Le don de parler diverses langues

CHAPITRE 17

ANALYSE DU TEXTE DE

DE 1 CORINTHIENS 14.14 À 17

(Note. Pour le verset 13, voir à la suite du commentaire sur le verset 5 (et au chapitre 15 de cet ouvrage).)

Voici maintenant un autre paragraphe de Paul très controversé. Il contient plusieurs de ces demi-versets que l'on cite si souvent hors contexte. Le sens de ceux-ci devient cependant clair quand on les replace correctement dans le texte, en complétant les phrases et en tenant compte de l'argumentation de l'apôtre dans les versets précédents et ceux qui suivent. Paul résume son point de vue au verset 20 (que nous allons étudier ultérieurement) en reprochant aux Corinthiens d'être encore au stade de l'enfantillage (voir aussi 1 Corinthiens 3.1-3) et il les exhorte avec force à devenir spirituellement adultes. Leur comportement en ce qui concerne le don des langues démontre à ses yeux un manque de maturité dans les choses de l'Esprit.

Parce que ce passage est si mal compris, il nous incombe de l'examiner très attentivement.

TEXTE DU VERSET 14 AVEC COMMENTAIRE

« Car si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile. »

ἐὰν[γὰρ] προσεύχωμαι γλώσσῃ,
éan gar proseuchomai glôssêï
(2) si(1) parce que (3) je prie dans une langue

τὸπνεῦμάμουπροσεύχεται,
to pneuma mou proseuchomai
monesprit prie

ὁ δὲνοῦς μουἄκαρπόςἐστιν.
ho dé nous mou akarpos estin
maismon intelligence(2) stérile (ou : sans fruit)(1) est

Les langues : une forme de prière ?

Paul interdit formellement le « parler en langues » dans l'assemblée s'il n'est pas traduit de manière à ce que l'église soit « bâtie » de toute évidence par l’ensemble du processus « langue et interprétation ».

Cette interdiction a amené un grand nombre de chrétiens de nos jours à considérer que le « parler en langues » est surtout une forme de prière personnelle. D'éminents prédicateurs ont développé cette idée au point même d'en faire une obligation. Ils vont jusqu'à faire une distinction entre « le parler en langues » qu'ils voient plutôt comme un acte public, et « la prière en langues » qui ferait plutôt partie du « culte personnel »...

Cette conception n'a pourtant aucun fondement biblique. Dans toute l'Écriture, il n’y a qu'une seule allusion à une « prière en langue » : elle se trouve dans ce verset que nous avons sous les yeux : « Si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile ».

« Si je prie en langue... » dit Paul. Il ne dit pas qu'il prie en langue, ni même que d’autres le font ou peuvent le faire. Il dit simplement : « si ». Il s'agit d'une supposition ; il est étonnant que tant de chrétiens cherchent à fonder une doctrine d'une telle envergure sur un seul verset de la Bible qui n'offre en fait qu'un « si ». C'est bâtir sur une hypothèse. C'est comme si l'on voulait construire un gratte-ciel sur un terrain sans consistance. Pourtant, nombreux sont les prédicateurs et les auteurs qui font de la prière en langue une nécessité ou, du moins, une priorité !

Je ne nie pas que le Saint-Esprit puisse faire prier un homme en une langue inconnue ; il est souverain et il ne nous appartient pas de lui dicter ses voies, il fait ce qu'il veut. Pourtant, il nous a révélé très clairement dans l'Écriture le sens de ses dons : s'il les accorde aux croyants, c'est afin que chacun « mette au service des autres le don qu'il a reçu » 1 Pierre 4.10. S'il désire faire prier un homme dans une autre langue, ce sera certainement pour le bien d'autrui, d'un étranger, peut-être, qui ne saurait prier par lui-même. Si, au contraire, un homme cherche à prier en une autre langue pour son bien personnel, il fait un non-sens de la conception biblique du don. Or, l'Esprit de Dieu ne contredit pas ses propres desseins et ne se prête pas à l'absurde.

On me répondra que Paul, dans le verset suivant (verset 15), se réfère de nouveau à la prière en langue, car il dit : « Je prierai par l'Esprit (ou : par l'esprit)... » Mais il n'est pas du tout certain que, pour Paul, « prier par l'Esprit (ou : par l'esprit ; ou : en esprit) » soit l'équivalent de « prier en langue ». Même si c'était le cas, le reste de sa phrase annulerait toute idée qu'il approuvait la « prière en langue », car il déclare : « je prierai par l'Esprit, mais je prierai aussi avec l'intelligence ».

Paul refuse donc d'envisager une prière en langue inintelligible. Il insiste sur la nécessité d'une prière exprimée en une forme compréhensible, claire, rationnelle. Sans cela, dit-il, comment nos frères pourront-ils répondre Amen à notre prière (verset 16) ? Or, une prière exprimée de façon audible dans la communauté implique la participation de tous ceux qui sont présents ; mais une « prière » incompréhensible en public jette la confusion et occasionne une perte de temps pour tous.

Dieu exige donc que nous priions, non seulement sous l'inspiration du Saint-Esprit, mais aussi de façon intelligente — et en public et en privé.

Une conception déconcertante

J'ai même entendu commenter ce verset (verset 14) de manière à glorifier la « stérilité » de l'intelligence, comme si cette faculté que Dieu a créée à son image était en fait une chose dégradée, une entrave à la communion avec Dieu au lieu d'être une faculté qui doit être sanctifiée avec le reste de notre humanité ; comme si la prière inintelligible avait plus de prix aux yeux de Dieu qu'une prière intelligente ! Cette conception n'est certainement pas à la gloire de Dieu et ne vient pas de la Bible, car Christ, comme Moïse, nous ordonne d'aimer Dieu non seulement de toute notre force mais aussi avec toute notre pensée Marc 12.30. Cette conception absurde, cette aberration est d'ailleurs complètement annulée par l'argument de Paul dans le verset suivant (verset 15).

Paul priait-il en langues dans son culte personnel ?

Parce que Paul dit : (1 Corinthiens 14.2,4) « Celui qui parle en langue parle à Dieu... » et « s'édifie lui-même », certains chrétiens maintiennent le point de vue qu'il utilisait le don des langues dans sa prière personnelle. Pourtant, Paul ne le dit pas et nous n'avons aucun droit d'interpréter son silence comme une affirmation. Le Nouveau Testament ne signale pas une seule occasion où Paul ait prié « en langue ».

Je crois avoir suffisamment commenté les versets 2 et 4 en leur temps. Je juge cependant nécessaire de faire remarquer que les mots « prier » et « prière » ne se trouvent pas dans ces versets-là. Paul affirme, au contraire, que c'est précisément parce que celui qui parle « en langue » ne s'adresse pas aux hommes que nous devons plutôt chercher à prophétiser.

D'ailleurs, comme nous l'avons dit, Paul ne conçoit nullement les dons spirituels comme un moyen d'édification personnelle, mais plutôt comme un moyen d'édifier autrui. Pourquoi donc, dans ce verset dirait-il le contraire ? Il nous fait très bien comprendre sa façon de concevoir le don des langues en précisant (verset 22) que ce don est accordé à l'intention des non-croyants et non des croyants. Je crois personnellement que Paul envisageait l’utilisation du don à laquelle il fait allusion au verset 18 comme un moyen de convaincre des incrédules et de les amener à la foi. Il a pu s'en rendre compte au cours de ses multiples voyages. Comme Pierre, il mettait au service des autres le ou les dons qu'il avait reçus. Or, cela ne peut se faire en privé dans un culte personnel...

Il n'est pas concevable, à mon avis, que Paul encourage ici une prière inintelligible, même dans le culte personnel de l'individu. Dans tout son chapitre, il a en vue une action du Saint-Esprit qui bâtisse l'église par le moyen des dons qu'il accorde. Il met les croyants de Corinthe en garde contre toute autre conception des dons spirituels.

TEXTE DU VERSET 15 (première partie) AVEC COMMENTAIRE

« Que faire donc ? Je prierai par l'Esprit, mais je prierai aussi avec l'intelligence ».

τί οὖν ἐστιν ;προσεύξομαιτῷπνεύματι,
ti oun estin ? proseuxomaï tôï pneumati
quoi donc ?Je prieraiavec(ou : par) l'esprit
(ou : l'Esprit)

προσεύξομαιδὲκαὶτῷ νοῒ·
proseuxomaï kaï tôï noï
(2) je prierai (1) mais (3) aussi avec (ou : par)
l'intelligence

L'apôtre est catégorique : il faut que la prière soit non seulement spirituelle, mais aussi intelligente : les deux à la fois. Pour lui, il n'est pas question de laisser la raison « en veilleuse », comme si Dieu la désapprouvait. Dieu veut utiliser l'homme tout entier, il désire le « sanctifier » (c'est-à-dire, le mettre à part pour lui) tout entier : « tout votre être, dit-il, l'esprit, l'âme et le corps » 1 Thessaloniciens 5.23. Paul ne minimise pas le rôle de l'Esprit, (ou : de l'esprit) : « Je prierai avec (ou : par le moyen de) l'Esprit (ou : l'esprit) », dit-il ; pourtant, il ajoute vigoureusement : « mais je prierai aussi avec (ou : par le moyen de) l'intelligence ».

Beaucoup de chrétiens présument que l'expression « prier par l'Esprit » (verset 15) signifie nécessairement « prier en langues » (verser 14). Cela n'est cependant pas évident ; ce serait donner aux paroles de Paul un sens arbitraire. Or, Paul dit en fait qu'il priera par l'Esprit, mais il ne dit pas textuellement qu'il priera « en langues ». Il est possible que les Corinthiens aient cherché à prier « en langues » ; mais, si j'ai bien compris le raisonnement de Paul, cela serait en fait l'équivalent de prier sans intelligence, alors que dans ce verset 15, il insiste sur la nécessité d'une prière intelligente par l'Esprit. Pour lui, il n'existe aucune séparation ou opposition entre l'Esprit et l'intelligence ; au contraire, la séparation qu'il déplore, c'est celle que faisaient les Corinthiens entre l'intelligence et le « parler en langues », ce qui est à ses yeux équivalent à une opposition entre la glossolalie et l'Esprit même. Autrement dit l'élément inintelligible (la glossolalie) dans le domaine de la prière ne vient pas du Saint-Esprit puisque lui désire une prière intelligente. Si donc, cet élément n'est pas spirituel nous ne pouvons qu'en conclure qu'il vient du vieil homme, autrement dit : qu'il est charnel.

La philosophie de notre siècle veut créer une dichotomie entre la raison et les facultés intuitives ou « psychiques » de l'homme. C'est ce qui explique la recherche actuelle de l'occulte, l'utilisation de la drogue et la poussée vers les religions mystiques d'Orient. Dans le monde de l'Antiquité, il existait également une dichotomie entre d'une part la philosophie rationnelle et d'autre part, la superstition populaire et l'occulte. Nous voyons ce phénomène se reproduire même dans notre christianisme contemporain ; mais nous ne voyons nulle part dans la Bible que Dieu cherche à réduire l'homme aux dimensions d'une dichotomie semblable. Au contraire, ce que Dieu désire, c'est un cœur entier, un homme complet : « tout votre être », dit-il.

La Bible ne connaît rien de ce mysticisme païen qui cherche à dissocier la partie rationnelle de l'homme de sa psyché intérieure. Ce sont plutôt les puissances occultes qui désirent cette mystique que Gide identifie à « l’abdication de la raison », cette passivité « transcendantaliste » qui leur permet de pénétrer dans le subconscient de l'homme sans qu'il sache ce qui lui arrive. Dieu, au contraire, cherche à susciter une réponse totale de la part de l'homme ; c'est pourquoi il veut que nous le priions par l'esprit et par l'intelligence à la fois. Par notre esprit régénéré, l'Esprit de Dieu parvient à agir sur toutes nos facultés de manière à les purifier, les transformer et les utiliser pour la gloire de Dieu.

Pour que notre prière soit valable, il ne suffit pas que notre esprit soit bien disposé, il faut que notre être entier soit engagé, y compris notre intelligence. Il faut les deux, l'esprit et la raison, pour satisfaire aux exigences de Dieu. Ce n'est pas avec notre intelligence que nous atteignons Dieu, mais si nous atteignons Dieu par l'esprit notre intelligence est inévitablement entraînée dans cette action. Christ dit que nous devons adorer Dieu « en esprit (ou : par l'Esprit) et en vérité » : les deux Jean 4.24.

Dieu n'est pas un Dieu de désordre (verset 33) ; l'Esprit de Dieu n'est pas non plus déraisonnable.

Nota

La prière « par l'Esprit » (ou : par l'esprit) peut fort bien être une prière intérieure et personnelle, non concrétisée par des paroles audibles ; mais cela ne signifie pas l'extinction de l'intelligence !

La prière « par l'Esprit » (ou : par l'esprit) peut tout aussi bien être une prière exprimée audiblement, compréhensible à toute l'assistance, c'est vraiment une aberration que de traiter le « spirituel » comme synonyme d'inintelligible !

Une interprétation arbitraire d'Éphésiens 6.18

Paul dit aux Éphésiens : « Faites en tout temps par l'Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance ».

Jude aussi dans son épître (verset 20) nous incite à « prier par le Saint-Esprit ».

Ces deux passages sont constamment cités comme justification d'une prière en langue inintelligible. Il est vrai que notre prière a besoin d'être inspirée et renforcée par l'action du Saint-Esprit comme d'ailleurs, tous les aspects de notre vie chrétienne. Pourtant, je ne vois pas pourquoi on attribuerait au ministère de l'Esprit de Dieu un caractère inintelligible ! Nous avons, certes, besoin de lui pour tendre nos intercessions efficaces ; mais, par son intervention, effacerait-il l'intelligence de celui à qui il vient en aide ?

Quand on aborde les Écritures avec des idées préconçues, on peut très facilement les tourner dans n'importe quel sens. À mon avis, de telles interprétations arbitraires déshonorent l'Esprit de Dieu. Lui-même désire nous apprendre la prière comme il l'a apprise à Abraham, à Samuel, à David et aux prophètes. Mais où, dans cette vaste gamme d'intercessions bibliques, trouve-t-on le moindre élément d'obscurité, d'ambiguïté, ou de pensée incompréhensible ?
Nulle part.

Pour Romains 8.26-27 : encore une interprétation arbitraire

« De même aussi l'Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu'il nous convient de demander dans nos prières. Mais l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l'Esprit, parce que c'est selon Dieu qu'il intercède en faveur des saints. »

Il en est de même en ce qui concerne ce précieux écrit de Paul aux Romains, dans lequel Dieu nous rappelle que son Esprit nous aide dans notre vie de prière. Il nous éclaire quant à ses objectifs, il nous enseigne à prier conformément à sa volonté. De plus, il accompagne nos faibles efforts de sa propre intercession toute-puissante ; il apporte nos requêtes et nos louanges directement au Père par Jésus-Christ, en plaidant le sang de Christ pour nous en tant qu'avocat Jean14.16 où le grec paraklêtos signifie : avocat. Qu'y a-t-il d'inintelligible dans cette merveilleuse action ? Pourquoi vouloir attribuer au Saint-Esprit, qui intercède à nos côtés et en nous, une expression incohérente ? Cela, me semble-t-il, frôle le sacrilège.

Jésus dit : « Soyez parfaits, comme votre Père est parfait » Matthieu 5.48. Le terme grec téleios dans ce contexte ne veut pas dire « sans péché » mais plutôt : entier. Nous ne pouvons pas être sans péché dans ce corps mortel ; mais nous pouvons et nous devons aimer Dieu et le servir avec un cœur entier.

Dieu nous veut entiers. Il cherche à accaparer toutes nos facultés, y compris l'intelligence.

On entend souvent dire :

« Je ne trouve pas de paroles pour louer Dieu ; ma langue maternelle est trop pauvre. C'est pourquoi Dieu me donne une nouvelle langue pour exprimer ma louange ».

Pourtant, Dieu nous a donné la Bible qui contient l'expression complète de sa pensée en un langage humain ! Il a mis ainsi à notre portée tout le vocabulaire du Saint-Esprit. Nous avons accès au logos même de Dieu ; nous disposons de tous les éléments nécessaires à un dialogue infini avec notre Créateur. Si les paroles de la Bible — ô miracle ! — suffisent à l'Esprit de Dieu lui-même dans ses rapports avec les hommes, ne nous suffiront-elles pas aussi à nous autres, hommes ? Par les Écritures, l'Esprit a créé une terminologie qui nous est propre, une définition de la pensée de Dieu en langue compréhensible et pourtant complète. Cela n'est pas étonnant, puisque le Fils de Dieu lui-même se révèle à nous sous une forme humaine, et non extra-terrestre. Si le vocabulaire du Saint-Esprit ne nous satisfait pas, où irons-nous en chercher un autre ?

Celui qui connaît peu la Bible est inévitablement limité dans son expression spirituelle ; mais celui qui s'est vraiment nourri de son contenu trouve que les pensées de Dieu remplissent son âme ; cet homme parvient à s'exprimer devant Dieu en un langage de plus en plus clair et riche, qui satisfait à la fois son âme et aussi le cœur de Dieu. Le vocabulaire de la Bible inspire au cœur de l'homme une richesse de pensées et d'aspirations divines. La Parole de Dieu crée la pensée de Dieu dans l'esprit de l'homme. C'est par sa Parole que Dieu implante en lui la foi et inspire sa prière.

Quand un homme me dit qu'il ne peut parler à Dieu faute de vocabulaire, je crains qu'il n'ait tout simplement pas pris suffisamment au sérieux la Parole de Dieu. Tout le langage nécessaire se trouve dans les Écritures.

Je me souviens avec nostalgie de ma jeunesse, lorsque mon âme affamée et assoiffée de Dieu apprenait à dévorer la Bible. Mon cœur était une flamme de désir ardent, un véritable cri lancé jusqu'au cœur de Dieu. Mais ce désir ainsi que son expression étaient créés en moi par la méditation des Écritures ; ma lecture devenait en même temps une prière. Des passages comme les suivants, tirés du livre des Psaumes, ont fini par faire partie de mon âme :
« Fais lever sur moi la lumière de ta face ! » (Psaumes 4.7)
« Le matin, je me tourne vers toi... » (Psaumes 5.4)
« Que ton nom est magnifique sur toute la terre ! » (Psaumes 8.2)
« Garde-moi comme la prunelle de ton œil... » (Psaumes 17.8)
« Tu es mon souverain bien » (Psaumes 17.8)
« Je t'aime, Ô Éternel ! » (Psaumes 18.2)
« Je cherche ta face. » (Psaumes 27.8)
« Auprès de toi est la source de la vie. » (Psaumes 36.10)
« Mon Dieu, ne tarde pas ! » (Psaumes 40.18)
« Mon âme a soif de toi ! » (Psaumes 42.3)

Chacune de ces phrases, avec encore mille et mille autres paroles de Dieu, étaient gravées de façon indélébile sur mon cœur par le doigt de l'Esprit. Ma pensée devenait un tissu de langage divinement inspiré ; les paroles de Dieu évoquaient et créaient dans mon esprit le logos de Dieu, elles attiraient mon âme vers lui, exprimaient le besoin profond de mon cœur. Jour et nuit mon esprit aspirait à Dieu, le cherchait, lui redisait — sans hypocrisie — que je l'aimais, que j'étais émerveillé de la découverte de son amour pour moi. Il m'a fait comprendre qu'il m'aimait au point de ne plus vouloir se passer de moi. Devant mon incrédulité, il dressait la croix de son Fils, il me montrait le miracle de ses mains. Dans le fond de mon âme, il m'éblouissait par la révélation de sa beauté ! Sa voix était plus insistante que celles des hommes qui m'entouraient, plus délicieuse que les fleurs du printemps.

Dieu cherche à établir un dialogue franc et intime avec nous. Il veut se faire entendre et en même temps il veut provoquer dans notre cœur une réponse à sa voix. Mais la Parole qu'il nous communique est claire, transparente, lumineuse ; elle n'a rien de nébuleux ni d'inintelligible. C'est précisément la clarté de cette Parole qui crée en nous la foi qui ne doute plus, la foi qui sauve. L'équivoque n'a aucune place dans la pensée de Dieu. Celle-ci est l'œuvre de Satan, lui qui a mis dans le cœur de la première femme un élément de doute : « Dieu a-t-il réellement dit ? » C'est cette équivoque, cette ambiguïté qui a perdu l'humanité.

Mais si Dieu s'exprime par une parole sans équivoque et s'il exige que notre oui soit oui et que notre non soit non, si les promesses de Dieu sont « le oui et l’'amen » en Christ, pourquoi chercherait-il de notre part une réponse inintelligible ?

Non, je suis convaincu que Dieu cherche une réponse claire, transparente comme la lumière du jour ; il veut entendre, non seulement notre cœur, mais notre être tout entier, y compris notre intelligence. Le Seigneur Jésus a bien dit : « Tu aimeras l'Éternel ton Dieu de tout ton cœur et de toute ta pensée » (Marc 12.30). Dieu désire écouter l'expression de notre amour pour lui, aussi simple soit-elle. C'est pourquoi, il s'intéresse profondément à nos moindres désirs, à nos joies, nos chagrins, nos craintes, nos confessions. Nous sommes ses enfants et son désir est de nous avoir auprès de lui. Nous lui parlons à cœur ouvert et il écoute, sans dissimulation, sans compliquer les choses.

Je ne pense pas que Dieu désire entendre une prière délibérément incohérente. Je ne crois pas non plus que sa parole enseigne ce genre de prière. Je ne trouve, dans la Bible, aucun commandement qui exigerait une prière en langues inintelligibles, ni aucun enseignement à ce sujet. Il faut, certes, l'élan d'un cœur entier, d'un esprit libéré, une action totale du Saint-Esprit ; mais il faut également l'action concertée de la conscience entière du croyant. Vouloir s'adresser de façon incohérente à celui qui est le comble de l'intelligence, c'est à mon avis une aberration. C'est peut-être même une insulte contre celui qui nous a faits.

Je suis sûr que Dieu préfère de loin l'expression même simple et directe d'un homme qui le cherche et qui l'aime de toute son âme, à un magnifique discours en une langue que cet homme ne comprend pas (et qui est, peut-être bien, littéralement inintelligible). Dieu désire surtout la lumière, la transparence, la simplicité, la vérité.

Je suis sûr qu'une fiancée aime mieux entendre les paroles sans prétention et peut-être même maladroites de l'homme qu'elle aime et par lesquelles il exprime l'intensité de son amour, que d'avoir à écouter un torrent de vers en latin ou de sons inintelligibles que le jeune homme profèrerait pour lui faire plaisir, mais que lui-même ne comprendrait pas. La seule petite phrase à son oreille :   Je t'aime » a plus de valeur pour elle qu'une dissertation extraordinaire en chinois sur l'amour dont lui-même n'entendrait pas le sens.

Ce que Dieu désire entendre, je le répète, c'est notre cœur. Les paroles : « Père, je t'aime de toute mon âme ! » lui sont plus douces que la musique de tous les orchestres du monde.

Quant à moi, Dieu sait que je préfèrerais de loin que ma femme me dise la simple petite phrase : « Je t'aime... » que de l'entendre prononcer d'innombrables discours en un langage incompréhensible.

L'Église de Christ n'est-elle pas arrivée au bord de la folie en supposant que Dieu désire écouter l'incohérence ?

On entend souvent dire :

« J'adore mieux le Seigneur depuis que je parle en langues ».

1

Mais comment un homme peut-il savoir si son « parler en langues » est agréable à Dieu, s'il ne sait pas ce qu'il dit ? Un tel homme croit que Dieu agrée son discours ; mais comment le prouver ? La seule réponse qu'il peut nous donner est qu'il le croit, qu'il le sent.

Pourtant, les sentiments ne suffisent pas comme fondement de notre édifice spirituel. D'innombrables mystiques païens éprouvent des sentiments semblables, un élan qui leur apporte la même conviction d'être en pleine communion avec ce qu'ils appellent Dieu. Comment mesurer la valeur de ses sentiments s'il n'existe aucun autre point de repère ?

En fin de compte, notre certitude d'être dans la volonté de Dieu ne peut venir que de sa Parole, car l'Esprit de Dieu n'agit qu'en conformité avec ce qu'il a dit. Or, la Parole de Dieu ne contient pas la moindre justification d'une telle façon d'adorer Dieu. « Dieu est lumière et il n'y a point en lui de ténèbres » — ni d'équivoque, ni d'ombre, ni d'irrationnel. Dieu ne veut pas qu'on l'adore « en esprit » seulement, mais « en vérité » aussi. Dieu ne reconnaît aucune scission entre son Esprit et sa Parole. Mais comment savoir si nos paroles incompréhensibles sont la vérité ?

2

Et puis, que dire de ceux — ils sont très nombreux — qui avouent que, depuis qu'ils parlent « en langues », ils vénèrent mieux la Vierge, ou ils adorent mieux Krischna ou autre chose encore ? Si c'est la « langue » qui nous rapproche de Dieu, pourquoi ne nous rapprocherait-elle pas tout autant d'une puissance autre que Dieu ? Quelle est en fait la norme qui doit régir notre culte : une langue inconnue ou l'Écriture ? La parole inintelligible ?... ou la Parole écrite, précise, inaltérable, indiscutable et qui porte la signature du Dieu de Jésus-Christ ? Matthieu 5.18 ; 24.35.

3

Et encore : si nous ne comprenons pas ce que nous disons, comment savons-nous, en fait :

— si notre langue est une langue et non un charabia ?
— si elle vient en réalité de Dieu ou d'une autre source ?
— si ce que nous disons est vraiment agréable à Dieu ou non ?

4

Une autre question très grave se pose dans ce contexte : comment celui qui ne comprend pas ce qu'il dit peut-il espérer éprouver l'esprit de sa langue selon le commandement explicite de Dieu dans 1 Jean 4.1-3 ? Comment peut-il affirmer qu'il s'agit nécessairement de l'Esprit de Dieu ? Si nous ne procédons pas avec lucidité, comment prétendre que l'Esprit de vérité agit sur nous ? Celui-ci n'agira de toute façon qu'en conformité avec sa Parole qui est la lucidité même.

5

Après tout, comment un homme peut-il savoir ce qu'il dit en langue inconnue ? Comment savoir si Dieu en approuve le sens ? Certains croyants bien intentionnés ont — c'est un fait — proféré des blasphèmes en langues et cela tout à fait inconsciemment. Je le sais, j'en ai entendu de mes propres oreilles, comme en ont témoigné d'autres personnes de ma connaissance.

Prier « en langues » pour que le diable ne comprenne pas ?

On entend parfois l'argument suivant : « Il faut prier en langues pour que le diable ne comprenne pas ce que nous disons »...

J'ai de la peine à comprendre qu'un chrétien éclairé se serve d'un argument semblable bien qu'il soit utilisé par des serviteurs de Dieu que je respecte et que j'estime. À mes yeux, c'est un argument sans valeur, car je considère que les démons, comme les anges de Dieu, ont souvent un accès facile jusque dans la pensée intime d'un homme sans qu'il s'exprime de vive voix en une langue quelconque. Je pense qu'ils se rient de cet argument.

Non ! La seule manière de tenir le diable dans l'ignorance de nos intentions réside dans le degré de notre intimité avec Dieu. Plus nous sommes proches de Dieu, plus sa présence nous inonde et nous entoure ; les puissances des ténèbres ont alors de la difficulté à pénétrer notre âme. C'est ce que David a compris lorsqu'il dit de ceux qui cherchent leur refuge en Dieu :

« Tu les protèges sous l'abri de ta face contre ceux qui les persécutent ; tu les protèges dans ta tente contre les langues qui les attaquent. » Psaumes 31.20-21

(Remarquons que David n'avait pas besoin d'offrir cette prière en une langue inconnue, pas plus que les centaines d'autres prières qu'il exprime dans son merveilleux livre des Psaumes. Heureusement pour nous !)

Prier « en langue » pour des besoins inconnus ?

Voici encore un argument que l'on rencontre souvent dans la bouche de ceux qui pratiquent la glossolalie : « Parce que l'on ne connaît pas, dit-on, les circonstances dans lesquelles se trouve quelqu'un qui habite à distance, et qu'on ignore ses besoins, on ne peut pas prier pour lui avec l'intelligence ; c'est pourquoi il faut prier pour lui en langue inconnue ».

J'ai vraiment de la peine à comprendre comment un chrétien, connaissant Dieu et sa Parole, puisse employer un argument semblable.

D'abord, je voudrais rappeler à mon frère que Dieu n'enseigne nulle part dans la Bible la prière en langues inconnues ou inintelligibles. Donc la valeur d'une « prière » de ce genre pour une autre personne demeure purement hypothétique, tout autant que la prière aux saints ou la prière pour les morts que l'église catholique essaie de justifier également par l'Écriture. Avec cette sorte d'exégèse on peut faire dire à la Bible n'importe quoi.

Ensuite, ai-je besoin de rappeler à mon frère que Dieu sait toutes choses et que nous n'avons pas besoin de lui expliquer quoi que ce soit ? Pourquoi supposer qu'il comprend mieux à la fois notre prière et les besoins d'autrui, parce que nous nous adressons à lui sous une forme incompréhensible ? Si je désire que Dieu vienne en aide à une personne dont je ne connais pas la situation, pourquoi ne dirais-je pas simplement à Dieu que j'ignore celle-ci, mais que je veux qu'il protège et bénisse cette personne selon le cas ? Dieu a-t-il besoin d'un autre appui à ma prière que le nom de notre avocat Jésus-Christ ? Si ma prière est acceptée, elle l'est, non pas à cause de mon langage mais à cause du nom de mon Sauveur et à cause de son œuvre d'expiation et d'intercession en ma faveur. C'est cette prière-là que le Saint-Esprit, dans son rôle d'avocat, appuiera par sa volonté toute puissante. Mais comment espérer que l'Esprit intercède en faveur d'une prière qui demeure après tout un non-sens pour celui qui l'offre ?

Il me semble que, faute de fondements bibliques, on cherche un peu partout, et surtout dans le domaine de l'hypothèse et même de l'irréel, des arguments pour soutenir une « prière en langues ». C'est par de telles méthodes qu'on arrive à « justifier » toutes les erreurs qu'a connu le christianisme dès les temps apostoliques jusqu'à nos jours. Nous avons plus que jamais besoin de nous attacher à la Parole même de Dieu. Je pense que l’antichrist en personne, au début de son règne, justifiera ses actions en faisant appel à la Bible, comme l'ont fait les inquisiteurs qui autrefois brûlaient vifs ceux qui suivaient à tout prix la Parole de Dieu.

D'ailleurs, comment savez-vous si, dans votre prière incompréhensible pour autrui, vous ne prononcez pas en fait des malédictions plutôt que des bénédictions ? Quelle est la norme qui nous permet de contrôler cette force qui prie en vous : la Parole de Dieu ou vos sentiments ? Vous « sentez » que votre prière est valable, qu'elle est juste, qu'elle est bienfaisante ? Pourtant, des mystiques hindous « sentent » de la même manière qu'ils sont en rapport avec le divin ou l'infini. Cet argument est beaucoup trop dangereux.

TEXTE DU VERSET 15 (dernière partie) AVEC COMMENTAIRE

« Je chanterai par l'Esprit, mais je chanterai aussi avec l'intelligence ».

ψαλῶτῷ πνεύματι, ψαλῶδὲκαὶ τῷ νοῒ.
psalô toï pneumati psalo kaï tôï noï
je chanterai par l'esprit je chanterai
(ou : en esprit, ou : l'Esprit)
pourtant aussi avec l'intelligence.

Chanter en langues ?

Ce qu'on appelle le « chant en langues » a pris de l'envergure au cours de ce vingtième siècle parmi ceux qui pratiquent la glossolalie. Mais où trouver ce phénomène dans la Bible ? Il n'y est pas mentionné qu'une seule fois.

Il est vrai que Paul dit en 1 Corinthiens 14.15  : « Je chanterai par l'Esprit (ou : par l'esprit) »… mais il définit vigoureusement le sens de son affirmation en ajoutant : « mais je chanterai aussi avec l'intelligence ».

Le verbe psalô, que la plupart des versions traduisent « chanter », signifie littéralement « toucher un instrument de musique, jouer sur des cordes ». Selon cette expression de l'apôtre Paul, il serait possible de jouer de la guitare « par l'Esprit » ! Pourquoi pas ? Le roi David le faisait. En effet, je crois à la puissance d'une musique inspirée de l'Esprit pour communiquer l'Évangile.

Il est tout à fait légitime, cependant, de traduire ce terme par le verbe : « chanter » ; mais le chant par l'Esprit n'est pas nécessairement un chant en langues ! Ce verset ne mentionne même pas le mot « langues ». Paul ne dit pas qu'il chantera « en langues » mais plutôt qu'il chantera « par l'Esprit » (ou : en esprit) ». Il n'est pas possible d'attribuer à Paul la notion d'un « chant en langues » intelligibles ou non, car lui-même refuse de chanter sans que son intelligence entre en jeu.

Paul ne dit en somme rien d'un « chant en langues ». Le silence absolu du Nouveau Testament à ce sujet ne nous permet pas d'en formuler une doctrine. Et pourtant ! Quelles montagnes de doctrines et de pratiques a-t-on bâties sur cette phrase ! Or, il y a des choses bien plus importantes dont nous devons nous occuper dans ce monde qui périt sans Christ. Si le grand public savait que nous pratiquions de telles extravagances, comment prendrait-il au sérieux notre message évangélique ? Ne dirait-il pas en fait que nous sommes un peu fous ?.. et même beaucoup ?

Comment a-t-on pu propager à travers le monde la doctrine selon laquelle le « chant en langues » est une œuvre importante du Saint-Esprit alors que lui-même ne justifie en rien une telle proposition ?

Ô peuple de Dieu ! Reviens à la Parole de Dieu de tout ton cœur dans l'honnêteté absolue ! Laisse de côté les interprétations arbitraires et équivoques ! Car l'Esprit de Dieu est l'Esprit de vérité.

Et les « cantiques spirituels » ?

Pour défendre la notion d'une « prière en langues », on cite souvent un passage de Paul dans son épître aux Éphésiens :

« Soyez remplis de l'Esprit. Entretenez-vous par des psaumes, par des hymnes et par des cantiques spirituels, chantant et célébrant de tout votre cœur les louanges du Seigneur. Rendez continuellement grâces pour toutes choses à Dieu... ». Éphésiens 5.18-19

Il faut vraiment des lunettes très spéciales pour voir dans ce passage un « chant en langues » ! Les cantiques ici mentionnés avec les psaumes et les hymnes n'ont pas besoin d'être incompréhensibles ou en langue étrangère pour glorifier Dieu... pas plus que les psaumes de David et les milliers de chants avec lesquels les chrétiens adorent Dieu et expriment leur foi depuis deux mille ans. Paul dit que l'homme rempli de l'Esprit chante « dans son cœur » (grec : têï kardiaï, ce qui signifie également : « de (tout) son cœur ») ; mais le texte précise qu'il s'agit d’un véritable langage exprimé par « des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels ». Le mot grec ici traduit par « cantique » est ôïdê qui donne le substantif français ode que le dictionnaire définit ainsi : « poème lyrique destiné à être chanté ou dit avec accompagnement de musique... le plus souvent constitué de strophes symétriques ».

La Bible elle-même illustre le sens de ce mot qui est d'ailleurs utilisé dans plusieurs autres passages : par exemple le chant des quatre êtres vivants et des vingt-quatre vieillards devant l'Agneau Apocalypse 5.9-10 ; le chant des cent quarante-quatre mille devant le trône de Dieu Apocalypse 14.3 ; le chant aussi des saints martyrisés par l'Antichrist, appelé « le cantique de Moïse... et. le cantique de l'Agneau » Apocalypse 15.3-4. Dans chaque cas les paroles mêmes de ces « odes » sont rapportées avec un détail que nous ne pouvons que qualifier de spirituel. Mais tout en étant spirituelles, elles sont parfaitement compréhensibles et même profondément significatives.

L'expression « cantiques spirituels » se trouve également dans l'épître de Paul aux Colossiens, passage que l'on cite comme appui pour le « chant en langues ». En voici le texte complet :

« Que la parole de Christ habite parmi vous abondamment ; instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres en toute sagesse par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels, chantant à Dieu dans (ou : avec) vos cœurs sous l'inspiration de la grâce (grec : avec la grâce, ou : par le moyen de la grâce) » Colossiens 3.16.

Paul ne dit rien ici d'un chant « en langues ». Au contraire, il dit que nous avons à nous enseigner et nous exhorter mutuellement par nos cantiques : cela n'est pas possible sans que le Saint-Esprit utilise pleinement nos connaissances bibliques ! Il nous dit de chanter à Dieu avec grâce, c'est-à-dire avec amour, et avec notre cœur, c'est-à-dire de tout notre cœur. D'ailleurs, Paul définit cette « instruction » chantée comme provenant de « la Parole (grec : logos) de Christ ». Elle est fondée sur l'Écriture.

Les cantiques spirituels des Colossiens, comme ceux des Éphésiens, étaient de trois sortes : des « psaumes » (grec : psalmoï, en particulier ceux de l'Ancien Testament, normalement accompagnés d'un instrument de musique), des « hymnes » (grec : hymnoï, qui signifient des chants en l'honneur de Dieu) et des « cantiques » (grec : ôïdaï, qui signifie des chants quelconques, c'est pourquoi Paul ajoute ici la description « spirituels »). Mais chacune de ces trois formes grecques de chant ou de poésie contenait un thème et possédait une structure. Aucune n'était inintelligible  ! D'ailleurs, comment peut-on enseigner et exhorter son frère avec un chant incompréhensible ?

TEXTE DU VERSET 16 AVEC COMMENTAIRE

« Autrement, si tu rends grâces par l'esprit, comment celui qui est dans les rangs de l’homme du peuple répondra-t-il Amen ! à ton action de grâces, puisqu'il ne sait pas ce que tu dis ? »

πεὶἐὰνεὐλογῇς
épei éan eulogêïs
autrement,situ rends grâces

ἐν πνεύματι,
en pneumati
dans ton esprit,
dans ton cœur (seulement) ;
ou : par l'Esprit,
ou : par l'esprit (seulement)

ἀναπληρῶντὸν τόποντοῦ ἰδιώτου
ho anaplêrôn ton topon tou idiôtou
celuiqui occupela placede l'homme
non renseigné

πῶςἐρεῖτὸ Ἀμήνἐπὶτῇ σῇεὐχαριστίᾳ
pôsérei to Amên épi têï sêï eucharistiaï
commentdira-t-ill'Amenà la suitede tonaction de grâces ?

ἐπειδὴτί λέγειςοὐκ οἶδεν
épeidê ti légueis ouk oïden
(1) parce que(3) ce que tu dis(2) il ne sait pas

* * *

« Si tu rends grâces [uniquement] par l'esprit ».. c'est-à-dire : Si ta prière ou ton action de grâces, tout en étant parfaitement spirituelle, n'a lieu que dans l'intérieur de ton âme, comment pourra-t-elle édifier ton frère ? Même si elle s'exprimait audiblement, mais sous forme incompréhensible, donc inaccessible à l'assistance, comment celle-ci pourrait-elle participer à tes sentiments ? Une prière personnelle, aussi valable soit-elle, demeure une affaire entre l'individu et son Père céleste ; elle ne peut être considérée comme faisant partie de la prière collective de l'assemblée.

Les Corinthiens ne semblaient pas avoir saisi cette nuance élémentaire. Certains d'entre eux voulaient projeter leurs prières purement personnelles sur l'ensemble des croyants. Paul fait bien comprendre que cela est inadmissible : un dialogue privé avec Dieu peut être précieux pour l'individu comme pour Dieu lui-même ; mais les autres n'en retirent aucun bénéfice. Qu'un frère loue ou remercie ou supplie Dieu dans son cœur, en secret, même au milieu de ses frères, cela n'a rien d'anormal, car il ne dérange nullement l'action du Saint-Esprit sur toute l'assemblée. Mais que cette personne se lève et cherche à exprimer publiquement et audiblement, en un langage qui dépasse la compréhension de ses frères, des sentiments qui ne concernent que Dieu et lui seul, cela ne peut être considéré comme une action du Saint-Esprit.

Même si cette personne s'exprime en une langue authentique mais qui est étrangère à l'assistance, comment celle-ci pourra-t-elle dire « Amen » à cette prière ? Or, Paul veut que toute l'assemblée puisse se solidariser en disant Amen ! à la prière d'un frère.

Si, par exemple, dans l'église de Corinthe, un croyant voulait à tout prix s'exprimer en latin ou en persan, (qui étaient peu utilisés dans cette ville) ou en un dialecte ibérique (encore moins connu), ou même, en une langue « extra-terrestre » (si cela existe !), comment celui qui n'était pas instruit dans cette langue, pouvait-il bénéficier de ce qui était dit, puisqu'il ne pouvait même pas suivre ce discours ?

Noter que le terme grec idiôtês (que Segond traduit dans ce verset « homme du peuple » et Darby : « un homme simple ») signifie essentiellement : « une personne privée, qui n'occupe pas de position officielle dans l'état ». C'est le même mot qui est employé pour désigner les apôtres dans Actes 4.13, que Darby traduit : « du commun ». Pour les Juifs de l'époque, ce mot signifiait : « n'occupant aucune position officielle dans la structure religieuse nationale », ou : « ne connaissant pas l'hébreu classique » ; autrement dit : des « laïcs », des « marginaux ». Le texte les appelle également « des hommes illettrés » (selon Darby, traduction du grec : agrammatoi, ce qui signifiait pour les autorités juives : « sans instruction théologique »).

Puisque les douze apôtres étaient eux-mêmes idiôtaï, nous pouvons considérer que les idiôtaï dont Paul parle ici étaient sans doute des croyants, mais qui n'avaient pas reçu de formation particulière, ou qui n'avaient pas de connaissance spécialisée dans le domaine de la linguistique ou de la théologie, ce qui les empêchait de comprendre celui qui parlait une autre langue. Or, Paul dit que tous dans assemblée devraient pouvoir dire «  Amen » à chaque prière ; sans cela, sensibilité spirituelle des frères est outragée.

En somme, Paul est gêné par l'emploi de langues devant une assistance qui ne les comprend pas, bien qu'il en reconnaisse cependant l'utilité pour convaincre des non-croyants dans des situations particulières (Voir commentaire sur le verset 22). Il démontre l'inutilité d'une soi-disant prière qui ne parvient pas à une expression cohérente. « Comment nos frères peuvent-ils appuyer une prière dont la signification leur est cachée ? »

TEXTE DU VERSET 17 AVEC COMMENTAIRE

« Tu rends, il est vrai, d'excellentes actions de grâces mais l'autre n'est pas édifié. »

σὺμὲνγὰρκαλῶςεὐχαριστεῖς,
symengarkalôseucharisteis
(2) toi(3) bien sûr !(1) car(5) joliment(4) tu rends grâces

ἀλλ'ὁ ἕτεροςοὐκοἰκοδομεῖται.
all'ho hétérosoukoïkodomeitaï
pourtantl'autren'est pasédifié

* * *

Pour résumer : il n'y a rien dans ces versets 14 à 17 qui incite à prier en langues ou qui en enseigne la nécessité.

— Oui mais... répond un contestataire à l'argument de Paul, moi-même, je suis tout de même béni quand je prie en langues devant mes frères et je suis sûr que Dieu m'accepte !

Pourtant, dit l'apôtre Paul, tes frères ne sont pas édifiés et c'est là le critère qui détermine l'authenticité ou la non-authenticité de ce que tu appelles ton don. Tu dis que cela te fait du bien ? Tu as l'impression que tu loues Dieu de façon magnifique ? Tu rends d'excellentes actions de grâces ? Très bien ! Pourtant, ton frère n'est pas édifié...

La manière dont Paul emploie la particule grecque men (qui est d'ailleurs intraduisible) semble apporter un élément ironique à la phrase : « Toi, bien sûr, tu rends de belles actions de grâce ! ». C'est pratiquement une question, investie d'un tendre humour. L'adjectif kalos, que le Nouveau Testament traduit généralement par le mot français « bon » signifie essentiellement : « beau ». L'adverbe kalôs correspond à peu près à notre mot : « joliment », « admirablement ». Paul aurait pu dire : « Tu rends grâce efficacement ou sincèrement... ». Et cependant non, il utilise ce mot kalôs : Tu rends de belle façon (ou : joliment) grâces, mais... ta magnifique prière n'est malheureusement pas accessible à ton frère.

Alors, à quoi bon ?

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