Lettres aux chrétiens persécutés ou affligés

A Bethaia Aird

La patience et la compassion de Christ subjuguent les murmures dans les épreuves.

Anwoth, 13 mars 1637

Respectable sœur,

Je sais que vous désirez avoir de mes nouvelles. Lors de mon arrivée en ces lieux, Christ et moi n’étions pas d’accord. Le diable plaidait dans la maison, et j’en accusais mon Maître ; mon cœur murmurait sans cesse, je me tourmentais de mon inutilité, je n’avais plus d’emploi dans la vigne du Seigneur, je voilais le soleil aux bonnes plantes par mon oisiveté, en sorte que le méchant serviteur a été mis hors de service. Mes vieux péchés ne contredisaient pas le mal qu’on disait de moi. Je tremblais d’une mauvaise crainte, qui n’était pas selon la vérité, et mon incrédulité disait oui et amen à toutes ces mauvaises choses. Tout considéré, j’étais dans une triste condition. Cependant autour de moi on disait que j’avais sujet de me réjouir, puisque j’avais été jugé digne de souffrir pour Christ ; mais à cela mon cœur répondait que c’étaient des paroles d’hommes qui ne considèrent que l’extérieur et ne sauraient démêler le vrai du faux témoin.

Si Christ eût été aussi obstiné que moi, ma foi se serait évanouie. Mais voici, l’ignorant, l’insensé, rencontrant un Sauveur débonnaire, patient, sage ; Il ne tira nul avantage de ma folie, Il attendit que je fusse calmé et que mon sens naturel fût revenu ; Il ne témoigna nulle colère au pauvre pécheur ; Il lui pardonna miséricordieusement en accordant grâce sur grâce à celui qui ne méritait que rudes châtiments. Ses mains serrent les miennes, et Il m’accorde de telles consolations que dix âmes affamées pourraient s’en nourrir. Cependant je ne puis dire qu’Il en soit trop prodigue, car il me fallait tout ce qu’Il m’a donné pour me relever, un seul grain aurait fait pencher la balance de l’autre côté. Qui peut se comparer à ce Prince royal couronné dans la céleste Sion ? Où Lui trouver un siège digne de Lui ? Aidez-moi à Le louer, ma chère sœur. Son amour n’a ni commencement ni fin ; il Lui est semblable, il passe tout entendement. Désiré-je le sonder ? dirait un enfant dont la faible main voudrait saisir le globe tout entier. Que béni soit le saint nom de mon Sauveur ! Oui, c’est pour la cause de la vérité que je souffre à cette heure, car Jésus ne sourit point au mensonge et ne se porte pas témoin des rêves fugitifs de la nuit. Priez pour moi, et que la bénédiction et les prières du prisonnier soient sur vous. Que la grâce, la paix et la miséricorde vous suivent.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant