Théologie Systématique – II. Apologétique et Canonique

2.3. L’égalité de Jésus avec Dieu même

La question qu’il adresse aux scribes concernant l’interprétation à donner au premier verset du Psaumes  110 : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur », n’admettait qu’une solution possible : c’est que le Messie, fils de David, était, déjà avant d’apparaître, le Seigneur de David : Marc 12.35-37.

En traduisant le devant moi mis par le prophète Malachie, Malachie 4.1, dans la bouche de Jéhovah, par le pronom de la seconde personne : ἔμπροσθέν σου, rapporté à lui-même, Matthieu 11.10, Jésus s’identifiait tout ensemble avec Jéhovah et avec l’Ange de l’Eternel, qui dans le texte original ne forment qu’un seul et même personnage.

Dans Matthieu 16.17 ; 18.10, il appelle Dieu son Père dans un sens unique ; dans Matthieu 23.8-9, il se met en parallèle avec Dieu le Père en s’opposant lui-même avec Dieu à tous les hommes ; dans Matthieu 28.10 déjà cité, il place son nom entre ceux du Père et du Saint-Esprit.

Dans la parabole des Vignerons, Matthieu 21.37-38, il s’oppose sous le nom de Fils et d’héritier à tous les serviteurs de Dieu dans l’Ancienne alliance.

Dans Marc 13.32, Jésus déclare à la fois sa subordination à l’égard du Père, car il ignore, et sa supériorité sur toutes les créatures par la place qu’il s’assigne à lui-même au-dessus des anges sous le titre absolu de ὁ υἱός.

Mais le témoignage le plus transcendant de Jésus sur lui-même de ceux qui nous sont rapportés par un des trois premiers évangiles, et que l’on a cru pouvoir appeler un bolide johannique sur le sol synoptique, se trouve Matthieu 11.27.

Ce qui donne à ce témoignage où Jésus se nomme soi-même le Fils, au sens absolu du mot, une portée exceptionnelle, c’est qu’il se donne tout à la fois pour le sujet, et ce qui est plus significatif encore, pour l’objet transcendant de la connaissance divine, s’égalant ainsi au Père dans cette opposition même.

J’accorde que la préexistence n’est explicitement énoncée que dans les témoignages de Jésus rapportés par le IVe Evangile, mais nous ajoutons qu’elle est absolument supposée et impliquée dans tous ceux qui énoncent l’égalité d’essence avec Dieu et l’identité avec Jéhovah.

Nous disons que réduire la qualité du personnage qui a prononcé de telles paroles à la mesure de l’essence humaine, à la perfection de la sainteté humaine, c’est lui ravir eo ipso cette sainteté même. Ramené par vous aux proportions d’un simple homme, Jésus cesse, à mes yeux, d’être même un honnête homme ; et soit perversité, soit insanité de sa part, vous faites de lui le plus audacieux usurpateur de titres qui ait jamais figuré dans les fastes de l’histoire. Ce n’est pas seulement la version du IVe Evangile, c’est déjà celle des synoptiques qui pose devant nous le redoutable dilemme : Jésus de Nazareth fut un monomane, un blasphémateur ou le Fils unique de Dieu.

*

Si comme nous avons cru l’avoir démontré, la religion dont Jésus-Christ est tout ensemble le fondateur et le principal objet est à la fois divine et définitive, nous comprenons que la répudiation consciente et volontaire de cette religion suprême équivaille au rejet, définitif aussi, du bien et de la vérité, et fasse encourir au coupable une condamnation irrévocable. Car pour que l’homme qui a repoussé sciemment et volontairement la grâce de Dieu manifestée en Jésus-Christ pût être ramené à la repentance, à la vérité et au bien, il faudrait une nouvelle manifestation de la grâce divine plus excellente et plus éminente encore que la première : Dieu se donnant lui-même à l’homme ; or il n’y en a pas ; il ne peut pas y en avoir.

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