Somme théologique

Somme théologique — La tertia

54. LES QUALITÉS DU CHRIST RESSUSCITÉ

  1. Après la résurrection, le Christ a-t-il eu un corps véritable ?
  2. Son corps était-il glorieux ?
  3. Est-il ressuscité avec l'intégrité de son corps ?
  4. Les cicatrices que l'on voyait sur son corps.

1. Après la résurrection, le Christ a-t-il eu un corps véritable ?

Objections

1. Un corps véritable ne peut-être simultanément avec un autre dans le même lieu. Or, après la résurrection le corps du Christ s'est trouvé simultanément avec un autre dans le même lieu, car il est entré chez ses disciples « les portes étant fermées », dit S. Jean (Jean 20.26). Il semble donc qu'après la résurrection le Christ n'a pas eu un corps véritable.

2. Un corps véritable ne peut disparaître à la vue de ceux qui le regardent, sauf s'il se corrompt. Or, d'après S. Luc (Luc 24.31), « le corps du Christ a disparu aux yeux des disciples » qui le regardaient. 3. Tout véritable corps a un aspect déterminé. Or, le corps du Christ, d'après S. Marc (Marc 16.12), a apparu aux disciples « sous un autre aspect ». Il semble donc que le Christ, après sa résurrection, n'a pas eu un corps humain véritable.

En sens contraire, d'après S. Luc (Luc 24.37), lorsque le Christ apparut aux disciples, ceux-ci « furent troublés et effrayés, car ils croyaient voir un esprit », comme s'il n'avait pas un corps véritable, mais imaginaire. Pour écarter cette erreur, le Christ lui-même ajoute ensuite : « Touchez et voyez ; car un esprit n'a ni chair, ni os, comme vous voyez que j'en ai. » Le Christ n'a donc pas eu un corps imaginaire, mais un corps véritable.

Réponse

Selon S. Jean Damascène, « ne se relève que ce qui est tombé ». Or, le corps du Christ est tombé par la mort, parce que son âme qui était la perfection formelle du corps, en a été séparée. Il a donc fallu pour que la résurrection du Christ soit véritable, que le même corps soit de nouveau uni à la même âme. Et parce que la réalité de la nature du corps vient de sa forme, il s'ensuit que le corps du Christ, après la résurrection, a été un corps véritable et a eu la même nature que précédemment. Si le corps du Christ avait été imaginaire, sa résurrection n'aurait été qu'apparente et non pas réelle.

Solutions

1. Ce ne fut pas par un miracle, mais par suite des conditions de la gloire, comme le soutiennent certains, que le corps du Christ, après la résurrection, entra chez les disciples les portes étant closes, et se trouva simultanément avec un autre corps dans le même lieu. Était-ce en vertu d'une propriété qui lui était inhérente ? On en discutera plus loin, en traitant de la résurrection en général. Pour notre propos, il suffit de dire que ce n'est pas en raison de la nature du corps, mais plutôt en raison de la divinité qui lui était unie, que ce corps, tout en étant véritable, est entré chez les disciples les portes closes. Aussi S. Augustin rapporte-t-il que certains se demandent : « Si c'était un corps, si c'était le même corps qui avait été pendu à la croix et qui était ressuscité, comment a-t-il pu entrer portes closes ? » Et il répond : « Si vous comprenez comment, ce n'est plus un miracle. La foi commence là où la raison fait défaut. » Ailleurs il écrit : « À la masse du corps où se trouvait la divinité les portes closes n'ont pas opposé d'obstacle. Car il put entrer sans les ouvrir, celui dont la naissance avait laissé inviolée la virginité de sa mère. »

S. Grégoire exprime les mêmes pensées dans son homélie pour l'octave de Pâques.

2. On l'a dit précédemment le Christ est ressuscité à la vie immortelle de la gloire. Or, telle est la condition du corps glorieux qu'il soit « spirituel » comme l'écrit S. Paul (1 Corinthiens 15.44) c'est-à-dire soumis à l'esprit. Pour que le corps soit entièrement soumis à l'esprit, il est requis que toute action du corps soit soumise à la volonté de l'esprit. D'après le Philosophe la vision s'explique par l'action de l'objet visible sur la vue. C'est pourquoi quiconque a un corps glorifié possède en son pouvoir d'être vu ou de ne pas être vu, à son gré. Ce pouvoir, le Christ l'a eu non seulement par sa condition de corps glorieux, mais aussi en vertu de sa divinité ; par cette divinité il peut se faire que même les corps non glorieux échappent miraculeusement aux regards ; ce fut le privilège de S. Barthélemy qui pouvait miraculeusement, à son gré, être vu ou non. Donc, si le Christ disparut aux yeux des disciples, ce ne fut pas parce que son corps fut détruit ou dissous en des éléments invisibles, mais parce qu'il cessa, par la volonté du Christ, d'être vu, soit qu'il restât présent, soit même qu'il se fût éloigné rapidement grâce à l'agilité, propriété du corps glorieux.

3. Comme le remarque Sévérien « personne ne doit penser que le Christ, par sa résurrection, ait changé l'aspect de son visage ». Ce qu'il faut entendre de ses traits ; car, dans le corps du Christ formé par le Saint-Esprit, il n'y avait rien de désordonné ou de difforme qui dût être rectifié à la résurrection. Pourtant, quand il ressuscita, le Christ reçut la gloire de la clarté. Aussi Sévérien ajoute-t-il : « Toutefois son aspect a changé, lorsque de mortel il est devenu immortel ; c’est-à-dire qu'il a acquis un visage de gloire, mais non qu'il a perdu la réalité de son visage. »

Néanmoins, ce n'est pas sous son aspect glorieux qu'il apparut à ses disciples. Mais, comme il était en son pouvoir que son corps fût vu ou non, de même dépendait-il de sa volonté que son aspect produisît dans les yeux de ceux qui le voyaient une forme glorieuse ou non, ou même une forme intermédiaire, ou n'importe quelle autre forme. Il suffit d'ailleurs d'une très légère modification que l'on change d'aspect aux yeux de quelqu’un.


2. Le corps du Christ ressuscité était-il glorieux ?

Objections

1. Les corps glorieux sont brillants. « Les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Matthieu 13.43). Or, les corps brillants tombent sous le regard parce qu'ils sont lumineux, non parce qu'ils sont colorés. Le corps du Christ ayant été vu avec les couleurs de jadis, il semble donc ; qu'il n'a pas été glorieux.

2. Un corps glorieux est incorruptible. Or, le corps du Christ ne semble pas avoir été incorruptible. On pouvait le toucher : « Touchez et voyez », dit le Christ lui-même (Luc 24.39) ; mais, d'après S. Grégoire « ce qui se touche doit nécessairement se corrompre, et ce qui ne se corrompt pas ne peut se toucher ». Le corps du Christ n'a donc pas été glorieux.

3. D'après S. Paul (1 Corinthiens 15.36), le corps glorieux n'est pas animal, mais spirituel. Or le corps du Christ semble avoir eu encore la vie animale, puisque d'après S. Luc (Luc 24.41) et S. Jean (Jean 21.9) le Christ a mangé et bu avec ses disciples. Il semble donc que le corps du Christ n'a pas été glorieux.

En sens contraire, l'Apôtre écrit (Philippiens 3.21) « Le Christ transfigurera notre corps de misère, le rendant semblable à son corps de gloire. »

Réponse

Le corps du Christ ressuscité fut glorieux. On peut en donner trois raisons :

1° La résurrection du Christ est le modèle et la cause de la nôtre, comme le montre S. Paul (1 Corinthiens 15.12). Or, les saints, à la résurrection, auront un corps glorieux (1 Corinthiens 15.43) « Il est semé dans l'ignominie ; il ressuscitera dans la gloire. » La cause l'emportant sur l'effet et le modèle sur la copie, à plus forte raison le corps du Christ ressuscité a-t-il été glorieux.

2° Par l'humilité de sa passion, le Christ a mérité la gloire de sa résurrection. Aussi lui-même disait-il (Jean 12.27) : « Maintenant, mon âme est troublée », ce qui a trait à la Passion. Et il ajoutait : « Père, glorifie ton nom », par quoi il demandait la gloire de la résurrection.

3° Nous l'avons dit précédemment, l'âme du Christ a été glorieuse dès le début de sa conception grâce à la jouissance parfaite de la divinité. Or, nous l'avons vu, c'est par un dessein providentiel que dans le Christ la gloire n'a pas rejailli de l'âme sur le corps, afin qu'il accomplisse par sa passion le mystère de notre rédemption. C'est pourquoi, lorsque ce mystère de la passion et de la mort du Christ fut accompli, aussitôt l'âme fit rejaillir sa gloire sur le corps qu'elle avait repris à la résurrection ; et c'est ainsi que le corps est devenu glorieux.

Solutions

1. Tout ce qui est reçu dans un sujet l'est selon le mode de ce sujet. S. Augustin remarque que, la gloire du corps dérivant de l'âme, l'éclat ou la clarté du corps glorieux s'accorde avec la couleur naturelle à ce corps ; c'est ainsi que le verre de telle ou telle teinte reçoit des rayons du soleil une lumière qui varie suivant sa teinte. On vient de dire qu'il est au pouvoir de l'homme glorifié que son corps soit vu ou non ; il dépend pareillement de lui que sa clarté frappe ou non les regards. Tout corps glorifié peut donc être vu suivant sa propre couleur, sans aucune clarté. Et telle est la manière dont le Christ apparut à ses disciples après la résurrection.

2. Un corps est palpable, non seulement en raison de sa résistance, mais aussi en raison de sa densité. Selon qu'il est raréfié ou dense, un corps est lourd ou léger, chaud ou froid ; ces qualités contraires, et d'autres encore sont les principes de corruption des corps élémentaires. Il en résulte que le corps palpable au toucher de l'homme est naturellement corruptible. Mais un corps qui résiste au toucher et n'offre pas ces qualités, objets propres du sens du toucher, le corps céleste, par exemple, n'est pas palpable. Or, après la résurrection, le corps du Christ par sa nature était vraiment composé d'éléments et possédait en lui ces qualités perceptibles au toucher. Il était donc naturellement palpable, et, s'il n'avait eu que sa nature de corps humain, il aurait aussi été corruptible. Mais il possédait quelque chose d'autre qui le rendait incorruptible, non pas une nature de corps céleste, comme le prétendent quelques-uns, ainsi qu'on le verra mieux plus loin, mais la gloire qui rejaillissait de l'âme bienheureuse ; car, « Dieu a fait l'âme d'une nature si puissante, écrit S. Augustin, que de la parfaite plénitude de sa béatitude rejaillit sur le corps la plénitude de la santé, C'est-à-dire une force d'incorruptibilité ». Et c'est pourquoi, d'après S. Grégoire : « Le corps du Christ, après la résurrection, se montre d'une même nature, mais d'une gloire différentes. »

3. Comme dit S. Augustin : « Après la résurrection, notre Sauveur a eu une chair spirituelle, quoique véritable ; il a pris avec ses disciples de la nourriture et de la boisson, non par nécessité, mais en vertu du pouvoir qu'il avait de le faire. » De son côté, S. Bède, remarque : « Ce n'est pas de la même manière que la terre assoiffée et le rayon d'un soleil brûlant absorbent l'eau : l'une, c'est par besoin, l'autre, c'est par puissance. » Donc, si le Christ a pris de la nourriture, après la résurrection, ce n'est pas par nécessité, mais pour montrer la nature de son corps ressuscité. Il ne s'ensuit donc pas que ce corps ait été un corps animal, qui aurait eu besoin de se nourrir.


3. Le Christ est-il ressuscité avec l'intégré de son corps ?

Objections

1. La chair et le sang font partie de l'intégrité du corps humain. Le Christ ne semble pas les avoir eus, car il est dit (1 Corinthiens 15.50). « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu. » Or, le Christ est ressuscité dans la gloire du royaume de Dieu. Il semble donc qu'il n'a eu ni chair ni sang.

2. Le sang est une des quatre humeurs. Si donc le Christ a eu du sang, pour la même raison il a eu les autres humeurs, qui causent la corruption dans le corps des animaux. Par suite, le corps du Christ aurait été corruptible, ce qui est inadmissible. Le Christ n'a donc pas eu de chair et de sang.

3. Le corps du Christ ressuscité est monté au ciel. Or, certaines Églises conservent comme une relique un peu de sang du Christ. Son corps n'est donc pas ressuscité dans l'intégrité de toutes ses parties.

En sens contraire, le Seigneur dit en parlant à ses disciples après la résurrection (Luc 24.39) : « Un esprit n'a ni chair, ni os, comme vous voyez que j'en ai. »

Réponse

On vient de le dire, le corps du Christ, à la résurrection, « s'est montré d'une même nature, mais d'une gloire différente ». Or, tout ce qui appartient à la nature du corps humain, s'est trouvé intégralement dans le corps du Christ ressuscité. Il est évident qu'à la nature du corps humain appartiennent les chairs, les os, le sang, etc. Aussi tout cela s'est-il trouvé dans le corps du Christ ressuscité, et même intégralement, sans aucune diminution ; autrement, si tout ce qui était tombé par la mort n'avait pas été réintégré, il n'y aurait pas eu de résurrection parfaite. De là vient que le Seigneur a fait cette promesse à ses fidèles, d'après S. Matthieu (Matthieu 10.30) : « Les cheveux de votre tête sont tous comptés. » Et encore d'après S. Luc (Luc 21.18) : « Pas un cheveu de votre tête ne périra. »

Dire que le corps du Christ n'a pas eu la chair, les os, et les autres parties naturelles au corps humain relève de l'erreur d'Eutychès, évêque de Constantinople, qui prétendait que « notre corps, à la résurrection glorieuse, sera impalpable et plus subtil que le vent et l'air ; et que le Seigneur, après avoir réconforté le cœur des disciples qui le touchaient, avait rendu subtil tout ce que l'on pouvait toucher en lui ». S. Grégoire combat cette erreur, car le corps du Christ, après la résurrection, n'a pas été changé : « Le Christ ressuscité d'entre les morts désormais ne meurt plus » (Romains 6.9). Aussi Eutychès, à sa mort, a-t-il rétracté son opinion. S'il est faux, en effet, que le Christ ait reçu lors de sa conception un corps d'une autre nature, par exemple, un corps céleste, comme l'affirmait Valentin, il est bien plus faux encore que lors de sa résurrection il ait repris un corps d'une autre nature ; il a repris alors pour une vie immortelle le corps qu'il avait assumé pour une vie mortelle lors de sa conception.

Solutions

1. La chair et le sang dont parle S. Paul désigne non leur nature physique, mais, d'après S. Grégoire, la faute dont ils sont le siège, ou encore, d'après S. Augustin, la corruption à laquelle ils sont soumis ; celui-ci écrit, en effet : « Il n'y aura là ni corruption ni mortalité de la chair et du sang. » Par conséquent, la chair, dans sa réalité physique, possédera le royaume de Dieu, selon le mot du Seigneur en S. Luc : « Un esprit n'a point de chair ni d'os, comme vous voyez que j'en ai » ; mais la chair sujette à la corruption n'entrera pas dans ce royaume ; aussi S. Paul ajoute-t-il aussitôt après le texte cité dans la première objection : « La corruption ne possédera pas l'incorruptibilité. »

2. S. Augustin continue dans le même traité : « Peut-être, à l'occasion du sang, notre contradicteur insistera-t-il pour nous embarrasser en disant : “Si le sang s'est trouvé dans le corps du Christ ressuscité, pourquoi pas aussi la pituite”, c'est-à-dire le flegme ? “Pourquoi pas le fiel jaune”, c'est-à-dire la bile ? “Pourquoi pas le fiel noir”, c'est-à-dire l'humeur noire ? La science médicale elle-même ne nous atteste-t-elle pas que la nature de la chair résulte de ces quatre humeurs ? Qu'on ajoute tout ce que l'on voudra, pourvu qu'on évite d'y mettre la corruption ; autrement l'on corromprait la santé et la pureté de sa foi. La puissance divine est capable d'enlever de cette nature visible et palpable des corps les qualités qu'il lui plaît, et de laisser celles qu'il veut, de sorte que l'aspect demeure sans aucune souillure (de la corruption), que le mouvement subsiste sans aucune fatigue, que le pouvoir de se nourrir existe sans aucun besoin de nourriture. »

3. Puisque tout le sang qui a coulé du corps du Christ appartenait à la réalité de la nature humaine, il a ressuscité avec le corps du Christ. La raison est la même pour toutes les autres parties du corps qui appartiennent à la réalité et à l'intégrité de la nature humaine. Quant au sang que certaines Églises gardent comme une relique, il n'a pas coulé du côté du Christ, mais miraculeusement, dit-on, d'une image du Christ qu'on avait frappée.


4. Les cicatrices que l'on voyait sur le corps du Ressuscité

Objections

1. Il est écrit (1 Corinthiens 15.32) : « Les morts ressuscitent incorruptibles. » Or, les cicatrices et les blessures impliquent une corruption et une déficience. Il ne convenait donc pas que le Christ, auteur de la résurrection, ressuscite avec ses cicatrices.

2. Le corps du Christ est ressuscité dans on intégrité, on l’a dit précédemment. Or, les ouvertures des plaies sont contraires à l’intégrité du corps dont elles rompent la continuité. Il ne convenait donc pas que dans le corps du Christ demeurent les ouvertures de ses plaies ; certaines traces de ces blessures suffisaient pour qu’on y croie, comme Thomas à qui il fut dit (Jean 20.29) : « Parce que tu as vu, Thomas, tu as cru. »

3. Selon S. Jean Damascène, « après la résurrection, le Christ a présenté certaines particularités, qu'il possédait non pas naturellement, mais selon un dessein providentiel, afin de certifier que le corps qui avait souffert était le même qui était ressuscité, par exemple les cicatrices ». L'effet cesse avec la cause. Il semble donc que, lorsque les disciples furent certains de la résurrection, le Christ n'aurait plus eu de cicatrices. Mais il ne convenait pas à l'immortalité de la gloire que le Christ assume ce qui ne demeurerait pas, toujours en lui. Il semble donc qu'à la résurrection il ne devait pas reprendre son corps avec ses cicatrices.

En sens contraire, il y a la parole du Christ à Thomas (Jean 20.27) : « Mets ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. »

Réponse

Il convenait que l'âme du Christ à la résurrection reprenne son corps avec ses cicatrices pour plusieurs raisons :

1° À cause de la gloire du Christ lui-même. S. Bède écrit que, si le Christ a gardé ses cicatrices, ce n'est pas par impuissance de les guérir, mais « pour faire connaître à jamais le triomphe de sa victoire ». Aussi S. Augustin fait-il cette remarque : « Sans doute, dans le royaume de Dieu, verrons nous dans les corps des martyrs les cicatrices des blessures qu'ils ont reçues pour le nom du Christ. Car ce ne sera pas chez eux une difformité, mais un honneur ; et en eux resplendira une beauté qui ne sera pas celle du corps, tout en étant dans le corps, mais celle de la vertu. »

2° Pour raffermir les cœurs de ses disciples au sujet « de la foi en sa résurrection ».

3° « Pour montrer constamment à son Père, en suppliant pour nous, quel genre de mort il avait subi pour l'humanité. »

4° « Pour insinuer à ceux qu'il rachetait par sa mort, avec quelle miséricorde il les avait aidés, en mettant sous leurs yeux les marques de sa mort même. »

5° Enfin, « pour faire connaître, au jour du jugement, combien juste sera la condamnation portée ». Aussi, comme l'observe S. Augustin : « Le Christ savait pourquoi il conservait dans son corps ses cicatrices. Il les a montrées à Thomas, qui ne voulait pas croire à moins de les toucher et de les voir ; il les montrera aussi un jour à ses ennemis et leur dira en les convainquant par sa vérité : “Voilà l'homme que vous avez crucifié ; voyez les blessures que vous lui avez faites ; reconnaissez le côté que vous avez percé ; car c'est par vous et pour vous qu'il a été ouvert, pourtant vous n'avez pas voulu y croire.” »

Solutions

1. Les cicatrices qui sont restées dans le corps du Christ n'impliquent ni corruption ni déficience, mais marquent le plus haut comble de gloire ; car elles sont comme des traces de sa vertu, et une beauté spéciale apparaîtra aux emplacements de ces blessures.

2. L'ouverture des plaies implique une solution de continuité dans le corps du Christ ; néanmoins tout cela est compensé par un plus grand éclat de gloire. Donc, si le corps est moins intègre, il est plus parfait. Quant à Thomas, non seulement il a vu les blessures, mais il les a touchées, car, dit le pape S. Léon : « il lui suffisait, pour sa foi personnelle, de voir ; mais il a travaillé pour nous en touchant ce qu'il voyait ».

3. Le Christ a voulu que les cicatrices de ses blessures demeurent dans son corps non seulement pour rendre certaine la foi de ses disciples, mais aussi pour les raisons que l'on a dites. Ces raisons montrent que les cicatrices resteront toujours dans son corps. S. Augustin écrit : « je crois que le corps du Seigneur se trouve dans le ciel tel qu'il était au moment de son ascension. » Et S. Grégoire écrit à son tour : « Si quelque chose a pu changer dans le corps du Christ après la résurrection, c'est que, contrairement à la doctrine véridique de S. Paul, le Seigneur après la résurrection est retourné à la mort. Qui oserait l'affirmer, sinon l'insensé qui nierait que la chair est vraiment ressuscitée ? » Il est donc évident que les cicatrices que le Christ a montrées sur son corps après la résurrection n'ont jamais, dans la suite, disparu de ce corps.

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