitaire, que Judas, quand il vint pour le trahir, savait où il le trouverait ; et quoique Jésus fût accompagné de ses disciples, il s’était éloigné d’eux pour prier en secret. Il n’est fait mention ici que de ses prières ; cependant il est évident qu’il s’agit aussi de ses méditations religieuses. Christ avait donc un lieu solitaire où il se retirait habituellement (Jean 18.1-2). Nous devrions suivre cet exemple : seulement il y aura une grande différence dans l’objet de nos méditations. Christ médite sur les tourments que nos péchés ont mérités ; nous, nous devons méditer sur la gloire qu’il nous a acquise, afin que l’amour du Père et la joie du Saint-Esprit puissent entrer dans nos cœurs, ranimer nos affections et inonder nos âmes.

Le succès de cette œuvre dépend beaucoup de la disposition de votre cœur. Quand le cœur de l’homme ne renfermait rien qui pût contrister l’Esprit, il était la demeure chérie de son Créateur. L’éloignement ne se manifesta que quand le cœur devint pécheur. Si notre âme revenait à sa première innocence, Dieu y reprendrait bientôt son ancienne place ; à mesure qu’elle sera renouvelée par l’Esprit, purifiée de ses convoitises, le Seigneur la reconnaîtra encore pour être à lui. Christ se manifestera à elle, et l’Esprit la prendra pour son temple et pour sa demeure : « Gardez donc votre cœur de tout ce dont il faut se garder ; car de lui procèdent les sources de la vie. »

Surtout dégagez votre cœur du monde autant que vous le pourrez. Écartez toute pensée d’affaires, de soucis, de plaisirs. Videz votre cœur afin qu’il puisse se remplir de Dieu. Comme la jouissance que vous trouverez en Dieu dans cette contemplation dépend beaucoup de la capacité et de la disposition de votre cœur, cherchez le Seigneur de toute votre âme. Ne reléguez pas Christ dans l’étable et dans la crèche, comme si vous réserviez vos principaux appartements à de plus dignes hôtes : dites à toutes vos affaires et à toutes vos pensées mondaines, comme Jésus-Christ à ses disciples : « Reposez-vous ici pendant que je m’en irai là pour prier. »

Que votre cœur et votre esprit soient pénétrés d’un saint respect quand vous vous occupez à ce devoir. Il ne faut pas se jouer des choses saintes. Je serai sanctifié en ceux qui s’approchent de moi, dit l’Éternel. Efforcez-vous donc de vous pénétrer profondément de la présence de Dieu et de sa grandeur incompréhensible : pensez avec quel respect vous devez vous approcher de Celui qui a créé le monde par sa parole, qui soutient la terre comme dans sa main, qui dirige le soleil, la lune et les étoiles dans leur cours, et qui assigne des limites à la mer en furie. Pénétrez-vous aussi de la grandeur, de l’importance et de l’excellence de l’œuvre dont vous êtes occupés. Si vous défendiez votre vie au tribunal d’un juge terrestre, vous agiriez sérieusement : avec quelle disposition, avec quel respect et quelle vénération profonde vous devez vous approcher de votre Seigneur ! Songez aussi à l’heureux résultat de cette œuvre, si vous y réussissez : ce sera votre admission en la présence de Dieu, le commencement de la gloire éternelle sur la terre.

Quoique le Saint-Esprit soit le principal agent dans cette œuvre céleste, cependant de votre côté la réflexion est le grand moyen par lequel elle est heureusement achevée. La réflexion a beaucoup de puissance pour émouvoir les affections et pour faire sur le cœur des impressions profondes. Les objets les plus délicieux ne peuvent nous intéresser lorsque nous ne les voyons point ; mais la réflexion offre à notre vue les choses qui en étaient comme éloignées et les présente aux yeux de notre âme. — Par la réflexion, un homme s’entretient avec son cœur et examine sa position : comme l’enfant prodigue, en s’entretenant avec lui-même, trouve une foule de motifs pour retourner chez son père. — La réflexion tend à rendre à la raison toute son autorité ; elle la délivre de l’esclavage des sens. Quand la raison se tait, elle est ordinairement soumise ; quand elle dort, les sens la dominent. La réflexion rehausse les objets de la foi et rabaisse ceux des sens. Les hommes les plus irréfléchis sont en même temps les plus sensuels. On voit souvent des hommes pécher contre leur conscience ; mais on en voit rarement pécher après des réflexions sages, profondes et assidues.

L’exercice des affections telles que l’amour, le désir, l’espérance, le courage et la joie, contribue aussi à l’avancement de cette œuvre divine ; mais l’essentiel est d’exercer notre foi en la vérité de notre éternel repos, c’est-à-dire notre foi dans la certitude des promesses, dans l’assurance que nous y sommes personnellement intéressés, et dans la validité de nos droits. Si nous étions bien persuadés qu’il existe une telle gloire, et que nous la verrons dans peu de jours, comme cette foi nous donnerait un sentiment profond de cette vie ! Quel amour, quelle impatience elle exciterait en nous ! Comme elle animerait toutes nos affections ! N’espérez jamais que votre joie et votre amour soient excités tant que votre foi qui doit les conduire demeurera inerte. Exercez donc chaque jour votre foi ; présentez-lui les promesses gratuites, les sollicitations par lesquelles Dieu nous presse de les accepter, les dispositions charitables de Christ, sa fidélité à ses engagements, les preuves de son amour dans nos cœurs. Présentez à votre foi toutes ces considérations ensemble, et voyez si elles n’attestent pas que Dieu a la volonté de nous sauver, et si elles ne s’élèvent pas toutes pour combattre notre incrédulité.

1°. L’amour est une des affections qui doivent contribuer à l’œuvre de la contemplation céleste. C’est l’exercice de cette affection qui donnera à votre âme comme une nouvelle vie. Que la foi s’empare de votre cœur, qu’elle lui découvre votre éternelle demeure, la gloire de la maison de votre père, l’habitation que Christ vous prépare, et les honneurs de son royaume : qu’elle conduise votre cœur en la présence de Dieu et qu’elle dise : « Voici l’Ancien des jours, le Seigneur Jehovah, dont le nom est Je suis celui qui est. C’est lui qui a créé les mondes, qui soutient la terre, qui gouverne les nations, qui dispose les événements, qui conduit le soleil dans sa course et qui dirige les mouvements des étoiles. C’est lui qui t’a formé dans le sein de ta mère, qui t’a donné une âme, qui t’a fait voir le jour, qui t’a placé au premier rang des créatures terrestres, qui t’a doué d’intelligence, qui conserve ta vie et qui l’embellit de toutes ses jouissances. Voici un objet digne de ton amour ; digne que tu concentres sur lui toutes tes affections. C’est lui, c’est le Seigneur qui t’a comblé de ses bienfaits, et qui en a rempli ta coupe : c’est lui que les anges et toute l’armée célèbrent à jamais. » C’est ainsi que vous devez vous étendre sur les louanges de Dieu et ramener sans cesse votre cœur sur toutes ses perfections, jusqu’à ce que le feu sacré de l’amour commence à s’allumer dans votre âme.

Ne vous arrêtez point : montrez encore à votre cœur le Fils du Dieu vivant, dont le nom est l’Admirable, le Conseiller, le Dieu Puissant, le Père Éternel, le Prince de la paix ; montrez-lui le Roi des saints sur son trône de gloire ; le Premier et le Dernier ; Celui qui est, qui était et qui sera, qui vit et qui était mort et qui maintenant vit éternellement ; Celui qui vous a réconcilié par le sang de la croix, qui vous a préparé auprès de lui une demeure de paix. Son rôle est celui de grand pacificateur, son royaume est le royaume de la paix ; son Évangile est une nouvelle de paix, sa parole qu’il vous adresse maintenant est une parole de paix ; approchez-vous et contemplez-le.

Celui qui ordonna à Thomas de s’approcher de lui, de voir la marque des clous, de toucher ses plaies, vous dit maintenant : « Approchez, voyez le Seigneur votre sauveur : ne soyez point incrédules, mais croyez : que la paix soit avec vous : ne craignez point, c’est moi. » Ses mains, ses pieds, son côté, ont été percés pour vous. C’est lui qui a aboli la sentence de condamnation ; qui a porté la malédiction qui devait tomber sur vous : qui vous a rendu la bénédiction que vous aviez perdue, et qui vous a acquis l’héritage que vous devez posséder éternellement. Ne vous souvenez-vous pas qu’il vous a trouvé baigné dans votre sang, qu’il a eu pitié de vous, qu’il a bandé vos plaies, qu’il vous a ramené dans votre demeure, et qu’il vous a dit : vivez ? — Si vous ne le reconnaissez pas à sa figure, à sa voix, à ses mains, vous pouvez le reconnaître à son cœur : ce cœur ému de compassion est le sien et ne peut être que le sien. C’est lui qui a donné sa vie pour vous et qui maintenant intercède continuellement pour vous. N’en est-ce point assez pour nourrir votre amour ? Votre cœur oppressé de sanglots ne cherche-t-il pas, comme son fils, un lieu où il puisse se soulager par des larmes ? — Mais poursuivez ; la carrière de l’amour est immense, et ce sera votre occupation éternelle de contempler et d’aimer.

Combien de fois votre Seigneur vous a-t-il trouvé comme Agar, versant des larmes, pleurant sur votre âme que vous regardiez comme perdue ? Il vous a découvert une source de consolation, il vous a dessillé les yeux pour la voir. Souvent, comme le serviteur du prophète, vous vous êtes écrié : « Hélas ! comment ferons-nous ? » une armée nous environne. Alors il vous a ouvert les yeux et vous a fait voir vos amis plus nombreux que vos ennemis. Souvent, comme Jonas, vous avez été impatient et abattu : alors il vous a dit avec douceur : « Est-ce bien fait à toi de t’être mis en colère, et de murmurer contre moi ? » — Souvent il vous a engagé à veiller, à prier, à vous repentir et à croire ; à son retour il vous a trouvé endormi ; mais il a couvert votre négligence du manteau de son amour et il a allégué pour votre défense : « l’Esprit est prompt, mais la chair est faible. » Votre cœur peut-il demeurer froid, quand vous pensez à tout cela ? Peut-il se retenir quand vous vous rappelez ces compassions infinies ? — Ainsi, lecteur, pénétrez votre cœur de la bonté de Jésus, cherchez à persuader votre âme, jusqu’à ce que vous puissiez dire avec David : « Mon cœur s’est échauffé au dedans de moi : pendant que je méditais, le feu s’embrasait » ; et avec saint Pierre : « Seigneur, tu sais que je t’aime. »

2°. Si votre amour est ardent, vos désirs le seront aussi. Dites-vous à vous-même : « Qu’ai-je vu ? Quelle gloire incompréhensible ! Quelle beauté sublime ! Heureuses les âmes qui en jouissent ! Quelle différence entre mon état et le leur ! Elles n’ont ni mes craintes ni mes inquiétudes : elles ne pleurent point en secret, elles ne languissent pas dans la douleur. O âmes bienheureuses ! Quelles idées imparfaites j’ai encore de mon Dieu ! Comme mes affections sont glacées ! Comme je manque de cette vie, de cet amour, de cette joie dans laquelle elles vivent continuellement ! Quelquefois une étincelle tombe sur mon cœur, et tandis que je la contemple, mon cœur glacé la laisse éteindre. Pour elles, elles puisent leur lumière dans sa lumière, et se désaltèrent continuellement aux sources de la joie. Combien de temps, Seigneur, combien de temps laisseras-tu mon âme soupirer et gémir ? Elle t’attend, elle aspire à être avec toi. »

C’est ainsi, chrétiens, que vous devez entretenir les désirs de votre âme jusqu’à ce que vous puissiez dire avec David : « Seigneur, mes yeux sont épuisés, j’ai souhaité ta délivrance ! »

3°. Un autre sentiment qui doit avoir son influence dans la contemplation céleste, c’est l’espérance (Romains 15.13). Elle soutient l’âme au milieu des souffrances, l’encourage contre les plus grandes difficultés, la fortifie contre les plus cruelles épreuves : elle est comme un ressort qui donne le mouvement à tous les rouages. Qui aurait de la foi, qui combattrait pour le ciel, s’il n’avait l’espérance d’y parvenir ? Avec vos espérances, meurent aussi vos désirs, vos efforts, vos joies et vos âmes. Ne négligez donc pas, chrétiens, d’exciter vos espérances. Dites-vous au fond du cœur : « Pourquoi n’espérerais-je pas avec confiance, lorsque mon âme est entre les mains d’un Sauveur miséricordieux, et lorsque le royaume éternel est à la disposition d’un Dieu aussi bon ? N’a-t-il pas juré qu’il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se repente et qu’il vive ? Lorsque j’étais sans crainte, ne m’a-t-il pas averti de mon danger parce qu’il voulait m’y faire échapper ? Et lorsque je ne m’inquiétais point de ma félicité éternelle, ne m’en a-t-il point fait souvenir, parce qu’il voulait m’en mettre en possession ? Combien de fois m’a-t-il ramené à Christ quand je m’en étais éloigné ? Combien de temps son Esprit a continué à solliciter mon cœur ? Aurait-il fait tout cela s’il avait voulu que je périsse ? Si un honnête homme m’avait fait une promesse qu’il fût en son pouvoir de tenir, je serais rempli d’espoir : à plus forte raison dois-je espérer quand j’ai la promesse de Dieu même. Il est vrai que cette gloire est invisible pour nous ; nous n’avons pas vu la demeure des saints, mais la promesse de Dieu n’est-elle pas plus infaillible que notre vue ? »

« Nous ne sommes sauvés qu’en espérance ; or quand on voit ce qu’on avait espéré, ce n’est plus espérance, car comment espérerait-on ce qu’on voit ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, c’est que nous l’attendons avec patience (Romains 8.24-25). — L’Éternel est ma portion, a dit mon âme, c’est pourquoi j’espérerai en lui : l’Éternel est bon à ceux qui s’attendent à lui et à l’âme qui le recherche. Il est bon d’attendre en repos la délivrance de l’Éternel (Lamentations 3.24-26) — A cause du sang de l’alliance, Dieu tirera les captifs de la fosse où il n’y a point d’eau ; et je retournerai à ma forteresse comme un captif qui a de l’espérance. »

4°. Le courage doit aussi avoir sa part dans la contemplation céleste. Cette qualité conduit à la résolution et à l’action. Dites-vous intérieurement : « Mais Dieu habiterait-il effectivement sur la terre avec les hommes ? Une telle gloire est-elle à notre portée ? Pourquoi donc ne pas la saisir ? Pourquoi ne pas renverser tous les obstacles ? Qui pourrait m’arrêter ou m’effrayer ? Si Dieu est pour moi, qui sera contre moi ? Est-ce avec mes seules forces que j’entreprends cette œuvre ou avec la force de Christ mon Seigneur ? Ne puis-je pas tout par celui qui me fortifie ? Pourquoi donc ma chair m’oppose-t-elle les difficultés de cette tâche ? Y a-t-il quelque chose de difficile pour la toute-puissance ? Quand il faudrait abandonner mes amis les plus chers (si je puis appeler amis ceux qui voudraient m’entraîner à ma perte), ne devrais-je pas le faire ? Leur amitié me consolera-t-elle de la damnation de mon âme ? ou compensera-t-elle la perte de Dieu ? Quand ils offriraient à mon ambition tous les royaumes du monde, je ne les écouterai point. — O bienheureux repos ! ô glorieux état ! Qui ne veillerait, qui ne ferait des efforts, qui ne combattrait pour l’obtenir ? »

5°. Un autre sentiment que la contemplation céleste doit exciter, c’est la joie. L’amour, le désir, l’espérance et le courage, tendent a faire naître en nous la joie. Et n’avons-nous pas des préceptes et des exemples qui nous engagent à nous réjouir dans l’espérance de la gloire de Dieu (Romains 5.2 ; 12.12) ? Les promesses infaillibles de Dieu ne sont-elles pas une cause de joie ? L’héritier d’un royaume ne peut-il point se réjouir en pensant à tout ce qu’il doit bientôt posséder ?

Ici, chrétien, montrez encore à votre cœur le royaume de Christ et sa gloire, et dites-lui : « C’est la volonté du Père de te donner ce royaume. Cette couronne est à toi parce que tu es à Christ et que Christ est à toi. Entre donc par les portes de la cité sainte : promène-toi dans les rues de la nouvelle Jérusalem. N’a-t-elle pas la gloire de Dieu, et sa lumière n’est-elle pas semblable à une pierre très précieuse, telle qu’une pierre de jaspe transparente comme du cristal ? Vois les douze fondements de ses murailles sur lesquels sont les noms des douze apôtres de l’Agneau. La muraille est bâtie de jaspe, mais la ville est d’or pur semblable à un verre fort clair ; et les fondements sont ornés de toutes sortes de pierres précieuses. Les douze portes sont douze perles : chaque porte est d’une seule perle : la grande place de la ville est d’or pur semblable à du verre transparent. Il n’y a point de temple, car le Seigneur Dieu Tout-Puissant et l’Agneau en sont le temple. Elle n’a besoin ni de soleil ni de lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’éclaire, et l’Agneau est son flambeau. Et les nations qui auront été sauvées marcheront à sa lumière. Ces paroles sont certaines et véritables ; et le Seigneur, le Dieu des saints prophètes, a envoyé son ange pour déclarer à ses serviteurs ce qui doit arriver dans peu. » — A cette vue dis à ton âme : « C’est là ton repos ; c’est là le lieu de ta demeure éternelle. Que tous les fils de Sion et que toutes les filles de Jérusalem se réjouissent, car le Seigneur est grand, et doit être hautement loué dans la cité de notre Dieu et sur la montagne de sa sainteté ! »

Remarquons qu’il n’est pas nécessaire que ces affections soient exercées dans l’ordre que nous venons d’indiquer, ou toutes à la fois. Nos méditations peuvent être mêlées de prières jaculatoires. Nous voyons David dans le même psaume s’entretenir tantôt avec son âme, tantôt avec Dieu. L’apôtre nous recommande de nous entretenir avec nous-mêmes par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels, et sans doute nous pouvons de la même manière nous entretenir avec Dieu. Dieu étant l’objet le plus élevé de nos pensées, la contemplation de ses perfections et les prières que nous lui adressons élèvent notre âme et excitent nos affections plus que toute autre partie de nos méditations. Mais ne croyez pas que l’on puisse abandonner la méditation et s’en tenir à la prière : ce sont deux devoirs distincts. Tous les deux sont indispensables, et par conséquent nous nous faisons le plus grand tort si nous négligeons l’un ou l’autre.

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