Lettres aux chrétiens persécutés ou affligés

A Robert Gordon de Knockbrux

Grâce tirée de l’affliction.

Aberdeen, 1er janvier 1637

Mon cher frère,

Que la grâce, la paix avec la miséricorde soient avec vous. Je suis étonné d’être privé de vos lettres, bien que je sois loin de penser à un oubli de votre part. Quant à moi, grâce à Dieu, je suis très bien. J’avais d’abord soutenu un mauvais plaidoyer contre Christ, parce que sa providence ne m’avait pas exaucé dans ce que je croyais être mon droit et parce que je m’imaginais follement que les apparences valaient mieux que la fidélité de ses promesses. Cependant Il a usé de patience envers moi jusqu’à ce que je sois revenu de mon erreur, Il n’a tiré aucun avantage de mes absurdes appréhensions. Grand et saint est son nom. Il a considéré ce que je dois être et non ce que je veux.

Voici ce que j’ai appris. Si j’eusse été amené à Christ par voie d’adhésion seulement, comme tant d’autres, j’aurais été réduit en poussière et le monde aurait vu un ministre de Christ, cité jadis pour sa fidélité, n’avoir plus aucune saveur et souffrir sans profit pour son âme. Mais le Seigneur n’a point permis de telles choses, Il ne veut pas que le tentateur éteigne le flambeau de Christ. Il n’a tenu aucun compte de mes soucis ni de mes impatiences, Il n’a consulté que sa grâce. Tout en brûlant la maison, Il en a épargné les meubles.

J’espère donc que ni le diable ni la persécution ne gagneront rien sur moi et ne brûleront que des cendres. Jésus retirera du feu l’or qui lui appartient et il ne sera point consumé. Que ne dois-je pas aux épreuves dont le Seigneur m’a gratifié. J’ai appris à estimer la valeur du pur froment, lequel est Christ. Après avoir passé au travers de son van, il est converti en pain pour sa table. La grâce par l’épreuve vaut mieux que sans l’épreuve, elle est comme les prémices de la gloire. La sainteté a plus de prix que les plus beaux ornements dont se pare le monde, mais on ne peut apprécier la grâce sans connaître l’épreuve. Il en est peu parmi nous qui connaissent Christ, excepté ceux qu’il a gagnés par la souffrance. Et la foi, avec quelle rapidité elle disparaîtrait sans les croix qui la retiennent captive ! Que de croix j’ai eu à supporter sans qu’une seule m’ait appris à reconnaître, comme celle-ci, la douceur infinie qui est en Christ ! Quand le Seigneur met sa bénédiction sur les croix, elles respirent son amour, sa sagesse, sa bonté et toute sa sollicitude. Pourquoi frémirais-je sous les coups de mon Dieu, alors même qu’il secouerait violemment mon âme ? Ce n’est point un laboureur inutile, il a en vue la moisson. Oh ! si ce sol aride, pierreux pouvait se fertiliser et porter des épis à la gloire du nom de Christ ! D’où naît donc ma peine, insensé que je suis ? N’est-ce pas Lui qui a mis une couronne sur ma tête afin que j’eusse la gloire d’être un de ses fidèles témoins ? Je ne plaiderai plus contre Lui ; Il ne me devait rien, je n’ai donc rien perdu en souffrant pour sa cause. La pensée de Christ est pleine de douceur et de joie dans les liens de la captivité. Que mes adversaires sont aveugles ! ils m’avaient envoyé en prison, et le lieu de mon exil s’est changé en un lieu de fête auprès de mon bien-aimé Seigneur. Pourquoi douter encore de la fidélité de mon époux, et dédaigner de telles preuves de son amour ? Je les ai reçues gratuitement de sa main libérale. Acceptez-les aussi, mon frère, et rendez grâce au Seigneur. Je vous engage devant Dieu à parler aux hommes, à les inviter à louer le Seigneur. Vos paroles et vos prières me sont nécessaires.

Quelle dette de louange pèse sur moi ! Puissiez-vous tous, mes frères en Christ, m’aider à m’en acquitter ! Je me sens comme abîmé sous elle. Seigneur Jésus, en place de paiement, accepte mes actions de grâces. Mes yeux se remplissent de larmes devant ce glorieux soleil de justice. Le silence auquel je suis condamne augmente mon chagrin, les cordes de ma harpe sont brisées, quel son pourraient-elles rendre sur cette terre où je suis exilé ?

Parlez-moi de mes paroissiens dans vos lettres. Quelle est la prédication qui leur est accordée ? Ont-ils un ministre digne de confiance, je le désire, mais sans l’espérer. Cher frère, je vous aime dans la vie et dans la mort. Priez pour moi ; et veuille le Dieu qui entend les prières être avec vous autant que le souhaite votre frère en Christ.

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