Synonymes du Nouveau Testament

9.
Θεράπων, δοῦλος, διάκονος, ὑπηρέτης
Serviteurs

Le seul passage où l’on rencontre θεράπων dans le N. T., c’est, celui d’Hébreux 3.5 : « Quant à Moïse, il a bien été fidèle dans toute sa maison comme serviteur » (ὡς θεράπων). L’allusion à Nombres 12.7 est ici manifeste, car les Septante y ont traduit עֶבֶד par θεράπων. La version grecque ne suit pourtant pas constamment cette règle ; bien souvent elle traduit עֶבֶד, non par θεράπων, mais par δοῦλος, et c’est sans doute cette manière de traduire qui nous a valu, dans Apocalypse 15.3, la phrase : Μωϋσῆς ὁ δοῦλος τοῦ Θεοῦ. Mais le fait que les Septante rendent le même mot hébreu tantôt par δοῦλος, tantôt par θεράπων, ne prouve pas qu’il n’y ait aucune différence entre ces termes, ni même qu’il n’y ait des cas où l’un des vocables ne doive être employé avec bien plus de raison que l’autre ; il en résulte seulement qu’il y a d’autres cas où il n’est pas nécessaire qu’on mette en relief ce qui constitue la nuance entre ces mots. Cette nuance existe réellement. Δοῦλος, opposé à ἐλεύθερος (Apocalypse 13.16 ; 19.18 ; Platon, Gorg. 502 d), c’est proprement « l’homme-lié » (de δέω, ligo), quelqu’un en relation permanente de servitude par rapport à un autre, et cela, abstraction complète de tout service rendu à cet autre ; mais θεράπων c’est celui qui accomplit des services actuels sans égard au fait que c’est comme homme libre ou comme esclave qu’il les rend, sans se dire qu’il est lié par le devoir ou poussé par l’amour ; et ainsi il s’ensuit tout naturellement que le θεράπων fait toujours songer à quelqu’un dont les services sont plus spontanés, plus nobles, plus libres que ceux du δοῦλος. Par exemple, Achille, dans Homère, appelle Patrocle son θεράπων (Iliad. xvi, 244), c’est à dire, quelqu’un dont les services n’étaient point contraints, mais l’expression officieuse de l’attachement ; quelqu’un auquel ressemblait fort l’écuyer ou le page du moyen-âge. Mérion est le θεράπων d’Idoménée (xxiii, 113), et tous les Grecs sont des θεράποντες Ἄρηος (ii, 110 et souvent). De même, dans Platon (Symp. 203 c), Eros est appelé ἀκόλουθος καὶ θεράπων d’Aphrodite ; cf. Pindare, Pyth. iv, 287, où le θεράπων est opposé au δράστης. C’est avec quoi s’accordent les définitions d’Hésychius : οἱ ἐν δευτέρᾳ τάξει φίλοι ; d’Ammonius : οἱ ὑποτεταγμένοι φίλοι ; et d’Eustathius : τῶν φίλων οἱ δραστικώτεροι. Dans le verbe εραπεύειν, (curare), comme distinct de δουλεύειν, et rapproché de θάλπω, « faveo », « foveo », c’est le caractère plus noble, et qui apporte plus de soins dans le service, qui ressort avec le plus de force. On peut se servir de θεραπεύειν en parlant de la vigilance du médecin auprès de son malade, des soins que l’homme donne au culte de Dieu, et Xénophon (Mem. iv, 3, 9) l’applique admirablement à la sollicitude que les dieux montrent envers l’homme.

On voit donc que l’auteur de l’Épître aux Hébreux, quand il qualifie Moïse de θεράπων dans la maison de Dieu (Hébreux 3.5), suppose par là que Moïse occupait un poste de confiance, que son service était plus libre, sa dignité plus élevée que celle d’un simple δοῦλος, qu’elle se rapprochait davantage de celle d’un οἰκονόμος dans la maison de Dieu ; et si nous consultons Nombres 12.6-8, nous trouvons, en confirmation de cette idée, que Moïse y est, en effet, revêtu d’une dignité spéciale, qui le place au dessus des autres δοῦλοι de Dieu ; cf. encore Deutéronome 34.5, où Moïse est appelé οἰκέτης κυρίου : aussi le titre de θεράπων κυρίου est-il donné à Moïse (Sagesse de Salomon 10.16), mais à aucun autre des grands personnages de l’ancienne alliance que mentionne le chapitre ; cf. 18.21. La Vulgate a très bien rendu θεράπων par « famulus » (ainsi Cicéron : « famulæ Idææ matris ») ; Tyndale et Cranmer l’ont traduit par « ministre ».

Il ne faut pas non plus perdre de vue la distinction entre διάκονος et δοῦλος ; dans l’emploi de ces vocables dans le N. T., et ce n’est pas difficile de la découvrir. Διάκονος, — l’étymologie διά et κόνις, quelqu’un qui est pressé et qui court à travers la poussière, est une dérivation de fantaisie, que défend la quantité de la seconde syllabe dans διάκονος, — vient probablement de la même racine qui nous a donné διώκω, « se presser après » ou à poursuivre », et ainsi διάκονος signifie bien encore « un coureur ». La différence entre διάκονος d’un côté, et δοῦλος et θεράπων de l’autre, est celle-ci : διάκονος représente le serviteur dans son activité pour le travail (διακονεῖν τι, Éphésiens 3.7 ; Colossiens 1.23 ; 2 Corinthiens 3.6), non dans sa relation à une personne ; relation servile comme celle de δοῦλος, ou plus volontaire, comme dans le cas de θεράπων. Les organisateurs d’une fête, sont comme tels, abstraction faite de leur condition d’hommes libres ou non, des διάκονοι (Jean 2.5 ; Matthieu 22.13 ; cf. Jean 12.2). — Ce qu’on vient de dire de l’importance de maintenir la distinction entre δοῦλος et διάκονος peut être éclairci par la parabole des Noces (Matthieu 22.2-14). Dans nos versions, les « serviteurs » du roi introduisent les convives (vv. 3, 4, 8, 10), et ces « serviteurs » sont requis de jeter hors de la salle l’intrus qui n’avait point une robe de noces (v. 13) ; mais, dans le grec, ceux qui introduisent les convives sont désignés par δοῦλοι, et ceux qui exécutent la sentence royale, par διάκονοι, — distinction très réelle, et appartenant aux traits essentiels de la parabole, car les δοῦλοι sont des hommes, des ambassadeurs de Christ, qui invitent leurs frères à entrer dans son royaume ; les διάκονοι, par contre, sont des anges qui, dans tous les actes judiciaires qui ont trait à la fin du monde, apparaissent toujours comme les exécuteurs de la volonté de Dieu. Quoique la pointe de la parabole ne tourne pas sur la distinction entre ces deux mots, cependant il n’est pas plus permis de les confondre qu’il ne l’est de confondre les δοῦλοι avec les θερισταί dans Matthieu 13.27,30 ; cf. Luc 19.24.

Ὑπηρέτης, qui nous reste à examiner, est un vocable emprunté originairement à la vie militaire : c’est d’abord le rameur (de ἐρέσσω, remigo), le matelot comme distinct du soldat à bord d’une galère de guerre ; puis, c’est celui qui fait un travail quelconque mais dur et laborieux ; enfin c’est l’officier subalterne qui attend les ordres de son supérieur, comme attend l’officier d’ordonnance qui accompagne son commandant à la guerre (Xénophon, Cyr. vi, 2, 13). C’est dans ce sens, c’est à dire, comme ministre accomplissant certaines fonctions déterminées pour Paul et Barnabas, que Marc était leur ὑπηρέτης. (Actes 13.5) ; c’est dans ce sens officiel de licteur, d’appariteur, etc., que le mot est constamment (et même d’une manière prédominante) employé dans le N. T. (Matthieu 5.25 ; Luc 4.20 ; Jean 7.32 ; 18.18 ; Actes 5.22). Le fait que ces deux mots, δοῦλοι et ὑπηρέται, sont mentionnés ensemble (Jean 18.18), suffirait à lui seul pour indiquer qu’à cet endroit on établit une différence entre eux ; et, d’après cette différence, on trouvera que celui qui frappa le Seigneur au visage (Jean 18.22) ne pouvait pas être, comme quelques uns l’ont supposé, le même individu dont le Seigneur venait de guérir l’oreille (Luc 22.51), vu que ce dernier était un δοῦλος, tandis que le misérable qui avait frappé Jésus était un ὑπηρέτης du souverain sacrificateur. Les significations de διάκονος et de ὑπηρέτης sont bien plus étroitement unies ; de fait, ces deux mots, pour ainsi dire, coulent l’un dans l’autre continuellement, et il est une foule de cas où ils pourraient s’échanger indifféremment ; mais le caractère plus officiel, plus fonctionnel, pour ainsi dire, de ὑπηρέτης voilà le point où gît la différence entre eux deux.

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