Contre Marcion

LIVRE III

Chapitre XX

Il nous suffit d’avoir parcouru jusqu’ici l’ordre des prophéties touchant le Christ, pour montrer que, prouvé tel qu’il était annoncé, il ne pouvait pas y en avoir un autre que celui qui était annoncé, afin que d’après la concordance des faits de sa vie avec les Ecritures du Créateur, leur autorité soit établie par une présomption favorable de la plus grande partie, qui se trouve maintenant ou révoquée en doute, ou niée dans les divers sens qu’on leur donne. D’après les Ecritures du même Créateur, nous allons établir les mêmes rapports entre les prophéties et les faits qui ont suivi la mort du Christ. En effet, le plan du Créateur ne se serait pas réalisé s’il n’était pas venu celui après lequel tout devait arriver. Vois toutes les nations sortant de l’abîme de l’erreur pour reconnaître la vérité d’un Dieu créateur et d’un Jésus-Christ Dieu ! puis, nie, si tu l’oses, qu’un si merveilleux événement ait été prédit. Je t’arrête aussitôt par ces paroles du Psalmiste : « Tu es mon Fils ; je t’ai engendré aujourd’hui. Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage, et la terre pour empire. » Tu ne seras pas mieux fondé à l’appeler fils de David que Christ, ni à prétendre que l’empire de la terre a été promis à David qui ne régna que sur la nation juive, plutôt qu’à Jésus-Christ qui règne sur tout l’univers par la foi à son Evangile. Ecoute encore Isaïe : « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé dans les secrets de ma justice ; tu ouvriras les yeux des aveugles, » des infortunés plongés dans l’erreur ; « tu briseras les fers des captifs, » des captifs du péché, « tu arracheras à la prison » à la prison de la mort, « tous ceux qui étaient assis dans les ombres » de l’ignorance. Si toutes ces merveilles arrivent par Jésus-Christ, les prédictions n’en ont été faites que pour Jésus-Christ par qui elles arrivent. « Je l’ai donné pour témoin aux peuples, pour guide et pour maître aux nations, » dit ailleurs le même prophète. « Les nations qui t’ignorent, t’invoqueront, et les peuples se réfugieront à tes pieds. » Cet oracle concernera-t-il David, parce qu’il avait été dit au verset précédent : « J’établirai avec vous l’éternelle alliance de fidélité et de religion, promise à mon serviteur David ? » Loin de là ! Il ne désigne que mieux le Christ, destiné à naître dans sa naissance charnelle du sang de David par Marie sa mère. Le Seigneur a dans un Psaume fait cette promesse à David : « Je placerai sur ton trône un fils qui naîtra de ton sein ? » Le sein de qui ? de David ? Non sans doute. David ne pouvait enfanter un Fils. De son épouse ? pas davantage. Car le Seigneur au lieu de dire : « Qui naîtra de ton sein, » n’eût pas manqué de dire : « Du sein de ton épouse. » Il ne faut chercher à ce sein d’autre sens que celui-ci : Un descendant de David donnera naissance à cette chair divine qui a germé au sein de Marie. Aussi a-t-il dit seulement le fruit du sein, du sein proprement dit, du sein seul et non de l’homme ; et ce sein lui-même, il l’a rapporté à David, chef de la race, au père de la famille ; et comme il était, impossible que ce sein, virginal s’entendît d’un homme, il l’a appliqué au père. Ainsi le testament nouveau qui s’accomplit aujourd’hui dans le Christ sera le testament que promettait alors le Créateur, lorsqu’il appelait « alliance de religion et de fidélité » ce qui concernait le Christ, parce que le Christ descendait de David ; ou plutôt « cette alliance éternelle de fidélité et de religion, » jurée à David, c’est sa chair sainte par la religion, et montrée fidèle par sa résurrection. Nathan, au second livre des Rois, l’ait cette déclaration à David : « Je susciterai une race qui sortira de ton sein. » Appliquer simplement cette prophétie à Salomon, c’est te couvrir de ridicule. Car voilà David enfantant Salomon. Et n’aperçois-tu pas que cette semence de David n’est autre chose que le Christ, qui devait sortir de David, c’est-à-dire de Marie ? Secondement, à ce temple de Dieu, que le Christ devait édifier, c’est-à-dire à l’homme saint par excellence, sanctuaire auguste dans lequel devait habiter l’esprit du Créateur, il est plus facile de reconnaître le fils de Dieu, que Salomon fils de David. Enfin, « ce trône éternel convient bien plus au Christ qu’à Salomon qui n’a régné qu’un moment. » De plus, la grâce et la miséricorde ne se sont jamais retirées de Jésus-Christ. Salomon, au contraire, provoqua la colère du Seigneur par ses désordres et son idolâtrie. Le démon arma contre lui un ennemi de l’Idumée.

Aucun de ces textes ne pouvant s’appliquer à Salomon, tandis qu’ils conviennent tous à Jésus-Christ, nos explications, justifiées par des événements qui ont été prédits pour le Christ, demeurent inébranlables. « Cette alliance éternelle jurée à David, » c’est le Christ. C’est le Christ que Dieu a donné pour témoin aux nations, et non pas David ; le Christ pour chef et dominateur des peuples, et non pas David, qui n’a régné que sur Israël. Enfin, c’est le Christ qu’invoquent aujourd’hui les nations qui ne le connaissaient pas ; c’est aux pieds de ce Christ ignoré tout à l’heure, que les peuples se réfugient aujourd’hui. On ne peut pas appeler avenir ce qui s’accomplit sous nos yeux.

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