Histoire de l'Église - Théodoret de Cyr

LIVRE II

CHAPITRE VIII
LETTRE DU CONCILE DE SARDIQUE

« LE saint Concile assemblé par la grâce de Dieu à Sardique, de la ville de Rome, d'Espagne, des Gaules, d'Italie, de la Campanie, de la Calabre, de l'Afrique, de l'île de Sardaigne, de la Pannonie, de la Mœsie, de la Dace, de la Dardanie, de la seconde Dace, de la Macédoine, de la Thessalie, de l'Achaïe, et de l'une et l'autre Épire, de la Thrace, de Rodope, de l'Asie, de la Carie, de la Bithynie, de l'Hellespont, de la Phrygie, de la Cilicie, de la Pamphylie, de la Lydie, des îles Cyclades, de l'Égypte, de la Thébaïde, de la Libye, de la Galatie et de la Palestine : A tous les Évêques de la terre nos Collègues dans le ministère de l'Église Catholique, et nos très chers frères, salut en nôtre Seigneur.

La fureur des Ariens s'est souvent portée à de grands excès contre les serviteurs de Dieu, et dès qu'ils ont introduit des nouveautés, ils ont tâché de persécuter ceux qui soutenaient l'ancienne doctrine. La guerre qu'ils ont déclarée à la foi a été si furieuse, que bruit en est allé jusques aux oreilles des Empereurs. Ils nous ont assemblés de diverses villes, et de diverses Provinces, et nous ont permis de tenir un Concile dans la ville de Sardique, pour ôter d'entre nous la division, et l'erreur, et pour garder à l'avenir la même foi. Des Évêques d'Orient sont venus au Concile à la persuasion de nos très-religieux Princes, à cause principalement de ce que les Hétérodoxes publiaient contre nos très chers frères, et Collègues Athanase Évêque d'Alexandrie, Marcel Évêque d'Ancyre en Galatie, et Asclepas Évêque de Gaza. Peut-être qu'ils ont porté leurs calomnies jusques à vous, et qu' ils ont taché de vous faire recevoir les mensonges dont ils tachent de noircir l'innocence, et d'éloigner d'eux le soupçon d'avoir introduit l'erreur ; mais ils n'ont pas joui longtemps de cette liberté. Le Seigneur veille à la conduite, et à la défense de son Église. Il a souffert la mort pour eux, et pour nous tous, et nous a ouvert le chemin du ciel.

Eusèbe, Maris, Théodore, Théognis, Ursace, Valens, Menophante, et Étienne ont écrit il y a longtemps à Jules Évêque de Rome notre Collègue, contre Athanase, contre Marcel, et contre Asclepas qui sont aussi nos Collègues. D'autres Évêques lui ont écrit en faveur d'Athanase, et lui ont fait voir qu'il était très-innocent, et que tout ce qu'Eusèbe avait inventé contre lui n'était que mensonge, et imposture. Le refus que ses accusateurs ont fait d'aller à Rome, lorsqu'ils y ont été cités, et la lettre de Jules notre Collègue sont des preuves convaincantes de leur calomnie, car ils eussent sans doute été à Rome, s'ils eussent cru pouvoir justifier la conduite qu'ils avaient tenue. Mais ce qu'ils ont fait dans ce grand et saint Concile, découvre encore plus clairement leur mauvaise foi, et leur tromperie. Car quand ils furent arrivés à Sardique, et qu'ils y eurent vu Athanase, Marcel, Asclepas, et quelques autres de nos frères, ils n'osèrent paraître devant le Concile, bien qu'ils y eussent été cités non une, ou deux, mais plusieurs fois, et bien que tous les Évêques, et principalement Osius, ce Prélat qui jouit d'une si heureuse vieillesse, et que son grand âge, sa générosité à soutenir la vérité de notre Religion, et les travaux qu'il a supportés pour son service, et pour sa défense rendent si recommandable, les attendissent. Ce refus de paraître, ce soin de se cacher, cette fuite, montrent mieux que tout ce qu'on saurait dire leur mensonge, leur imposture, et leur tromperie. Ceux qui sont assurés de la vérité de ce qu'ils avancent, sont toujours prêts de paraître. Puisque ceux-ci ont refusé de le faire, de quelque artifice qu'ils s'avisent à l'avenir contre nos Collègues, personne ne doutera qu'ils n'aient dessein de les décrier en leur absence, sans oser jamais soutenir leur présence.

Leur fuite a procédé de l'appréhension non seulement de ne pouvoir soutenir les accusations qu'ils ont faites contre nos frères, mais encore de ne pouvoir repousser celles que nos frères faisaient contre eux. On les chargeait d'avoir employé le fer, et les chaînes. On avait des personnes qu'ils avaient fait exiler ; on en avait d'autres qui avaient été envoyés par ceux qu'ils retenaient encore en exil, on avait des parents, et des amis de ceux qu'ils avaient fait mourir. Enfin, et ceci est plus important, il y avait des Évêques, et un entre autres qui montrait les fers, et les chaînes dont ils l'avaient chargé. Il y avait d'autres témoins prêts de déposer qu'ils avaient fait mourir des personnes par leur calomnie. Leur rage a monté en effet jusques à cet excès de tâcher de procurer la mort d'un Évêque, et ils l'auraient procurée, s'il ne s'était échappé d'entre leurs mains. Théodule notre Collègue d'heureuse mémoire, mourut en fuyant les effets de leur calomnie, par laquelle il avait été condamné à la mort. Les uns montraient les marques des coups d'épée qu'ils avaient reçus ; d'autres se plaignaient qu'ils leur avaient fait souffrir la faim. Ces accusations-là étaient soutenues par le témoignage non d'un petit nombre de personnes peu considérables, mais des Églises entières, dont les Députés, prouvaient par des actes en bonne forme que les accusés avaient suscité des gens de guerre contre leurs ennemis, avaient armé contre eux le peuple, avaient abusé de l'autorité des Juges pour leur imprimer de la terreur par des menaces, et avaient supposé de fausses pièces. On lut des lettres par lesquelles Théognis et ses compagnons s'efforçaient d'aigrir l'esprit de l'Empereur contre Athanase, contre Marcel, et contre Asclepas nos Collègues. Ceux qui avaient été autrefois Diacres de Théognis prouveront invinciblement la vérité de ce fait. On ajouta qu'ils avaient dépouillé des Vierges consacrées à Dieu, qu'ils avaient brûlé des Églises, qu'ils avaient mis des Évêques en prison, et tout cela pour soutenir l'extravagance de leur erreur, et pour se venger de ceux qui s'éloignaient de leur communion.

La connaissance qu'ils avaient de tous ces crimes les mit dans une étrange perplexité. Ils vinrent à Sardique afin que la hardiesse qu'ils auraient d'y paraitre fit croire qu'ils étaient innocents. Mais quand ils virent que ceux qu'ils avaient chargés de faux crimes, et auxquels ils avaient suscité de cruelles persécutions, étaient présents, et que d'ailleurs il y avait des personnes toutes préparées à intenter contre eux d'autres accusations, et que les preuves étaient confiantes, ils ne voulurent jamais se présenter devant l'assemblée des Évêques quoi qu'Athanase, Marcel, et Asclepas pussent faire pour les y attirer, en promettant non seulement de réfuter leurs accusations, mais d'établir solidement la vérité de celles qu'ils intenteraient contre eux, et de faire voir clairement combien ils avaient fait de mal à leurs Églises. Le témoignage de leur conscience leur imprima une si grande terreur qu'ils prirent la fuite, et qu'en fuyant ils firent voir à tout le monde, la malignité des suppositions par lesquelles ils s'étaient efforcés de noircir l'innocence, et la vertu.

Mais bien que leur malice, et leur médisance parussent autant alors qu'elles avaient déjà paru dès auparavant, nous résolûmes pourtant d'examiner leurs entreprises selon la règle de la vérité, de peur qu'ils ne trouvassent dans leur fuite même, l'occasion d'user d'une nouvelle tromperie. Nous reconnûmes par leurs actions qu'ils étaient des calomniateurs, et qu'ils avaient dressé des pièges à nos collègues. Arsène qu'ils disaient avoir été tué par Athanase est encore en vie. Cette supposition suffit toute seule pour faire voir que les autres faits qu'ils avancent sont de pareilles suppositions.

Quelque bruit qu'ils aient fait touchant le Calice qu'ils prétendaient avoir été rompu par Macaire Prêtre d'Athanase, et quoi qu'ils en aient publié partout, ceux qui sont venus ici d'Alexandrie, de la Maréote, et d'ailleurs, ont attesté que cela n'était point véritable. Les Évêques d'Égypte ont aussi assuré à Jules notre collègue par leurs lettres qu'il n'y avait pas seulement fondement du moindre soupçon. Les preuves qu'ils prétendent avoir sont des actes qui n'ont été faits qu'en présence d'une partie : ce sont des informations, et des enquêtes ou des Païens et des Catéchumènes ont été ouïs. Un de ces Catéchumènes a déposé qu'il était dans l'Église lors que Macaire y arriva. Un autre a déposé qu'lschyras dont on a fait tant de bruit était alors malade au lit. Il est clair par ces deux dépositions qu'on ne célébrait point alors les Mystères puisque les Catéchumènes étaient présents, et qu'lschyras n'était point présent puisqu'il était dans son lit. Ce scélérat qui avait dit qu'Athanase avait brûlé des livres sacrés, et en avait été convaincu, a avoué qu'il était malade au lit lors que Macaire arriva, et ainsi il est clair que c'est un faux témoin, et un calomniateur. Ils l'ont cependant récompensé de cette calomnie par le titre d'Évêque qu'ils lui ont donné, bien qu'il ne fût pas seulement Prêtre. Car deux Prêtres qui ont autrefois demeuré avec Méléce, qui ont depuis été reçus par Alexandre Évêque d'Alexandrie, et qui demeurent maintenant avec Athanase assurent qu'il n'a jamais été ordonné Prêtre, et que Méléce n'a jamais eu ni d'Église, ni de Prêtre dans la Maréote. Ils l'ont pourtant fait Évêque afin que l'éclat de sa dignité éblouît les esprits, et fît recevoir ses calomnies.

Le livre de Marcel notre collègue a aussi été lu, et la tromperie des partisans d'Eusèbe découverte ; car ils avaient supposé qu'il avait assuré positivement, ce qu'il avait simplement proposé comme une question à agiter de part et d'autre. On a rapporté ce qu'il avait avancé, avant que de proposer la question, ou depuis qu'il l'eût proposée, et on a reconnu que sa doctrine était orthodoxe. Il n'a point dit que l'enfantement de Marie était le commencement du Verbe, ni que son règne finirait, comme ils le supposaient. Il a écrit au contraire que son règne n'avait point eu de commencement, et qu'il n'aurait point de fin. Asclépas notre collègue a produit les actes qui ont été faits à Antioche en présence de ses accusateurs, et d'Eusèbe Évêque de Césarée, et a fait voir son innocence par les avis des Évêques qui l'ont jugé.

Ce n'a donc pas été sans sujet, mes très chers frères, qu'ils n'ont point voulu comparaître, quelque citation qu'on leur ait faite ; ce n'est point sans sujet qu'ils ont fui les reproches de leur conscience les ont obligés à fuir, et à découvrir en fuyant les fausseté de leurs accusations, et confirmé la vérité de ce que leurs accusateurs avaient avancé et justifié contre eux. Outre tout ce que nous venons de dire, ils ne se sont ce pas contentés d'admettre à leur communion ceux qui avaient été condamnés comme disciples d'Arius, ils leur ont donné les premières dignités. Ils ont élevé les Diacres à l'honneur du Sacerdoce, et ont ce placé sur le siège Episcopal des Prêtres qui avaient été ce déposés, et, tout cela par le seul désir d'étendre leur impiété, et de corrompre la foi.

Ils ont maintenant pour chefs après Eusèbe, Théodore Évêque d'Heclée, Narisse Évêque de Néroniade en Cilicie, Étienne Évêque d'Antioche, George Évêque de Laodicée, Acace Évêque de Césarée en Palestine, Ménophante Évêque d'Ephèse en Asie, Ursace Évêque en Mœsie, Valens Évêque de Mursa en Pannonie. Car tous ceux-ci n'ont point voulu permettre que ceux qui étaient venus d'Orient avec eux assistassent au Saint Concile, ni qu'ils entrassent dans l'Église. Ils ont fait des assemblées durant leur voyage, et se sont réciproquement promis avec quelque sorte de serment de ne point assister au Concile lors qu'ils seraient arrivés à Sardique, mais de se présenter seulement, et de se retirer à l'heure même. Ce fait nous a été rapporté par Macaire Évêque de Palestine, et par Astère Évêque d'Arabie, nos collègues qui sont arrivés à Sardique avec eux, mais qui ont depuis renoncé à leur infidélité. En se présentant au saint Concile, ils se sont plaints de la violence qu'on leur avait faite, et ont déclaré qu'il ne se faisait rien selon les règles de l'Église parmi ceux dont nous parlons. Ils ont ajouté qu'il y en avait plusieurs parmi eux qui avaient conservé la pureté de la foi, mais qu'ils les avaient empêchés de se rendre au Concile, et qu'ils usaient envers eux tantôt de promesses, et tantôt de menaces, pour les retenir dans leur parti. Ils les obligèrent pour cela de demeurer tous dans la même maison, sans les laisser seuls un moment. Comme il ne nous était pas permis de dissimuler, ni de passer sous silence ces calomnies, ces fausses accusations, ces meurtres, ces violences, ces emprisonnements, ces coups, ces mauvais traitements, ces falsifications d'écriture, et suppositions de lettres, l'injure qu'on a faite à des filles consacrées à Dieu, de les dépouiller, et de les exposer toutes nues, les démolitions des Églises, les incendies, les translations d'un petit Évêché à un grand, et surtout la malheureuse Hérésie qu'Arius a inventée contre la foi, nous avons déclaré qu'Athanase Évêque d'Alexandrie, Marcel Évêque d'Ancyrie, Asclepas Évêque de Gaza nos très chers frères et collègues, et les autres ministres du Seigneur, qui sont avec eux, sont innocents des crimes qu'on leur imputait. Nous avons aussi écrit à leurs Églises, afin que les peuples qui sont soumis à leur conduite reconnaissent leur innocence, les attendent comme leurs véritables Pasteurs, et regardent comme des loups ceux qui se sont emparés de leur troupeau, tels que sont Grégoire, Basile, et Quintien, et que bien loin de les tenir pour Évêques, ils ne leur donnent pas seulement le nom de Chrétiens, qu'ils n'entretiennent aucune correspondance avec eux, qu'ils ne leur écrivent point, et ne reçoivent point de leurs lettres.

Le saint Concile a déposé d'un commun consentement Théodore Évêque d'Héraclée en Europe ; Narcisse Évêque de Néroniade en Cilicie ; Acace Évêque de Césarée en Palestine ; Étienne Évêque d'Antioche ; Ursace Évêque de Singidon en Moesie ; Valens Évêque de Mursa en Pannonie ; Ménophante Évêque d'Ephèse, et George Évêque de Laodicée, parce qu'ils ont tous imité l'extravagance d'Arius, et ont été convaincus de divers crimes. Il est vrai que George Évêque de Laodicée ayant eu peur, n'est pas venu d'Orient, mais il a autrefois été déposé par le bienheureux Alexandre Évêque d'Alexandrie, et est aussi coupable que les autres. Nous les avons tous jugés indignes non seulement de la qualité d'Évêques, mais de la communion des fidèles. Ceux qui séparent le fils de la Divinité et de la substance de son Père, doivent être séparés de la sainteté de l'Église ; ceux qui éloignent le Verbe du principe d'où il procède, doivent être éloignés de la société des Chrétiens. Qu'ils soient donc anathème à vous, et à tous les fidèles parce qu'ils ont corrompu la parole de la Vérité. C'est un précepte du saint Apôtre. Si quelqu'un vous annonce un Évangile différent de celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème. Ordonnez que personne ne communie avec eux, car qu'y a-t'il de commun entre la lumière, et les ténèbres ? Eloignez les de vous puisque Jésus-Christ, et Belial ne se peuvent accorder. Gardez-vous bien, nos très chers frères, de leur écrire, ni de recevoir de leurs Lettres. Faites plutôt en sorte nos très chers frères, et collègues que vous soyez présents en esprit au Concile, consentez-y en le signant, afin que tous les pasteurs de l'Église se trouvent en parfaite intelligence.

Nous déclarons retranchés du corps de l'Église Catholique ceux qui disent que Jésus-Christ est Dieu, mais qu'il n'est pas vrai Dieu, qu'il est fils, mais qu'il n'est pas vrai fils, et qu'il a été et engendré et fait tout ensemble. C'est ainsi qu'ils ont expliqué le terme d'engendré en disant, ce qui a été engendré, a aussi été fait. Au lieu que le fils de Dieu est avant tout les siècles, ils lui attribuent un commencement, et une fin, bien qu'ils disent que ce commencement est plus ancien que le temps. Valens et Ursace sont sortis depuis peu d'Arius, comme deux vipères d'un aspic. Ils se vantent d'être Chrétiens bien qu'ils disent que le Verbe, et le Saint Esprit ont été crucifiés, sont morts et ressuscités, et qu'ils assurent comme les hérétiques que le Père, le Fils, et le Saint Esprit ont des natures différentes, et séparées.

Pour nous, nous avons reçu de nos Pères cette tradition, et cette foi Catholique, et Apostolique, que le Père, le Fils, et le Saint Esprit n'ont qu'une Nature, que les hérétiques appellent Substance. Que s'ils nous demandent quelle est la nature du Fils, nous répondrons que c'est la même que celle du Père, que le Père n'a jamais été, ni pu être sans le Fils, ni le Fils sans le Père. Le Fils a témoigné lui-même, qu'ils ne peuvent être l'un sans l'autre, quand il a dit, je suis dans mon Père, et mon Père est dans moi ; et en un autre endroit, mon Père et moi ne sommes qu'une même chose. Personne d'entre nous ne nie qu'il n'ait été engendré, mais nous disons qu'il a été engendré avant toutes les choses visibles, et invisibles, et qu'il est l'Auteur et le Créateur des Anges, et des Archanges, de l'univers, et de la Nature humaine. L'Écriture Sainte dit, la sagesse qui a fait toutes choses, m'a enseigné, et en un autre endroit Toutes choses ont été faites par lui. Le Verbe étant toujours, il n'a point eu de commencement. Car s'il avait eu un commencement, il n'aurait pas toujours été. Dieu n'aura jamais de fin. Nous ne disons pas que le Père soit le Fils, ni que le Fils soit le Père. Mais le Père est le Père du Fils, et le Fils est le Fils du Père. Nous confessons qu'il est la puissance du Père. Nous confessons qu'il est le Verbe de Dieu le Père, et qu'il n'y en a point d'autre que lui, que le Verbe est vrai Dieu, qu'il est la Sagesse, et la Puissance. Nous disons qu'il est véritable Fils, non de la manière que les hommes sont appelés fils de Dieu, soit à raison de la naissance spirituelle qu'ils reçoivent au baptême, ou à raison de leurs vertus, en récompense desquelles on leur attribue ce titre, et non à raison d'une même substance qui est commune au Père, et au Fils. Nous confessons qu'il est tout ensemble et unique, et premier né. Il est unique parce qu'il est, et a toujours été dans le Père. Il est premier né à cause de la nature humaine, et il a cet avantage parmi les hommes auxquels la grâce tient lieu comme d'une seconde création, qu'il est le premier né d'entre les morts. Nous confessons qu'il n'y a qu'un Dieu, et que la divinité du Père, et du Fils est la même. Personne ne nie que le Père ne soit plus grand que le Fils, non que leur nature soit différente, mais parce que le titre de Père est plus relevé que celui de Fils. L'explication de ceux qui prétendent que le Seigneur Saint a dit : Mon Père, et moi ne sommes qu'une même chose, à cause de l'intelligence et de la correspondance parfaite qui est entre eux, est une explication fausse, et impie.

Tous tant que nous sommes de Catholiques, nous avons condamné cette opinion pleine d'extravagance, et d'aveuglement. Ils supposent qu'il peut y avoir des différends et des disputes entre Dieu le Père tout-puissant, et son Fils, comme il y en a souvent entre les hommes, qui concertent, et puis s'accordent, ce qu'on ne saurait seulement penser sans se rendre coupable d'une impertinence très ridicule. Pour nous nous tenons, nous croyons, et nous assurons que ce sacré Oracle, Mon Père et moi ne sommes qu'une même chose a été prononcé à cause de l'unité de la nature du Père, et du Fils. Nous croyons que le Fils règne toujours avec son Père, sans que son règne ait de commencement, ni de fin, ni qu'il soit sujet au temps. Car ce qui a toujours été, n'a jamais commencé, et ne peut jamais finir.

Nous croyons, et nous recevons le Saint Esprit Paraclet, que le Seigneur a promis, et que nous ne doutons point qu'il n'ait envoyé. Ce n'est point cet Esprit qui a souffert, mais c'est l'homme que le Verbe a pris dans le sein de la Vierge qui a souffert, et qui pouvait souffrir ; car l'homme est sujet à la mort, au lieu que Dieu est immortel. Nous croyons que le troisième jour l'homme ressuscita en Dieu, et non pas Dieu en l'homme, et que Jésus Christ offrit comme un présent à son Père, cette nature humaine qu'il avait garantie du péché, et de la corruption. Nous croyons qu'au temps convenable qu'il a déterminé il jugera tous les hommes de toutes leurs actions. Ceux dont nous parlons sont si fort aveuglés, et ont l'esprit couvert de ténèbres si épaisses, qu'ils ne sauraient voir la lumière de la vérité. Ils n'entendent pas en quel sens le Seigneur a dit ces paroles : Afin qu'ils ne soient qu'un en nous. Il est clair pourquoi il a dit qu'ils ne soient qu'un ; c'est qu'encore que les Apôtres eussent reçu le Saint Esprit, ils n'étaient pas le Saint Esprit qu'ils avaient reçu ; aucun d'eux n'était ni le Verbe, ni la Sagesse, ni la Puissance, ni le Fils unique. Comme vous, et moi, dit-il, ne sommes qu'un, ainsi qu'ils ne soient qu'un en nous. Le Seigneur a parlé très exactement quand il a dit, qu'ils ne soient qu'un en nous, il n'a pas dit qu'ils ne soient qu'un en nature, de la même sorte que mon Père et moi ne sommes qu'un, mais il a dit qu'ils ne soient qu'un, étant unis ensemble par l'unité d'une même foi, d'une même créance, de la grâce de Dieu le Père, et de la charité du Sauveur. »

Cette lettre est une preuve convaincante de la calomnie des accusateurs, de l'iniquité des Juges, et de la saine doctrine des Évêques qui ont assisté à ce Concile. Ces saints Évêques nous ont enseigné non seulement les vérités qui regardent la nature de Dieu, mais aussi celles qui regardent le mystère de la Rédemption de l'homme. L'Empereur Constant fut fâché de la légèreté de Constance son frère, et conçut une furieuse colère contre ceux qui en avaient abusé. Ayant donc choisi deux Évêques parmi ceux qui avaient assisté au Concile de Sardique, il les envoya à Constance avec Salien Maître de la Milice, homme d'une piété, et d'une équité singulière. La lettre qu'il leur mit entre les mains était une lettre pleine de vigueur, qui contenait non seulement une prière, et une exhortation, mais des menaces. Le sens était qu'il ajoutât pleine et entière créance, à ce que les Évêques lui diraient, qu'il prît connaissance des crimes d'Étienne, qu'il rétablît Athanase sur son Siège, puisque la calomnie de ses accusateurs, et l'iniquité de ses Juges étaient manifestes. Il ajouta que s'il ne voulait déférer à sa prière, et rendre la justice qu'il lui demandait, il irait lui-même à Alexandrie, qu'il y rendrait Athanase au peuple qui le souhaitait avec passion, et qu'il chasserait les ennemis. Constance était à Antioche lorsqu'il reçut cette lettre, et promit d'exécuter fidèlement ce qui y était contenu. Les ennemis de la vérité en ayant conçu un extrême déplaisir, formèrent l'exécrable dessein que je vais dire.

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