Synonymes du Nouveau Testament

104.
Δημιουργός, τεχνίτης
Constructeur, artisan

D’après Delitzsch commentant τεχνίτης καὶ δημιουργός de l’épître aux Hébreux (Hébreux 11.10), le mot τεχνίτης décrit Dieu établissant et dessinant si l’on ose dire le plan de la cité céleste, tandis que δημιουργός le considère comme exécutant ce plan. Cette distinction est partagé par la Vulgate (artifex et conditor), en français, architecte et constructeur. La difficulté est que l’on ne trouve pas d’exemple où τεχνίτης serait employé dans ce sens ; il se rencontre trois fois dans le N.T. (Actes 19.24, 38 ; Apocalypse 18.22), treize fois dans la Septante et les apocryphes, aucune de ces occurrences n’indique la moindre idée semblable. Aussi bien que je crois que δημιουργός et τεχνίτης devraient être distingués, je ne puis accepter l’explication couramment donnée.

Faisons d’abord quelques remarques concernant chacun de ces mots. Δημιουργός est un de ces mots grandioses soigneusement choisis pour leur effet rhétorique, particuliers à l’épître aux Hébreux, laquelle au point de vue du style diffère notoirement des autres épîtres. En dehors de cette apparition unique dans le N.T. (Hébreux 11.10), on le trouve une fois dans les apocryphes (2 Maccabées 4.1), et pas du tout dans la Septante. Son sens propre et premier annonce quelqu’un qui travaille devant le peuple, à une œuvre destinée à être vue publiquement. L’usage a oublié le caractère public, pour ne garder que l’idée de travail, de construction. C’est un mot favori de Platon ; pour lui la rhétorique est le δημιουργός de la persuasion (Gorg. 453 a) ; le soleil le δημιουργός du jour et de la nuit (Tim. 40 a) ; Dieu est le δημιουργός des hommes (comp. Josèphe, Ant. 1.7.1).

Mais si Dieu qui a effectivement droit au titre de δημιουργός, est reconnu comme étant le Constructeur de toutes choses, nommé πατὴρ καὶ ποιήτης par Plutarque (De Fac. in Orb. Lun. 13), πατὴρ καὶ δημιουργός par Clément de Rome (Cor. 35), l’autre titre de τεχνίτης, souvent trouvé en rapport (Lucian, Hipp. 8 ; Philo, Alleg. Leg. 3.32), évoque ce que nous pourrions appeler le côté artistique de la Création, ce qui justifie que Cicéron parlant de Dieu l’appelle artifex mundi, l’Artiste qui moule et façonne de tant de manières merveilleuses et diverses ses matériaux. Si donc δημιουργός se rapporte davantage à la puissance de Dieu, τεχνίτης exprime sa sagesse infiniment variée, dont témoigne la beauté des ses œuvres, qui toutes le reconnaissent pour leur Auteur, comme l’écrit un des écrivains apocryphes : τοῦ κάλλους γενεσιάρχης. Il y a donc pour l’homme pécheur une culpabilité inexcusable à traverser la vie en reniant son Créateur. Bleek, à propos de τεχνίτης dans Hébreux 12.10, cite Sagesse 13.1 : οὔτε τοῖς ἔργοις προσχότες ἐπέγνωσαν τὸν τεχνίτην (ayant considéré les œuvres, ils n’ont pas connu l’Artisan).

Sans doute il n’allait pas sans inconvénient de traiter ces deux mots dans l’ordre inverse où ils apparaissent dans l’épître, parler de δημιουργός puis de τεχνίτης ; mais cet inconvénient qui n’était pas si grand que de maintenir l’ordre originel, et de garder l’interprétation de Delitzsch.

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