Le Réveil Américain

Chapitre IX

Réunion de prière au Coin d’enfer. — Une invitation sur le Mississipi. — Une fille convertie et chassée de la maison paternelle. — Conversion de toute la famille. — Enfants affamés demandant la bénédiction.

« Il y a, disait un jour un monsieur à la réunion de Fulton Street, une localité dans le New-Hampshire où il s’est passé récemment certaines choses que je vais raconter, et qui prouvent que le Saint-Esprit peut, selon son bon plaisir, agir aussi bien sans moyens qu’avec leur concours. Dans la localité dont je parle, vivent isolées environ vingt familles, qui ne soutiennent aucun rapport avec les habitants des environs, et qui ne communiquent absolument qu’entr’elles. Elles se distinguent par leur impiété, leur méchanceté, leur habitude du jeu et leur prédilection pour toutes sortes de vices. Le respect pour les institutions religieuses leur est inconnu ; elles évitent soigneusement tous les moyens de grâce, et constituent la communauté la plus hideusement corrompue et la plus abominable qui puisse être. Il n’y a pas longtemps qu’un homme qui en faisait partie se trouvait chez un de ses voisins, et, comme il s’évertuait à proférer les jurements les plus épouvantables, la femme de la maison lui dit :

— Si vous continuez à blasphémer de la sorte, j’ai bien peur que cette maison ne s’écroule sur nos têtes.

— A vous entendre, reprit l’homme, on dirait vraiment que vous devenez pieuse, la mère !

— Ah ! il serait grand temps, en effet, que quelqu’un d’entre nous devînt religieux.

— Tiens ! si c’est cela, pourquoi n’aurions-nous pas aussi bien une réunion de prière dans votre maison ?

Et plusieurs voix s’écrièrent : Hé bien ! oui ; une réunion de prière ! Nous voulons une réunion de prière !

On convint du jour et de l’heure, et, pour conduire cette réunion, on choisit le seul homme de toute la communauté qui eût jamais fait profession de christianisme. C’était un relaps de grande notoriété, et qui n’en était que mieux qualifié pour la parodie qu’on voulait jouer.

Le moment venu, ils s’assemblèrent tous. Le relaps se chargea de présider ; mais lorsqu’il s’agit de prier, le président resta court et fut forcé de s’arrêter. Ils essayèrent alors de chanter, mais sans plus de succès. Décidés à ne pas abandonner la partie, ils se donnèrent rendez-vous pour le dimanche suivant, à cinq heures de l’après-midi, et ils envoyèrent dire à un diacre, qui demeurait à une certaine distance, qu’il y aurait ce jour-là réunion de prière au Coin d’enfer (nom que la localité avait reçu), et qu’on le priait de venir la présider. Le bon diacre n’osait pas s’y rendre, se doutant bien qu’on voulait lui tendre un piège ou se moquer de lui.

— Irai-je ? demanda-t-il à un ami.

— Sans doute, et même je vous accompagnerai, dit le voisin.

A l’heure indiquée, ils se présentèrent donc ensemble au Coin d’enfer. Tous étaient déjà venus, et se préparaient à prêter une sérieuse attention à ce service religieux.

— Je n’avais pas été là quelques minutes, raconte le diacre, que je sentis la présence de l’Esprit du Seigneur. Pendant cette première réunion, quatre ou cinq de ces hommes endurcis et corrompus furent pénétrés d’une sérieuse conviction de leurs péchés ; d’autres se convertirent à la réunion suivante ; et maintenant (poursuivit l’orateur) non seulement les réunions continuent, mais bon nombre de ceux qui avaient senti leurs péchés sont devenus des chrétiens assidus à la prière. L’œuvre se développe dans cette localité avec une puissance étonnante. A la dernière réunion, le nombre des assistants était de plus de cent.

Voilà un cas où l’Esprit de Dieu a devancé les désirs et les efforts des chrétiens. Peut-être aussi Dieu a-t-il exaucé de cette manière les prières que ses enfants ont fait monter vers Lui en d’autres lieux ; peut-être, enfin, a-t-il simplement voulu, dans sa souveraine miséricorde, répandre son Saint-Esprit sur cette communauté coupable, et ramener à Lui des pécheurs endurcis, pour les arracher à la perdition. »

— Un monsieur a raconté à la réunion de prière de l’hôtel du Globe qu’étant, un jour, sur les bords du Mississipi, on lui avait remis une annonce imprimée l’invitant à se rendre à une réunion de prière à New-York. Il s’agissait de la réunion de Fulton Street. « Vous auriez peine à croire, ajouta-t-il, l’influence qu’a pu avoir cette petite circonstance sur les sentiments, les décisions, la marche, la conduite et la destinée éternelle de celui qui vous parle. Quoique à 350 lieues de New-York, j’étais invité, moi, commerçant, à me rendre à une réunion de prière tenue par des commerçants, dans cette grande métropole du commerce, où le temps vaut de l’or. Certainement, me disais-je, la religion de ces commerçants-là doit être sincère. »

Il raconta qu’en arrivant dans notre ville, il s’était rendu à l’invitation (qu’il avait précieusement conservée), ajoutant que toute sa vie il se féliciterait d’avoir assisté à l’une de nos réunions de prière. Partout où il avait passé, disait-il, il en avait trouvé de semblables. Là dessus, il commença à donner des détails sur le réveil dans diverses villes de l’Ouest, et exposa entr’autres le fait intéressant qu’on va lire.

Dans une contrée où se trouvait groupée une population considérable, encore dépourvue de temple, les gens bâtirent une vaste maison d’école, et quand elle fut achevée, ils résolurent d’y tenir des réunions de prière. A peine commencées, ces réunions furent courues, et la foule qui ne trouvait plus de place dans l’intérieur se tenait en dehors, près des fenêtres. L’Esprit du Seigneur était abondamment répandu et opérait un grand nombre de conversions.

Près de cette maison d’école vivait un homme très riche, orgueilleux, incrédule et impie. Certaines personnes de sa famille étaient fortement tentées d’aller à la réunion ; mais il avait rassemblé son monde et leur avait déclaré que quiconque y assisterait ou deviendrait religieux serait déshérité et chassé de chez lui. Sa femme et ses enfants étaient compris dans cette décision. Celle-ci y était allée auparavant, ainsi que l’aînée de ses filles, et cette dernière avait continué de s’y rendre, malgré la défense paternelle. Bientôt elle y trouva la paix dans la foi en Jésus. Dès que l’occasion de témoigner de son espérance se présenta, elle se leva et parla en toute simplicité du grand changement qui s’était opéré en elle, et de l’humble assurance qu’elle avait de son salut en Jésus-Christ crucifié. Quelques-uns de ceux qui écoutaient aux fenêtres, croyant bien faire, coururent en avertir le père. Lorsqu’elle rentra le soir à la maison, elle le trouva sur le pas de la porte, tenant une grosse Bible dans ses mains.

— Marie, dit-il, on m’a dit que vous aviez fait ce soir une profession publique de votre religion ; est-ce vrai ?

— Mon père, dit la jeune fille, je vous aime ; mais j’aime aussi mon Sauveur.

Il ouvrit la Bible, et montrant un feuillet non imprimé, il demanda :

— Quel est ce nom ?

— C’est le mien.

— Ne vous ai-je pas dit que je vous déshériterais si vous preniez de la religion ?

— Oui, mon père.

— Hé bien ! il faut que ce que j’ai dit soit fait. Vous ne rentrerez pas dans ma maison.

Et déchirant le feuillet :

— Voilà ! fit-il. Je déchire de la même manière votre nom. Vous n’êtes plus du nombre de mes enfants et vous pouvez vous en aller.

Elle s’en alla donc chez une vieille dame chrétienne des environs, et n’entendit pas parler de son père pendant trois semaines. Mais, un matin, elle vit la voiture de la famille s’arrêter devant la maison. Elle courut demander au cocher ce qui était arrivé.

— Votre père est très malade, répondit-il, et pense qu’il est sur le point de mourir. Il a peur que sa méchanceté ne le conduise en enfer, parce qu’il vous a déshéritée et chassée de la maison. Il désire ardemment que vous montiez en voiture et que vous veniez au plus vite.

En effet, elle trouva son père très malade ; mais elle vit bientôt que c’était le remords seul qui le tourmentait. Elle pria donc avec lui, essayant de l’amener à Christ, et en trois jours le père, la mère et la sœur se réjouissaient d’une joie ineffable, et étaient devenus en famille les héritiers de Dieu et les cohéritiers de Christ.

Combien est grande la fidélité de Dieu envers ceux qui mettent leur espérance en Lui ! La déshéritée était devenue, entre les mains de l’Esprit de Dieu, l’instrument d’une bénédiction signalée sur toute sa maison, parce qu’elle avait marché d’un pas ferme dans la voie de l’obéissance envers son Maître. Quelle glorieuse couronne de joie pour elle, au grand jour où le Seigneur rassemblera ses joyaux !

— A une autre réunion de prière, on raconta que dans l’une de nos écoles publiques quatre enfants, appartenant à la même famille, avaient un air singulier. L’une des maîtresses s’aperçut, en les questionnant, qu’ils souffraient de la faim, et que depuis bien des jours ils n’avaient vécu que d’eau et de quelques croûtes de pain. Ils appartenaient à des parents allemands qui n’avaient pas de ressources.

Apprenant cela, le chef de l’école envoya dire à sa femme de préparer un dîner copieux, et les emmena chez lui. En y arrivant, le plus jeune enfant refusa d’entrer, disant qu’il ne savait quelle maison ce pouvait être, et qu’il ne devait pas y mettre les pieds sans l’approbation de sa mère. Il fallut un certain temps et bien des efforts pour le persuader. Enfin, ils se laissèrent tous introduire dans une chambre où le repas les attendait. On les assit à table, on les pressa de manger ; mais ils ne voulurent toucher à rien. On pensa de les laisser seuls, espérant qu’alors ils mangeraient. Quelle fut la surprise de la dame de la maison, qui les observait par la fente d’une porte, lorsqu’elle vit le plus âgé des garçons joindre ses petites mains et rendre grâces.

« L’exemple de ces enfants, reprit l’orateur, ne nous enseigne-t-il rien ? Quoiqu’affamés, ils refusaient de prendre de la nourriture avant d’avoir remercié Dieu de ce qu’elle leur était offerte. »

En écoutant ce récit, l’assemblée manifestait la plus vive émotion.

— Un fils unique fut, un jour, l’objet des prières, tandis qu’il était lui-même présent. Il fut tellement irrité que ses parents priassent pour lui, qu’il projeta de vendre ses propriétés et de s’en aller le plus loin possible. La prière se renouvela, et il vendit, en effet, tout ce qu’il avait, décidé qu’il était de se retirer à Albany. Pour aller à la station, il devait passer devant la maison de prière, et, calculant qu’il serait obligé d’attendre le convoi, il entra une dernière fois, curieux de voir ce qui s’y passait. Il entra !… et en ressortit converti.

— Un monsieur se leva, dans le fond de la salle, et s’annonça comme habitant les régions montagneuses de la Pensylvanie. « Nous entendons parler, dit-il, de vos réunions par la voie des journaux, et nous suivons avec intérêt l’œuvre de grâce que le Seigneur accomplit parmi vous. Il a répandu son Esprit dans toutes nos montagnes, de telle sorte que, parmi ces populations insouciantes et vicieuses, beaucoup d’âmes ont été amenées à la repentance. J’ai vécu moi-même quarante-neuf ans dans l’incrédulité, et il n’y a guère que trois mois que j’ai commencé à vivre selon Dieu.

Une réunion en plein air devait être tenue dans nos environs par des wesleyens. Au premier abord, je ne voulais pas y aller, vu que je croyais être trop occupé. Mais, à la fin, je m’y rendis. A peine ma femme m’eût-elle aperçu, qu’elle m’entraîna vers le lieu où l’on priait. Je n’y allai qu’à contre-cœur, mais il plut au Seigneur de m’ouvrir les yeux. Après la réunion, je me sentis cruellement angoissé. Les jours passaient, et mon inquiétude sur le sort de mon âme ne faisait que grandir.

J’entendis parler d’une autre réunion. Je fis trente-cinq lieues pour m’y rendre. Je cherchais du soulagement, sans en pouvoir trouver. Je voyais encore venir la fin de cette réunion, et j’étais terrifié à la seule pensée de m’en retourner tel que j’étais venu. On proposa, vers la fin, de tenir une courte séance de prière sous une tente. Les uns prétendaient que c’était inutile ; les autres, que ces quelques instants pouvaient produire de bons résultats ; bref, on m’invita à lire quelques versets et à prier. Pris au dépourvu, je tombai sur la parabole des talents, et je lus. J’étais bien tenté de cacher mon talent, comme le serviteur paresseux, mais je résolus de n’en rien faire. Je m’agenouillai. Dans cette prière, le Seigneur s’approcha de moi ; il m’aida, et je me rendis à discrétion. Au même instant, le fardeau avait disparu, l’inquiétude s’était évanouie ; je sentis que j’étais pardonné. Je crus, et mon cœur fut inondé de paix et de joie. Depuis ce moment, je suis toujours heureux. Je suis heureux surtout de me trouver dans cette assemblée et de jouir du beau privilège de rendre témoignage à mon Sauveur que j’aime par-dessus tout. J’avais tellement besoin de son pardon et pour tant de choses ! Depuis que j’ai appris à l’aimer, j’ai reçu de Lui tant de grâces signalées, que je suis fermement décidé à porter ma croix et à remplir mon devoir en tout temps et en toutes circonstances.

L’œuvre ne fait que grandir dans nos montagnes. Des districts entiers se tournent vers le Seigneur. La prédication de l’Evangile ébranle tous les cœurs, et un grand nombre de pécheurs se retirent auprès du Sauveur. »

— La voix de l’orateur, pleine d’onction et de ferveur, avait touché tous les assistants.

On chanta ensuite une strophe du cantique :

Il est une source sanglante
Qui jaillit du sein de Jésus,
Et qui efface toute tache de péché
Dans l’âme qui s’y plonge.

Quelques prières relatives aux demandes lues précédemment terminèrent cette séance intéressante.

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