Discours et conférences – Questions posées

V. Questions posées au Sâdhou Sundar Singh, à Berne, le lundi 27 mars 1922

L'Inde a-t-elle encore besoin des missionnaires européens ou pensez-vous que les chrétiens hindous puissent suffire au travail missionnaire ?

Chaque chrétien peut faire beaucoup, individuellement, mais en somme, les Hindous ne peuvent pas accomplir le travail missionnaire, et cela pour des raisons spéciales au pays.

Premièrement, la plupart des convertis appartiennent aux castes inférieures et ont encore peu d'expérience chrétienne. Ils sont « en train » de devenir chrétiens.

Lorsqu'un Hindou d'une caste élevée devient chrétien, il est réellement quelqu'un, parce qu'il a dû faire de grands sacrifices. Il a alors le désir de travailler pour amener ses frères au salut, mais comment y arriver, puisqu'il ne possède plus rien, ayant été chassé de sa famille ? Il est aussi pauvre que les Hindous des plus basses castes.

Il y a, aux Indes, cinq millions de chrétiens, mais tous ne sont pas vraiment chrétiens et, même s'ils l'étaient, qu'est-ce que cela au milieu de 315 millions d'habitants ?

C'est pourquoi nous avons encore besoin que de vrais chrétiens viennent nous aider. Je suis reconnaissant aux serviteurs de Dieu qui sont venus à notre secours et je les remercie au nom de mes coreligionnaires de l’Inde.

J'ajouterai une chose que je dis toujours. Nous n'avons besoin que de ceux qui peuvent nous montrer Jésus-Christ. De bons enseignements, nous en avons assez ; ce que notre peuple demande, c'est qu'on lui montre le Christ vivant. Mon expérience, c'est que l'hindouisme et le bouddhisme ont creusé les canaux, mais qu'ils n'ont point d'eau à y faire couler. Il nous faut des missionnaires qui puissent nous donner Jésus-Christ et son eau vive, mais pas de ces gens qui n'ont que des discours et des dogmes. Ceux qui nient la divinité de Christ apportent du poison au lieu de nourriture spirituelle. Ne nous les envoyez pas ; gardez-les chez vous ! Nous sommes fatigués de religion, nous sommes fatigués d'enseignements, nous sommes fatigués de philosophie hindoue, de philosophie bouddhiste. Il nous faut le Christ vivant. Nous serons toujours reconnaissants si vous nous envoyez des chrétiens dont la vie montre que Christ habite en eux.

Quelle sera la nature de notre joie dans le Ciel ?

Notre joie sera beaucoup plus douce que celle des anges. Cela ne veut pas dire que les anges n'ont pas la vraie joie, mais, qu'ils possèdent la joie sans avoir passé par la souffrance.

Notre joie, après nos luttes et nos souffrances d'ici-bas, aura une douceur tout autre. Nous ne jouissons vraiment de la douceur d'un fruit qu'après avoir goûté quelque chose d'amer ; de même, nous ne pouvons apprécier vraiment notre joie céleste qu'après avoir souffert. Le conflit, la lutte qui se poursuit dans notre âme n'aboutit pas seulement à nous donner la joie, mais aussi à nous rendre plus forts spirituellement. La lutte intérieure est nécessaire, essentielle à notre vie spirituelle et à nos progrès.

Ma propre expérience, c'est que tant que j'essayai de surmonter ce conflit par mon effort personnel, je n'y réussis pas, mais par la prière cela devint facile. L'homme spirituel aura plus à lutter que l'homme ordinaire. Nous devons accepter ces choses-là, mais nous les surmonterons.

L'hindouisme avait-il préparé le Sâdhou à recevoir le christianisme ?

J'ai déjà dit que l'hindouisme, comme le bouddhisme, ont creusé les canaux, mais qu'ils n'ont point d'eau vive à y faire couler. Dans ce sens, j'étais préparé à recevoir l'eau vivante par Jésus-Christ. Je fus très étonné en découvrant que je pouvais la recevoir d'une manière aussi simple, par la prière, car j'avais passé tant d'heures dans la méditation et la concentration sans avoir rien trouvé, Mais c'est que, alors, je ne connaissais pas Jésus-Christ.

Que pensez-vous des différentes églises chrétiennes et d'une union possible entre catholiques et protestants ?

Je ne crois guère à l'ecclésiasticisme, mais bien au christianisme. On me demande très souvent « A quelle église appartenez-vous ? », et je réponds toujours : « A aucune. J'appartiens à Christ. Il me suffit ». Dans le sens spirituel, j'appartiens à toute église dans laquelle se trouvent de vrais chrétiens. Je ne crois pas que l'union des catholiques et des protestants apporterait une grande amélioration. En combinant deux couleurs, vous produisez une troisième couleur ; ainsi, par l'union des catholiques et des protestants, vous devez vous attendre à voir surgir une masse d'autres sectes et dénominations.

Je ne crois pas aux unions conclues par des moyens artificiels. L'union extérieure n'est d'aucune utilité. Ceux-là seuls qui sont unis en Christ, sont un en Lui et seront un dans le Ciel. je me dis souvent, lorsque je vois des chrétiens qui ne peuvent pas vivre ensemble en bonne harmonie, durant les courtes années de leur vie terrestre : Comment donc passeront-ils toute l'Éternité ensemble dans le Ciel ?

Les vrais chrétiens doivent être unis en Esprit, quelles que puissent être les différences dans leur manière d'adorer Dieu. Je ne crois pas à l'union extérieure, artificielle, mais seulement à l’union intérieure des cœurs et des esprits.

Comment devons-nous prier ?

Je dis toujours que l'on ne fait pas la distinction entre prier et mendier. Dans l'Ancien Testament, les gens mendient toujours, aussi ne reçoivent-ils guère de bénédictions spirituelles. Nous le voyons à ce que leur nature n'est pas transformée. Ils recevaient des biens matériels, mais pas le Dispensateur de ces biens. Leur prière était exaucée dans le sens où elle était faite. C'est pourquoi les Israélites ne surent pas apprécier l’œuvre de Moïse et commencèrent à murmurer contre lui et contre Dieu.

L'Ancien Testament parle de Celui qui doit venir ; le Nouveau Testament parle de Celui qui est venu. Quand nous Le prions, c'est pour Le recevoir Lui-même et non pas seulement les choses dont nous avons besoin.

Il y a des gens qui se demandent si, par la prière, nous pouvons changer le plan de Dieu. Cette question m'a longtemps préoccupé. J'y ai trouvé une réponse dans ma propre expérience. Nous ne pouvons pas changer le plan de Dieu, mais, en priant, nous pouvons connaître son plan à notre égard. Quand nous prions dans un lieu tranquille, Dieu parle à notre âme dans le langage du cœur. Son plan est pour notre bien et pour le bien d'autrui ; quand nous le connaissons, nous ne nous plaignons plus. Nous nous plaignons tant que nous ne comprenons pas pourquoi le trouble et la souffrance sont notre partage, mais, par la prière, nous comprenons ; le plan de Dieu nous est révélé et nous sommes satisfaits à la pensée que sa volonté s'accomplit.

Premièrement donc : Nous ne pouvons pas changer ses plans, mais, par la prière, nous arrivons à les comprendre. Secondement : Nous ne pouvons pas changer ses plans, mais nous pouvons les accomplir par notre vie. C'est cela qui est la vraie signification de la prière, et non pas mendier toujours. L'enfant ne demande pas constamment quelque chose à sa mère, mais bien souvent il est satisfait en restant assis sur ses genoux ; les vrais enfants de Dieu ne sont pas toujours à implorer ses dons, mais désirent simplement se sentir à l'abri, dans Ses bras.

Prions pour recevoir le Dispensateur de tous biens, Celui qui donne la vie. Quand nous aurons reçu Sa vie, toutes les autres choses nous seront données... Beaucoup de chrétiens s'attendent à Dieu pour leur salut, mais ils ne s'attendent pas à Lui pour leur pain de chaque jour. Ils ne comprennent pas que « prier », c'est vivre avec Lui, dans sa communion permanente.

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