Contre Marcion

LIVRE III

Chapitre XXII

L’apostolat des ouvriers évangéliques est également prédit. « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds de ceux qui annoncent la paix et le bonheur ! » La paix, et non là guerre et ses calamités. Le psalmiste répond de son côté : « Leur prédication s’est répandue dans tout l’univers ; leur voix a retenti jusqu’aux extrémités de la ferre. » La voix de qui ? « De ceux qui portaient au loin la loi partie de Sion, la parole qui avait retenti sur Jérusalem, » afin d’accomplir ce qui est écrit : « Tous ceux qui étaient loin de ma justice se sont approchés de la justice et de la vérité. » Près de mettre la main à cette œuvre, les apôtres rompirent avec les magistrats, les anciens et les pontifes des Juifs.

— N’est-ce pas l’irrécusable preuve qu’ils prêchaient un autre Dieu ? – Illusion grossière ! Ils prêchaient le Dieu dont ils accomplissaient en ce moment les oracles. « Relirez-vous, retirez-vous, s’écrie Isaïe ! Ne touchez à rien d’impur, » c’est-à-dire aux blasphémateurs du Christ ! « Sortez du milieu de mon peuple ; » conséquemment de la synagogue ! « Séparez-vous, vous qui portez les vases du Seigneur. » Déjà, en effet, comme on l’a vu plus haut, Dieu avait révélé son Christ à la face des nations (par la force de son bras), afin « que toutes les nations, jusqu’aux extrémités de la terre, contemplassent le salut qui venait de Dieu. » Ainsi, en renonçant au judaïsme, et en substituant aux fardeaux et à la gêne de la loi, la sainte liberté de l’Evangile, ils accomplissaient les paroles du Psalmiste : « . Brisons leurs liens ! Rejetons leur joug loin de nous ! » Depuis assurément « que les nations ont frémi et que les peuples ont médité de vains complots, les rois de la terre se sont levés ; les princes se sont ligués contre le Seigneur et son Christ. » Et les apôtres, à quels outrages n’ont-ils pas été exposés ?

— Sans doute, répliques-tu, aux persécutions les plus violentes. Mais « qui les torturait ? Les hommes du Créateur, parce que le Créateur était l’ennemi du Dieu qu’ils prêchaient. »

— Mais pourquoi le Créateur, s’il était l’antagoniste du Christ, à la prédiction de ces outrages, joint-il des reproches pour les persécuteurs ? Eût-il annoncé la mission d’un Dieu qu’il ignorait, dans votre système ? Eût-il incriminé des tortures auxquelles il eût applaudi ? « Regardez ! le juste périt, et nul n’y pense dans son cœur. Le Seigneur rappelle à lui l’homme de sa miséricorde, et pas un homme qui le regrette. Le juste sera enlevé de la présence des méchants. » Quel est-il, sinon le Christ ? « Accourez, est-il dit encore : débarrassons-nous du juste, parce qu’il nous est inutile, et qu’il contrarie nos œuvres. » Dans ses déclarations préliminaires et dans ses avertissements postérieurs que les justes souffriront comme le Christ a souffert, il a gravé au iront de ses apôtres et de tous les fidèles à venir, cette lettre mystérieuse dont parle Ezéchiel : « Le Seigneur m’a dit : Passe à travers la ville, au milieu de Jérusalem, et marque d’un Tau le front des hommes. » Ce caractère est le Tau des Grecs, le T des Romains, espèce de croix, qu’il nous montrait d’avance sur nos fronts, dans la véritable et universelle Jérusalem, où le Psaume vingt-unième chante dans la personne du Christ, qui s’entretient avec son Père, les frères de Jésus-Christ lui-même, c’est-à-dire les enfants de Dieu rendant hommage à Dieu le Père. « Je raconterai votre nom à mes frères : je publierai vos louanges au milieu de l’assemblée. » En effet, la merveille qui devait s’accomplir de nos jours en son nom et par son esprit, il avait droit de l’annoncer d’avance comme son œuvre.

Et un peu plus bas : « O Dieu ! vous êtes ma louange au milieu de votre vaste Église. » Et dans le Psaume 67 : « Bénissez le Seigneur dans vos assemblées, » afin que la prédiction de Malachie eût aussi sa vérité : « Mon amour n’est point en vous, dit le Seigneur des armées, et je ne recevrai point de présent de votre main. Car depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, mon nom est grand parmi les nations, l’on me sacrifie en tout lieu, et une oblation pure est offerte à mon nom, » c’est-à-dire hommage, gloire, bénédiction, hymnes de toute espèce. Tout cela se trouvant aussi chez toi, Marcion, et le signe de croix imprimé sur les fronts, et les sacrements des églises catholiques, et les sacrifices sans tache, réveille-toi de ta stupeur, pour confesser que le temps du Créateur est une longue prophétie de ton Christ.

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