Contre Marcion

LIVRE III

Chapitre XVII

Confrontons le reste de sa vie avec les Ecritures qui l’annoncent. Si vile que te semble cette chair pleine d’infirmités, par cela même qu’il a habité ce domicile, et ; s’est manifesté sous ces misérables apparences, dès qu’il se montre sans gloire, sans honneur, c’est là mon Christ à moi. Tel est son extérieur : tel est l’aspect sous lequel la prophétie me le signale. Isaïe vient de nouveau à mon aide. « Notre bouche l’a annoncé, s’écrie-t-il. Il se lèvera en la présence de Dieu comme un arbrisseau, comme un rejeton qui sort d’une terre aride. Il n’a ni éclat, ni beauté. Nous l’avons vu, et il était méconnaissable. Son visage était obscurci, par les ignominies. Il était abaissé au-dessous de l’homme. » Plus haut, le Père s’adressait en ces termes à son Fils : « Ainsi que plusieurs sont restés muets à la vue de tes désolations, ô Jérusalem ! son visage sera sans éclat, et sa figure méprisée parmi les enfants des hommes. » Il est bien vrai que David lui donne une beauté qui surpasse toute beauté, beauté allégorique et de l’ordre spirituel, toutefois. Le serviteur entrevoyait son maître ceignant le glaive de la parole divine, sa gloire véritable, sa splendeur, sa majesté. Mais le même prophète le contemple-t-il dans sa chair dégradée et méconnaissable, écoutons-le. « Pour moi, je suis un ver de terre et non pas un homme ; je suis l’opprobre des mortels et le rebut de la populace. »

S’agit-il d’exprimer sa divinité cachée sous ses voiles, quelle différence de langage ! « Un rejeton naîtra de la tige de Jessé ; une fleur s’élèvera de ses racines. » La fleur de cette tige, c’est mon Christ, dans lequel s’est reposé, selon le langage d’Isaïe, « l’esprit du Seigneur, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété, esprit de la crainte du Seigneur, » A Jésus-Christ seul convenait la diversité de ces dons spirituels. Mais pourquoi le comparer à une fleur ? à cause de la grâce de l’esprit. Que fait ici la tige de Jessé ? il en sortait par Marie sa mère, Décide donc et prononce. Si ton christ de concert avec le nôtre possède l’humilité, ta patience, la douceur, le voilà devenu le Christ d’Isaïe, « homme de douleurs, familiarisé avec la misère, conduit à la mort comme un agneau, muet comme la brebis devant celui qui la tond. Il ne crie point, il ne fait acception de personne ; sa voix n’éclate point au dehors ; il ne foule pas aux pieds le roseau brisé, » c’est-à-dire la foi chancelante des Juifs ; « et n’éteint pas le lin qui fume encore, » c’est-à-dire les lueurs passagères des nations ; loin de là, il les ravive aux rayons de son avènement. Il ne peut différer du Christ des prophéties. Chacun de ses actes se reconnaîtra invinciblement aux Ecritures qui le signalent, appuyé sur une double autorité, la prédiction et le miracle. Ils seront l’un et l’autre l’objet d’une discussion. Mais comme il sera utile de réfuter l’évangile de Marcion, nous renvoyons à ce moment plus favorable l’examen des doctrines et des prodiges. Ici, terminons la série de nos raisonnements en prouvant sans plus de détails, avec Isaïe, que le Christ était annoncé comme le prédicateur et le médecin des âmes. « Qui d’entre vous craint le Seigneur, et entend la voix de son Fils ? Il a vraiment porté en personne le fardeau de nos iniquités ; il s’est chargé de nos douleurs. »

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