Théologie Systématique – II. Apologétique et Canonique

3. Des degrés successifs de la révélation

Tout en se donnant pour la révélation définitive, le christianisme reconnaît pour vraies et divines la série des révélations antécédentes, dont il a fait, pour ainsi dire, les substructions de son propre édifice, et dans lesquelles étaient renfermés les principes élémentaires dont il devait apporter le couronnement. Attaquer ces éléments serait donc saper le christianisme lui-même.

Les principaux passages bibliques relatifs à la révélation naturelle sont, dans l’A. T. : Psaumes 19 ; 104 ; dans le Nouveau : Actes 14.17 ; 17.22-29 ; Romains 1.19-20 ; 2.14-15 ; et dans les discours même de Jésus-Christ : Matthieu 5.45.

La première forme dans laquelle Dieu s’est fait connaître à l’homme, selon l’Ecriture, la plus imparfaite, la plus éloignée de l’essence même de l’objet, véridique cependant, est celle de la révélation dite naturelle qui comprend trois témoignages divins de Dieu à l’homme : le témoignage du bien dans la conscience et le témoignage de la Divinité dans la nature et dans l’histoire générale de l’humanité. Les éléments de vérité divine qui nous sont attestés par ces trois principaux documents sont la puissance, la sagesse et la bonté de Dieu, révélées à nous par la nature extérieure ; et à ces premiers éléments de toute vérité religieuse, la voix intérieure de la conscience et le spectacle bien interprété de l’histoire ajoutent le témoignage de la sainteté de Dieu et de sa justice.

Même perçue cependant par l’organe qui lui est approprié, le νοῦς, même acceptée fidèlement par le cœur et par l’intelligence de l’homme, la révélation naturelle présente des caractères qui en marquent l’insuffisance pour conduire l’homme et ramener le pécheur à sa destinée : primitive et universelle, la révélation naturelle n’est pas progressive ; elle manifeste les attributs divins dans leurs réalisations phénoménales ; les pensées divines initiales, telles qu’elles se sont réalisées à l’origine des choses ou selon le mode uniforme des lois générales du gouvernement providentiel. La révélation naturelle est stationnaire, elle est muette ; nous voulons dire qu’elle ne parle que par les choses et par les faits et non pas encore par le verbe ; et comme elle ignore la réponse définitive à la question jetée vers le ciel par la conscience humaine : Que faire pour être sauvé ? nous disons enfin qu’elle est limitée dans ses effets.

Aussi aucune religion particulière n’est jamais sortie de la seule révélation naturelle. La religion dite naturelle, dès qu’elle a voulu se suffire à elle-même et prétendre suffire à l’homme, est ou bien demeurée une apparition isolée, un fait individuel, comme le déisme ; ou, si elle a aspiré à créer des institutions, elle n’a réussi qu’à revêtir des formes odieuses ou burlesques. C’est qu’il ne suffit pas à l’homme, créé imparfait et progressif, que Dieu ait agi une fois et en une fois ; même innocent et à plus forte raison pécheur, il lui a fallu un Dieu dont l’action et la révélation suivissent les progrès de son propre développement, répondissent aux exigences successives et progressives de son existence intellectuelle et morale. La révélation naturelle appelait et appelle encore chez ceux qui ne possèdent qu’elle, des révélations supérieures par leur mode aussi bien que par leur objet. Aux ποιήματα ont dû succéder les ἔργα et les λόγοι θεοῦ.

Le christianisme suppose donc, reconnaît et ratifie, à partir des témoignages que Dieu a rendus de lui-même dans la conscience, dans la nature et dans l’histoire générale, une série de révélations particulières, localisées dans un pays et dans le sein d’une race, préparatoires au salut de l’humanité, progressives, et tout ensemble déjà, actuelles et verbalesh.

hSur la distinction des révélations actuelles et verbales, voir tome I.

Mais le christianisme prétend réaliser un type de révélation supérieure encore à ces révélations actuelles et verbales propres à l’économie préparatoire du salut ; il prétend être plus qu’une réalisation supérieure et progressive des pensées divines par l’acte et par le verbe ; il se dit une apparition de Dieu lui-même en chair. Il se présente à nous comme une révélation personnelle, sotériologique comme les précédentes et universelle comme la première.

Révélations naturelles, révélations historiques préparatoires au salut, révélation personnelle et consommatrice du salut, tels sont, d’après les documents bibliques, les trois degrés ou phases de la révélation de Dieu à l’humanité.

Suivant une marche régressive et procédant du connu à l’inconnu, des données élémentaires qui sont sous nos yeux ou qui sont comprises dans le champ de notre expérience, nous nous élèverons au mystère suprême du christianisme, l’origine surnaturelle de la personne même de Christ, la révélation de Dieu en chair.

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La division générale de la sous-section intitulée : Application de notre théorie de l’apologie du christianisme, considéré comme la révélation définitive de Dieu à l’humanité terrestre, comportera donc deux opérations principales et solidaires l’une de l’autre : la vérification des révélations universelles et permanentes faites par Dieu à l’humanité et que nous réunissons sous le nom de révélation naturelle ; et la vérification des révélations historiques accomplies en vue du salut de l’humanité pécheresse, en deux mots : des révélations sotériologiques, dont le faîte a été l’apparition du Fils de Dieu en chair.

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