Synonymes du Nouveau Testament

36.
Πένης πτωχός
Pauvre, nécessiteux

Ces deux, mots renferment l’idée de pauvreté, et de pauvreté par rapport aux biens de ce monde. Ils vont toujours de pair dans les Septante et surtout dans les Psaumes, sans que leur signification respective soit déterminée d’une manière bien rigoureuse (comme dans Psaumes 39.18 ; 73.22 ; 81.4 ; cf. Ézéchiel 18.12 ; 22.29) ; à peu de chose près ils jouent le même rôle que l’anglais « poor and needy » ; quelle que soit aussi la distinction dans l’hébreu entre אֶבֵיוֹן et עָנִי, les traducteurs alexandrins ont estimé que la différence entre ces vocables hébreux ne pouvait être reproduite par les vocables grecs, ou bien ils ne se sont point souciés de la reproduire, car ils n’ont point de règle fixe, traduisant également l’un et l’autre mot par πτωχός et πένης. Néanmoins il est des passages qui prouvent qu’ils ont parfaitement conscience d’une distinction entre ces mots et qu’ils la maintiennent quand ils le jugent bon ; et d’autres ou ils se servent de πένης (comme dans Deutéronome 24.16-17 ; 2 Samuel 12.1, 3-4), parce que πτωχός eût été évidemment un mot impropre.

Πένης ne se présente qu’une fois dans le N. T., et cela dans une citation tirée de l’Ancien (2 Corinthiens 9.9), tandis que πτωχός revient trente ou quarante fois. Dérivé de πένομαι, et connexe avec πόνος, πονέομαι et le « latin penuria », πένης signifie proprement quelqu’un que la pauvreté force à gagner son pain tous les jours par son travaila. Hésychius appelle, avec raison, un tel homme αὐτοδιάκονος, comme étant quelqu’un qui, de ses mains, subvient à ses propres nécessités. Le mot ne révèle point des besoins extrêmes ou une misère profonde, pas plus que ne le font les vocables « pauper » et « paupertas » chez les Latins ; il indique seulement la « res angusta » de tel individu auquel on aurait tort d’appliquer le terme de πλούσιος. Xénophon nous apprend quelle était la définition populaire de πένης (Mem. IV, 2, 37) : τοὺς μὲν οἶμαι μὴ ἱκανὰ ἔχοντας εἰς ἃ δεῖ τελεῖν πένητας. τοὺς δὲ πλείω τῶν ἱκανῶν πλουσίους. C’était une épithète qu’on appliquait communément à Socrate, et, plus d’une fois, il réclame la πενία pour lui-même (Plato, Apol 23c ; 31c). Nous savons ce qu’était sa πενία (Xenoph., Œcon. 2, 3), car tout ce qu’il avait, si on l’avait vendu, n’aurait pas rapporté cinq mines attiques. De même aussi les Πενέσται en Thessalie (si la dérivation du nom de πένεσθαι doit être conservée) étaient une population soumise, mais non réduite à la dernière extrémité ; au contraire, ils avaient conservé quelques droits comme serfs ou comme cultivateurs du sol.

aΠένης, comme πεῖνα, faim, et comme πόνος, travail, est ramené par Curtius à la racine Span, pan, tirer, tendre ; le mot implique donc fatigue, travail. Dr A. Scheler.

Mais si πένης indique le « pauper », πτωχός indiquera le « mendicus », le mendiant, celui qui ne vit point de son propre travail ou de son industrie, mais au moyen d’aumônes (Luc 16.20-21) ; et, par conséquent, un être que Platon n’aurait pas souffert dans son État idéal (Leg. xi, 936 c). Si, à la vérité, nous en appelons aux étymologies, προσαίτης (qui devrait trouver place dans le texte, Jean 9.8), ou ἐπαίτης sera l’équivalent le plus exact de notre terme « mendiant » ; toutefois πτωχός représentera proprement celui qui, dans le sentiment de son abjection et de ses besoins, se cache honteusement (ἀπὸ τοῦ πτώσσειν) en présence de ses supérieurs. Envisager le mot, comme s’il s’agissait de quelqu’un qui serait tombé d’une meilleure condition (ἐκπεπτωκὼς ἐκ τῶν ὄντων ; voir Herod. 3.14) est tout simplement imaginaire ; voir Didym., in Ps. 12.5, dans la Nov. Pat. Bibl. de Mai, vol. 8, 2e part. p. 165.

Il y a donc entre ces vocables une distinction marquée. Πτωχεία révèle une indigence bien plus grande que πενία et, si l’on veut s’en souvenir, cela renchérira sur le frappant contraste qu’établit saint Paul dans 2 Corinthiens 6.10 ; 8.9. Le πένης n’est pauvre qu’au point de gagner son pain par son travail journalier, mais le πτωχός est tellement pauvre qu’il ne maintient sa vie qu’en mendiant. Il y a évidemment une gradation dans la pensée de Platon quand il parle des tyrannies (Rep. x, 618 a), εἰς πενίας τε καὶ φυγὰς καὶ εἰς πτωχείας τελευτώσας. Le πένης ne possède rien de superflu, le πτωχός, rien du tout (voir Dœderlein, Lat. Synon., vol. 3, p. 117). Il y a déjà Lien longtemps que Tertullien avait indiqué notre distinction (Adv. Marc. 4.14), car, traduisant les paroles de notre Seigneur : μακάριοι οἱ πτωχοί (Luc 6.20). il change le « beati pauperes » qui retient encore sa place dans la Vulgate, en « beati mendici », et justifie ainsi ce changement : « Sic enim exigit interpretatio vocabuli quod in græco est. » Les deux expressions πενία (« paupertas ») et πτωχεία (« egestas »), peuvent être sœurs, comme le veut tel personnage dans Aristophane (Plut. 549) ; mais, s’il en est ainsi, Πτωχεία désignera une pénurie des biens de ce monde autrement grande que ne le ferait Πενία, et, à dire vrai, Πενία, dans le passage d’Aristophane, paraît enclin à répudier absolument toute relation aussi proche que celle dont il s’agit. On a souvent cité les paroles du poète comique, où il établit une distinction entre les deux mots :

Πτωχοῦ μὲν γὰρ βίος, ὃν σὺ λέγεις ζῆν ἐστιν μηδὲν ἔχοντα.
Τοῦ δὲ πένητος, ζῆν φειδόμενον καὶ τοῖς ἔργοις προσέχοντα,
Περιγίγνεσθαι δἀὐτῷ μηδὲν μὴ μέντοι μηδ᾽ ἐπιλείπειν.

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