Contre Marcion

LIVRE I

Chapitre XIV

Mais loi qui souris de pitié à l’aspect de ces insectes que le grand ouvrier a rendus si remarquables par l’adresse, l’habileté ou la force, afin de nous apprendre que la grandeur se manifeste dans la petitesse, aussi bien que la force dans l’infirmité, selon le langage de l’Apôtre, imite, si tu le peux, les constructions de l’abeille, les greniers de la fourmi, les filets de l’araignée, la trame du ver à soie. Reproduis à nos yeux ces humbles animaux qui se jouent dans tes vêtements, ou sur ta couche ; tâche d’égaler le venin de la cantharide, l’aiguillon de la mouche, la trompette et la lance du moucheron ! Que penseras-tu des animaux plus grands, lorsque de si petites créatures peuvent te servir ou le nuire, afin de t’apprendre à respecter le Créateur jusque dans ses moindres ouvrages ?

Mais sans sortir de loi – même, considère l’homme au dedans et au dehors de lui. Pardonneras-tu à cet ouvrage de notre Dieu, que ton maître, le Dieu le meilleur, a aimé d’un amour si tendre ; pour lequel il a daigné descendre de son troisième ciel dans notre chétive et indigente humanité ; pour lequel il n’a pas rougi de mourir sur une croix, captif dans l’étroite prison où l’enfermait le Créateur ? Moins dédaigneux, lui, il n’a répudié jusqu’à ce jour, ni l’eau du Créateur dont il lave ses disciples, ni l’huile dont il les consacre, ni le mélange du lait et du miel avec lequel il enfante les siens, ni le pain, représentation vivante de son corps. Jusque dans ses sacrements, il a besoin des aumônes du Créateur.

Mais toi, disciple supérieur au maître, serviteur au-dessus du seigneur, ta sagesse est mille fois plus sublime : tu détruis ce qu’il aime, tu anéantis ses ouvrages ; mais es-tu de bonne foi ? Voyons si ces biens que tu affectes de fouler aux pieds, tu ne les convoites pas. Antagoniste du ciel, tu aspires à la liberté dans les pavillons du ciel. Tu méprises la terre : la terre a été le berceau de ta chair réprouvée ; tu déchires les entrailles de la terre pour lui arracher tes aliments. Même dédain pour la mer ; mais f on dédain ne va point jusqu’à ses productions, que tu regardes comme une nourriture plus saine. Que je t’offre une rose, tu n’oseras plus calomnier le Créateur. Misérable hypocrite, quand même tu prouverais par ta mort, fruit d’une abstinence volontaire, que tu es Marcionite, c’est-à-dire que tu répudies le Créateur et ses œuvres, (car tel devrait être votre martyre à vous autres, puisque le monde vous fait horreur) tu t’agites vainement : sur quelque matière que tu te replies, tu feras toujours usage de la substance du Créateur. Déplorable aveuglement de l’orgueil ! tu méprises les êtres dont tu vis et tu meurs.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant