Histoire de l'Église - Théodoret de Cyr

LIVRE II

CHAPITRE XXXI
CONCILE D'ANTIOCHE. VERTUS DE MÉLÈCE. SA PROMOTION, ET SON EXIL

... Concile contre les Perses, il assembla tous les Évêques, et les voulut obliger à rejeter les termes de consubstantiel, ou de même substance, et ceux de diverse substance. Le Siège de l'Église d'Antioche était alors vacant. Eudoxe qui l'avait usurpé après la mort de Léonce, en ayant été chassé, et ayant depuis trouvé moyen de monter malgré les Canons, sur celui de l'Église de Constantinople. Les Évêques qui s'étaient assemblés en grand nombre de diverses Provinces, dirent qu'il fallait donner un Pasteur au troupeau, et qu'après qu'il aurait été élu, ils délibéreraient avec lui, touchant la doctrine.

Mélèce cet homme si recommandable par tant d'excellentes qualités, avait abandonné à cause de la désobéissance insupportable du peuple, une petite Église d'Arménie, dont il était Évêque, et s'était retiré ailleurs, où il vivait en repos. Les Ariens croyant qu'il était de leur sentiment, supplièrent l'Empereur Constance de lui donner l'Évêché d'Antioche. Car ils violaient hardiment toutes les lois pour établir leur impiété. Ils n'ont introduit que trop de nouveautés pour ce sujet, par toute la terre. Les défenseurs de la doctrine des Apôtres, étant très persuadés, de la pureté des sentiments de Mélèce, et de la sainteté de les mœurs, furent du même avis, et demandèrent avec instance, que le décret de son élection, fût écrit, et signé. Lorsqu'il eut été écrit, et signé, il fut déposé entre les mains d'Eusèbe Évêque de Samosate, qui était un généreux défenseur de la vérité. Mélèce arriva bientôt après, selon les ordres de l'Empereur. Les Évêques, les Ecclésiastiques, une foule innombrable de peuple, les Juifs mêmes, et les Païens allèrent au devant de lui.

L'Empereur pria ceux d'entre les Évêques qui avaient les plus grands talents pour parler en public, d'expliquer ces paroles de l'Écriture Sainte. Le Seigneur m'a créée au commencement de ses voies, pour ses ouvrages ; et ordonna que leurs explications fussent rédigées par écrit, pour les obliger à les faire plus exactes. George Évêque de Laodicée expliqua le premier ces paroles, et répandit tout le venin de son erreur. Acace Évêque de Césarée apporta ensuite une explication, qui tenait comme le milieu entre l'impiété d'Anus, et la doctrine Catholique, et qui étant fort différente de l'une, n'était pas tout à fait conforme à l'autre. Le grand Mélèce se leva après eux, et proposa la véritable règle, que les Théologiens doivent suivre pour être Orthodoxes. Il pesa toutes ses paroles dans la balance de la vérité, et prit garde ou de trop dire, ou de ne pas dire assez. Son discours fut reçu avec une approbation générale. Tout le monde l'ayant supplié de donner en peu de paroles, comme un abrégé de sa doctrine, il étendit trois doigts, puis en plia deux, n'en laissant qu'un étendu, et dit : Nous concevons trois choses ; mais nous parlons, comme si nous ne parlions qu'à une.

Ceux qui étaient infectés des erreurs d'Arius, aiguisèrent leurs langues contre lui, et l'accusèrent faussement de tenir la doctrine de Sabellius, et s'étant rendus maîtres de l'esprit de ce Prince, qui était plus changeant que l'Europe, ils le firent reléguer au lieu de sa naissance, et mirent en sa place Euzoius, qui favorisait ouvertement l'Arianisme, et qui dès le commencement avait été déposé avec Arius, et privé des fonctions du Diaconat, par le célèbre Alexandre Évêque d'Alexandrie. Alors la plus saine partie du peuple se sépara de ceux qui étaient infectés d'erreur, et s'assembla dans l'Église des Apôtres, qui est dans l'ancienne ville. Ils avaient en quelque sorte toléré l'impiété des Ariens l'espace de trente ans, depuis le piège qui avait été dressé au grand Eustate, dans l'espérance que les affaires changeraient de face : mais quand ils virent que l'hérésie se fortifiait de jour en jour, que les défenseurs de la doctrine des Apôtres étaient attaqués tantôt à force ouverte, tantôt par des intrigues secrètes, que Mélèce avait été exilé, et Euzoïus protecteur de l'Arianisme mis en sa place, ils se souvinrent de la parole qui fut autrefois dite au bienheureux Lot, Sauvez votre âme, et de ce précepte de l'Evangile : Si votre œil droit est un sujet de scandale, et de chute, arrachez-le, et jetez-le loin de vous. Le Seigneur a étendu ce précepte au pied, et à la main, en disant : Il vaut mieux pour vous qu'une partie de votre corps périsse, que non pas que tout votre corps soit jeté dans l'enfer. Voilà de quelle manière l'Église d'Antioche fut divisée.

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