Le don de parler diverses langues

CHAPITRE 6

L'ÉGLISE DE CORINTHE

Le contexte de l'épître

1

L'ARRIÈRE-PLAN DE LA PENSÉE DE PAUL

Avant de commencer l'étude du texte de Paul, il est nécessaire d'en examiner le contexte. Autrement dit, nous devons situer l'enseignement de Paul sur les « langues » dans le cadre de son épître tout entière. Si nous connaissons l'état spirituel dans lequel se trouvait l'église à laquelle Paul adressait cet enseignement, nous comprendrons le but et le sens de son argumentation. Cela nous évitera de l'interpréter de façon arbitraire.

Contre cet arrière-plan, les détails sont mis en relief, leur signification devient claire ; nous les voyons dans leur relation d'ensemble.

Le contexte général : une église tourmentée

La première lettre de Paul aux Corinthiens fut écrite pour mettre bon ordre à la confusion générale qui régnait dans l'église de Corinthe. Il y traite successivement non moins de douze problèmes et dans chaque cas il reproche aux Corinthiens de graves fautes ; il condamne le désordre qui en résulte et apporte un enseignement positif et constructif. Cette église était si dure d'oreille que, même dans sa deuxième lettre, écrite deux ou trois ans plus tard, Paul lui reproche toujours une attitude et des pratiques charnelles. On sent qu'il écrivait ces deux épîtres les larmes aux yeux, le cœur serré.

1°- Il condamne d'abord les divisions, fruits amers d'un zèle excessif, les partis pris qui dressaient les croyants les uns contre les autres. « Christ est-il divisé ? » demande-t-il. Il leur rappelle les privations et les humiliations qu'il avait lui-même subies et les sacrifices qu'il avait faits afin de les gagner à Christ (1 Corinthiens 1.10-16 ; 3.1-15 ; 4.1-21 ; 2 Corinthiens 12.20-21).

2°- Paul insiste ensuite sur la futilité de leur attachement aux philosophies humaines, en leur démontrant que l'Esprit de Dieu cherche à nous communiquer par l'Écriture la vraie philosophie de Christ. Il leur reproche une recherche du spectaculaire qui les amenait à exalter les rhétoriciens et les « éminences grises » qui s'étaient introduits dans l'église après son départ. (1 Corinthiens 1.17-2.16 ; 3.16-23 ; 4.6-15 ; 2 Corinthiens 10.1-11.15).

3°- Il condamne l'énormité de leur faute en tolérant un (ou plusieurs) cas d'immoralité scandaleuse parmi leurs membres et il insiste sur la purification de l'église en imposant les conditions d'une vraie communion (1 Corinthiens 5.1-13 et 6.9-20).

4°- Il condamne aussi les procès qui amenaient les frères à faire un étalage de leurs différends devant les tribunaux d'un monde hostile et incrédule. Il leur apprend à tendre l'autre joue, à accepter d'avoir tort (1 Corinthiens 6.1-8).

5°- Il répond ensuite à une question qu'ils lui avaient eux-mêmes posée. Celle-ci démontre qu'ils avaient des idées confuses sur le mariage et le célibat. Il leur rappelle qu'il avait lui-même renoncé à tous ses droits et même au mariage afin d'amener au Christ le plus grand nombre d'âmes possible. Il clarifie leurs idées sur les relations entre l'homme et la femme (1 Corinthiens 7.1-40 ; 9.1-15 ; 11.3-16).

6°- Paul aborde ensuite (dans les chapitres 8, 9 et 10 de sa première épître) une autre question qui est, pour cette église, un sujet de trouble. Il s'agit des « viandes offertes aux idoles ». En somme, certains des croyants se permettaient des pratiques liées à l'idolâtrie, c'est-à-dire à l’occultisme, sous le prétexte qu'ils avaient été libérés par Christ. Cette attitude les amenait à se mettre sous un joug étranger avec des infidèles. Paul démolit cet esprit de complaisance. « Je ne veux pas que vous soyez en communion avec des démons, dit-il. Quel accord y at-il entre Christ et Bélial ? » Et il ajoute : « Ne touchez pas à ce qui est impur ». (1 Corinthiens 8.1-11.1 et en particulier 1 Corinthiens 10.14-22. De même 2 Corinthiens 6.11-17)

7°- L'erreur et la confusion dans cette église allaient jusqu'à mettre en doute la résurrection. La philosophie grecque, surtout le néo-platonisme qui était à la mode, s'accordait mal avec la simplicité lumineuse de l'Évangile. Certains membres de l'église pensaient que la conception d'une résurrection corporelle n'était pas digne de l'Évangile ; ils se considéraient « trop spirituels » pour y croire.

La réplique de Paul est foudroyante : — Soyez logiques, leur dit-il. Si les morts ne ressuscitent pas, si en fait la résurrection n'est qu'une façon de penser, ou un événement purement « spirituel », alors Christ non plus n'est pas ressuscité ; notre foi est vaine, nous sommes les plus misérables des hommes ; nous sommes tous perdus, nous sommes fous et même de faux témoins...

Le chapitre 15, dans lequel Paul développe son argument sur la résurrection, est l’un des plus riches trésors de la littérature du monde... et de notre foi.

Le contexte immédiat : le fonctionnement de l'assemblée

Dans les chapitres 11, 12, 13 et 14 de sa première épître, Paul s'occupe des divers aspects du fonctionnement de l'église locale et en particulier du déroulement de ses rassemblements. Tout le long de ces quatre chapitres, Paul n'a en vue qu'une chose : l'assemblée. Les détails de son enseignement, y compris son argumentation au sujet du « parler en langues », doivent être compris sous cette optique. Examinons d'un peu plus près le contenu de ces quatre chapitres.

8°- Voici donc la huitième erreur des chrétiens de Corinthe. Paul découvre chez eux une confusion spirituelle quant au rôle et à la tenue de la femme dans les réunions (1 Corinthiens 11.2-16). Avec cinq arguments puissants, Paul apporte un enseignement qui règle ce problème qu'il reprend momentanément en 1 Corinthiens 14.33-35.

9°- De plus, il y avait à Corinthe un désordre choquant dans le déroulement de la sainte cène à tel point que quelques-uns se saoulaient à la table du Seigneur ! Paul attribue la mort de quelques membres de l'église à cet état de choses. Il avertit solennellement les croyants que, s'ils ne se jugent pas eux-mêmes, ils seront jugés au tribunal de Dieu (1 Corinthiens 11.17-34. Voir aussi 1 Corinthiens 3.11-17 ; 4.5).

10°- Le chapitre 12 concerne la nature et l'emploi des « dons » spirituels. (Nous examinons l'enseignement de Paul sur les dons de l'Esprit au chapitre 7.) Là encore, les croyants de Corinthe étaient dans la confusion. Paul trouve nécessaire même de leur rappeler la différence entre l'action démoniaque, à laquelle ils avaient été habitués autrefois et qui entraîne un homme malgré lui en dépit de sa raison et de sa volonté, et l’action du Saint-Esprit, qui agit sur toutes les facultés d'un homme conscient et libre (versets 1-3).

Du fait que Paul consacre un chapitre entier à un enseignement général sur les dons de l'Esprit, il est évident que l'église de Corinthe n'en avait pas saisi le vrai caractère. Paul leur fait comprendre qu'un don spirituel est une faculté que l'Esprit accorde à un homme pour servir Dieu et pour servir l'église et le prochain ; par ce moyen, le croyant est appelé à servir, à se rendre utile, à se dépenser de manière à faire connaître Christ et à répandre l'amour de Dieu autour de lui.

Certains des Corinthiens, par contre, avaient l'idée qu'un don spirituel était un avantage pour l'individu, un privilège qui lui permettait d'exploiter sa personnalité, pour la simple raison qu'ils n'avaient pas compris la pensée de Christ qui est venu, lui, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour autrui. Marc 10.45

11°- Dans son chapitre 13, Paul va au fond du problème spirituel de l'église de Corinthe : ses membres n'avaient pas compris la base même de toute vie spirituelle, la nature essentielle de toute action du Saint-Esprit qui est : l'amour.

Non pas un amour quelconque ! Paul n'a pas en vue un sentimentalisme qui ne peut unir que superficiellement les membres d'une communauté ; mais il définit plutôt cet amour dans le passage sublime des versets 4-8, qui est l'amour de Dieu manifesté en Christ crucifié, qui donne et qui pardonne jusqu'à l'infini, tout en s'attachant à la justice et à la pureté absolues.

Sans cet amour, dit Paul, toute prétention spirituelle n'est que vanité ; tout soi-disant « don » n'est que du bruit, tout soi-disant acte de puissance ou de sacrifice est inutile aux yeux de Dieu. 1 Corinthiens 13.1-3 Quel enseignement percutant !

La raison des querelles, des procès, des partis pris, du désordre, du manque de respect pour Dieu et pour le prochain dans l'église de Corinthe, était tout simplement l'absence de ce mobile divin indispensable, cet amour qui est le fruit même du Saint-Esprit. Galates 5.22 Et si le fruit manquait, cela signifiait pour Paul l'absence également de celui qui en est la source, l'Esprit lui-même. Autrement dit : leurs activités, au lieu d'être inspirées par le Saint-Esprit, étaient animées plutôt par la chair. 1 Corinthiens 3.1-3.

12°- Paul s'attaque enfin, dans le chapitre 14 de son épître, à une difficulté tout à fait particulière : celle de la conception que les Corinthiens s'étaient faite du « don de parler en langues ». À part les « dons » des faux apôtres, docteurs et prophètes, ce don semble lui avoir posé plus de problèmes que tous les autres. Paul juge nécessaire de consacrer un long chapitre à cette question.

Un peu plus loin, nous analyserons ce texte de la façon la plus détaillée.

L'église de Corinthe deux ans plus tard

La deuxième lettre de Paul à Corinthe, écrite deux ou trois ans plus tard, montre que cette église était toujours dans un état maladif, malgré tous les enseignements, les larmes, les exhortations et les prières de l'apôtre.

Les croyants avaient pris à cœur, c'est vrai, l'un des reproches qu'il leur avait faits dans sa première lettre, car ils avaient discipliné et exclu de l'assemblée l'homme qui cohabitait avec la femme de son père, avec l'heureuse conséquence qu'il s'était repenti et avait abandonné son péché. 2 Corinthiens 2.5-11

Pourtant, le reste de l'épître révèle que l'église était tout le contraire d'un modèle pour nous. Paul est même contraint de l'exhorter à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain, ni à s'associer aux infidèles. 2 Corinthiens 6.1-18 Il est chagriné d'apprendre qu'elle le traitait, lui, son fondateur, d'étranger ayant besoin de lettres de recommandation pour y être réadmis. 2 Corinthiens 3.1-3. Il est outré de la manière dont l'église de Corinthe recevait et écoutait avec appréciation des hommes que Paul appelle catégoriquement des faux apôtres, qui apportaient « un autre Jésus et un autre esprit ». Ce sont, dit Paul, « des ouvriers trompeurs, déguisés en apôtres de Christ... ». Il les appelle « ministres de Satan », des gens arrogants qui asservissaient et dévoraient l'église. 2 Corinthiens 11.3-4,13,19-20 Paul se voit obligé, à contre cœur, de défendre son propre apostolat aux yeux de ses « enfants » de Corinthe pour qui il avait tant peiné. 2 Corinthiens 10.13-16 Quatre fois dans ces deux épîtres, Paul révèle l'immensité de ses propres souffrances. 1 Corinthiens 4.9-13, 2 Corinthiens 6.3-11, 2 Corinthiens 11.23-29. Et malgré cela, ils le tenaient pour « méprisable » 2 Corinthiens 10.10 ! Paul termine sa lettre en disant : « Je crains de ne pas vous trouver, à mon arrivée, tels que je voudrais... je crains de trouver des querelles, de la jalousie, des animosités, des cabales, des médisances, des calomnies, de l'orgueil, des troubles... » Il parle de ceux « qui ne se sont pas repentis de l'impureté, de l'impudicité et des dissolutions auxquelles ils se sont livrés ». 2 Corinthiens 12.20-21

Corinthe : église pilote ?

Décidément, le portrait que Dieu nous trace de cette église fait plus peur que pitié. Une chose est indéniable : Corinthe n'est pas une église à imiter.

C'est contre cet arrière-plan que l'apôtre Paul examine la question qui le préoccupe dans le chapitre 14 de sa première lettre : celle des « langues » telles que les chrétiens de Corinthe les concevaient et les pratiquaient.

Il va donc sans dire que les enseignements et les exhortations que l'apôtre Paul adresse à Corinthe sur le don des langues doivent être compris, non comme un éloge ni même comme un encouragement, mais plutôt comme une réprimande et un avertissement. Pour celui qui lit 1 Corinthiens 14 avec un esprit honnête, il est évident que Paul est aux prises avec un très gros problème ; il cherche, avec la tendresse et la fermeté qui caractérisent tout son travail, à dénoncer ce problème en apportant une discipline sévère sans écraser les faibles.

II

CORINTHE : UN CAS UNIQUE ?

Le Nouveau Testament nomme expressément 30 villes où il existait des églises à l'époque apostolique, sans compter un grand nombre auquel il ne fait qu'une allusion indirecte. Cependant autant que l'Ecriture nous en parle, la seule église qui pratiquait le « parler en langues » était celle de Corinthe. Je dis : « autant que l'Écriture nous en parle »... Il est évidemment possible que d'autres églises — ou même toutes — aient connu cette pratique ; mais la Parole de Dieu n'en souffle mot. Elle garde le silence le plus absolu à ce sujet.

Cette affirmation peut étonner et même choquer beaucoup dechrétiens. Et pourtant ! c'est la vérité. (Note. À part les églises dans les 30 villes expressément nommées, le Nouveau Testament nomme encore une dizaine de villes où il y avait très probablement une église. En outre, il nous dit de façon explicite qu'il y avait « des églises » dans dix pays ou régions (tels la Syrie, la Cilicie, etc...) et très certainement dans 6 autres régions. Cela représente peut-être quelques centaines d'églises existantes à l'époque, sans compter les villes et les régions sans doute très nombreuses auxquelles le Nouveau Testament ne fait aucune allusion.)

Je sais qu'un grand nombre de chrétiens croient fermement aujourd'hui que le « parler en langues » était universellement pratiqué dans les églises de l'époque apostolique. Mais cette supposition n’a vraiment aucune confirmation biblique, elle reste dans le domaine d'une pure hypothèse. À ceux qui désirent contester cette affirmation, je demande de prendre le temps de chercher eux-mêmes, parmi les 254 chapitres du Nouveau Testament, un seul passage qui indique l'existence de la glossolalie dans une église autre que celle de Corinthe. Ils n’en trouveront pas.

Ce fait remarquable devrait faire réfléchir tout chrétien sincère avant qu'il ne se lance dans la recherche d'une expérience si peu attestée par la Bible. Ne vaut-il pas mieux examiner d'abord, sérieusement et, s'il le faut, longuement, ce que Dieu dit en fait dans sa Parole à ce sujet ?

Mais alors ! Jérusalem, Césarée, Éphèse... !

Ah ! Oui ! J'entends mon frère qui s'interpose en me rappelant que le « parler en langues » a eu lieu à Jérusalem (Actes 2), à Césarée (Actes 10) et à Éphèse (Actes 19). Alors, je me trompe ?

Non, je ne me trompe pas, car — chose qui semble échapper à l'attention de presque tout le monde — l'église de Jérusalem n'était pas encore fondée lorsque les langues du chapitre 2 des Actes eurent lieu ; elle est née en tant qu'église seulement après l'expérience des langues miraculeuses. Il en est de même pour Césarée (Actes 10) et Éphèse (Actes 19) : l'église n'existait pas encore dans ces trois villes lorsque l'Esprit s'est exprimé en langues. Ce phénomène a eu lieu chaque fois avant qu'elle ne soit fondée.

C'est également un fait que, dans aucun de ces trois cas, comme nous l'avons dit, le texte biblique ne fait la moindre allusion à une répétition du phénomène. Dire que l'église de Jérusalem ou que celles de Césarée et d'Éphèse ont continué par la suite à pratiquer le parler en langues est une pure invention. Je ne dis pas que ces églises-là ne l'aient pas pratiqué ou qu'elles n'aient jamais répété l'expérience : j'affirme seulement que la Parole de Dieu n'en dit absolument rien.

Notons, en passant, que le chapitre 2 des Actes ne fournit aucune évidence non plus que les trois mille convertis ce jour-là aient parlé « en langues », ni initialement ni par la suite. Le texte dit que ceux qui reçurent de bon cœur la parole « furent baptisés », qu'ils « persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières ». Mais pourquoi n'ajoute-t-il pas qu'ils ont parlé « en langues » ce jour-là, ou qu'ils en ont maintenu la pratique, si cette activité est, comme certains voudraient nous le faire croire, d'une importance primordiale ?

Si Dieu l'omet de ce texte qui est en fait la « clé » de la compréhension du sujet, n'est-ce pas pour nous enseigner que le « parler en langues » ne fait pas essentiellement partie du salut ni de la croissance spirituelle ?

Quelqu'un, je le sais, me confrontera aux chapitres 8 et 9 des Actes ; mais, comme je l'ai déjà signalé, le « parler en langues » n'est même pas mentionné dans ces deux passages et, rappelons-le en passant, le baptême de l'Esprit non plus. Inutile donc de vouloir fonder une doctrine relative aux langues sur ces deux passages !

Il est donc évident que personne ne peut honnêtement évoquer les trois cas de langues miraculeuses dans les Actes comme preuve, où même comme indication, que ces trois églises cultivaient le « parler en langues ». Autant que le texte sacré nous le dise, il n'y a eu qu'un seul cas du phénomène dans chacun des trois endroits cités et celle-ci a été chaque fois revêtue d'un caractère unique et purement initial.

Pourquoi ce grand silence ?

Non seulement cela, mais il y a également une absence totale d'allusions au « parler en langues » dans les enseignements de Christ à part l'unique et courte phrase dans Marc 16.17 (qui n'apparaît pas dans certains manuscrits du Nouveau Testament). Cela est vraiment surprenant, si les langues sont si importantes.

Il y a également une absence totale d'allusions au « parler en langues » et celle-ci est encore plus surprenante — dans les écrits apostoliques. Rappelons que Paul est le seul apôtre à en parler et il ne le fait qu'une seule fois, dans sa première lettre aux Corinthiens.

Pourquoi l'apôtre Pierre, dans ses épîtres, n'a-t-il absolument rien à nous dire sur cette question, lui qui fut le porte-parole de Dieu lors des deux occasions principales des Actes où le phénomène eut lieu, à Jérusalem et à Césarée ? Pourquoi ni Jacques, ni Jean, ni Jude, ni l'auteur de l'épître aux Hébreux ne font-ils une seule fois allusion « aux langues » dans leurs écrits ?

Luc, dans les Actes, ne dit rien non plus d'une « pratique » de la glossolalie ; il ne rapporte que le phénomène initial aux chapitres 2, 10 et 19. Le passage de Paul dans sa lettre aux Corinthiens est donc le seul document du Nouveau Testament sur lequel on peut chercher à fonder une doctrine sur la pratique du « parler en langues ».

Ce silence serait tout à fait incompréhensible si en réalité la glossolalie était cultivée universellement dans les églises primitives et encore plus si elle était considérée par les apôtres comme indispensable au développement de la vie spirituelle. Si la glossolalie était en fait aussi importante que cela, le Nouveau Testament contiendrait sûrement un peu partout des allusions, des exhortations, des précisions et des promesses à ce propos. Nous entendrions Paul dire aux églises de Galatie, de Colosses, de Macédoine, de Rome : « Il faut parler en langues ! N'oubliez pas de parler en langues !... Rappelez-leur de parler en langues !... » et ainsi de suite.

Pourtant, Paul ne dit rien de la sorte. Au contraire, à l'église de Corinthe qui, elle, pratiquait la glossolalie, il lui reproche d'être particulièrement charnelle.

Le Nouveau Testament contient un très grand nombre de passages concernant les questions de base, comme la prière, l'amour fraternel, la pureté sexuelle, la persévérance, les multiples dangers du péché, le retour de Christ — pour n'en citer que quelques-uns. Pourquoi, si la glossolalie est en réalité fondamentale, la voyons-nous reléguée, pour ainsi dire, « au grenier » ? Quel contraste entre l'optique de notre génération et celle des apôtres, celle de Dieu !

On me répondra peut-être que ce n'est pas la répétition d'une vérité biblique qui en mesure forcément l'importance, ce qui est évidemment vrai. Par exemple, l'apôtre Paul ne mentionne la sainte-cène qu'une fois dans ses épîtres : cela signifierait-il qu'à ses yeux le repas du Seigneur n'a que peu d'intérêt ?

Aucunement ! Car dans le cas de la sainte-cène Christ nous a donné un commandement : « Faites ceci. » Or, un seul commandement de Dieu suffit pour établir l'importance d'une doctrine ; c'est sans doute la raison pour laquelle Paul se contente de rappeler aux Corinthiens les paroles de Christ à ce sujet. Cela ne l'empêche cependant pas de répéter très souvent les avertissements du Seigneur sur d'autres questions telles que la nouvelle naissance, l'église, la souffrance, l'amour fraternel et la nécessité d'être vigilants dans l'attente de son retour.

Pourtant, le Seigneur Jésus ne nous donne pas de commandement en ce qui concerne les langues. Les apôtres ne nous en donnent pas non plus. Il n'est donc pas surprenant que ce sujet occupe très peu de place dans leur enseignement.

Si le parler en langues était nécessaire, la Parole de Dieu nous le dirait clairement. Or, ce n'est pas le cas. En outre, elle contiendrait au moins un commandement de parler en langues, alors que dans toute la Bible il n’y en a pas un seul.

Pourquoi donc veut-on l'imposer ?

* * *

Pour résumer : l'Écriture ne nous donne aucune raison d'affirmer que la glossolalie était pratiquée ailleurs qu'à Corinthe. Chacun a le droit à une opinion personnelle : reconnaissons cependant la différence entre une opinion (ou hypothèse) et la révélation écrite de Dieu. Que Dieu nous garde d'ajouter ou de retrancher quoi que ce soit à sa Parole, car cela ouvre la voie à une autre autorité que la sienne, que ce soit celle de nos rationalisations libérales, ou celle de nos traditions ecclésiastiques, ou encore celle de notre empirisme mystique. Le diable sait très bien les utiliser toutes.

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