La société juive à l’époque de Jésus-Christ

IV
Plaine et lac de Génésareth

Les environs (de Capernaüm) n’ont rien de cette « redoutable magnificence » de la nature qui nous remplit d’admiration et d’épouvante, quand nous contemplons volcans des tropiques ou les montagnes de glace des pays polaires. Ces plaines verdoyantes, ces eaux paisibles, ces oiseaux aux brillantes couleurs, ces arbrisseaux en fleur, la surface tranquille de cette mer intérieure, si délicieuse par la fraîcheur qu’elle répand dans un pays où l’air est embrasé, tous ces traits sont dans une parfaite harmonie avec les caractères d’une vie pleine de simplicité et d’innocence, et éclairée des plaisirs ordinaires, assurés à toi les enfants de la race humaine, comme la pluie qui féconde le sol, et le rayon de soleil qui le réchauffea.

a – Nous empruntons au texte anglais du savant et bel ouvrage du Dr Farrar la page dans laquelle il place sous nos yeux la suave image des bords de ce lac, que les pieds du Sauveur foulèrent si souvent. (G.R.)

Lorsque le voyageur sort de la vallée des Colombes et qu’il jette un premier regard sur Génésareth, ce qui le frappe c’est la vue d’une petite mer intérieure ayant la forme d’une harpe, treize milles de longueur et six de large. Sur le rivage oriental une bande de terre, d’un étendue d’un quart de mille en largeur. Au-delà, une chaîne de collines escarpées, image de la désolation. Sur leur flanc des ravins grisâtres formés par les pluies. Nul

arbre, nul village, nul vestige de culture. C’est là que bien souvent Jésus s’est retiré après une journée de pénibles labeurs, pour se recueillir, et se plonger dans la communion de son Père, au sein de la solitude.

Le lac, à la surface éclatante comme le cristal, aux bords plantés de lauriers-roses en fleurs à travers lesquels on distingue les alcyons en nombre infini s’élançant sur le poisson qui paraît à la surface des eaux, remplit un immense bassin placé à plus de 500 pieds au-dessous du niveau de la Méditerranée. De là la chaleur intense et énervante de la vallée, mais de là, aussi, la variété de ses arbres aux feuillages divers, la fertilité du sol, la flore luxuriante, les moissons abondantes qui mûrissent un mois plus tôt que partout ailleurs, et le nombre de petits ruisseaux qui, des hauteurs des collines, descendent dans le lac. Les bords en sont maintenant déserts. A l’exception du hameau de Tibériade, dont les maisons tombent en ruines et de l’effroyable village de Medjel (l’ancienne Magdala) où la dégradation des habitants se manifeste par le fait que les enfants jouent absolument nus dans les rues, il n’y a pas aujourd’hui le moindre bourg habité sur ces rivages autrefois couverts d’une population considérable.

On peut trouver encore quelques Bédouins à Aïn et Tabyah (Beth-saïdaa). M. Renan fait observer, avec vérité, qu’une fournaise telle que celle de la plaine de Génésareth n’aurait pu être la scène d’une activité aussi prodigieuse, si le climat n’eût été tempéré par les arbres sans nombre qui ont disparu sous l’influence desséchante de l’Islam.

Une petite barque misérable et disjointe — et encore ne peut-on pas se la procurer toujours — a remplacé les bateaux nombreux qui égayaient le rivage. Comme les poissons sont toujours abondants, rien ne peut montrer plus clairement l’apathie des habitants actuels de ces rives ravissantes.

Mais les traits que la nature leur a donnés demeurent les mêmes. Le lac, immuable dans sa magnificence, s’étend au fond de cette coupe formée par les collines. Il reflète dans son miroir brillant tous les rayons changeants de l’atmosphère, comme une pierre d’opale entourée d’émeraudes. Les eaux sont toujours aussi pures que lorsque la barque de Pierre se balançait sur leurs vagues et que le regard de Jésus plongeait dans leur cristal profond. La coupe du bassin semble déborder de lumière. L’air est toujours embaumé ; et la tourterelle y fait toujours entendre dans les vallées son mélancolique roucoulement. Il y a toujours des palmiers qui dressent au-dessus de ses plaines verdoyantes leurs cimes légères. Les cours d’eau rafraîchissent le sol, et les monceaux de ruines grisâtres ajoutent elles-mêmes quelque chose de mélancolique à un paysage que l’on ne peut décrire. Ce que ces rivages ont perdu en population et en activité, ils l’ont gagné en solennité et en intérêt. Si, un jour, on doit voir disparaître tout vestige des habitations humaines, si le hurlement du chacal et de la hyène doit seul troubler le silence de ces débris dispersés des synagogues où Christ a, un jour, enseigné les foules, le simple fait qu’il choisit ces rives pour la scène des débuts de son ministère communiquera une sorte de grandeur sacrée et d’intérêt saisissant à ces ondes solitaires, jusqu’au jour où le temps ne sera plus. (Farrar, Life of Christ, p. 133 s.) (G.R.)

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