Synonymes du Nouveau Testament

38.
Ἔλαιον, μύρον (χρίω, ἀλείφω)
Huile, parfum (oindre, parfumer)

Quelques-uns ont nié que l’A. T. reconnût une différence entre l’huile et le parfum, en se basant sur une preuve, insuffisante, à savoir que les Septante traduisent שֶׁמֶן quelquefois par μύρον (Proverbes 27.9 ; Cantique des cantiques 1.3 ; Ésaïe 39.2 ; Amos 6.6) ; quoique plus souvent, (et même dans une foule d’endroits), par ἔλαιον. Mais que de fois, dans un seul mot d’une langue, s’en cache-t-il deux d’une autre, surtout quand celle-ci abonde, comme le fait le grec, comparé à l’hébreu, en nuances plus délicates, en distinctions plus subtiles. Παροιμία et παραβολή, compris tous deux dans l’hébreu מָשָׁל, nous en fournissent un exemple bien connu, et ce double sens, il est du devoir d’un bon traducteur de le découvrir. En effet, le μύρον n’est pas autre chose que l’huile (ἔλαιον, oleum) à laquelle on a ajouté des épices et des substances aromatiques ou d’une odeur agréable ; ce qui fait que Clément d’Alexandrie (Pædag. 2.8) l’appelle δεδολωμένον ἀλαιον, huile falsifiéee. Pour le désigner, on a donc pu, pendant longtemps n’éprouver aucune nécessité de créer un mot nouveau. Ainsi, dans le grec lui-même, μύρον voit le jour pour la première fois dans les écrits d’Archiloque (Athénée, 15.37). Sans doute qu’au temps d’Homère il existait des parfums ; le poète se contente cependant, pour les spécifier, de se servir des termes d’« huile de bonne odeur » (εὐῶδες ἔλαιον, Od. 2.339), « d’huile de rose » (ῥοδόεν ἔλαιον, Il 23.186).

e – Comparez ce que Plutarque dit de Lycurgue (Apoth. Lac. 18) : Τὸ μὲν μύρον ἐξέλασεν ὡς τοῦ ἐλαίου φθορὰν καὶ ὄλεθρον.

Plus tard on distingua nettement entre ces deux termes. Tel passage dans Xénophon (Conv. 2.3,4) roule tout entier sur l’à-propos de donner l’ἔλαιον aux hommes et le μύρον aux femmes, celles-ci préférant que les hommes répandent, exhalent l’odeur de l’huile virile que celui du parfum des femmes (ἐλαίου δὲ τοῦ ἐν γυμνασίοις ὀσμὴ καὶ παροῦσα ἡδίων ἢ μύρου γυναιξί καὶ ἀποῦσα ποθεινοτέρα). Une autre manière de voir ôterait tout le sel, ou du moins presque tout, au reproche qu’adresse notre Seigneur au Pharisien peu courtois : « Ma tête, tu ne l’as pas ointe d’huile, mais cette femme a oint mes pieds de parfumf ! (Luc 7.46) ». « Tu m’as refusé, semble-t-il dire, les témoignages d’une courtoisie à bon marché et tout ordinaire, tandis qu’elle m’a prodigué des hommages qui lui ont coûté et qui sont rares ! » Grotius fait cette judicieuse observation sur notre passage : « Est enim perpetua ἀντιστοιχία. Mulier illa lacrimas impendit pedibus Christi proluendis : Simon ne aquam quidem. Illa assidua est in pedibus Christi osculandis : Simon ne uno quidem oris osculo Christum accepit. Illa pretioso unguento non caput tantum sed et pedes perfundit : ille ne caput quidem mero oleo : quod perfunctoriæ amicitiæ fuerat ».

f – Albert Rilliet, Arnaud, la version de Vevey et celle de Lausanne traduisent : « Tu n’as pas oint ma tête d’huile, mais elle a oint mes pieds de parfum. » Calvin seul : « Tu as oingt mes pieds d’oignement. » (Éd. 1556.)

Il en est qui ont tiré une ligne de démarcation entre les verbes ἀλείφειν et χρίειν ; la différence qu’ils signalent peut mériter de trouver place ici, comme ils la font dépendre de la même distinction que nous avons constatée entre μύρον et ἔλαιον. L’ἀλείφειν, disent-ils, indique communément l’onction luxueuse, ou en tout cas superflue, qui s’opère avec de l’onguent ; χρίειν indique l’onction sanitaire qui se fait avec de l’huile. Ainsi Casaubon (Anim. in Athenæum, 15.39) : « ἀλείφεσθαι, proprium voluptuariorum et mollium ; χρίεσθαι etiam sobriis interdum, et ex virtute viventibus convenit » ; et Valckenaer : « ἀλείφεσθαι dicebantur potissimum homines voluptatibus dediti, qui preliosis unguentis caput et manus illinebant ; χρίεσθαι de hominibus ponebatur oleo corpus, sanitatis caussa, inunguentibus ». Aucune trace d’une telle distinction n’apparaît dans le N. T. (ainsi comparez Marc 5.13 ; Jacques 5.14, avec Marc 16.1 ; Jean 11.2) ; on n’y voit pas même celle de Saumaise (Exerc. p. 330) : « Spissiora linunt, χρίουσι : liquida perfundunt, ἀλείφουσι. »

Le N. T. maintient pourtant une distinction, mais elle est différente de celle qui précède ; à savoir, qu’ἀλείφειν est le terme commun et terrestre, χρίειν, le mot sacré et céleste. Ἀλείφειν s’emploie indifféremment pour toute espèce d’onctions, soit d’huile, soit de parfum ; tandis que χρίειν (sans doute à cause de son rapport avec χριστός), est absolument réservé à l’onction du Fils, par le Père, au moyen du St. Esprit, pour l’accomplissement de sa grande mission, le séparant ainsi de toute vocation séculière et commune : ainsi voy. Luc 4.18 ; Actes 4.27 ; 10.38 ; 2 Corinthiens 1.21 ; Hébreux 1.9, seuls endroits où l’on rencontre χρίειν. La version des Septante appuie cette doctrine : χρίσις, χρίσμα (Cf. 1 Jean 2.20, 27) et χρίειν reviennent sans cesse pour exprimer les onctions religieuses et symboliques ; ἀλείφειν n’est presque pas employé dans ce sens, si ce n’est, je crois, dans Exode 40.13, et dans Nombres 3.3.

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