Dieu et mes sous

LE SUPERFLU ET LE NÉCESSAIRE

Votre abondance pourvoira à leur indigence.

2 Corinthiens 8.13

En évoquant mon enfance, je revois un vieux serviteur de Dieu, homme généreux mais certainement peu réaliste. Dans ses périodes de ferveur, il se persuadait qu’il devait tout donner et s’attendre à Dieu seul. Alors, il s’empressait d’aller verser dans le tronc la totalité de son salaire reçu quelques jours auparavant. Averti de cet excès, le trésorier (1) se hâtait de rapporter à l’épouse démunie la liasse de billets trouvée au fond de la boîte et dont la provenance ne faisait aucun doute. Ainsi ce brave homme vivait-il dans l’illusion qu’en donnant tout au Seigneur, sa famille cependant ne manquait jamais du nécessaire !

(1) C’est lui qui m’a rapporté le fait.


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Une question se pose à l’esprit de beaucoup : le croyant doit-il tout donner ? Dieu exigerait-il de ses enfants ce qu’il a ordonné au jeune homme riche : Vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, et suis-moi (Marc 10.21).

Devons-nous imiter à la lettre les premiers chrétiens qui vendaient leurs biens et leurs possessions et ils en partageaient le produit entre tous (Actes 2.45) chacun allant jusqu’à déclarer que ses biens ne lui appartenaient pas en propre, mais tout était en commun entre eux. (Actes 4.32).

Faut-il, comme la veuve citée en exemple par le Christ, verser dans le tronc jusqu’à la dernière pite de son nécessaire (Marc 12.41) ?

Est-il contraire à l’Ecriture de déposer des sommes à la banque ou à la Caisse d’épargne sachant que Jésus a recommandé : Ne vous amassez pas de trésors sur la terre (Matthieu 6.19) ?

En un mot, le croyant est-il tenu de conserver sa caisse vide pour réaliser point par point ce qui précède ? Ne devrait-il pas et avec bonne conscience, garder au moins « une poire pour la soif », c’est-à-dire amasser un certain pécule pour assurer sa vieillesse ou prévenir d’éventuels coups durs ? Bref n’y aurait-il pas une limite à la générosité ?

Sans doute !

Justement à ce sujet, l’apôtre écrivait à ses lecteurs de Corinthe : « Il s’agit, non de vous exposer à la détresse pour le soulagement des autres, mais de suivre une règle d’égalité. En ce moment vous êtes dans l’abondance et vous pouvez par conséquent utiliser votre superflu pour venir en aide à ceux qui sont présentement dans le besoin. Et puis, si vous êtes un jour démunis et eux dans l’abondance, ils pourront à leur tour vous secourir. C’est ainsi qu’il y aura égalité conformément à ce que déclare l’Ecriture : Celui qui avait beaucoup n’avait rien de trop et celui qui avait peu ne manquait de rien » (voyez 2 Corinthiens 8.13-15).

Le SUPERFLU ! Voilà ce qui doit être déposé à « la banque du ciel » ou si vous préférez, ce dont il faut se dessaisir et qu’il convient de donner pour alimenter l’œuvre de Dieu ou venir en aide aux gens dans la peine (en priorité dans la famille ou dans l’église). L’économe de la parabole souvent citée (Luc 16), coupable d’avoir vilipendé le bien de son maître, recevait un salaire qu’il pouvait librement et légitimement employer pour ses besoins personnels et ceux des siens. C’est le NÉCESSAIRE dont chacun disposera avec bonne conscience. Se mettre sur la paille, comme nous l’avons dit, pour obliger les autres à nous sortir d’affaire serait déraisonnable et le diable ne manquerait pas d’en faire des gorges chaudes.

Mais alors, qu’est-ce que le nécessaire ? Paul le définit comme étant ce qui nous habille et nous rassasie dans le temps présent : Si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira (1 Timothée 6.8). Quant au superflu c’est, selon l’apôtre, tout ce qui reste, ce qui est en plus du nécessaire et qu’il faut se garder de thésauriser.

Cette définition peut paraître excessive à l’homme d’aujourd’hui dont les besoins sont multiples. La vie moderne – à moins qu’on ne vive tel un ermite au fond d’une caverne – a d’autres exigences auxquelles on ne peut guère se dérober. En effet, il incombe à chacun d’assurer la bonne marche de son entreprise ou de son exploitation agricole, de régler sans défaillance le loyer mensuel ou les impôts en fin d’année, de faire face à d’inévitables échéances ou frais (la pension des enfants aux études, les secours versés à des parents âgés, l’appartement à rénover, le fuel à stocker avant l’hiver, des vacances coûteuses…). Que de dépenses en perspective ! Et pourtant, toutes ces ponctions ne devraient pas empêcher le chef de famille de discerner le superflu qu’il fera servir à l’avancement du règne de Dieu.

Isabelle Rivière, la sœur d’Alain Fournier, a écrit un livre excellent malheureusement épuisé. Son titre, Sur le devoir d’imprévoyance est suggestif. L’auteur recommande de ne pas amasser les richesses qui passent, et surtout de ne pas s’inquiéter du lendemain. « Le boulanger ne fait pas des fournées d’un mois ni d’une année ; il sait qu’il cuira de nouveau, tranquillement demain matin… ». N’est-ce pas l’un des thèmes du Sermon sur la montagne ? Parlant justement du pain, cet aliment de première nécessité, le Christ conseille à ses auditeurs de prier ainsi le Père : Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien (Matthieu 6.11). Autrement dit, c’est le pain d’aujourd’hui que nous réclamons sans ajouter cependant : « Garantis-nous ce pain jusqu’à la fin de nos jours ». Demain aura soin de lui-même. Telle est l’affirmation du Maître.

Il est vrai que Jésus a également conseillé de « s’asseoir pour calculer la dépense » avant d’agir (Luc 14.28). Il y a, répétons-le, d’inévitables échéances qu’il faut honorer. Jadis, recommandation était faite à l’Israélite au désert de ne pas ramasser de manne un jour pour l’autre. Conservée jusqu’au lendemain, elle devenait immangeable (Exode 16.20). Toutefois, le vendredi, ordre était donné d’en amasser une double portion, donc de prévoir de la nourriture pour le lendemain, jour du repos. Tout enfant de Dieu ne devrait-il pas être, à l’instar du Juif au désert, un imprévoyant… qui prévoit les justes dépenses auxquelles il ne peut échapper.

Compte tenu de ces remarques, nous pourrions vous suggérer (mais ce n’est pas une règle) de faire, après réflexion et prière, quatre parts de votre revenu, inégales, et compte tenu de la situation actuelle :

Première part : Celle du Seigneur, prélevée à l’avance.

Deuxième part : La vôtre, destinée aux besoins légitimes de toute la famille. Nourrir, loger, vêtir décemment, éduquer les siens, etc., est selon la pensée du Seigneur.

Troisième part : Elle sera consacrée à la bonne marche de votre entreprise et couvrira vos frais d’ordre professionnel. Cet argent sera également destiné à régler des dépenses à venir : le renouvellement d’un véhicule, la rénovation d’un appartement, le ravalement d’une façade, l’amélioration du cadre de vie, etc. Toutes ces dépenses seront envisagées sans démesure, et inspirées par des goûts modestes.

Quatrième part : La dernière est celle qui n’a pas de destination précise, même à long terme, et qu’on risque de gaspiller en futilités ou de thésauriser sans but défini, pour de problématiques lendemains.

Ces sommes iront dormir leur dernier sommeil, au fond d’une cagnotte ou à la Caisse d’épargne. C’est de l’argent perdu, « enfoui dans la terre » (Matthieu 25.25), que la rouille et les vers ne manqueront pas de ronger. Non ! Il faut utiliser ces richesses soit pour venir en aide aux déshérités de la vie, soit pour développer l’œuvre du Seigneur.

Le chrétien est un voyageur sur la terre. Sa patrie est dans le ciel. Or, un voyageur avisé ne prend dans sa valise que le strict nécessaire, et il est reconnu que l’homme en perpétuel déplacement achète des valises de plus en plus petites. Il élimine tout ce qui alourdit inutilement ses bagages, s’employant à ne garder que l’indispensable. Il faut croire que les chrétiens ne sont pas tous des pèlerins, étrangers sur la terre, car la plupart traînent des « colis » de taille, gorgés d’argent.

De l’argent ! Il n’en manque pas chez la plupart des croyants. Un frère au gros bon sens me déclara crûment dans son patois :

– Les chrétiens ne sont pas tous démunis. De l’argent, ils en possèdent en abondance, plus qu’ils n’en veulent laisser paraître. Certains sont même très riches.

– Vous m’étonnez. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer cela ?

– Mais oui ! Ils sont riches d’abord parce que Dieu les bénit. Et riches aussi parce qu’ils ont peu d’occasions de dépenser leur bien. En effet, ils ne fument pas, ne vont ni au bal ni au cinéma, encore moins au café ; ils ne suivent pas la mode. N’étant apparemment ni mondains, ni ambitieux, ils ont en général des goûts modestes. Alors ils entassent. C’est leur péché mignon.

Puisse notre superflu servir à la gloire de Dieu.

QUESTIONS

  1. Vous est-il arrivé une seule fois de manquer du nécessaire ? Dieu n’a-t-il pas été fidèle dans ce domaine ?
  2. En considérant vos biens, discernez-vous le superflu que Dieu vous demande de donner ? Que pensez-vous du conseil donné plus haut, de faire quatre parts de votre revenu ? Cela vous paraît-il juste ?
  3. Que ferez-vous, si c’est votre cas, de cet argent thésaurisé qui n’a pas de destination précise ?
    Bénissez le Seigneur qui a pourvu à vos besoins jusqu’à ce jour.

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