Contre Marcion

LIVRE I

Chapitre XII

Cependant, admettons pour un moment ce dieu chimérique : toujours faudra-t-il l’admettre sans cause. Sans cause, puisqu’il ne se manifestera par aucune œuvre, tout être produisant hors de lui-même des effets qui lui appartiennent. Or, comme il est impossible qu’un être existe sans être cause, parce qu’à cette condition, il est comme s’il n’était pas, n’ayant pas pour raison de lui-même des créatures qui relèvent de lui, il me paraît plus conséquent de nier l’existence de Dieu, que de lui refuser l’action. Encore une fois, il existe sans cause, celui qui n’ayant pas d’effets n’a pas davantage de cause. Mais Dieu ne doit pas exister de cette façon. Que je nie sa causalité, tout en souscrivant à son existence, j’établis par là même le néant de ce Dieu. S’il existait, serait-il demeuré inactif ? D’après ces principes, je dis que le dieu de Marcion vient sans cause surprendre la bonne foi de l’homme qui est habitué à croire Dieu d’après l’autorité de ses œuvres, parce qu’il ne connaît rien autre chose qui puisse lui révéler Dieu.

Mais la plupart des Marcionites croient à cette chimère.

Leur croyance insulte à la raison, puisqu’ils n’ont pas pour gages de la divinité des œuvres dignes d’elle. Cette divinité inerte, et qui n’a rien su produire, est coupable d’impudence et de malice. D’impudence : elle mendie une croyance illégitime qu’elle n’a pris la peine d’asseoir sur aucun fondement. De malice : elle a jeté les hommes dans l’incrédulité, en leur dérobant des motifs de foi.

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