Histoire de l'Église - Théodoret de Cyr

LIVRE I

CHAPITRE XII
LETTRE d'EUSÈBE, ÉVÊQUE DE CÉSARÉE

« IL y a apparence, mes très-chers frères, que vous avez appris par une autre voie ce qui a été agité touchant la foi dans le grand Concile de Nicée. Car la renommée a accoutumé de prévenir les relations les plus particulières et les plus exactes. Or de peur que cette renommée ne vous rapporte les choses d'une autre manière quelles ne se sont passées, j'ai cru vous devoir envoyer la formule de foi telle que je l'ai proposée, et ensuite les additions avec lesquelles les Évêques ont jugé à propos de la publier. Voici la nôtre, telle qu'elle a été lue en présence de l'Empereur, et approuvée généralement par tout le monde ; telle que nous l'avons reçue des Évêques nos prédécesseurs ; telle que nous l'avons apprise dans notre jeunesse, lorsque nous avons reçu le baptême ; telle qu'elle est contenue dans l'Écriture sainte ; telle enfin que nous l'avons enseignée tant dans l'Ordre de Prêtrise, que dans la dignité Épiscopale, et que nous tenons encore aujourd'hui.

Nous croyons en un Dieu, Père Tout puissant, qui a créé toutes les choses visibles et invisibles, et en un seul Seigneur a conversé parmi les hommes, qui a souffert, et est ressuscité le troisième jour ; qui est monté à son Père, et qui viendra de nouveau, plein de gloire pour juger les vivants, et les morts. Nous croyons aussi en un saint Esprit. Nous croyons l'existence, et la subsistance de chacun d'eux, que le Père est vraiment Père, que le, Fils est vraiment Fils, et que le saint Esprit est vraiment saint Esprit : comme notre Seigneur le déclara, lorsqu'il envoya ses Apôtres prêcher l'Évangile, en leur disant : Allez et instruisez tout le peuple, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et au saint Esprit. Nous protestons que nous tenons cette foi, que nous l'avons toujours tenue, et que nous la tiendrons constamment jusques à la mort, en condamnant l'impiété de toutes les hérésies. Nous attestons en présence de Dieu tout-puissant, et de notre Seigneur Jésus Christ, que nous avons tenu sincèrement et de cœur toutes ces choses depuis que nous avons été capables de nous connaître, et de faire quelque réflexion sur nous-mêmes. Et nous sommes prêts de faire voir par des preuves très-certaines, et capables de vous convaincre, que nous avons toujours été dans cette créance, et que nous l'avons toujours prêchée.

Lorsque nous proposâmes cette formule de notre foi, on n'y trouva rien à redire. Notre Empereur très-chéri de Dieu témoigna le premier qu'elle était fort bien conçue, et qu'il l'approuvait, et exhorta tous les autres à la signer, en y ajoutant seulement le terme de Consubstantiel. Il expliqua ce terme en disant qu'il ne l'entendait point selon les propriétés du corps, et, qu'il ne croyait point que le Fils subsistât du Père par division, ni par section, parce qu'une nature incorporelle et intellectuelle ne peut avoir de propriété corporelle, et que cela se doit entendre d'une manière spirituelle et divine. Voilà comment ce très-sage et très-religieux Prince s'expliqua. Les Évêques prirent occasion de ce terme de Consubstantiel, de dresser la formule qui suit.

Symbole.

NOUS croyons en un Dieu, Père tout puissant qui a créé toutes les choses visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus Christ, Fils unique de Dieu, engendré par le Père, c'est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu, qui n'a pas été fait, mais engendré, qui n'a que la même substance que le Père, qui est Consubstantiel au Père, et par qui toutes les choses qui sont dans le ciel et sur la terre ont été faites ; qui est descendu des cieux pour nous hommes misérables, et pour notre salut ; qui s'est incarné et s'est fait homme, et a souffert, qui est ressuscité le troisième jour, qui est monté au ciel, d'où il viendra pour juger les vivants et les morts. Nous croyons au saint Esprit. Quant à ceux qui disent, il y a eu un temps auquel il n'était pas, et il n'était pas avant qu'il eût été engendré, il a été fait de ce qui n'était point auparavant, il est d'une autre nature, et d'une autre substance que le Père, il est créé, et sujet au changement, la sainte Église Catholique et Apostolique prononce contre eux anathème.

Quand ils eurent dicté cette formule de foi, nous ne laissâmes pas passer sans examen ce qu'ils avaient dit que le Fils est de la substance du Père, et Consubstantiel au Père. On fit plusieurs questions et plusieurs réponses pour rechercher le sens de ces termes. Ils avouèrent que le sens est que le Fils est du Père, mais non comme une de ses parties. Nous crûmes qu'il était juste de recevoir ce sens, parce que c'est une saine doctrine de dire que le Fils est du Père, non toutefois comme une partie de sa substance. Nous recevons cette idée, et ne rejetons pas même le terme de Consubstantiel pour le bien de la paix, et de peur de nous éloigner de la vérité. Nous avons approuvé par la même raison ces autres termes, engendré, et non pas fait. Car ils disaient que le terme de fait, est un terme commun à toutes les créatures qui ont été faites par le Fils, et auxquelles il n'est point semblable, étant d'une nature plus relevée ; qu'il tire sa substance du Père, selon que l'Écriture l'enseigne, par une génération secrète qu'aucun esprit créé ne saurait comprendre, ni aucun discours exprimer. Cette manière dont le Fils est Consubstantiel au Père ayant été examinée, on demeura d'accord qu'elle est différente de celle des corps, parce que ce n'est point par division de substance, ni par retranchement, ni par changement de la nature et de la vertu du Père. Que quand on dit que le Fils est Consubstantiel au Père on n'entend rien autre chose, sinon que le Fils de Dieu n'a aucune ressemblance avec les créatures qui ont été faites par lui, mais qu'il a une parfaite ressemblance avec son Père par qui il a été engendré, qu'il est du Père, et non d'une autre hypostase, ni d'une autre substance. Cette doctrine ayant été expliquée de la sorte, nous avons cru la devoir approuver par ce que nous avons trouvé que d'anciens Évêques, et de savants Écrivains se sont servis du terme de Consubstantiel, pour expliquer la Divinité du Père et du Fils. Voilà ce que j'avais à vous dire touchant la Foi qui a été proposé dans le Concile de Nicée, et à laquelle nous avons crus, conscients, non inconsidérément et non sans avoir mûrement délibéré, mais après avoir examiné en présence du très-religieux Empereur les sens que je viens de rapporter, et les avoir approuvés pour les raisons que j'ai dites. Nous avons aussi consenti sans peine à l'anathème, qu'ils ont prononcé après la Formule de foi, parce qu'il défend de le servir de termes étrangers et éloignés de ceux dont l'Écriture sainte se sert ; étant certain que c'est de ces termes-là que sont venus tous les différends et les troubles de l'Église. L'Écriture inspirée par le saint Esprit ne s'étant donc jamais servie de ces termes, de ce qui n'est point, et il y a eu autrefois un temps où il n'était point, ni d'autres semblables qui sont rapportés dans le même endroit, nous n'avons pas cru qu'il fût raisonnable de les employer, ni de les enseigner. Nous nous sommes encore soumis d'autant plus volontiers en ce point au décret du Concile, que nous n'avions point accoutumé de nous servir de ces termes. Nous avons cru, mes très-chers frères, vous devoir représenter exactement toutes ces choses pour vous faire voir avec combien de prudence et de maturité nous avons ou suspendu ou donné notre consentement, et pour vous faire connaître combien nous avons eu de raisons de résister presque jusques à la fin, pendant que nous étions choqués de certains terme, qui avaient été rédigés par écrit. Mais enfin nous avons reçu sans contestation ce qui ne nous choquait plus, depuis que par l'examen du sens, nous avons trouvé qu'il était conforme à la foi, dont nous avons toujours fait profession. »

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