Dieu et mes sous

LE PIRE DES GASPILLAGES

Un homme riche avait un économe qui lui fut dénoncé comme dissipant ses biens…

Luc 16.1

Dans les années soixante je reçus les confidences d’un homme d’une trentaine d’années :

– Lorsque j’étais enfant, me dit-il, mon père ouvrit en mon nom un compte à la Caisse d’Epargne sur lequel il déposa régulièrement des sommes relativement importantes. Il pensait à mon avenir et désirait que je sois en possession d’un certain pécule lorsque j’entrerais dans la vie active. Ainsi juste avant la déclaration de guerre, je possédai environ 8000 francs. De quoi m’acheter une voiture.

– Et alors ?

– Eh bien, cette somme n’a jamais été retirée ; elle est encore inscrite sur mon livret, grossie des maigres intérêts. Les 8000 francs sont devenus 16500 francs (165 francs nouveaux). Juste de quoi me payer un plein d’essence ou une vidange. Pas plus.

Quelle déplorable gestion ! Est-ce donc ainsi que l’on économise ? Dans le langage courant, ce mot signifie : Contrôler ses dépenses, amasser sou par sou, se priver parfois pour mettre de l’argent de côté. Or, littéralement économiser à un sens tout autre (du grec oikos = maison et nemein = administrer). A l’origine, il signifiait plutôt : Bien gérer son avoir, faire fructifier son argent en lui faisant produire le maximum, en évitant surtout pertes et gaspillages.

Il existe deux façons de vilipender ses richesses, donc d’être un piètre économe. La première, trop connue pour qu’on s’y attarde, est souvent le travers d’une jeunesse insouciante et comblée. Les aînés la condamnent en chapitrant leur progéniture. Elle consiste à jeter son argent par la fenêtre, à le dépenser en futilités, inconsidérément, sans mesure (1). Fréquenter les hôtels les plus luxueux, changer ses meubles inutilement, se mettre au volant des voitures les plus chères… est certainement répréhensible. Derrière ces folles dépenses se cache le désir de paraître, la convoitise ou l’ambition. C’est pourquoi il importe que Dieu, le propriétaire de tous nos biens, contrôle nos achats. Sans doute le crible divin – si nous y consentons – arrêtera-t-il bon nombre de frais et nous serons en définitive les premiers gagnants.

(1) N’appelons pas gaspillage, par exemple, le fait de « mettre le prix » à un costume par souci de qualité (le bon marché n’est pas toujours une bonne affaire) : ou de payer trop cher, par ignorance, un produit qu’on aurait pu obtenir à meilleur compte ; ou de s’offrir une fois dans la vie un voyage en terre lointaine ; ou encore de viser à un certain confort qui rend la tâche plus agréable et plus facile. Dieu ne nous impose pas une existence d’ascète. On peut si aisément se complaire dans ses austérités ! Le Seigneur n’a-t-il pas fait les bonnes choses pour que nous en usions… modérément sans doute et avec bonne conscience.

En réalité, les vrais gaspilleurs, de loin les plus nombreux parmi les adultes, sont rarement reconnus et dénoncés comme tels : Ce sont justement les personnes réputées « économes ». Paradoxalement, le pire des gaspillages est de thésauriser sans but précis les biens reçus de Dieu. Laisser croupir son argent dans quelque bas de laine, l’amasser seulement pour de problématiques lendemains… c’est perdre à tous les coups. Sans revenir sur le récit qui ouvre ce chapitre, songez à la récolte perdue lorsque le blé reste dans les sacs au lieu d’être jeté en terre ; pensez à ces femmes d’autrefois dites « économes » qui rangeaient amoureusement la robe neuve saupoudrée de naphtaline, conservée pour de très rares occasions. On la sortait jaunie, défraîchie, sûrement démodée et parfois immettable. Que d’héritiers, en vidant les armoires d’une parente défunte, on dû jeter des draps jamais utilisés, parce qu’ils se déchiraient à l’endroit des plis. Les exemples ne manquent pas.

Il vaut la peine de se persuader qu’amasser des trésors sur la terre est pire que de dépenser inconsidérément son argent. Dans une certaine mesure, le prodigue est plus sage que le cupide. Au moins, il jouit des biens qu’il vilipende et, à l’occasion, d’autres peuvent en recevoir quelques miettes. Mais l’homme qui thésaurise ne profite de rien. C’est un égoïste, un sot dont le seul plaisir est de caresser son or ou de compter ses sous. Maigre satisfaction. En tout cas, il doit s’attendre à encourir la colère du Maître. Savez-vous que les reproches les plus cinglants formulés par Jésus sont adressés au serviteur de la parabole qui avait enterré son talent (Matthieu 25.26) ?

Il est bon d’évoquer ici une scène de la vie d’Israël au désert. Tenaillé par la faim, le peuple murmure et Dieu lui accorde la manne, une nourriture excellente que chaque Israélite peut ramasser autour du camp en quantité suffisante pour sa famille. Toutefois, ordre est donné par Moïse de n’en rien laisser jusqu’au matin (Exode 16.19). Interdiction formelle d’entasser de la manne et de la garder pour le lendemain, excepté le vendredi ! A chaque jour son pain, sa nourriture. Pas plus ! Demain aura soin de lui-même. Incrédule et rebelle, le peuple désobéit et conserve de la manne. Gaspillage ! Cette précieuse nourriture devient infecte et se remplit de vers. Alors éclate la colère de Moïse et de l’Eternel !

Le Fils de Dieu est on ne peut plus clair lorsqu’il déclare devant la foule : Ne vous amassez pas de trésors sur la terre, où les vers et la rouille détruisent et où les voleurs percent et dérobent, mais amassez des trésors dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne détruisent, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur (Matthieu 6.19-21).

QUESTIONS

  1. Avez-vous le sentiment d’être de bons économes des biens que Dieu vous a confiés ?
  2. Ne pourriez-vous pas renoncer à telle dépense afin de donner davantage à l’œuvre de Dieu ?
  3. Possédez-vous un compte en banque bien garni qui « dort » sans destination précise ? Ne craignez-vous pas de le gaspiller en le laissant plus longtemps inemployé ? N’y aurait-il pas autour de vous ou dans l’église, de grands besoins à satisfaire urgemment ?

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