Somme théologique

Somme théologique — La tertia

72. LE SACREMENT DE CONFIRMATION

  1. La confirmation est-elle un sacrement ?
  2. Sa matière.
  3. Est-il nécessaire au sacrement que le chrême ait été consacré par l'évêque ?
  4. Sa forme.
  5. Imprime-t-elle un caractère ?
  6. Le caractère de la confirmation suppose-t-il le caractère baptismal ?
  7. Confère-t-elle la grâce ?
  8. À qui convient-il de recevoir ce sacrement ?
  9. Sur quelle partie du corps ?
  10. Faut-il quelqu'un pour tenir le confirmand ?
  11. Ce sacrement est-il donné seulement par l'évêque ?
  12. Son rite.

1. La confirmation est-elle un sacrement ?

Objections

1. Il semble que non. Les sacrements, comme on l'a dit plus haut tiennent leur efficacité de l'institution divine. Mais on ne lit nulle part que le Christ ait institué la confirmation. Elle n'est donc pas un sacrement.

2. Les sacrements de la loi nouvelle ont été préfigurés dans la loi ancienne, selon l'Apôtre (1 Corinthiens 10.2) : « Tous ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer ; tous ont mangé le même aliment spirituel, et tous ont bu la même boisson spirituelle. » Mais la confirmation n'a pas été préfigurée dans l'Ancien Testament, elle n'est donc pas un sacrement.

3. Les sacrements ont été ordonnés au salut des hommes. Mais on peut obtenir le salut sans la confirmation, puisque les enfants baptisés qui meurent sans la confirmation sont sauvés. La confirmation n'est donc pas un, sacrement.

4. Tous les sacrements de l'Église conforment l'homme au Christ, auteur des sacrements. Mais la confirmation ne peut conformer l'homme au Christ, dont on ne lit pas qu'il ait été confirmé.

En sens contraire, le pape Melchiade écrit aux évêques d'Espagne : « Quant au point sur lequel vous désirez être instruit par nous, à savoir quel est le plus grand sacrement, l'imposition des mains par les évêques ou le baptême, sachez que l'un et l'autre sont de grands sacrements. »

Réponse

Les sacrements de la loi nouvelle sont ordonnés à produire des effets spéciaux de grâce. Par conséquent, là où se rencontre un effet spécial de grâce, il y a un sacrement spécial. Mais les choses sensibles et corporelles sont à l'image des réalités spirituelles et intelligibles, et ce qui se passe dans la vie corporelle nous permet de comprendre les particularités de la vie spirituelle. Or, visiblement, il y a dans la vie corporelle une perfection spéciale quand l'homme arrive à l'âge adulte et peut accomplir parfaitement les actes de l'homme, comme dit l'Apôtre (1 Corinthiens 13.11) : « Quand je suis devenu homme, j'ai abandonné ce qui était enfantin. » Aussi, après le mouvement de la génération qui donne la vie corporelle, y a-t-il celui de la croissance qui conduit à l'âge parfait. Ainsi l'homme reçoit la vie spirituelle par le baptême, qui est une génération spirituelle, et dans la confirmation il reçoit pour ainsi dire l'âge adulte dans la vie spirituelles.

Aussi le pape Melchiade écrit-il : « Le Saint-Esprit, qui est descendu sur les eaux du baptême pour notre salut, nous accorde dans la fontaine baptismale la plénitude de l'innocence, et dans la confirmation l'accroissement de la grâce. Dans le baptême nous naissons à la vie ; après le baptême, nous sommes affermis. » Il est donc visible que la confirmation est un sacrement spécial.

Solutions

1. Sur l'institution de ce sacrement, il y a trois opinions. Certains ont soutenu que ce sacrement n'a été institué ni par le Christ, ni par les Apôtres, mais plus tard, au cours des temps, par un concile. D'autres au contraire disent qu'il a été institué par les Apôtres. — Mais cela ne peut être, car instituer un nouveau sacrement relève du pouvoir d'excellence qui n'appartient qu'au Christ.

Aussi faut-il dire que c'est le Christ qui a institué ce sacrement, non en le conférant, mais en le promettant, comme il dit en S. Jean (Jean 16.7) : « Si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. » Et cela parce que ce sacrement nous donne la plénitude de l'Esprit Saint, qui ne devait pas être donnée avant la résurrection et l'ascension du Christ, comme dit S. Jean (Jean 7.39) : « L'Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avais pas encore été glorifié. »

2. La confirmation est le sacrement de la plénitude de la grâce ; aussi ne pouvait-elle avoir d'équivalent dans l'ancienne loi, puisque « la loi n'a rien conduit à la perfection » (Hébreux 7.19).

3. Comme on l'a dit plus haut, tous les sacrements sont en quelque façon nécessaires au salut ; mais il en est certains sans lesquels le salut est impossible, et d'autres qui servent à rendre ce salut plus parfait. C'est en ce sens que la confirmation est nécessaire au salut : on peut se sauver sans elle, pourvu qu'on ne l'ait pas refusée par mépris du sacrement.

4. Ceux qui reçoivent la confirmation, sacrement de la plénitude de la grâce, sont conformés au Christ en ce que lui-même, dès le premier instant de sa conception, fut « plein de grâce et de vérité » (Jean 1.14). Cette plénitude fut manifestée au baptême, lorsque « le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle » (Luc 3.22) ; aussi S. Luc (Luc 4.1) dit-il que « Jésus, rempli du Saint-Esprit, s'éloigna du Jourdain ». Mais il ne convenait pas à la dignité du Christ, qui est l'auteur des sacrements, de recevoir d'un sacrement la plénitude de la grâce.


2. La matière de la confirmation

Objections

1. Il semble que le chrême n'est pas une matière qui convienne à ce sacrement. Celui-ci, on vient de le dire, a été institué par le Christ quand il a promis l'Esprit Saint à ses disciples. Mais il leur a envoyé l'Esprit Saint sans aucune onction de chrême. Et les Apôtres eux-mêmes conféraient ce sacrement par la seule imposition des mains, sans onction ; les Actes (Actes 8.17) disent que « les Apôtres imposaient les mains sur les baptisés, et ceux-ci recevaient le Saint-Esprit. » Donc le chrême n'est pas la matière de ce sacrement, puisque la matière est nécessaire au sacrement.

2. Comme on l'a dit plus haute, la confirmation est en quelque sorte l'achèvement du baptême ; elle doit donc lui ressembler comme la perfection ressemble à ce qui est perfectible. Or la matière du baptême est un élément simple, l'eau. Le chrême, composé d'huile et de baume, est donc une matière qui ne convient pas au sacrement.

3. L'huile est utilisée comme matière de ce sacrement, pour oindre. Mais on peut faire une onction avec n'importe quelle huile, par exemple l'huile de noix, ou de toute autre origine. Ce n'est donc pas la seule huile d'olive qui doit être employée pour ce sacrement.

4. On a dit que l'eau a été choisie pour matière du baptême parce qu'on la trouve facilement partout. Mais l'huile d'olive ne se trouve pas partout, et encore moins le baume. Ainsi le chrême, composé d'huile et de baume, n'est-il pas une matière qui convienne à ce sacrement.

En sens contraire, S. Grégoire dit : « Que les prêtres ne se permettent pas de signer avec le saint chrême le front des enfants qui viennent d'être baptisés. » Donc le chrême est la matière de ce sacrement.

Réponse

Le chrême est la matière qui convient à ce sacrement. Comme on l'a dit ce sacrement donne la plénitude du Saint-Esprit pour la force spirituelle qui convient à l'âge adulte. Mais arrivé à l'âge adulte, l'homme commence à entrer par son activité en communication avec les autres —, jusque-là il vivait isolément et pour lui seul. Or la grâce du Saint-Esprit est signifiée par l'huile ; on dit du Christ qu'il a été « oint d'une huile d'allégresse » (Psaumes 45.8), à cause du Saint-Esprit dont il a été rempli. Ainsi l'huile consacrée est la matière de ce sacrement. On y mêle du baume, à cause de la force pénétrante de son parfum, qui se répand sur les autres. Aussi l'Apôtre dit-il (2 Corinthiens 2.15) : « Nous sommes la bonne odeur du Christ. » Et bien qu'il y ait beaucoup d'autres matières odoriférantes, on a choisi celle-ci à cause de l'excellence de son parfum, et parce qu'elle communique l'incorruptibilité. Aussi l'Ecclésiastique dit-il (Ecclésiastique 24.21 Vg) : « Mon parfum est celui d'un baume sans mélange. »

Solutions

1. Le Christ, à cause du pouvoir qu'il a sur les sacrements, a donné aux Apôtres la réalité de ce sacrement, c'est-à-dire la plénitude de l'Esprit Saint, sans le signe sacramentel, parce que, dit S. Paul (Romains 8.23) : « Ils ont reçu les prémices de l'Esprit Saint. »

Néanmoins quand les Apôtres reçurent le Saint-Esprit sous forme sensible, il y eut là quelque chose de conforme à la matière de ce sacrement. Si le Saint-Esprit descendit sur eux sous la forme sensible du feu, cela a quelque analogie avec le symbolisme de l'huile, avec cette différence que le feu est doué de force active, et l'huile, qui est la matière et l'aliment du feu, de force passive. Et ceci encore était assez convenable, puisque la grâce du Saint-Esprit devait arriver jusqu'aux autres par les Apôtres. — Le Saint-Esprit descendit aussi sur les Apôtres sous forme de langues. Et cela a quelque analogie avec le symbolisme du baume : les langues expriment la communication aux autres par la parole, le baume l'exprime par l'odeur ; et les Apôtres étaient remplis de l'Esprit Saint comme docteurs de la foi, et les autres fidèles comme les ouvriers de ce qui se rattache à l'édification de l'Église.

De même, lorsque les Apôtres imposaient les mains, ou même seulement prêchaient, la plénitude de l'Esprit Saint descendait sur les fidèles sous des signes visibles, comme elle était descendue à l'origine sur les Apôtres. Ainsi Pierre dit-il (Actes 11.15) : « Lorsque j'eus commencé à parler, l'Esprit Saint descendit sur eux, comme sur nous au commencement. » Aussi, n'était-il pas nécessaire d'employer la matière sensible d'un sacrement, quand Dieu donnait miraculeusement des signes sensibles.

Cependant les Apôtres se servaient généralement de chrême en administrant ce sacrement, quand ces signes sensibles ne se produisaient pas. Denys dit en effet : « Il y a une opération perfective que nos chefs » — c'est-à-dire les Apôtres —, « appellent l'hostie du chrême ».

2. Le baptême nous est donné pour que nous recevions purement et simplement la vie spirituelle ; aussi une matière toute simple lui suffit-elle. Mais ce sacrement est donné pour que nous recevions la plénitude du Saint-Esprit, dont l'opération est multiple, comme dit la Sagesse (Sagesse 7.22) : « Il y a en elle un Esprit unique et multiforme », et S. Paul (1 Corinthiens 12.4) : « Les dons sont divers, mais l'Esprit est unique. » Il convient donc que la matière du sacrement soit composée.

3. Les propriétés de l'huile, qui symbolisent le Saint-Esprit, se trouvent dans l'huile d'olive plus que dans n'importe quelle huile. Et l'olivier lui-même, au feuillage toujours vert, symbolise la force et la miséricorde du Saint-Esprit.

De plus, c'est cette huile qu'on appelle proprement huile, et que l'on emploie de préférence là où on peut la trouver. D'autres liquides qui lui ressemblent s'appellent aussi huile, et on ne les utilise que pour remplacer l'huile d'olive là où elle fait défaut. Aussi c'est celle-là seule dont on se sert pour ce sacrement et pour certains autres.

4. Le baptême est un sacrement absolument nécessaire, aussi sa matière doit-elle se trouver partout. Quant à ce sacrement, qui n'est pas aussi nécessaire, il suffit que sa matière puisse être transportée facilement en tous les points du monde.


3. Est-il nécessaire au sacrement que le chrême ait été consacré par l'évêque ?

Objections

1. Cela ne paraît pas nécessaire. Car le baptême, qui remet tous les péchés, n'est pas moins efficace que la confirmation. Mais, bien que l'on consacre l'eau baptismale avant le baptême, cette consécration n'est pas nécessaire au sacrement, puisqu'on peut s'en passer en cas de nécessité. Il n'est donc pas non plus nécessaire à ce sacrement que le chrême ait été consacré par l'évêque.

2. On ne doit pas consacrer deux fois la même chose. Mais la matière d'un sacrement est consacrée dans la collation même du sacrement, par les paroles de la forme sacramentelle, comme dit S. Augustin : « La parole se joint à l'élément, et le sacrement est fait. » Donc il ne faut pas consacrer le chrême avant d'administrer le sacrement.

3. Toute consécration sacramentelle est destinée à donner la grâce. Mais une matière sensible, faite d'un mélange d'huile et de baume, n'est pas capable de recevoir la grâce. Il ne faut donc pas lui donner une consécration.

En sens contraire, le pape Innocent dit « Quand les prêtres baptisent, qu'on leur permette d'oindre les baptisés avec le chrême qui a été consacré par l'évêque ; mais ils ne doivent pas signer le front avec cette huile, ce qui est réservé à l'évêque, lorsqu'il donne le Paraclet », ce qui se fait dans la confirmation. Il est donc requis pour ce sacrement que la matière ait été auparavant consacrée par l'évêque.

Réponse

Comme on l'a dit plus haut, toute la vertu sanctificatrice des sacrements découle du Christ. Or il faut considérer que le Christ lui-même s'est servi de certains sacrements, le baptême et l'eucharistie, qui comportent un élément matériel ; et c'est le fait même que le Christ en a fait usage, qui a donné à cette matière l'aptitude à constituer un sacrement. « jamais, dit S. Jean Chrysostome, les eaux du baptême n'auraient pu purifier les croyants de leurs péchés, si elles n'avaient été sanctifiées par le contact du corps du Seigneur. » De même, le Seigneur lui-même « prit du pain, et le bénit... et pareillement la coupe » (Matthieu 26.26-27 ; Luc 22.19-20). Et c'est pourquoi il n'est pas nécessaire à ces sacrements que la matière en soit d'abord bénite : la bénédiction du Christ y suffit. Et si l'on y fait quelque bénédiction, celle-ci appartient à la solennité du sacrement, et non à sa nécessité.

Mais le Christ ne s'est pas servi d'onctions visibles, pour ne pas porter préjudice à l'onction invisible par laquelle il a été « oint de préférence à ses compagnons » (Psaumes 45.8). Par conséquent, et le chrême et l'huile des malades doivent être bénits avant de servir au sacrement.

Solutions

1. On vient d'y répondre.

2. Les deux consécrations du chrême ne répondent pas au même but. Un instrument reçoit deux fois la vertu instrumentale : d'abord quand il reçoit sa forme d'instrument, puis quand il est mû par l'agent principal. Ainsi la matière du sacrement a besoin d'une double sanctification, l'une qui en fait la matière propre du sacrement, l'autre qui lui fait produire son effet.

3. La matière corporelle, comme on l'a dit plus haut, est capable de recevoir la grâce non pas comme sujet, mais comme instrument. Et c'est pour cela que la matière du sacrement est consacrée, soit par le Christ lui-même, soit par l'évêque, qui tient dans l'Église la place du Christ.


4. La forme de la confirmation

Objections

1. La forme de ce sacrement ne semble pas bien adaptée. Elle dit : « je te marque du signe de la croix, et je te confirme avec le chrême du salut, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Amen. » Car c'est du Christ et des Apôtres que vient l'usage des sacrements. Or le Christ n'a pas institué cette forme, et l'on ne voit pas que les Apôtres en aient usé. Elle ne convient donc pas à ce sacrement.

2. Puisque le sacrement est le même pour tous, sa forme doit être aussi la même ; toute chose en effet tient son unité, comme son être, de sa forme. Mais la forme en question n'est pas en usage partout, puisque certains disent : « je te confirme avec le chrême de la sanctification. » Elle n'est donc pas celle qui convient à ce sacrement.

3. Ce sacrement doit ressembler au baptême, comme la perfection ressemble à ce qui doit être perfectionné, comme on l'a dit plus haut. Mais la forme du baptême ne mentionne pas l'empreinte du caractère, ni la croix du Christ, bien que le baptême nous fasse mourir avec le Christ, dit l'Apôtre (Romains 6.3) ; et elle ne fait pas mention non plus de l'effet salutaire, bien que le baptême soit nécessaire au salut. De plus la forme du baptême n'exprime qu'un seul acte, et désigne la personne du ministre par ces mots : « je te baptise. » C'est le contraire que l'on voit dans la forme en question. Celle-ci ne convient donc pas à ce sacrement.

En sens contraire, il y a l'autorité de l'Église, qui se sert communément de cette forme.

Réponse

Cette forme convient au sacrement. De même que la forme d'un être naturel lui donne son espèce, ainsi la forme sacramentelle doit contenir tout le caractère spécifique du sacrement. Comme il ressort de ce qui a été dit plus haut, ce sacrement donne le Saint-Esprit pour nous fortifier dans le combat spirituel. Trois choses sont donc nécessaires dans ce sacrement, et elles sont contenues dans la forme en question. D'abord la cause qui confère cette plénitude de force spirituelle, c'est la Trinité sainte, qu'expriment les mots : « Au nom du Père, etc. » — Ensuite, cette force spirituelle elle-même, communiquée à l'homme pour son salut par le sacrement d'une matière visible. Elle est indiquée par ces mots : « je te confirme avec le chrême du salut. » — Enfin le signe donné au combattant, comme dans les combats corporels les soldats sont marqués des insignes de leur chef. Et c'est pourquoi on dit : « je te marque du signe de la croix », cette croix par laquelle, dit S. Paul, « notre Roi a triomphé (Colossiens 2.15). »

Solutions

1. Comme on l'a dit plus haut, l'effet de ce sacrement, c'est-à-dire la plénitude de l'Esprit, a été quelquefois donné par le ministère des Apôtres, sous des signes visibles accomplis miraculeusement par Dieu, qui peut sans le sacrement donner l'effet du sacrement. Et alors ni la matière ni la forme de ce sacrement n'étaient nécessaires.

Parfois aussi les Apôtres conféraient ce sacrement comme étant les ministres des sacrements. Et alors ils se servaient de matière et de forme selon les ordres du Christ. Les Apôtres en effet observaient dans la collation des sacrements des rites qui n'ont pas été rapportés dans les Écritures présentées à tous. Ainsi Denys dit-il « qu'il n'est pas juste que ceux qui interprètent les Écritures tirent du secret, pour les présenter à tous, les invocations consécratoires » — c'est-à-dire les paroles qui constituent les sacrements —, « ni qu'ils révèlent leur sens mystique ni les merveilles que Dieu opère par elles ; mais que notre saint enseignement les transmette sans pompe », c’est-à-dire en secret. Aussi l'Apôtre dit-il, au sujet de la célébration de l'eucharistie (1 Corinthiens 11.34) : « je réglerai le reste à mon retour. »

2. La sainteté est cause du salut. Il revient donc au même de dire « chrême du salut » et « chrême de sanctification ».

3. Le baptême nous régénère à la vie spirituelle individuelle. Aussi la forme baptismale ne mentionne-t-elle que l'acte qui sanctifie l'homme en lui-même. Mais ce sacrement est ordonné à sanctifier l'homme non seulement en lui-même, mais en tant qu'il est exposé à une lutte extérieure.

Aussi on ne fait pas mention seulement de la sanctification intérieure, quand on dit : « je te confirme du chrême du salut », — mais aussi du signe par lequel l'homme est marqué à l'extérieur, comme de l'étendard de la croix, pour la lutte spirituelle extérieure, ce qui est exprimé quand on dit : « je te marque du signe de la croix. » Le mot même de baptême, qui signifie ablution, peut indiquer en même temps la matière, qui est l'eau avec laquelle on est lavé, et l'effet salutaire. Mais le mot « confirmer » n'exprime pas tout cela ; il a donc fallu ajouter ces précisions.

On a dit plus haut, que le mot « je » n'est pas nécessaire à la forme du baptême, parce qu'il est compris dans le verbe à la première personne. On l'ajoute cependant pour exprimer l'intention. Ce qui est moins nécessaire dans la confirmation, qui, comme on le dira plus bas. n'est conféré que par des ministres supérieurs.


5. La confirmation imprime-t-elle un caractère ?

Objections

1. Il semble que non, car le caractère implique un signe distinctif. Mais le sacrement de confirmation ne distingue pas les fidèles des païens, puisque cela est fait par le baptême ; ni les confirmés des autres fidèles, puisque ce sacrement est ordonné au combat spirituel, qui s'impose à tous. Ce sacrement n'imprime donc pas un caractère.

2. On a dit plus haut que le caractère est une puissance spirituelle. Or une puissance spirituelle ne peut être qu'active ou passive. Dans les sacrements, la puissance active est conférée par le sacrement de l'ordre ; la puissance passive, ou réceptive, par le sacrement de baptême. Ainsi le sacrement de confirmation n'imprime pas de caractère.

3. La circoncision, qui est une marque corporelle, n'imprime pas de caractère spirituel. Mais dans ce sacrement on imprime une marque corporelle quand le confirmé est marqué avec le chrême du signe de la croix sur le front. Donc ce sacrement non plus n'imprime pas un caractère spirituel.

En sens contraire, tout sacrement qui n'est pas réitéré imprime un caractère. Mais ce sacrement ne se réitère pas, dit Grégoire : « Quant à celui qui a été confirmé de nouveau par le pontife, cette réitération est interdite. » Donc la confirmation imprime un caractère.

Réponse

Comme nous l'avons dit, le caractère est une puissance spirituelle ordonnée à certains actes sacrés. Or nous avons dit que, si le baptême est comme une naissance spirituelle à la vie chrétienne, la confirmation est la croissance spirituelle qui amène l'homme à l'âge adulte dans la vie spirituelle. Or, il est visible, par l'analogie de la vie corporelle, que l'activité de l'homme à sa naissance, et celle qui lui convient quand il est parvenu à l'âge adulte, sont différentes. Aussi le sacrement donne-t-il à l'homme le pouvoir d'accomplir certaines actions sacrées autres que celles dont le baptême lui donne le pouvoir. Dans le baptême, il reçoit le pouvoir de faire ce qui concerne son salut personnel, en tant qu'il vit pour lui-même ; mais dans la confirmation, il reçoit le pouvoir de faire ce qui concerne la lutte spirituelle contre les ennemis de la foi. On le voit par l'exemple des Apôtres qui, avant de recevoir la plénitude du Saint-Esprit, étaient au cénacle, « persévérant dans la prière » (Actes 1.13) ; mais ensuite ils en sortirent, et ne craignirent pas de confesser publiquement leur foi, même devant les ennemis de la foi chrétienne.

Il est donc évident que la confirmation imprime un caractère.

Solutions

1. Le combat spirituel contre les ennemis invisibles est le fait de tous les baptisés. Mais combattre contre les ennemis visibles, c'est-à-dire contre les persécuteurs de la foi, en confessant le nom du Christ, est le fait des confirmés, qui ont été conduits spirituellement jusqu'à l'âge adulte, selon S. Jean (1 Jean 2.14) : « je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, et que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le malin. » Ainsi le caractère de la confirmation est un signe qui distingue non les fidèles des infidèles, mais ceux qui ont grandi spirituellement de ceux que S. Pierre appelle (1 Pierre 2.2) « des enfants nouveau nés ».

2. Tous les sacrements sont des protestations de foi. Par conséquent, si le baptisé reçoit le pouvoir spirituel de protester sa foi en recevant les autres sacrements, le confirmé reçoit le pouvoir de confesser la foi du Christ publiquement, et comme en vertu de sa charge.

3. Les sacrements de l'ancienne loi sont appelés « justice de la chair » (Hébreux 9.10), parce qu'ils n'avaient aucune efficacité intérieure ; c'est pourquoi la circoncision imprimait un signe dans le corps seul et non dans l'âme. Mais la confirmation, qui est un sacrement de la loi nouvelle, imprime, en même temps qu'une marque corporelle, un caractère spirituel.


6. Le caractère de la confirmation suppose-t-il le caractère baptismal ?

Objections

1. Il semble que non, car le sacrement de confirmation est ordonné à la confession publique de la foi au Christ. Or beaucoup, même avant le baptême, ont confessé publiquement la foi au Christ, en répandant leur sang pour elle. Le caractère de la confirmation ne présuppose donc pas le caractère du baptême.

2. On ne dit pas des Apôtres qu'ils aient été baptisés ; et même on dit que le Christ « ne baptisait pas lui-même, mais c'étaient ses disciples » (Jean 4.2). Et cependant il furent ensuite confirmés par la venue du Saint-Esprit. Par conséquent d'autres peuvent pareillement être confirmés avant le baptême.

3. On lit dans les Actes (Actes 10.44) : « Pierre parlait encore, quand le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole, et on les entendait parler en langues ». Et ensuite « il ordonna de les baptiser ». Donc d'autres peuvent pareillement être confirmés avant le baptême.

En sens contraire, Raban Maur dit : « En dernier lieu, par l'imposition des mains du Souverain Prêtre, le baptisé reçoit le Paraclet afin d'être fortifié par le Saint-Esprit pour proclamer sa foi ».

Réponse

Le caractère de la confirmation présuppose nécessairement le caractère du baptême, au point que si un non-baptisé était confirmé, il ne recevrait rien, mais il faudrait à nouveau le confirmer après son baptême. La raison en est que, comme nous l'avons dit. la confirmation est au baptême comme la croissance est à la génération. Or il est manifeste que nul ne peut atteindre l'âge adulte s'il n'est pas déjà né. Et pareillement, si l'on n'a pas d'abord été baptisé, on ne peut recevoir le sacrement de confirmation.

Solutions

1. La puissance divine n'est pas liée aux sacrements. Un homme peut donc, sans le sacrement de confirmation, recevoir la force spirituelle pour confesser publiquement la foi du Christ, comme on peut recevoir la rémission des péchés sans le baptême. Cependant, comme personne ne reçoit l'effet du baptême sans le désir du baptême, personne non plus ne reçoit l'effet de la confirmation sans le désir de celle-ci ; et cela, on peut l'avoir avant d'être baptisé.

2. Sur la parole du Seigneur (Jean 13.10) : « Celui qui a pris un bain n'a besoin que de se laver les pieds. » S. Augustin dit : « Nous comprenons que Pierre et les autres disciples du Christ avaient été baptisés, soit du baptême de Jean, comme le pensent quelques-uns, soit, ce qui est plus croyable, du baptême du Christ. Car il n'a pas refusé d'exercer ce ministère du baptême, pour avoir des serviteurs par qui il pourrait baptiser les autres. »

3. Ceux qui entendaient la prédication de Pierre reçurent miraculeusement l'effet de la confirmation, mais non le sacrement. Or, nous avons dit que l'effet de la confirmation peut être reçu avant le baptême, mais non le sacrement de la confirmation. Ainsi, de même que l'effet de la confirmation, qui est la force spirituelle, présuppose l'effet du baptême, qui est la justification, de même le sacrement de confirmation présuppose le sacrement de baptême.


7. La confirmation confère-t-elle la grâce ?

Objections

1. Il semble que ce sacrement ne confère pas la grâce sanctifiante. Celle-ci est dirigée contre le péché. Mais ce sacrement, comme on l'a dit, ne se donne qu'aux baptisés, qui sont purifiés du péché. Donc il ne confère pas la grâce sanctifiante.

2. Ce sont les pécheurs surtout qui ont besoin de la grâce sanctifiante pour être justifiés. Donc, si ce sacrement donne la grâce, il semble qu'il faudrait le donner à ceux qui sont en état de péché. Mais cela n'est pas vrai.

3. Dans la grâce sanctifiante, il n'y a pas d'espèces différentes, puisqu'elle est ordonnée à un effet unique. Mais deux formes de la même espèce ne peuvent coexister dans le même sujet. Puisque la grâce sanctifiante est donnée à l'homme dans le baptême, il semble donc que le sacrement de confirmation, qui n'est administré qu'aux baptisés, ne confère pas la grâce sanctifiante.

En sens contraire, le pape Melchiade dit « Aux fonts baptismaux l'Esprit Saint donne la plénitude de l'innocence ; dans la confirmation il donne l'augmentation de la grâce. »

Réponse

Dans ce sacrement, nous l'avons dit l'Esprit Saint est donné aux baptisés pour les fortifier, comme il le fut aux Apôtres le jour de la Pentecôte (Actes 2.2), et aux baptisés par l'imposition des mains des Apôtres (Actes 8.17). Or on a montré dans la première Partie que la mission ou le don du Saint-Esprit est toujours liée à la grâce sanctifiante. Il est donc manifeste que la confirmation donne cette grâce.

Solutions

1. La grâce sanctifiante remet le péché, mais elle a aussi d'autres effets, car elle suffit à faire monter les hommes par tous les degrés jusqu'à la vie éternelle. Aussi a-t-il été dit à S. Paul (2 Corinthiens 12.9) : « Ma grâce te suffit », et il a dit de lui-même (1 Corinthiens 15.10) : « La grâce de Dieu m'a fait ce que je suis. » La grâce sanctifiante est donc donnée non seulement pour remettre les fautes, mais aussi pour augmenter et affermir la justice. Et c'est ainsi qu'elle est donnée dans ce sacrement.

2. Comme son nom l'indique, ce sacrement est destiné à « confirmer » ce qu'il a trouvé dans l'âme. Aussi ne faut-il pas le donner à ceux qui n'ont pas la grâce. Et c'est pourquoi, comme on ne le donne pas aux non-baptisés, on ne doit pas non plus le donner aux adultes pécheurs, à moins qu'ils n'aient recouvré la grâce par la pénitence. Ainsi un concile d'Orléans dit-il : « Que ceux qui se présentent à la confirmation viennent à jeun, et qu'on les avertisse de se confesser auparavant, pour qu'ils soient purs pour recevoir le don du Saint-Esprit. » Ainsi ce sacrement achève l'effet de la pénitence, comme celui du baptême ; la grâce reçue dans ce sacrement donne au pénitent une rémission plus entière de son péché. Et si un adulte se présente à la confirmation avec un péché dont il n'a pas conscience, ou même s'il n'a pas la contrition parfaite, la grâce reçue dans ce sacrement lui remettra son péché.

3. Comme nous l'avons dit , la grâce sacramentelle ajoute à la grâce sanctifiante prise en général la puissance de réaliser l'effet spécial auquel est ordonné le sacrement. Par conséquent, si l'on considère la grâce reçue dans ce sacrement en ce qu'elle a de commun, ce sacrement ne confère pas une autre grâce que celle du baptême, il augmente celle qui existait déjà. Mais si on la considère en ce qu'elle a de spécial, qui est surajouté à la grâce du baptême, elle n'est pas de la même espèce que celle-ci.


8. À qui convient-il de recevoir ce sacrement ?

Objections

1. Il semble que ce sacrement ne doit pas être donné à tous. En effet, il confère une certaine supériorité. Mais la supériorité ne convient pas à tous.

2. Ce sacrement fait grandir l'homme spirituellement jusqu'à l'âge adulte. Mais il y a opposition entre l'âge adulte et l'enfance. Donc les enfants au moins ne doivent pas le recevoir.

3. Le pape Melchiade dit : « Après le baptême nous sommes confirmés pour le combat. » Mais le combat ne convient pas aux femmes, à cause de la fragilité de leur sexe. Donc aux femmes non plus on ne doit pas donner ce sacrement.

4. Le pape Melchiade dit : « À ceux qui vont bientôt passer, suffisent les bienfaits de la régénération, mais à ceux qui doivent vivre est nécessaire le bienfait de la confirmation. La confirmation arme et équipe ceux qui restent pour les luttes et les combats de ce monde. Quant à celui qui après le baptême arrive à la mort sans tache et avec l'innocence qu'il a reçue, il est confirmé par la mort, puisque après la mort il ne peut plus pécher. » Donc ce sacrement ne doit pas être administré aux mourants. Et ainsi il ne doit pas être donné à tous.

En sens contraire, les Actes (Actes 2.2-4) disent que le Saint-Esprit « remplit toute la maison », qui symbolise l'Église, et ensuite on ajoute que « tous furent remplis de l'Esprit Saint. » Mais c'est pour recevoir cette plénitude que ce sacrement est donné ; il faut donc l'administrer à tous ceux qui sont dans l'Église.

Réponse

Nous avons dit que ce sacrement conduit l'homme spirituellement à l'âge parfait. Or il est dans l'intention de la nature que tous ceux qui naissent corporellement arrivent à l'âge parfait ; mais cela est parfois empêché par la corruptibilité du corps qui est prévenu par la mort. À plus forte raison il est dans l'intention de Dieu, — et la nature l'imite en participant de cette intention —, de conduire tous les êtres à leur perfection ; aussi est-il écrit (Deutéronome 32.4) que « toutes les œuvres de Dieu sont parfaites. » Mais l'âme, sujet de cette naissance et de cet âge adulte au plan spirituel, est immortelle ; elle peut donc dans la vieillesse recevoir la naissance spirituelle, comme dans la jeunesse et même dans l'enfance parvenir à l'âge adulte ; car l'âge du corps ne fait aucun tort à l'âme. Par conséquent il faut administrer à tous ce sacrement.

Solutions

1. Ce sacrement confère une certaine supériorité, non pas la supériorité d'un homme sur un autre, comme le sacrement de l'ordre ; mais la supériorité d'un homme par rapport à lui-même ; ainsi le même homme, devenu adulte, possède une certaine supériorité par rapport à ce qu'il était dans son enfance.

2. Comme on l'a dit l'âge du corps ne fait aucun tort à l'âme. Ainsi, même dans l'enfance, l'homme peut recevoir la perfection de l'âge spirituel dont parle la Sagesse (Sagesse 4.8) : « La vieillesse honorable n'est pas celle que donnent de longs jours, elle ne se mesure pas au nombre des années. » C'est ainsi que de nombreux enfants, grâce à la force du Saint-Esprit qu'ils avaient reçue, ont lutté courageusement et jusqu'au sang pour le Christ.

3. S. Jean Chrysostome dit que « pour les combats de ce monde on recherche la qualité de l'âge, de la beauté ou de la naissance, et c'est pourquoi on les interdit aux esclaves et aux femmes, aux vieillards et aux enfants. Mais dans les combats pour le ciel, le stade est ouvert à tous sans distinction de personne, d'âge ou de sexe ». Et ailleurs : « Devant Dieu, même le sexe féminin livre bataille ; beaucoup de femmes ont avec un courage viril combattu dans la milice spirituelle. Et dans la lutte du martyre, certaines ont égalé les hommes par la force de l'homme intérieur ; certaines même ont été plus courageuses que les hommes. » Par conséquent les femmes aussi doivent recevoir ce sacrement.

4. Comme on l'a dit, l'âme, sujet de l'âge spirituel, est immortelle. Donc, les mourants doivent recevoir ce sacrement, pour qu'à la résurrection ils apparaissent avec la perfection dont parle S. Paul (Éphésiens 4.13) : « jusqu'à ce que nous parvenions à l'état d'homme parfait, à la mesure de la pleine stature du Christ. » C'est pourquoi Hugues de Saint-Victor dit : « Il serait très périlleux que quelqu'un sorte de cette vie sans la confirmation. » Non parce qu'il serait damné, sauf le cas de mépris, mais parce qu'il serait privé de cette perfection. Aussi les enfants qui meurent confirmés reçoivent-ils une gloire plus grande, comme ici-bas ils obtiennent une grâce plus abondante. L'autorité citée se comprend en ce sens que la confirmation n'est pas nécessaire aux mourants pour affronter le combat de la vie présente.


9. Sur quelle partie du corps ce sacrement doit-il être administré ?

Objections

1. Il semble que ce sacrement ne doit pas être donné sur le front. Nous l'avons dit il est l'achèvement du baptême. Mais le baptême est donné à l'homme sur tout le corps. Donc ce sacrement ne doit pas être donné à l'homme seulement sur le front.

2. Ce sacrement est donné pour la force spirituelle. Mais la force spirituelle réside surtout dans le cœur. Donc ce sacrement devrait être donné sur le cœur plutôt que sur le front.

3. Ce sacrement est donné à l'homme pour qu'il confesse librement la foi du Christ. Mais « c'est en confessant de bouche que l'on parvient au salut » (Romains 10.10). Donc ce sacrement devrait être donné sur la bouche plutôt que sur le front.

En sens contraire, Raban Maur écrit : « Le baptisé est marqué du chrême par le prêtre sur le sommet de la tête, mais par l'évêque sur le front. »

Réponse

Comme nous l'avons dit, dans ce sacrement l'homme reçoit l'Esprit Saint pour être fort dans le combat spirituel, et confesser courageusement la foi du Christ même au milieu des adversaires de la foi. Aussi convient-il qu'il soit marqué avec le chrême du signe de la croix sur le front, et cela pour deux raisons. D'abord parce qu'il est marqué du signe de la croix comme le soldat est marqué du signe de son chef, signe qui doit être apparent et visible. Or, de toutes les parties du corps humain, c'est certainement le front qui est le plus visible, puisqu'il n'est presque jamais couvert. Ainsi le confirmé reçoit l'onction de chrême sur le front, pour manifester ouvertement qu'il est chrétien, comme les Apôtres, qui d'abord cachés au cénacle, se montrèrent publiquement après avoir reçu le Saint-Esprit.

En second lieu, parce qu'il y a deux choses qui empêchent l'homme de confesser librement le nom du Christ, la crainte et la honte. Or l'une et l'autre se manifestent particulièrement sur le front, à cause du voisinage de l'imagination, et parce que les esprits animaux montent directement du cœur au front ; de là vient que « les honteux rougissent et que les peureux pâlissent », dit Aristote. Aussi le confirmé est-il marqué du chrême sur le front, pour que ni la crainte ni la honte ne l'empêchent de confesser le nom du Christ.

Solutions

1. Par le baptême, nous renaissons à la vie spirituelle, qui est le fait de l'homme tout entier. Mais la confirmation nous fortifie pour le combat, dont il nous faut porter le signe sur le front, comme en un lieu bien visible.

2. Le principe de la force est dans le cœur, mais le signe de la, force apparaît sur le front, comme il est dit dans Ézéchiel (Ézéchiel 3.8) : « Voici que j'ai rendu ton front plus dur que leur front. » C'est pourquoi l'eucharistie, qui fortifie l'homme au-dedans de lui-même, est en relation avec le cœur, selon ce mot du Psaume (Psaumes 104.15) : « Le pain fortifie le cœur de l'homme. » Mais le sacrement de confirmation est nécessaire comme signe de notre force envers les autres. Aussi est-il donné sur le front.

3. Ce sacrement est donné en vue d'une confession libre, et non pour une confession pure et simple, car cela se fait aussi dans le baptême. Donc il ne doit pas être administré sur la bouche, mais sur le front, où apparaissent les signes des passions qui empêchent cette libre confession.


10. Faut-il quelqu'un pour tenir le confirmand ?

Objections

1. Il semble que celui qui est confirmé ne doive pas être tenu par quelqu'un. Ce sacrement est conféré non seulement aux enfants, mais aussi aux adultes. Or ceux-ci peuvent se tenir seuls. Il est donc ridicule qu'ils soient tenus par un autre.

2. Celui qui est déjà membre de l'Église a libre accès au prince de l'Église, c'est-à-dire à l'évêque. Mais ce sacrement, comme on l'a dit n'est donné qu'aux baptisés, qui sont déjà membres de l'Église. Il semble donc que pour recevoir ce sacrement, ils n'ont pas besoin qu'un autre les présente à l'évêque.

3. Ce sacrement est donné en vue de la force spirituelle, qui est plus vigoureuse chez les hommes que chez les femmes, suivant ce mot des Proverbes (Proverbes 31.10) : « Qui trouvera une femme forte ? » Donc au moins une femme ne doit pas tenir un homme pour la confirmation.

En sens contraire, le pape Innocent dit : « Si l'un des deux époux a reçu au sortir des fonts, ou tenu pour le chrême, le fils ou la fille d'une autre famille... » Donc, comme il est nécessaire que quelqu'un aide le baptisé à sortir de la fontaine sacrée, de même quelqu'un doit-il tenir celui qui reçoit le sacrement de confirmation.

Réponse

Nous l'avons dit, ce sacrement est donné à l'homme pour le fortifier dans la lutte spirituelle. Or, de même que le nouveau-né a besoin d'un éducateur qui lui apprenne à se comporter dans la vie, selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 12.9) : « Nous avons eu pour maîtres nos pères selon la chair et nous les respections », — de même, ceux qui sont enrôlés pour le combat ont besoin d'instructeurs qui les exercent au métier des armes ; aussi dans les guerres d’ici-bas établit-on des généraux et des centurions pour commander les autres. Et c'est pourquoi aussi celui qui reçoit ce sacrement est tenu par un autre, qui doit pour ainsi dire l'exercer au combat.

Pareillement, comme ce sacrement, nous l'avons dit, confère à l'homme la perfection de l'âge adulte, celui qui s'approche pour le recevoir est soutenu par un autre, comme étant encore, spirituellement, un faible enfant.

Solutions

1. Bien que le confirmé soit adulte corporellement, il ne l'est pas encore spirituellement.

2. Bien que le baptisé soit devenu membre de l'Église, il n'est pas encore inscrit dans la milice chrétienne. Aussi est-il présenté à l'évêque, comme au chef de cette armée, par un autre qui est déjà inscrit dans la milice chrétienne. Car celui qui n'est pas encore confirmé ne peut tenir un autre pour la confirmation.

3. Comme dit l'épître aux Galates (Galates 3.28) « dans le Christ Jésus il n'y a ni homme ni femme ». Cela ne change donc rien si c'est un homme ou une femme qui tient le confirmand.


11. Ce sacrement est-il donné seulement par l'évêque ?

Objections

1. Il semble que ce n'est pas l'évêque seul qui peut conférer ce sacrement. S. Grégoire écrit à l'évêque Januarius : « Il nous est revenu que certains ont été scandalisés de ce que nous avons interdit aux prêtres d'oindre de chrême les baptisés. Sans doute nous avons suivi l'antique usage de notre Église ; mais s'il en est que cela contraste trop, nous accordons qu'en l'absence de l'évêque, les prêtres aussi puissent oindre de chrême les baptisés même sur le front. » Pourtant ce qui appartient nécessairement au sacrement ne peut être modifié pour éviter le scandale. Il semble donc qu'il ne soit pas nécessaire à ce sacrement d'être conféré par l'évêque.

2. Le sacrement de baptême paraît avoir plus d'efficacité que le sacrement de confirmation, puisque le baptême opère la pleine rémission des péchés, et quant à la faute et quant à la peine, ce que ne fait pas la confirmation. Mais un simple prêtre peut, par son office, conférer le sacrement de baptême, et, en cas de nécessité, n'importe qui, même s'il n'est pas dans les ordres, peut baptiser. Il n'est donc pas nécessaire que la confirmation soit conférée par l'évêque.

3. Le sommet de la tête, qui, selon les médecins, est le siège de la raison, de cette raison particulière qu'on appelle cogitative, est plus noble que le front, qui est le siège de l'imagination. Mais un simple prêtre peut oindre de chrême les baptisés sur le sommet de la tête. À plus forte raison peut-il les marquer de chrême sur le front, ce qui est le rite de ce sacrement.

En sens contraire, le pape Eusèbe dit : « Le sacrement de l'imposition des mains doit être tenu en grande vénération, parce qu'il ne peut être conféré que par les grands prêtres. » Au temps des Apôtres on ne lit pas et on ne sait pas qu'il ait été administré par d'autres que les Apôtres eux-mêmes ; et jamais il ne peut et ne doit l'être que par ceux qui tiennent leur place. Si l'on osait faire autrement, que cet acte soit tenu pour nul et sans effet, et on ne le comptera jamais parmi les sacrements de l'Église. Il est donc nécessaire que ce sacrement, appelé ici sacrement de l'imposition des mains, soit conféré par l'évêque.

Réponse

En toute œuvre le dernier achèvement est réservé à l'art ou à la puissance la plus haute ; par exemple les ouvriers inférieurs préparent les matériaux, et c'est un artiste supérieur qui donne la forme. Mais c'est au mettre qu'est réservé l'usage, qui est la fin de l'œuvre d'art ; ainsi la lettre, qui est écrite par un secrétaire, est signée par son maître.

Les fidèles du Christ sont une œuvre divine, selon cette parole (1 Corinthiens 3.9) : « Vous êtes l'édifice de Dieu » ; ils sont aussi comme « une lettre écrite par l'Esprit Saint », dit encore S. Paul (2 Corinthiens 3.2). Or le sacrement de confirmation est l'ultime consommation du baptême. Par le baptême l'homme est construit comme une demeure spirituelle, il est écrit comme une lettre spirituelle ; mais le sacrement de confirmation consacre au Saint-Esprit cette maison déjà construite, et scelle du signe de la croix cette lettre déjà écrite. Et c'est pourquoi la collation de ce sacrement est réservée aux évêques, qui détiennent dans l'Église le pouvoir souverain, comme dans la primitive Église la plénitude de l'Esprit Saint était donnée par l'imposition des mains des Apôtres (Actes 8.14), dont les évêques sont les successeurs. Aussi le pape Urbain I dit-il : « Tous les fidèles doivent après le baptême recevoir le Saint-Esprit par l'imposition des mains de l'évêque, pour devenir parfaits chrétiens. »

Solutions

1. Le pape a dans l'Église la plénitude du pouvoir, qui lui permet de confier aux ordres inférieurs certaines des fonctions qui reviennent aux ordres supérieurs. C'est ainsi qu'il accorde à des prêtres de conférer les ordres mineurs, ce qui relève du pouvoir épiscopal. C'est en vertu de ce pouvoir souverain que le bienheureux pape Grégoire a permis à de simples prêtres d'administrer la confirmation, jusqu'à ce que le scandale ait cessé.

2. Le sacrement de baptême est plus efficace que la confirmation pour écarter le mal, parce qu'il est une génération spirituelle, c'est-à-dire un passage du non-être à l'être. Mais la confirmation est plus efficace pour faire progresser dans le bien, puisqu'elle est une croissance spirituelle qui fait passer de l'être imparfait jusqu'à l'être parfait. Et c'est pourquoi ce sacrement est confié à un ministre plus digne.

3. Raban Maur dit que « le baptisé est marqué du chrême sur le sommet de la tête par le prêtre, et par l'évêque sur le front, pour que la première onction signifie la descente du Saint-Esprit sur lui comme sur une demeure qui doit être consacrée à Dieu, et que la seconde onction montre que la grâce septiforme du même Esprit Saint vient à l'homme avec toute la plénitude de la sainteté, de la science et de la vertu ». Cette onction est donc réservée aux évêques, à cause de sa plus grande efficacité, et non à cause de la supériorité de la partie du corps qui la reçoit.


12. Le rite de la confirmation

Objections

1. Il semble que le rite de ce sacrement n'est pas ce qu'il doit être. Le sacrement de baptême est plus nécessaire que celui-ci, comme on l'a dit. Mais on réserve le baptême pour certaines époques, Pâques et Pentecôte. On doit donc aussi fixer pour la confirmation un temps déterminé.

2. Ce sacrement requiert la dévotion du ministre et du sujet, comme le baptême. Mais pour le baptême on n'exige pas que celui qui le reçoit et celui qui le confère soient à jeun. Il semble donc hors de propos qu'un concile d'Orléans ait statué que l'on soit à jeun pour être confirmé, et un concile de Meaux que les évêques soient à jeun pour donner le Saint-Esprit par l'imposition des mains.

3. Le Chrême, comme on l'a dit a, est le signe de la plénitude du Saint-Esprit. Mais la plénitude du Saint-Esprit a été donnée aux fidèles du Christ le jour de la Pentecôte. Donc le chrême devrait être préparé et bénit le jour de la Pentecôte plutôt que le jeudi saint.

En sens contraire, tel est l'usage de l'Église, qui est gouvernée par l'Esprit Saint.

Réponse

Le Seigneur a fait cette promesse à ses fidèles (Matthieu 18.20) : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux. » Aussi faut-il tenir fermement que les décisions de l'Église sont dirigées par la sagesse du Christ. Par conséquent il est certain que les rites que l'Église observe dans ce sacrement comme dans les autres sont ce qu'ils doivent être.

Solutions

1. Le pape Melchiade dit que « ces deux sacrements, — baptême et confirmation, — sont si étroitement unis que, sauf danger de mort, on ne doit pas les séparer et que l'un ne peut régulièrement être administré sans l'autre ». Les dates prévues sont donc les mêmes pour la célébration solennelle du baptême et pour la confirmation. Mais comme celle-ci n'est donnée que par les évêques, qui ne sont pas toujours là quand les prêtres baptisent, il a fallu, dans la pratique courante, renvoyer à d'autres temps la confirmation.

2. « Les malades et ceux qui sont en danger de mort ne sont pas touchés par cette défense », lit-on dans les statuts du concile de Meaux. Ainsi, à cause de la multitude des fidèles et des dangers qui les menaçaient, on admet que ce sacrement, qui ne peut être donné que par les évêques, puisse être donné ou reçu même par ceux qui ne sont pas à jeun ; car, un seul évêque, surtout dans un grand diocèse, ne pourrait suffire à confirmer tout le monde, si le temps lui était mesuré. Mais là où cela peut être commodément observé, il est plus convenable que le ministre et le sujet soient à jeun.

3. D'après un concile tenu sous le pape Martin, « il était permis de consacrer le chrême en tout temps ». Mais comme le baptême solennel, qui requiert l'usage du chrême, est conféré durant la vigile pascale, il a été sagement ordonné que l'évêque bénirait le chrême deux jours avant, afin qu'il puisse être distribué dans le diocèse. — De plus, ce jour convient assez à la bénédiction de la matière des sacrements, puisque c'est le jour où fut institué le sacrement de l'eucharistie, auquel sont ordonnés tous les autres sacrements.

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