Vers la Sainteté

CHAPITRE XV

Ne discutez point

« Il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles. » (2 Timothée 2.24)

Dans mes efforts pour vivre une vie sainte et irrépréhensible, j’ai été aidé par le conseil de deux hommes et l’exemple de deux autres.

I. Le Commissaire Dowdle

Il y a quelques années, j’assistais à Boston à une nuit de prière. Ce fut une réunion bénie et ce soir-là des vingtaines de personnes recherchèrent la bénédiction d’un cœur pur. On lut les Écritures, bien des prières montèrent vers Dieu, on chanta de nombreux cantiques, bien des témoignages furent rendus, bien des exhortations furent entendues ; mais de toutes les choses excellentes dites en cette nuit-là, il n’y en eut qu’une dont je me rappelle aujourd’hui, elle s’imprima dans ma mémoire de manière à ne s’en jamais effacer. Au moment de terminer la réunion, le Commissaire Dowdle s’adressant à ceux qui s’étaient avancés au banc des pénitents leur dit : « Souvenez-vous de ceci : si vous voulez conserver un cœur pur, ne discutez pas ! »

Vingt ans de pratique de la sainteté avaient dicté ce conseil qui retentit alors à mes oreilles comme la voix même de Dieu.

II. Saint Paul

En écrivant au jeune Timothée, le vieil apôtre épanchait son cœur auprès de celui qu’il aimait comme un fils en l’Évangile. Il cherchait à l’instruire pleinement dans la foi afin que d’un côté Timothée put échapper à toutes les embûches du diable, marcher dans un saint triomphe et la communion du Seigneur, se sauver lui-même ; tandis que d’un autre côté il put être « accompli et propre à toute bonne œuvre » pour instruire et guider d’autres hommes vers le salut. Parmi plusieurs ardentes recommandations qu’il lui adresse celle-ci m’a particulièrement frappé : « Rappelle ces choses, en conjurant devant Dieu qu’on évite les disputes de mots, qui ne servent qu’à la ruine de ceux qui écoutent. » De ceci, je conclus que saint Paul entendait qu’au lieu de discuter en perdant ainsi son temps et peut-être la paix de son âme, il faut aller droit aux cœurs en faisant de son mieux pour les amener à Christ, les convertir et les sanctifier.

Ailleurs, il dit : « Repousse les discussions folles et inutiles, sachant qu’elles font naître des querelles. Or, il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles ; il doit, au contraire, avoir de la condescendance pour tous, être propre à enseigner, doué de patience ; il doit redresser avec douceur les adversaires. » (2 Timothée 2.23-24)

Évidemment l’apôtre attachait une grande importance à ce conseil ; car il le répète en écrivant à Tite : « Évite les discussions folles, les généalogies, les querelles, les disputes relatives à la loi ; car elles sont inutiles et vaines. » Je suis certain que Paul avait raison en écrivant ainsi.

Il faut du feu pour allumer le feu, et il faut de l’amour pour susciter l’amour. Une froide logique ne conduira pas un homme à aimer Jésus ; or, seul « celui qui aime est né de Dieu. »

Ceux à qui l’Évangile a été enseigné dans toute sa pureté et dans toute sa simplicité, peuvent à peine réaliser l’effrayante obscurité au sens de laquelle ces hommes – même s’ils appartiennent à des nations qu’on appelle chrétiennes – doivent se débattre pour trouver la vraie lumière.

III. Le marquis de Renty

Il y a quelques centaines d’années, au sein de la noblesse française licencieuse et déréglée, en dépit d’une religion purement formaliste et mondaine, le marquis de Renty parvint à une pureté de foi, une simplicité de vie et de caractère et une communion sans nuage avec Dieu qui furent à la gloire de l’Évangile et devinrent une bénédiction, non seulement pour les contemporains et les compatriotes du noble marquis, mais pour les générations suivantes.

Par sa position sociale, sa richesse et ses aptitudes pour le commerce, il se trouva mêlé à différentes entreprises séculières et religieuses dans lesquelles sa foi et sa sincérité brillèrent d’une manière remarquable.

En lisant sa vie, il y a quelques années, je fus frappé de sa grande humilité, de sa sympathie pour les pauvres et les ignorants, de ses efforts pleins d’abnégation et de zèle pour les instruire et les sauver, de son activité, de la ferveur de ses prières et de ses louanges, de sa constante faim et soif de la plénitude de Dieu. Mais ce qui m’impressionna plus que tout le reste ce fut le soin avec lequel il évitait toute discussion, de n’importe quelle nature, dans la crainte de contrister le Saint-Esprit et d’éteindre la lumière de son âme. Chaque fois que des questions d’affaire ou de religion venaient à se discuter, il les examinait soigneusement, puis exprimait sa manière de voir et les raisons sur lesquelles elle se basait, clairement, pleinement et tranquillement, après quoi, quelque chaude que pût devenir la discussion il refusait absolument d’entrer dans le débat d’aucune manière. Son maintien calme et paisible ajoutait à la clarté de ses arguments et donnait une grande force à ses conseils. Mais que ses vues fussent acceptées ou rejetées, il s’approchait ensuite de ses adversaires pour leur dire qu’en exprimant des sentiments contraires aux leurs, il n’entrait aucune idée d’animosité dans son exposition de ce qui lui semblait être la vérité.

En ceci, le marquis de Renty me semble avoir particulièrement pris pour modèle la « douceur et la bonté de Christ » ; son exemple m’a encouragé à suivre la même voie afin de « conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix, » tandis qu’autrement, j’aurais pu être entraîné dans des luttes et des disputes qui eussent obscurci mon âme et détruit ma paix, si même elles n’avaient pas entièrement chassé de mon cœur le Saint-Esprit.

IV. Jésus

Les ennemis de Jésus cherchaient constamment à L’embarrasser et à L’entraîner dans des discussions, mais Il tournait toujours la question d’une telle manière qu’il confondait ses adversaires et les mettait dans l’impossibilité de répondre. Ils vinrent un jour à Lui pour Lui demander s’il était juste de payer le tribut à César. Sans discuter, Il se fit apporter une pièce de monnaie et demanda de qui en était l’effigie.

– « De César », lui répondit-on !

– « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », dit Jésus.

Une autre fois, ils lui amèneront une femme prise en flagrant délit d’adultère. Son cœur aimant fut touché de compassion pour la pauvre pécheresse ; mais au lieu de discuter avec ses accusateurs pour savoir si elle devait être lapidée ou non, Il dit simplement : « Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. » Et tous ceux qui composaient cette foule hypocrite, trouvant leurs combinaisons déjouées par Sa simplicité, se dérobèrent l’un après l’autre et la pécheresse resta seule avec son Sauveur.

Jamais, d’un bout à l’autre des Évangiles, on ne trouve Jésus engagé dans une discussion quelconque et son exemple est pour nous d’une importance infinie.

Il est naturel à l’homme « affectionné aux choses de la chair » de réfuter la contradiction, mais nous devons être des hommes « affectionnés aux choses de l’esprit ». Par nature nous sommes fiers de nous-mêmes et de nos opinions, toujours prêts à résister obstinément à celui qui s’élève contre nous et nos principes. Avoir le dessus à tout prix soit par la force de nos arguments, soit par celle des armes, telle est notre première préoccupation. La contradiction nous impatiente et nous rend prompts à juger les motifs d’autrui, en condamnant quiconque n’est pas d’accord avec nous. Nous nous plaisons alors à parer notre promptitude et notre impatience du nom de « zèle pour la vérité » tandis qu’en réalité c’est le plus souvent un zèle violent et irraisonné qui n’a d’autre but que d’appuyer notre manière de voir. Or, je suis fortement incliné à croire que c’est un des derniers fruits de l’esprit charnel qui puisse être détruit par la grâce ; il me rappelle ces Cananéens qu’on laissait subsister au lieu de les détruire impitoyablement comme Samuel détruisit Agag.

Pour nous, qui sommes devenus « participants de la nature divine, » veillons à ce que cette racine de la nature charnelle soit entièrement détruite. Quand les hommes s’opposent à nous, ne discutons pas, ne nous laissons pas aller à l’injure, ne les condamnons pas, mais instruisons-les, non avec un air de sagesse supérieure ou de sainteté, mais avec douceur et amour, nous rappelant « qu’il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles ; mais qu’il doit au contraire avoir de la condescendance pour tous, être propre à enseigner, doué de patience. »

J’ai souvent remarqué qu’après avoir exposé clairement, pleinement, avec calme, ma manière de voir, à ceux qui sont opposés à la vérité telle que je la comprends, je suis fortement tenté de chercher à avoir le dernier mot ; mais j’ai observé aussi que la bénédiction de Dieu m’accompagne particulièrement quand je remets la chose entre Ses mains ; et que, du reste, en agissant ainsi je viens le plus souvent à bout de mon adversaire. Je crois que c’est là le chemin de la foi et de la douceur. Tandis qu’en apparence, nous pouvons paraître vaincus, nous remportons d’ordinaire la victoire sur nos ennemis. Et si nous possédons une véritable douceur, nous nous réjouirons davantage de les avoir amenés à « la connaissance de la vérité » que d’avoir remporté la victoire par nos arguments.

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