Le don de parler diverses langues

CHAPITRE 3

LE DEUXIÈME TEXTE DE LUC

Actes 10.46

dans le contexte de Actes 43 à 48

et en rapport avec Actes 11.15-18

« Tous les prophètes rendent de lui le témoignage que quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés.

Comme Pierre prononçait encore ces mots, le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. Tous les fidèles circoncis qui étaient venus avec Pierre furent étonnés de ce que le don du Saint-Esprit était aussi répandu sur les païens (grec : les nations). Car ils les entendaient parler « en langues » (le sens normal du grec = parler plusieurs langues) et glorifier Dieu. Alors Pierre dit : Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous ? Et il ordonna qu'ils fussent baptisés au nom du Seigneur ».

* * *

Il est indéniable que les chapitres 2 et 10 des Actes décrivent deux occasions absolument uniques dans la création de l'Église : d'abord, au chapitre 2, le royaume de Dieu s'ouvre aux Juifs et ensuite, dans ce chapitre 10, il s'ouvre aux nations, aux « païens ». Il est normal que Dieu atteste la naissance de l'Église chez les non-juifs de la même manière que chez les Juifs, pour démontrer qu'il considère que le salut des nations a autant d'importance que celui de son ancien peuple choisi. Dans l'Église, aux yeux de Dieu, tous les hommes de foi ont la même valeur.

Actes 10 est la signature de Dieu sur sa nouvelle alliance faite avec les non-Juifs. C'est pourquoi le Saint-Esprit a marqué ce deuxième événement par une expérience semblable à la première. Pierre compare l'expérience des païens chez Corneille à celle des premiers chrétiens juifs à Jérusalem. Il dit :

Aux yeux de Pierre, le phénomène qui s'est manifesté à Césarée dans Actes 10 est identique à celui qu'avaient connu les apôtres à la Pentecôte dans Actes 2. C'est une vérité que la conjonction grecque hôsper (= de la même manière que) fait ressortir clairement.

Pierre est très surpris d'entendre ces « langues ». La raison serait-elle que le phénomène n'avait jamais réapparu après la première effusion de l'Esprit dans Actes 2 ? Nous ne savons pas, mais c'est possible. Dans ce cas, la signification du phénomène dans Actes 10 est tout de suite revêtue d'une nouvelle lumière : Dieu voulait convaincre Pierre et ses amis, ainsi que Corneille et les nouveaux chrétiens non Juifs, que l'action du Saint-Esprit chez les païens n'était en rien inférieure ou différente de celle qu'il avait apportée aux Juifs. De toute manière, cet événement était une occasion unique : c'était l'ouverture de la porte du royaume de Dieu à toutes les nations.

Si les langues miraculeuses avaient été l'expérience courante de tous ceux qui se convertissaient, pourquoi Pierre était-il surpris ? Il était, certes, surpris de voir que Dieu accordait son Esprit à des hommes qui n'étaient pas Juifs ; mais son étonnement ne s'explique pas uniquement par ce fait, car Pierre avait été présent au moment où les Samaritains, qui n'étaient pas Juifs non plus, avaient reçu l'Esprit. Or, dans le cas des Samaritains (Actes 8), il n’est fait aucune mention de langues. La surprise de Pierre à Césarée (Actes 10) était certainement due, d'une part au fait que Corneille et les Romains qui l'accompagnaient avaient reçu l'Esprit, d'autre part au fait qu'ils avaient parlé miraculeusement en d'autres langues que les leurs.

N'est-ce pas là une indication que le « parler en langues » n'était pas nécessairement lié, dans la pensée de Pierre, à la réception de l'Esprit ? D'ailleurs, si le « parler en langues » était pour lui l'accompagnement normal de la réception de l'Esprit, pourquoi dit-il : « comme sur nous au commencement », et non : « comme sur nous chaque fois » ou « comme sur tous ceux qui reçoivent le salut et l'Esprit » ? Ce texte révèle que le « parler en langues » à Césarée était, pour Pierre et ses équipiers, tout à fait inattendu.

D'ailleurs, nous devons reconnaître que l'occasion était en fait d'une importance incomparable et unique. Nous ne pouvons pas conclure, à partir de ce texte, que les langues miraculeuses étaient un signe courant, soit du salut, soit de la réception de l'Esprit (qui sont de toute manière indissociables l'un de l'autre.) Il est possible, certes, qu'il y ait eu d'autres cas de langues miraculeuses entre la naissance de l'Église en l'an 30 et la conversion de Corneille plusieurs années plus tard ; mais le texte de Luc ne nous en souffle mot. Nous n'avons pas le droit de faire dire à la Parole de Dieu ce qu'elle ne dit pas. Il est tout à fait probable que les paroles de Pierre signifient que le phénomène ne s'était pas reproduit depuis le début de l'Église. Nous ne pouvons que respecter le silence du texte et le sens des paroles de l'apôtre Pierre à cette occasion.

La raison des langues miraculeuses à Césarée

À Césarée, Corneille « avait invité ses parents et ses amis intimes ». Ceux-ci, n'étant pas Juifs, étaient sûrement de plusieurs nationalités puisqu'il y avait énormément de va-et-vient dans l'empire romain. Nous lisons également que Pierre, à son entrée chez Corneille trouve « beaucoup de personnes réunies » pour l'écouter Actes 10.24-27. En tant que centenier romain, Corneille avait sous ses ordres des soldats et du personnel recrutés dans beaucoup de pays différents. À cette époque, l'armée romaine était multi-raciale, comprenant des Gaulois, des Ibériques, des Berbères, des Italiens, des Égyptiens, et bien d'autres encore. De plus, Césarée, capitale romaine de la Palestine, était une ville nécessairement cosmopolite. Que le Saint-Esprit ait choisi, comme à la Pentecôte dans Actes 2, de s'exprimer ce jour-là « en langue », paraît, dans ces circonstances, tout à fait compréhensible. En tout cas, et c'est l'important, nous savons qu'un grand nombre de gens présents chez Corneille furent convertis à la foi en Christ. Mais je m'imagine très bien que certains se sont convertis en écoutant une exhortation surnaturellement livrée dans leur langue maternelle, qui était obscure pour le reste de l'auditoire parce qu'elle était inconnue, exactement comme dans Actes 2. Pourquoi pas ? Tout ce que fait le Saint-Esprit est lumineux et justifié.

Un autre point mérite notre attention. Il n'est pas dit, dans le texte du chapitre 10 des Actes, que tous ceux qui se sont convertis chez Corneille aient « parlé en langues ». Il est certes possible qu'ils l'aient tous fait ; mais nous lisons que Pierre et ses amis les entendirent « parler en langues et glorifier Dieu ». Je veux bien croire, évidemment, que ceux qui parlaient « en langues » glorifiaient Dieu. Pourtant, le texte ne dit pas que tous ont glorifié Dieu « en langues », mais qu'ils (le texte ne dit même pas : « tous ») parlaient « en langues » et glorifiaient Dieu. Il est donc possible d'entendre par ce texte qu'il s'agissait de deux phénomènes distincts : certains des assistants ont « parlé en langues » alors que d'autres « ont glorifié Dieu » en une langue commune, soit en grec, soit en latin, c'est-à-dire en prophétisant.

Je n'insiste pas sur cette interprétation ; pourtant, elle s'accorde très bien avec le texte du chapitre 19 des Actes (que nous allons bientôt examiner) où nous lisons que les douze hommes à Éphèse, « parlaient en langues et prophétisaient » Actes 19.6. Là, il s'agit indéniablement de deux choses bien différentes, car Paul lui-même fait une distinction très nette entre les deux, dans 1 Corinthiens 14.

Cela rejoint la description du chapitre 2 des Actes car là, bien que les disciples aient effectivement parlé « en langues » (verset 4), Pierre explique l'incident (versets 16-21) en citant le prophète Joël qui avait prédit que les serviteurs et les servantes de Dieu prophétiseraient Actes 2.18. Il est plus que probable, vu l'usage que Pierre fait de cette prédiction, que ces premiers disciples à Jérusalem ont non seulement parlé « en langues » ce jour-là, mais ont aussi prophétisé. De toute façon, bien qu'il soit certain, selon la construction grammaticale grecque dans Actes 2.4, que tous furent remplis du Saint-Esprit, il est moins sûr que tous aient parlé en langues.

Une chose est indéniable : puisque Luc ne nous donne aucune description ni définition des langues qui ont eu lieu dans la maison de Corneille, nous devons interpréter Actes 10 à la lumière du chapitre 2, parce que ce dernier passage est plus complet et plus clair. Si les langues du chapitre 10 avaient été un autre genre ou un nouveau phénomène, Luc nous l'aurait certainement dit. S'il ne le dit pas, c'est incontestablement parce que pour lui, comme pour ses lecteurs de l'époque, la chose était parfaitement claire. Ayant déjà décrit le phénomène en détail une fois, il ne voit pas la nécessité de se répéter.

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