Dieu et mes sous

AVARE SANS LE SAVOIR

Les pharisiens qui aimaient l’argent écoutaient et se moquaient de Jésus.

Luc 16.14

Il est une catégorie de gens qui force l’admiration des chrétiens. Je veux parler de cette espèce rare déposant fidèlement la dîme dans le tronc de l’église (1), point culminant de la générosité aux yeux de beaucoup.

(1) Par commodité, nous mentionnerons de préférence le « tronc » lorsqu’il s’agira de l’offrande apportée à l’église. Suivant le lieu et les circonstances on pourrait également parler de collecte, de cotisation, de souscription, de vente, d’impôt religieux, d’offrandes spéciales, de dons… Les chapitres 8 et 9 de 2 Corinthiens traitent en détail du problème de la libéralité. Nous vous conseillons de les lire attentivement. Dans les diverses communautés on a recourt, pour récolter les dons, à des troncs, sacs, bourses ou plateaux que l’on fait circuler dans les rangs. Parfois les fidèles sont invités à glisser leur offrande dans une enveloppe à remettre au moment de la collecte.

Peut-être avez-vous entendu des réflexions de ce genre à moins que vous ne les ayez exprimées vous-même :

– Savez-vous que M. Durand donne la dîme (Un geste que l’on devrait ignorer, après tout) ? D’ailleurs, cela se ressent dans la collecte lorsqu’il est présent au culte le dimanche matin.

– Il est vrai que ce bon chrétien dispose de moyens qui lui permettent de sortir de gros billets. Naturellement, il faut recevoir un bon salaire pour verser le dix pour cent…

– Ah ! Si tous les chrétiens en faisaient autant, les caisses de l’église seraient toujours pleines et l’on pourrait se montrer plus généreux à l’égard de notre pasteur.

– La dîme ! Mais c’est l’Ancien Testament. Nous ne sommes plus, Dieu merci, sous la loi et de ce fait, nullement tenus de verser le dixième de nos revenus.

C’est vrai ! Ils sont rares les croyants qui ont pris la bonne habitude de mettre soigneusement de côté et régulièrement la part du Seigneur !


♦   ♦

Avez-vous noté la remarque de l’évangéliste lorsque Jésus eut achevé de raconter la parabole de l’économe infidèle ? Segond traduit ainsi Luc 16.14 : Les pharisiens qui étaient avares se moquaient de lui. Quant à A. Kuen, dans Parole Vivante, il utilise l’expression « très attachés à l’argent ».

Avares les pharisiens ? Est-ce possible ? Ces gens pieux n’apportaient-ils pas fidèlement au Temple une dîme scrupuleusement calculée ? D’ailleurs Jésus le reconnaît, qui les apostrophe ainsi : Malheur à vous pharisiens, parce que vous payez la dîme de la menthe, de la rue et de toutes les plantes potagères, et que vous négligez la justice et l’amour de Dieu. (Luc 11.42 ; voyez également Matthieu 23.23).

Avares les pharisiens ? Allons donc ! Sans nul doute, les juifs de jadis en remontreraient aux chrétiens sur le chapitre de la générosité. Ne les jugeons pas mais supputons plutôt ce qu’ils pouvaient offrir durant l’année. Soumis aux lourds impôts exigés par les rois et plus tard par les Romains, l’observateur scrupuleux de la Loi s’efforçait :

  1. De donner la dîme – ou les dîmes (2) – de ses produits (Deutéronome 14.22, 23).
  2. De consacrer à l’Eternel les premiers-nés de son bétail (Lévitique 27.26) ; ce n’était pas rien lorsqu’il s’agissait de donner un bœuf ou un mouton.
  3. De sacrifier du bétail lors de fêtes célébrées à Jérusalem (Lévitique 23.8, 18, 19, 25…).
  4. D’offrir un agneau (pigeon ou tourterelle) après chaque naissance (Lévitique 12.6, 8).
  5. D’offrir obligatoirement un sacrifice quand on avait eu contact avec un cadavre, lorsqu’un homme avait une pollution nocturne, ou une femme ses règles ou une perte de sang (Lévitique 15.14,29).
  6. De réserver un coin de champ non moissonné à l’étranger et au pauvre (Lévitique 23.22 ; 19.9).
  7. D’attendre cinq années avant de s’approprier les fruits des arbres nouvellement plantés (Lévitique 19.24).
  8. D’ajouter aux offrandes déjà signalées divers dons ou secours volontaires pour l’accomplissement d’un vœu, afin de venir en aide à l’orphelin, à la veuve, au lépreux ou à l’étranger dans la peine.

(2) Au sujet de la dîme, notons :
a) Que personne n’en était dispensé. Elle était imposée aux plus pauvres ainsi qu’aux lévites (Nombres 18.26-29). Ordonnée par la Loi (Lévitique 27.30-32), elle était déjà pratiquée avant sa promulgation (Genèse 14.20 ; 28.22).
b) Si la dîme est approuvée par Jésus (Matthieu 23.23) elle n’est cependant jamais exigée dans les Actes ou les Epîtres.
c) Certains pensent, avec l’historien Josèphe, que l’Israélite pouvait apporter jusqu’à trois fois la dîme. La première était dédiée au Seigneur et pourvoyait aux besoins des sacrificateurs ainsi qu’au service du Temple (Lévitique 27.30-33 et Nombres 18.20, 21). – Une deuxième dîme était mise à part pour un repas sacré à Jérusalem, lors des fêtes, et pris avec les lévites et les serviteurs de la famille (Deutéronome 12.17, 18). – Une troisième dîme était prélevée tous les trois ans et consommée avec le lévite et les pauvres dans sa propre cité (Deutéronome 14.28).

Tout cela coûtait fort cher et pouvait représenter en réalité deux à trois fois la dîme. Et davantage encore si l’Israélite se montrait zélé pour Dieu. Pensez à Anne qui, se rendant à Silo pour y « laisser son enfant devant L’Eternel », offrit « trois taureaux, un épha de farine et une outre de vin » (1 Samuel 1.24). Touchante générosité qui devrait nous faire réfléchir, nous qui prétendons avoir plus de lumières que les croyants de l’Ancienne Alliance.

Si les pharisiens ont été taxés d’avarice, que dire alors des chrétiens – de MOI peut-être – qui versent parcimonieusement dans le tronc une obole ridicule qu’on n’oserait remettre à son facteur ? Il y a là un sérieux motif de rentrer en moi-même et de m’interroger pour savoir si je sers Dieu ou Mamon. Que représentent au juste les sommes que je dépose dans le tronc, compte tenu de mes revenus ? Sont-elles dignes du Seigneur qui s’est fait pauvre de riche qu’il était, afin que je sois enrichi (2 Corinthiens 8.9) ? Suis-je résolu à mettre à part une offrande qui réjouisse le cœur de Dieu ?


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Quel chrétien ne serait au comble de la confusion si, injustement accusé de vol, il devait comparaître devant un tribunal ? Même de simples soupçons lui seraient intolérables. Et pourtant, le plus scrupuleux des croyants peut être voleur sans le savoir. L’Eternel ne disait-il pas, longtemps après le retour de l’exil et par la voix du dernier prophète : « Vous me frustrez… sur la dîme… » (Malachie 3.8) ? Quoique la dîme ne soit plus exigée dans la Nouvelle Alliance (3), le Seigneur pourrait de nos jours tenir un langage analogue : « En apportant si chichement votre obole, vous me méprisez… » car nombre de « bons » chrétiens se contentent de lui faire l’aumône comme on secourrait un indigent ou remettrait un pourboire à sa concierge. En réalité, une libéralité « rétrécie » n’est, d’après l’apôtre Paul, qu’un acte d’avarice (2 Corinthiens 9.5) car elle n’exprime pas le don de soi. On verse une modique somme pour apaiser sa conscience ou s’attirer, à bon marché, les faveurs du ciel. Pas de cela ! Après tout, le Dieu infiniment riche n’a besoin de rien ; il n’a que faire de nos offrandes mesquines. Avec le Seigneur des seigneurs, il ne sera jamais question de générosité – on ne fait pas la charité à Dieu – mais de la plus élémentaire et honnête reconnaissance à son endroit.

(3) Cette question sera traitée plus loin.

Du temps de Malachie, l’Eternel s’est montré irrité en jugeant son peuple infidèle dans les dîmes et les offrandes : Vous êtes frappés par la malédiction, et vous me trompez (3.9). Se révèlera-t-il plus indulgent ou indifférent face à l’égoïsme et à l’avarice des chrétiens ? Sûrement pas. N’exige-t-il pas que les cupides et tous les idolâtres de Mamon soient écartés de l’Eglise (1 Corinthiens 5.11) ? N’affirme-t-il pas avec force et à plusieurs reprises que les cupides n’hériteront pas le Royaume de Dieu (1 Corinthiens 6.10) ? C’est donc sérieux ! Il suffit d’évoquer la brutalité du châtiment infligé à Ananias et Saphira (Actes 5) pour mesurer combien grand est le courroux de Dieu lorsqu’on le trompe dans ce domaine !

Peut-être constatez-vous que votre église est bien vacillante, peu conquérante ou dynamique ? Ne serait-ce pas, pour une bonne part, à cause de l’infidélité de certains de ses membres relativement aux offrandes ? Apportez à la maison du trésor toutes les dîmes… Mettez-moi de la sorte à l’épreuve… et vous verrez si je n’ouvre pas pour vous les écluses du ciel, si je ne déverse pas pour vous la bénédiction au-delà de toute mesure (Malachie 3.10). L’avarice ou l’indifférence des chrétiens ne ferait-elle pas obstacle à l’action du Saint-Esprit dans l’assemblée ?

Après avoir vaincu les quatre rois de Mésopotamie, libéré Lot et restitué au roi de Sodome la totalité de ses richesses, Abram versa la « dîme de tout » à Melchisédeck alors qu’aucune loi ne l’y obligeait. Plus encore, il refusa catégoriquement l’or du roi de la plaine en déclarant fermement : Je ne prendrai rien de tout ce qui est à toi, pas même un fil ou une bride de sandale, pour que tu ne puisses pas dire : J’ai enrichi Abram (Genèse 14.23). Ainsi, le patriarche prouvait-il hautement son détachement des biens temporels ainsi que son désir d’honorer l’Eternel par son offrande. Il savait que de Dieu seul venait la « bénédiction qui enrichit » et il en eut la confirmation sitôt après cet événement lorsque l’Eternel lui apparut disant : Je suis moi-même ton bouclier et ta récompense sera très grande (Genèse 15.1).

Celui qui sème en abondance moissonnera avec abondance, disent les Ecritures (2 Corinthiens 9.6).

QUESTIONS

  1. Qu’en est-il de mes offrandes ? Combien ai-je versé ce mois-ci ? Quelle partie de mon salaire cela représente-t-il ?
  2. Ce calcul étant fait, puis-je affirmer que j’aime mon Seigneur et suis préoccupé de son règne ? Ne devrais-je pas m’humilier en constatant le contraire ?
  3. Suis-je vraiment décidé à honorer de mes biens le Seigneur ?

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