La société juive à l’époque de Jésus-Christ

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Culte de la Synagogue

La synagogue du Temple. — La galerie des pierres taillées. — Le culte de la synagogue se substitue à celui du temple. — Facilités qui y étaient offertes pour la diffusion de l’Évangile. — De la liturgie. — Le Shema. — Les Bénédictions. — Prières qui suivent le Shema. — Oraison du soir. — Les 18 bénédictions. — Qui dirigeait le culte. — Bénédiction donnée par les prêtres. — Attitude et costumes usités dans la prière. — Les leçons. — Du nombre et du temps des services religieux. — Sermons du Christ dans la synagogue.

L’une des questions les plus délicates, dans l’histoire du Judaïsme, est celle qui se rapporte à l’existence d’une synagogue dans l’enceinte même du Temple de Jérusalem. Il serait difficile cependant de la mettre en doute. On se réunissait dans la « salle des pierres taillées », à l’angle Sud-Est de la cour des prêtres. Selon le témoignage précis des auteurs contemporains, cette salle servait aussi aux séances du grand sanhédrin. Or on sait que ses travaux ne se bornaient pas à formuler des décisions légales. Il tenait encore des conférences et discutait des points de théologie. Nous pouvons dès lors être tentés de croire que le mot synagogue est ici employé dans le sens le plus large. De semblables édifices servaient en effet, en Palestine, à ce double objet, en même temps qu’ils étaient consacrés à la célébration du culte.

Désire-t-on voir un exemple des conférences théologiques et des discussions agitées dans l’enceinte du temple ? on le trouvera dans le récit que nous fait, au chapitre deuxième, l’Évangile de saint Luc. Le Seigneur a laissé partir la caravane qui, avec lui, était montée de la Galilée à Jérusalem. Vers le soir du second jour, son père et sa mère ne le retrouvant pas dans les groupes des pèlerins, retournent à Jérusalem et le découvrent « assis au milieu des docteurs, les écoutant et leur posant des questions ». Ceci nous explique pourquoi les Pharisiens venaient à lui, quand il enseignait dans le temple. C’est alors qu’ils l’assaillaient de leurs questions subtiles et que Jésus les réduisait au silence en leur adressant, sur la nature du Messie, cette question décisive : « Si David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils ? » (Matthieu 22.45)

Il semble que l’on récitait, dans cette synagogue du temple, certaines prières et que l’on y célébrait quelques actes religieux qui, sans faire partie des exercices ordinaires du culte divin, leur étaient unis intimement. Nous sommes ainsi conduits à formuler la conclusion suivante. Les changements qui s’étaient produits dans les pensées des théologiens Israélites, avant l’époque de Jésus-Christ ou vers ce temps-là, conduisirent les Juifs à sentir l’insuffisance des services religieux du temple de Jérusalem. Les éléments symboliques et les types qui en constituaient le centre vivant avaient perdu leur signification spirituelle et leur intérêt pour la majorité des hommes de cette génération. Leur place était prise, peu à peu, par les enseignements et les formalités extérieures. Ainsi le culte de la lettre se substituait-il à celui de l’esprit et Israël se préparait à rejeter Jésus-Christ pour se donner au Pharisaïsme. L’influence religieuse de la synagogue succède à celle du temple. Elle l’enveloppe de son ombre. Dans l’enceinte même qu’il occupe, elle mêle, d’une manière répréhensible, le culte que l’homme a imaginé avec les actions typiques instituées par Dieu. Bien loin d’être, ainsi que quelques écrivains le prétendent, le modèle des synagogues qui s’élevèrent dans toute la Palestine, celle du temple ne nous semble pouvoir prétendre qu’à une origine plus récente, et elle lui a emprunté de nombreuses cérémonies auxquelles les Israélites s’étaient habitués déjà, en assistant à leur célébrationa.

a – C’est en substance la pensée de Herzfeld. Gesch. des Volk. Isr. vol. III, p. 131, 132.

Ce point nous offre plus et mieux qu’un intérêt historique. L’existence d’un lieu de culte semblable dans l’enceinte sacrée, disons plutôt, l’addition du service de la synagogue à celui du temple est un triste symbole. C’est, pour ainsi parler, l’une de ces affirmations produites par des faits et dont la signification est grosse de redoutables conséquences. Sans en avoir conscience, Israël prononce le mot de sa destinée suprême, ainsi que lorsqu’il s’écriait au pied de la croix de Jésus : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. » Il agissait, de même, lorsqu’il demandait qu’on lui relâchât Barrabas (le fils du père) qui avait été condamné pour sédition et pour meurtre, sans nul doute pour s’être révolté contre le pouvoir Romain à la suite d’un pseudo-Messie. Il préférait ainsi le meurtrier au véritable Fils du Père, qui aurait, en réalité, rétabli le royaume d’Israël.

Cependant il n’y avait rien, dans le culte même de la synagogue, qui pût empêcher le Seigneur, les apôtres ou les premiers croyants d’y participer jusqu’à ce que l’heure de la séparation décisive eût sonné. Qui peut ignorer les occasions précieuses qu’elles pouvaient leur offrir d’annoncer l’Évangile ? Le service ordinaire se prêtait facilement à l’introduction d’éléments nouveaux. L’enseignement du peuple en était le principal objet. L’idée même qui a présidé à son institution, avant Esdras et pendant sa vie, nous amène à ce résultat que le témoignage de Josèphe (C. A pion II : 17) vient confirmer à son tour. On n’a pas remarqué peut-être assez attentivement combien ce caractère est mis en relief dans l’histoire de l’Évangile. Cependant le mot « enseignement » est si fréquemment employé quand il est question de l’apparition de Jésus dans l’enceinte de ces édifices qu’on ne saurait fermer l’oreille à l’instruction qu’il nous donne de la façon la plus claire (Matthieu 4.23 ; Marc 1.21 ; 6.2 ; Luc 4.15 ; 6.6 ; 13.10 ; Jean 6.59 ; 18.20).

La portion du service consacrée à ce dernier objet consistait surtout dans la lecture d’un fragment de la loi divine. On y joignait celle d’une péricope des prophètes, et un sermon ou une allocution. Naturellement l’élément liturgique ne pouvait faire ici défaut d’une manière absolue. Il acquit même, bientôt, une importance considérable. Cette partie se composait de prières et de la récitation de la bénédiction d’Aaron : « Que l’Éternel te bénisse et qu’il te garde. Que l’Éternel fasse luire sa face sur toi, et qu’il t’accorde sa grâce ! Que l’Éternel tourne sa face vers toi, et qu’il te donne la paix » (Nombres 6.24-26), faite par les prêtres. Nous ne disons pas par les Rabbins, qui n’étaient que des docteurs de la loi, chargés de l’enseignement, mais par des descendants, en ligne directe, de la maison d’Aaron. On ne célébrait pas de services de louanges dans les synagogues. Le culte public commençait ordinairement par le Shema précédé et suivi, le matin et le soir, des bénédictions prononcées par les Lévites au nom de Jéhovah. La dernière de celles-ci était, à proprement parler, une prière du soir. Quant au Shema, c’était une sorte de credo composé de ces trois passages : Deutéronome 6.4-9 ; 11.13-21 ; Nombres 15.37-41. Son nom lui venait de la première parole : Shema (écoute), contenue Deutéronome 6.4 « Ecoute, Israël ». La Mishnah nous apprend que cette portion du service était déjà en usage, avant l’époque du Seigneur. Nous savons aussi que tous les hommes, en Israël, devaient la répéter deux fois par jour. Les enfants, les esclaves et les femmes n’étaient pas assujettis à cette obligation.

[Notre description ne s’applique qu’au culte de l’ancienne et non à celui de la moderne synagogue. Nous avons cru plus utile de nous tenir au témoignage de la Mishnah afin d’éviter le danger d’y introduire des pratiques d’une date postérieure.]

Aucun doute n’est possible sur ce point. La Mishnah fait, en effet, mention des portions de l’Écriture contenues dans le Shema et du nombre des bénédictions qui le précèdent ou le suivent. Elle cite même les premières paroles de celle qui le termine (Ber. II : 2, I : 4, Tamid V : 1). Nous avons donc ici, sous les yeux, certaines prières que le Seigneur a non seulement entendues, mais auxquelles il s’est joint lui-même dans une certaine mesure. Ces requêtes sont toujours en usage dans la synagogue bien qu’avec des additions plus récentes, qu’il est facile de distinguer. Disons, avant de les citer, et afin de montrer la valeur qu’on y attachait, qu’il était permis de les réciter non seulement en Hébreu, mais dans toutes les langues, aussi bien que les actions de grâce au moment du repas, et les requêtes fixées pour chaque jour, et dont nous parlerons plus tard. Cette concession avait pour but de donner à tous la complète intelligence du service religieux, auquel ils s’associaient (Sotah, VII : 1). Il existe même des déclarations qui nous portent à supposer que tandis que le texte des formules liturgiques, unies au Shema, était fixé d’une manière précise, on admettait certaines variantes pour prolonger et abréger le service (Ber. I : 4), selon les localités dans lesquelles on le célébrait. Voici quelles étaient les bénédictions qui précédaient le Shema dans leur forme originelle.

I. Béni sois-tu ô Éternel, Roi de l’univers qui as formé la lumière et les ténèbres, qui procures la paix et crées toutes choses ; qui, dans ta miséricorde, donnes la lumière à la terre et à ceux qui y demeurent et, dans ta bonté, renouvelles, jour après jour, l’œuvre de la création. Béni soit le Seigneur notre Dieu pour la magnificence de ses œuvres, et pour les luminaires éclatants qu’il a formés pour sa gloire. Selah ! Béni soit le Seigneur notre Dieu qui a formé les luminaires des cieux.

[Cette bénédiction en reconnaissant le Créateur établit une telle relation entre Dieu et « les lumières » qu’elle semble une confession d’Israël, protestant contre les idolâtries de Babylone. Cette circonstance peut aider à fixer l’époque de sa composition.]

II. O Seigneur, notre Dieu, tu nous as entourés d’un grand amour, Et tes entrailles ont été émues pour nous d’une profonde compassion, ô notre Père et notre Roi. A cause de nos pères qui se confièrent en toi, et auxquels tu enseignas les ordonnances de la vie, aie pitié de nous et instruis-nous. Eclaire nos yeux de la lumière de ta loi ; fais que nos cœurs s’attachent à tes commandements. Unis nos âmes dans l’amour et dans la crainte de ton nom, et nous ne serons pas exposés à la confusion dans le monde à venir. Tu es un Dieu qui disposes toutes choses pour le salut (de tes bien-aimés). Tu nous as choisis au milieu des nations et des peuples qui parlaient une langue étrangère. Dans ta vérité, tu nous as rapprochés de ton grand nom — Selah ! — afin que nous puissions, le cœur plein d’amour, te louer et louer celui qui est le seul Dieu. Béni soit le Seigneur qui, dans sa charité, a élu Israël son peuple. »

Ces paroles expriment d’une manière spéciale les actions de grâce présentées par Israël considéré comme le peuple de l’alliance.

Vient ensuite le Shema. La Mishnah explique très bien l’ordre dans lequel sont disposées les portions de l’Écriture qui le composent (Ber. II : 2). La section Deutéronome 6.4-9 précède celle de Deutéronome 11.13-21 afin que nous puissions : « prendre sur nous le joug du royaume des cieux et ensuite plier nos fronts sous le joug des commandements ». Le texte Deutéronome 11.13-21 précède celui de Nombres 15.37-41 parce que le premier s’applique, pour ainsi dire, à la nuit et au jour, le dernier seulement au jour. Le lecteur ne peut manquer d’observer la lumière que la Mishnah jette sur l’invitation miséricordieuse du Seigneur : « Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous et apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger (Matthieu 11.28-30). Ces paroles devaient revêtir une signification toute particulière pour ceux qui se rappelaient la leçon des Rabbins, en ce qui touche la relation établie entre le royaume des cieux et les commandements. Comment n’auraient-ils pas compris alors qu’en venant au Sauveur, ils acceptaient d’abord le joug du royaume et ensuite celui de ses préceptes ? Comment supposer qu’ils ne pussent faire l’heureuse découverte que ce joug est aisé et ce fardeau léger ?

La prière qui suivait le Shema commençait ainsib : « Nous le reconnaissons en vérité, tu es Jéhovah notre Dieu et le Dieu de nos pères, notre Roi et le Roi de nos pères, notre Sauveur et le Sauveur de nos pères, notre Créateur, le Rocher de notre salut, notre secours et notre délivrance. Ton nom est éternel et hors de toi il n’y a aucun Dieu. Ceux que tu délivras autrefois chantèrent ton nom sur le rivage de la mer. Tous ensemble ils te célébrèrent et dirent : Jehovah régnera éternellement ! Béni soit le Seigneur qui a sauvé Israël. »

b – Dans la forme qui est ici donnée elle est plus ancienne que la prière que la Mishnah nous fait connaître. (Ber. II : 2.)

Les pensées Anti-Sadducéennes exprimées dans cette prière frapperont certainement le lecteur qui étudie les hommes et les choses de cette époque. La beauté de ces déclarations, si bien appropriées à l’état des âmes, lui laissera une impression profonde. La prière du soir n’est pas tout à fait aussi ancienne que les trois supplications que nous venons de citer, mais, comme la Mishnah la reproduit et qu’elle est d’une belle simplicité, nous regretterions de la passer sous silence.

« Seigneur notre Dieu, donne-nous de reposer dans la paix, et de nous relever pour une vie nouvelle ô notre Roi ! Déploie sur nous ton tabernacle de paix, fortifie-nous par ton bon conseil et délivre-nous à cause de ton nom. Etends autour de nous ta main qui protège, et nous garde de l’ennemi, de la peste, de l’épée, de la famine, et de l’affliction. Préserve-nous des attaques de Satan, de quelque côté qu’il dirige sur nous ses traits redoutables. Cache-nous sous l’ombre de tes ailes, car tu es le Dieu des secours et des délivrances ; ô Dieu, tu es un roi plein de grâce et de compassion. Garde notre entrée et notre sortie, donne-nous la vie et la paix dès maintenant et à jamaisc. »

c – Une prière supplémentaire fut ajoutée plus tard à la requête originelle sur l’ensemble du sujet ; comparez Zunz, Gottesd. Vortr., p. 367 s.

Il semble que le Shema et les bénédictions qui l’accompagnent étaient prononcés, dans la synagogue, du haut de la chaire du lecteur. Pour les prières suivantes, celui qui présidait aux exercices sacrés les disait, après s’être approché de l’Arche devant laquelle il se tenait debout. De là vient l’expression monter devant l’arche pour décrire l’action de commencer les prières. Cette différence dans la position semble indiquée dans maint passage de la Mishnah (spécialement Megillah IV). Nous constatons, dans ce texte, une distinction établie entre ces deux expressions, dire le Shema et monter devant l’arche. Les dernières oraisons embrassaient les dix-huit bénédictions, et composaient la téphilah ou supplication, dans le sens le plus littéral du mot. Ces dix-huit ou dix-neuf portions, en comptant toutes celles que contient la requête, aujourd’hui en usage, remontent à des époques différentes. Les plus anciennes sont les trois premières et les trois dernières. On ne peut raisonnablement douter qu’elles ne fussent prononcées dans le culte de la Synagogue, lorsque le Seigneur y assistait. Viennent ensuite, dans l’ordre de leur date, les bénédictions IV, V, VI, VIII, IX et XVI. La septième qui, aujourd’hui nous étonne, date d’une période de grande calamité nationale, peut-être de l’époque de Pompée. Quant aux autres paroles qui furent insérées dans les plus anciennes bénédictions, elles remontent à la chute de l’état Juif, aussi bien que celles que l’on avait introduites dans les bénédictions les plus anciennes. La douzième est dirigée d’une manière spéciale contre les premiers Juifs qui se convertirent au Christianisme. Selon toutes les vraisemblances, il a été d’usage d’intercaler des prières composées par des particuliers entre les trois premières et les trois dernières requêtes. Quoi qu’il en soit, nous savons qu’on récitait seulement les six bénédictions que nous venons de désigner les jours de sabbat et les jours de fête. C’était, entre ces deux parties (de la prière traditionnelle), que l’on introduisait d’autres pétitions. Le champ le plus libre était laissé à ces répétitions interminables, et à ces longues prières que condamne le Sauveur (Marc 12.40 ; Luc 20.47). Pourrions-nous oublier qu’en entrant et en sortant du sanctuaire il était d’usage d’offrir des supplications ? On connaît, en outre, cette parole Rabbinique dont l’action était considérable sur le peuple tout entier : « Les prières prolixes prolongent la vie. » Mais comme nous savons de science certaine que l’on redisait les trois premières et les trois dernières eulogies nous les citerons ici :

I. Béni soit le Seigneur notre Dieu et le Dieu de nos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, le Dieu grand, puissant et terrible, le Très-Haut qui manifeste sa miséricorde et sa bonté. C’est lui qui a créé toutes choses, il se souvient des promesses de grâce qu’il a faites à nos pères, et il suscite un Sauveur aux enfants de leurs enfants, à cause de son nom, à cause de son amour. O roi, ô secours, ô Sauveur, ô notre bouclier ! Béni sois-tu ô Jéhovah, toi, le bouclier d’Abraham.

II. O Seigneur, tu es éternellement revêtu de force toi qui vivifies les morts, tu es puissant pour sauver. Dans ta miséricorde, tu gardes les vivants, tu rends la vie aux morts ; dans ton abondante compassion tu soutiens ceux qui tombent, tu guéris ceux qui sont frappés par la maladie, tu brises les liens de ceux qui sont chargés de chaînes et tu réalises tes promesses fidèles pour ceux qui dorment dans la poussière. Qui est semblable à toi, Seigneur puissant, qui peut être comparé à Celui qui met à mort, qui donne de nouveau la vie, et qui fait croître le salut ? Dans ta fidélité tu communiques la vie aux morts. Béni sois-tu ô Jéhovah, qui vivifies ceux qui dorment dans le sépulcre !

III. Tu es saint, et ton nom est saint ; et les saints te louent tous les jours. Selah ! Béni sois-tu Jéhovah, ô Dieu saint.

Les requêtes qui suivent nous font connaître les pensées et la vie religieuse du judaïsme. Aussi ne pouvons-nous nous dispenser de les citer ici. Si l’on en excepte la 12e qui détonne, dans cet ensemble de grandes aspirations, on sent qu’un souffle religieux anime ces supplications, revêtues elles aussi d’une noble beauté. Nous les donnons, dans la forme où nous les présente le Dr Schürer dans sa Neutestamentliche Zeitgeschichte, p. 500. (G.R.)
  1. C’est toi qui donnas à l’homme la connaissance et qui enseignes l’intelligence aux enfants des hommes. Accorde-nous ta connaissance, ta sagesse, et l’intelligence de tes voies. Béni sois-tu ô Seigneur qui donnes la connaissance.
  2. Ramène-nous, ô notre Père, à ta loi, conduis-nous ô notre Roi à ton obéissance et fais-nous retourner l’âme remplie d’une parfaite repentance devant ta face. Béni sois-tu, Seigneur, qui prends plaisir à la repentance.
  3. Pardonne-nous, ô notre Père, car nous avons péché. Pardonne-nous, ô notre Roi, car nous nous sommes révoltés contre toi. Tu aimes à pardonner et à remettre nos fautes. Béni sois-tu ô Seigneur, Dieu de miséricorde qui pardonnes abondamment.
  4. Considère notre misère, prends en main notre cause et délivre-nous pour l’amour de ton nom, car tu es un Rédempteur puissant. Béni sois-tu ô Seigneur, Rédempteur d’Israël.
  5. Guéris-nous Seigneur, et nous serons guéris, viens à notre aide, et nous serons secourus, car tu es notre louange. Guéris parfaitement toutes nos blessures, car tu es un Dieu et un Roi qui guéris, qui es fidèle et plein de miséricorde. Bénis sois-lu ô Seigneur qui guéris les langueurs de ton peuple d’Israël.
  6. Bénis cette année pour nous, et fais prospérer toutes les plantes. Répands ta bénédiction sur la contrée ; rassasie-nous de ta bonté et donne-nous la prospérité des heureuses années. Bénis sois-tu Seigneur, qui répands sur l’année ta bénédiction.
  7. Annonce hautement notre délivrance, élève la bannière pour réunir tous nos frères dispersés et rassemble-les de toutes les extrémités de la terre. Béni sois-tu, Seigneur, qui rassembles les membres repoussés par tous de ton peuple d’Israël.
  8. Rétablis nos juges comme aux temps antiques, et nos conseils comme dans les âges passés. Ote de dessus notre âme le fardeau des chagrins et des soupirs, et domine sur nous toi, seul Seigneur, dans ta grâce et dans ta compassion. Justifie-nous dans le jugement. Béni sois-tu, Seigneur, notre Roi, qui aimes la justice et le jugement.
  9. Confonds l’espérance des calomniateurs ; que tous ceux qui font le mal soient anéantis sans retard, et arrachés jusques dans leurs dernières racines. Affaiblis, écrase, précipite du haut de leur orgueil, courbe sous le joug les hommes orgueilleux de nos jours. Béni sois-tu, Seigneur, qui anéantis nos ennemis, et fais courber le front des orgueilleux.
  10. Que ta miséricorde se déploie sur les justes et sur les gens pieux et sur les anciens de ton peuple de la maison d’Israël, qu’elle s’étende sur tous les autres docteurs de la loi, sur les prosélytes et sur nous, ô Seigneur, notre Dieu. Accorde une riche récompense à ceux qui se confient véritablement eu ton nom. Que nous ayons part avec eux aux joies de l’éternité, afin que nous ne soyons pas confus, car nous nous sommes confiés en ton nom. Béni sois-tu, Seigneur, appui et confiance des justes.
  11. Regarde encore avec miséricorde Jérusalem. Viens habiter au milieu d’elle, comme tu l’as dit, rebâtis sans retard la cité sainte, pour qu’elle subsiste éternellement. Elève bientôt, au milieu d’elle, le trône de David. Béni sois-tu Seigneur, toi qui élèves Jérusalem.
  12. Fais bientôt fleurir le rejeton de David, ton serviteur, et, par ton secours, élève sa corne, car nous espérons, tous les jours, en ta délivrance. Béni sois-tu, Seigneur, qui fais croître la corne de notre salut.
  13. Entends notre voix, Seigneur, notre Dieu, épargne-nous et aie compassion de nous. Accueille, avec miséricorde et bienveillance, notre prière, car tu es un Dieu qui exauce les requêtes et les supplications. O notre Roi, ne nous laisse pas revenir à vide de devant ton visage, car tu entends, avec miséricorde, les requêtes de ton peuple d’Israël. Béni sois-tu, Seigneur, qui exauces la prière.

Il est impossible de ne pas sentir ce que ces prières ont de grandeur. Elles expriment les espérances les plus profondes d’Israël dans le simple langage de l’Écriture. Mais qui peut pressentir tout ce qu’elles contenaient de sacré, quand elles étaient prononcées non seulement en présence, mais par les lèvres même du Seigneur Jésus, qui était la réponse à ces requêtes de la piété des pères ?

Enfin venaient les trois prières, qui terminaient le Shema :

XVII. O Jéhovah, notre Dieu, aie pour agréables et reçois, dans ta grâce, ton peuple d’Israël et ses supplications. Accepte l’holocauste d’Israël. Accueille sa requête avec bienveillance, et que les services de ton peuple soient toujours dignes d’être accueillis par toi. Oh ! accorde-nous la grâce de voir de nos yeux que tu te tournes avec compassion vers Jérusalem. Béni sois-tu, ô Jéhovah, qui donnes encore ta Shechinah à la ville de Sion.

XVIII. Nous te bénissons parce que tu es Jéhovah, notre Dieu, et le Dieu de nos pères, d’éternité en éternité. Tu es le rocher de notre vie, le bouclier de notre salut, de génération en génération. Nous célébrons tes louanges, et nous te rendons grâce pour notre vie que ta main garantit, pour nos âmes qui te sont confiées, pour tes merveilles qui sont avec nous chaque jour, pour tes faits admirables et pour ta bonté qui demeure dans tous les temps, le soir, le matin et au milieu du jour. O toi, Dieu, plein de grâce, dont les compassions ne tarissent jamais. O toi, Dieu compatissant, dont la miséricorde ne s’épuise jamais, c’est pour l’éternité que nous plaçons en toi notre confiance ! Pour toutes ces choses, ô notre roi, puisse ton nom être béni et exalté d’éternité en éternité. Que tous les vivants te bénissent, Selah ! qu’ils célèbrent ton nom dans la vérité, ô Dieu, notre salut et notre secours. Béni sois-tu Jéhovah ! Ton nom est celui du Dieu plein de miséricorde, et à toi appartient la louange.

XIXd. Accorde à ton peuple d’Israël une grande paix, une paix éternelle, car tu es le Roi et le Seigneur de toute paix, et tu trouves bon de bénir ton peuple d’Israël, dans tous les temps, et à chaque heure. Bénis sois-tu, ô Jéhovah, qui bénis ton peuple d’Israël, en lui donnant la paix.

d – Nous donnons cette bénédiction en la citant sous la forme la plus courte, comme on en use maintenant dans la prière du soir.

Mentionnons un autre fait, négligé par les savants, autant que nous avons pu l’observer, et qu’il n’est point inutile de rappeler ici. Il donne aux prières que nous venons de citer un intérêt tout nouveau. D’après l’ordre fixé par la Mishnah (Megillah IV : 5), la personne qui, dans la synagogue, lisait la péricope empruntée aux prophètes, devait aussi réciter le Shema, et présenter les prières que nous venons de rappeler. Il suit de là que, selon toute probabilité, notre Seigneur lui-même a dirigé les exercices religieux dans la synagogue de Capernaüm, le jour du sabbat, où il lut le passage du prophète Esaïe, réalisé d’une manière admirable en ce solennel moment ainsi qu’ils venaient de l’entendre de leurs propres oreilles (Luc 4.16-21). Il est impossible de ne pas sentir combien les paroles contenues dans ces supplications, surtout celles des bénédictions II et XVII, étaient, tout particulièrement, appropriées à la circonstance mémorable que l’Évangile nous fait connaître.

Les prières étaient dirigées ou répétées, à haute voix, par un assistant, choisi pour cet objet. La congrégation répondait : Amen ! Le service liturgique se terminait par la bénédiction sacerdotale prononcée par les descendants d’Aaron. Lorsque aucun d’eux n’était présent, le « délégué de l’église », comme on nommait celui qui dirigeait les dévotions, répétait les paroles de l’Écriture. En donnant la bénédiction, les prêtres élevaient les mains jusqu’aux épaules. Dans le temple, ils les soulevaient jusqu’au front. C’est pour cela que ce rite est appelé « l’élévation des mains ». Selon l’usage aujourd’hui adopté, les doigts des deux mains sont unis ou séparés les uns des autres, de manière à former cinq interstices. On était arrivé à attacher une pensée mystique à cette position des doigts. Une superstition ancienne défendait de regarder aux mains du prêtre, sous peine de châtiments redoutables qui pouvaient frapper le corps du délinquant. Mais la Mishnah enseignait que le prêtre qui a des taches sur les mains (ou dont les doigts sont souillés par l’empreinte d’une couleur) ne doit pas prononcer la bénédiction, de peur d’attirer l’attention de la foule. Dans l’attitude que l’on doit prendre pour la prière, il importe que le corps soit courbé. Mais il faut prendre soin que cette position n’amène pas une lassitude telle que le service paraisse avoir fatigué les assistants. Un Rabbin remarque que pour atteindre à ce résultat, il s’inclinait comme la branche d’un arbre, et qu’il se relevait ensuite comme un serpent, en commençant par la tête ! A l’exception des mineurs, tout homme choisi par les chefs de la synagogue, pouvait réciter les prières. Ces paroles, cependant, ne s’appliquent qu’au Shema. Il était interdit à celui qui n’était pas convenablement vêtu, et à ceux qui étaient aveugles, jusqu’au point d’être incapables de discerner la lumière du jour, de prononcer les bénédictions ou Téphillah proprement dites, aussi bien que la bénédiction sacerdotale.

[Le R. José disait : Celui qui ajoute l’Amen à une bénédiction de Dieu, prononcée par un autre, acquiert un mérite plus grand que celui qui récite la parole de louange. Sabbath. fol. 119, col. 2. R. Chia, fils de Abba disait au nom du R. Johannan : Celui qui s’associe à la prière par son amen, voit, devant lui, s’ouvrir les portes du paradis, comme le dit Ésaïe 26.2 : « Ouvrez les portes pour laisser entrer le peuple des justes qui garde la foi. » (N. o. c. 260.) — L’apôtre pensait, peut-être, à cette cérémonie, lorsqu’en traçant les règles du culte public, il parle des hommes « élevant des mains pures, sans colère et sans contestation » (1 Timothée 2.8). En tous cas, c’est là l’expression même dont se servaient les Rabbins. — Cette crainte sacrée s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Lorsque les descendants d’Aaron, les Cohanim, après s’être couvert la tête du Taleth, se tournent vers le peuple, celui-ci baisse aussitôt, les yeux. Alors, écartant les doigts de la main, de façon qu’il y en ait deux d’un côté et trois de l’autre, ils les élèvent et prononcent, en chœur, sur un air traditionnel la bénédiction dictée à Moïse : « Que l’Éternel te bénisse et qu’il te garde ! Que l’Éternel fasse luire sa face sur toi, et qu’il t’accorde sa grâce ! Que l’Éternel tourne sa face vers toi, et qu’il te donne la paix ! » (Nom.6.24-26) Il est défendu, en ce moment, de regarder les Cohanim sur le front desquels rayonne l’esprit divin. Cette formule est revêtue d’une autorité et d’une efficacité telles, qu’on la fait répéter aux agonisants. On dit que la grande tragédienne Juive Rachel, mourut en les récitant. (V. dans la Revue des Deux-Mondes, Tom. 24 : p. 144. Scènes de la vie Juive en Alsace.) (G.R.)]

Quelqu’un introduisait-il dans les prières des idées hérétiques ou considérées comme telles, il était immédiatement interrompu. S’il avait commis quelque inconvenance, l’excommunication, pendant une semaine, le séparait des assemblées religieuses du peuple.

[Ordinairement celui sur la tête duquel était suspendue la peine ecclésiastique de l’excommunication recevait, par un messager du Sanhédrin, une invitation qui lui indiquait et le point sur lequel il aurait à répondre et le jour de la comparution devant ce tribunal. Suivait la citation officielle (Moed. Katon, fol. 16, col. 1) qui l’appelait en jugement, pour le troisième ou le cinquième jour de la semaine, époque où siégeait le Sanhédrin. Quand l’accusé refusait de comparaître, l’excommunication la plus rigoureuse frappait sa révolte. La durée de la punition la plus légère était d’un mois. Après trente jours, on énonçait la parole qui le déliait. Le coupable persistait-il dans son endurcissement, la peine était prolongée pendant un nouveau mois. Elle était suivie de la malédiction, que l’on prononçait, en s’appuyant sur le texte Juges 5.23. (Cp. Nork. o. c. CLIV.) (G.R.)]

Une question intéressante et difficile est celle de connaître le vêtement ou la position que la Mishnah ordonnait de prendre. Quelles sont les expressions qui, dans les prières, trahissaient l’hérésie, ou indiquaient qu’un homme ne doit pas recevoir l’autorisation de les diriger dans la synagogue ? Il n’est pas impossible que quelques-unes de ces conditions s’appliquent, non seulement à certains hérétiques Juifs, mais aussi aux premiers Israélites qui acceptèrent la foi chrétienne.

La portion du service divin, qui contenait les actions de grâce et la bénédiction sacerdotale, était considérée comme aussi solennelle, sinon plus, que tout ce qui avait précédé. Nous avons déjà dit que l’objet principal du culte de la synagogue était l’enseignement des foules. Ce résultat était obtenu par la lecture de la loi. Aujourd’hui le Pentateuque est divisé, dans ce but, en cinquante-quatre sections dont chacune est lue pendant l’un des sabbats de l’année, en commençant immédiatement après la fête des tabernacles. Mais anciennement, du moins en Palestine, le Pentateuque avait été divisé d’une manière toute différente. La lecture des cinq livres du législateur hébreu occupait trois années, ou selon quelques-uns, trois ans et demi (une demi période jubilaire). La section du jour était subdivisée de telle sorte, qu’à chaque sabbat, sept personnes, au moins, fussent invitées à lire chacune une portion, qui ne devait pas renfermer moins de trois versets. La première commençait le service et la dernière le clôturait par une bénédiction. Comme l’Hébreu avait été remplacé par l’Araméen, un interprète se tenait à côté du lecteur, et traduisait le texte, verset après verset, dans la langue parlée.

Selon l’usage, le culte était célébré dans la synagogue, non seulement pendant les sabbats ou les jours de fête, mais encore le second et le cinquième jour de la semaine (le lundi et le jeudi), lorsque les gens de la campagne venaient au marché, et que le Sanhédrin local siégeait pour juger les causes de moindre importance.

[Bava Kama, f. 82, c. 1 : « Esdras avait ordonné, qu’outre le sabbat, on fit des lectures de la loi dans la synagogue, le 2e et le 5e jour de la semaine. En effet, il est écrit (Exode 15.22) : « Ils marchèrent trois jours dans le désert, et ne trouvèrent point d’eau. » Par l’expression eau, il faut entendre la loi au sens spirituel, car Esaïe a dit : O vous qui êtes altérés venez aux eaux ! » C’est pourquoi, on résolut de ne pas laisser passer plus de trois jours, sans faire au peuple la lecture de la loi. (N. o. c. p. 206). (G.R.)]

Dans les services de la semaine, trois personnes étaient chargées de faire la lecture de la loi ; quatre, le jour de la nouvelle lune, et pendant les journées intermédiaires d’une semaine de fête ; cinq, pendant les fêtes, durant lesquelles on entendait une portion des prophètes ; et six, le jour des expiations. Il était permis alors, à un homme mineur, de lire ou de servir d’interprète, s’il avait, pour cela, les qualités nécessaires. La péricope qui décrivait le crime de Ruben, ou celle qui donnait un second récit du péché commis devant l’autel du veau d’or, étaient lues, mais non interprétées. Celles qui rapportaient la bénédiction sacerdotale, le péché de David et celui d’Ammon, n’étaient ni lues, ni interprétées. On faisait suivre la loi d’une leçon prise dans les prophètes. Aujourd’hui, les péricopes sont choisies de manière à s’harmoniser avec celles de la loi désignées pour le même jour. Il est probable que cet arrangement remonte à l’époque des persécutions syriennes, où tous les exemplaires de la Thorah furent recherchés et anéantis. Les autorités Juives avaient alors choisi, pense-t-on, les portions des prophètes pour remplacer celles de la loi qui ne pouvaient être lues en public. Nous ne le croyons pas, car si les mesures des persécuteurs avaient été strictement exécutées, les rouleaux sacrés des prophètes n’auraient pas non plus échappé à la destruction. Il est certain, en outre, que le lectionnaire des prophètes qui est actuellement en usage n’existait, ni à l’époque du Seigneur, ni dans le temps auquel remonte la composition de la Mishnah.

Une grande liberté était laissée à chacun de ceux qui prenaient la parole. Les termes, dont se sert St Luc, pour rappeler la visite de Jésus à la synagogue de Capernaüm, sont l’exacte expression de la réalité (Luc 4.17). « Et quand Jésus eut pris le livre, il trouva l’endroit où il était écrit ». Megillah IV : 4 nous apprend qu’en faisant une lecture dans les livres prophétiques, il était permis d’omettre un ou plusieurs versets, pourvu qu’il n’y eût aucune interruption entre la lecture et la traduction du texte. Ici, l’interprète devait donner la traduction de trois versets pris ensemble. Il est remarquable que les Rabbins excluent de l’usage, dans le culte public, la partie des prophéties d’Ezéchiel qui décrit les « chariots et les roues ». Rabbi Eliézer avait même voulu retrancher le passage d’Ézéchiel 16.2.

La portion des livres prophétiques était souvent suivie d’un sermon ou allocution qui terminait le service. On désignait le prédicateur par le terme de « darshan », et son discours par celui de « Derashah » (homélie, sermon, de darash, s’informer ou discuter). Quand celui-ci consistait en une discussion théologique savante, particulièrement dans les académies, il n’était pas directement adressé aux assistants, mais murmuré à l’oreille d’un « amora » ou orateur, qui expliquait aux auditeurs, dans le langage populaire, les graves pensées que le Rabbi lui avait brièvement communiquées. Un sermon plus accessible aux intelligences incultes était appelé le « meamar », littéralement un discours ou une causerie. Ces allocutions n’étaient autre chose qu’une exposition rabbinique de l’Écriture, ou bien une discussion doctrinale, dans laquelle on faisait appel à la tradition et à l’autorité de quelques maîtres illustres.

Un invariable principe (Eduj 1 : 3) obligeait chaque Rabbi à donner son enseignement, en rappelant le langage du maître qui l’avait instruit. Ne pouvons-nous déjà comprendre, en quelque mesure, l’impression profonde que les paroles du Seigneur produisaient, même sur ceux qui demeuraient toujours rebelles à son influence ? Le fond de ses allocutions dépassait tout ce qu’ils avaient entendu déjà, ou cru possible. Il leur semblait que Jésus ouvrait devant leur âme, un monde nouveau de pensées, d’espérances, de devoirs et de consolations. Comment s’étonner dès lors que, même dans la sceptique et moqueuse Capernaüm, « tous lui rendissent témoignage et fussent frappés d’admiration, en entendant les paroles de grâce qui sortaient de sa bouche » ? Comment être surpris, si les gardes du temple, envoyés pour s’emparer de Christ étaient, eux-mêmes, dominés par cette impression irrésistible, et répondaient au Sanhédrin qui leur demandait la raison de leur étrange conduite : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme ? » (Jean 7.46) A son tour, la forme de son enseignement était absolument différente de celle des Rabbins, qui en appelaient sans cesse à la pure tradition. Il semblait à chacun des assistants que ses discours descendaient du ciel, dont ils apportaient aux hommes les souffles salubres et fortifiants. Pour tous, ils étaient comme les ondes vivifiantes de l’Esprit divin, dans lesquelles leurs âmes se plongeaient pour un instant. Aussi la foule « était-elle émerveillée de sa doctrine, car il les enseignait avec autorité et non point comme les Scribes ». (Matthieu 7.28-29)

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