Introduction à la dogmatique réformée

Deuxième partie

I.
Que toute dogmatique chrétienne doit être théiste

Le calvinisme est un théisme chrétien et protestant.

Bien plus, nous soutenons qu’il est la forme rigoureusement conséquente du théisme chrétien et protestanta.

a – Benjamin Breckinridge Warfield, Calvin and calvinism, p. 355 sq.

Montrer qu’une dogmatique doit être théiste, chrétienne et protestante ; montrer que le calvinisme est cela, c’est donner à la dogmatique réformée l’introduction philosophique qu’elle réclame comme discipline scientifique.

Montrons d’abord que le calvinisme est un théisme conséquent et que le théisme est la seule forme légitime de la pensée religieuse.

En dehors du théisme, nous ne concevons que deux formes de la pensée religieuse : le déisme et le panthéisme.

Or, le divin, τò θεῖτο est toujours senti par la piété comme un infini. Par là, nous voulons dire qu’il se révèle toujours comme réalisant un certain idéal, sans négation limitative, ne serait-ce que l’idéal de la faculté illimitée de se perfectionner.

Cela est vrai même des philosophies religieuses qui prétendent nier l’infini actuellement réalisé, comme celle de Renouvier par exemple.

En réalité, ces philosophies n’entendent nier que l’infini mathématique du nombre, du temps, de l’espace. Mais qu’ils acceptent ou non le mot, l’objet de l’adoration des néo-criticistes, leur divin, est nécessairement un infini, dans ce sens qu’il réalise leur idéal religieux. Sans cela, ils ne l’adoreraient point.

Ce qui distingue le déisme du panthéisme, ce n’est pas que le déisme religieux nie absolument l’être infini, tandis que le panthéisme l’affirme.

Non, mais c’est que le déisme, au lieu de reconnaître l’infinité de l’être et de tous les attributs de Dieu, ne retient l’infini en Dieu que dans un ou plusieurs attributs.

L’infini de la pensée : Dieu est pensée de la pensée ; l’infini de la volonté : Dieu est liberté pure, volonté pure, puissance illimitée ; l’infini de l’amour : Dieu est, par essence, uniquement l’Amour.

Si on reconnaît au Numen, au divin, d’autres attributs que ceux que nous venons de nommer, ces attributs sont généralement limités par eux, leur sont subordonnés ou sont sensés en découler.

Que le Numen soit une pensée n’ayant d’autre objet qu’elle-même, qu’il soit arbitraire tyrannique ou amour sans discernement, il n’est infini qu’en profondeur et dans une seule direction.

C’est dans ce sens que le dieu du déisme est limité : limité dans son être. On peut très bien concevoir, et on a conçu, d’autres êtres existants par eux-mêmes, indépendant de lui, ou jaillissant du néant par un commencement absolu. Ou bien si l’on veut bien concéder l’acte créateur à une sorte de monarque divin, les êtres, une fois créés, subsisteront d’eux-mêmes.

Ce divin sera sans doute une cause première ; il ne sera pas la cause première, efficiente et matériellement totale, de tout être et de tout ce qu’il y a de positif et de bon dans les actes des créatures.

Tout ce qu’on lui accordera d’action sera ôté aux autres causes premières que lui ; toute action des autres causes le limitera dans son action, à lui. En trouvant ou en créant des causes premières libres, ce dieu trouve ou se créée des limites.

C’est dans ce sens que l’on peut dire que le dieu du déisme est limité et que son adorateur nie qu’il soit infini.

Le panthéisme, lui, au contraire, confesse à pleine bouche l’infinité du divin.

Mais cet Infini est conçu comme la totalité de l’être et du réel.

Dieu est tout ce qu’on voit et tout ce qu’on ne voit pas ; tout ce qui a été, est, et sera.

Dieu fait tout, parce qu’il n’y a que Dieu (acosmisme).

Le multiple n’est qu’une vue de l’esprit humain. Les prétendues causes libres, bien loin d’être des causes premières, ne sont même pas, à proprement parler, des causes secondes ; elles sont des moments de la cause première.

En fin de compte, il n’y a qu’une cause, Dieu, qui imprime à la masse totale, c’est-à-dire à sa propre substance, le mouvement de l’évolution universelle.

Cette évolution n’est pas autre chose que la propre histoire de Dieu.

Si l’on veut bien admettre que, dans ce magma infini, il y a un ou des noyaux, des foyers conscients analogues à l’homme, on pourra, si l’on est religieusement disposé, l’invoquer, ou les invoquer, comme on invoque le secours des hommes. Si on le préfère, on pourra alimenter la religiosité latente en tout homme par la contemplation recueillie du magma infini auquel on donne le nom de Dieu, où la mort nous immergera, un jour ou l’autre.

Le calvinisme, étant une religion, ne peut, lui aussi, avoir d’autre objet d’adoration que l’Infini.

Mais cet Infini est totalement différent de l’infini à une ou n dimensions du déisme et de l’infini (totalité) du panthéisme.

C’est l’Infini absolu, sans aucune restriction.

Le Numen ineffable que nous adorons n’est plus seulement τò θεῖὸν, le divin ; il est ὸ θεός, Dieu : Dieu, dans le sens infini, absolu, parfait, incommunicable, du terme.

Dieu vivant et vrai, totalement divers des créatures et pourtant analogiquement apparenté aux créatures. Totalement divers, parce que, seul, il est, et est d’une essence infinie ; apparenté analogiquement aux créatures intelligentes et libres, parce que cette essence est spirituelle et que l’esprit souverainement libre, au degré éminent, est le soutien dernier des choses dont il est la cause première.

Il est adorable, parce qu’il est une essence infinie ; secourable parce qu’il est esprit et le Père des esprits.

Dieu se révèle, par la création et par la rédemption, comme le souverain tout puissant et comme le sauveur tout bon.

Il répond ainsi au pressentiment et à l’instinct de la piété théiste qu’il crée, quand il veut se constituer un organe réceptif en homme.

Notre Dieu, on le voit, n’est ni le dieu du déisme, ni celui du panthéisme.

Il n’est pas le dieu du déisme.

Il n’est pas limité dans un infini unilatéral.

Ce qui est infini en lui, c’est lui-même, son essence, dans l’unité absolue, la simplicité parfaite de son être.

Il est, au degré éminent, l’être très réel ; il n’est pas le concept abstrait et vide (l’ens generalissimum), de l’être au sens le plus général ; mais l’Océan de l’être, immense, éternel, immuable dans la majesté des perfections par lesquelles il révèle aux esprits intelligents ce qu’il est pour eux. Et ce qu’il est pour eux, il l’est réellement, car il est vérité, mais d’une manière qui dépasse toute pensée.

Il n’est pas le dieu du déisme. Car lorsque nous disons, avec certains déistes, que Dieu est créateur, « cette expression ne signifie pas que Dieu n’ait fait que donner l’être à ses créatures, et qu’après il les ait abandonnées, sans en prendre plus aucun soin. Mais il faut entendre que, comme le monde a été fait par lui au commencement, aussi maintenant il l’entretient dans le même état ; de sorte que le ciel, la terre et toutes les créatures ne subsistent dans leur être que par sa vertu. De plus, Dieu tenant ainsi toute chose dans sa main, il s’ensuit qu’il en a le gouvernement et qu’il en est le Maîtreb ». C’est dans cette dernière affirmation, bien comprise, que réside notre différence fondamentale avec le déisme.

bCalvin, Catéchisme de Genève, 4e section

Pour le déisme, il y a autant de causes premières qu’il y a de causes libres.

Pour nous, il y a une cause première unique, Dieu, et des causes secondes réelles, les êtres libres.

Dieu est la cause première unique de tout ce qui est et se fait de positif, dans ce sens que c’est par lui seul que tout ce qui est créé a la vie, le mouvement et l’être.

Matériellement, Dieu est donc la seule cause première.

Mais il y a des causes secondes réelles. La liberté de ces causes, sous le contrôle et la providence de Dieu, imprime aux actes dont elle est le sujet, de son côté, la forme qu’ils revêtent.

Nous agissons aussi de notre côté, dit Calvin aux libertinsc. Et plus l’action de Dieu est intense, plus aussi est réelle notre subsistance, notre action formelle. Car Dieu ne détruit pas ce qu’il pose et il a posé des sujets libres.

cCalvin, Corp. Ref, 35, 188.

Ce Dieu n’est donc pas le dieu du panthéisme, non plus.

Il est bien, comme l’affirme le panthéisme, la cause première unique.

Mais cette cause n’est jamais confondue avec les créatures qu’elle pose dans leur liberté ; jamais séparée d’elles non plus, puisqu’elles ne peuvent subsister un instant sans lui.

Il est cause totale et matérielle, il n’est pas cause unique et formelle : il y a des causes secondes réelles.

Les êtres créés sont, si l’on veut, des accidents qui subsistent et ne subsistent qu’en Dieu, par son acte créateur continu. Mais tandis que, en nous, les accidents ne sont que des modes de notre propre substance, en le Dieu créateur, ces accidents sont des substances réelles, puisque créées, et distinctes, distinctes infiniment, immensément de Dieu, puisque créées e nihilo.

Il est, lui seul, immuablement ; elles ne font que subsister, c’est-à-dire naître, durer et s’écouler en lui. L’essence de Dieu, elle, ne peut ni sombrer dans la matière, ni se confondre avec les esprits finis qu’elle supporte au-dessus du néant.

Pour la piété calviniste, le panthéisme est un attentat à la majesté incommunicable, à la pureté terrifiante de Dieu. Le déisme, un outrage à l’unité et à l’unicité de son essence infinie. Nous ne pouvons supporter qu’on fasse de Dieu un simple primus inter pares, un simple chef parmi ses pairs.

Il est Dieu, l’Unique et le Saint.

Le calvinisme est donc certainement le théisme. Comme il distingue l’hypostased du Père et celle du Saint-Esprit de l’hypostase du Fils ; comme il ne sépare cependant pas le Dieu créateur et animateur du Dieu sauveur ; comme il ne pourrait même pas tenter de séparer et de diviser ces trois aspects hypostatiques de Dieu, puisque trois infinis en essence et en qualités ne peuvent même être conçus comme coexistants, sans coïncider si totalement dans leur être qu’ils ne peuvent plus être trois êtres, mais identiquement et numériquement le même ; le calvinisme n’est pas seulement un théisme conséquent ; il est un théisme chrétien.

d – Hypostase, dans la langue théologique, quand ce terme est appliqué à la Trinité, signifie un mode permanent et irréductible de subsistance personnelle dans l’Etre de Dieu ; une personne, mais pas un individu, comme le sont les personnes créées, dans l’espèce qui les comprend.

Qu’il soit un théisme conséquent, c’est ce qu’on ne peut sérieusement lui contester.

Il fait de la souveraineté de Dieu, de l’indépendance de Dieu, du Soli deo gloria, la pierre de touche de son dogme, de son culte, de sa morale et de sa sociologie.

Ses enseignements sur la préordination, sur le gouvernement du monde, sur la prédestination et la grâce, sur le mode de l’incarnation et sur les sacrements sont là pour attester qu’il ne recule devant aucune des conséquences qui découlent du principe de la souveraineté de Dieu, arbitre en dernier ressort des destinées des créatures, et que le fini ne peut contenir.

Et maintenant, comment un calviniste parvient-il normalement à la connaissance de Dieu ? Sur quel critère peut-il se fonder pour former le jugement existentiel qui affirme Dieu comme la suprême réalité, transubjective ?

Nous l’avons dit, il reçoit, dans le cours ordinaire des choses, la connaissance qu’il a de Dieu par l’Eglise qui lui communique la révélation qu’elle en a reçue.

Les premiers représentants de l’Eglise sont ordinairement, pour lui, ses parents ou ses tuteurs.

L’Eglise est la mère des fidèles, dit Calvine. C’est elle qui les enfante comme croyants. L’individu isolé — sauf un miracle de la liberté souveraine de Dieu — n’est rien, pas plus dans le domaine de la vie spirituelle que dans le domaine de la vie terrestre et simplement humaine. La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de Dieu, dit l’apôtre.

eCalvin, Inst., 4.1.4

L’Eglise professe, en effet, tenir de la Parole de Dieu écrite ce qu’elle fait entendre sur Dieu à ses enfants.

C’est à l’exégèse et à la dogmatique propre de justifier cette affirmation de l’église réformée.

Mais toujours est-il que c’est cette Parole de Dieu, dont le contenu est scellé dans le cœur de l’enfant par le témoignage du Saint-Esprit, qu’elle enseigne dans ses catéchismes et ses confessions officiels.

Ce fait incontestable nous suffit pour le présent.

Il faut seulement qu’il soit bien entendu que par église réformée nous ne désignions pas toute église qui se pare de ce titre, mais seulement celle qui est restée fidèle ou est redevenue fidèle à la foi de son réformateur, de ses pères et de ses martyrs.

Comment le calviniste peut-il savoir que cet enseignement sur Dieu est vrai ? Comment peut-il savoir, non pas qu’il y a un dieu — pour cela la lumière naturelle suffit — mais qu’il y a Dieu, l’esprit infini, immuable, éternel, dans son essence, sa sagesse, sa justice, sa bonté et sa vérité ?

Il ne peut le savoir par l’évidence des sens : Dieu est esprit, c’est-à-dire invisible, transcendant à l’évidence sensorielle.

Il ne peut le savoir par l’évidence médiate de la raison discursive.

Les « preuves » classiques de l’existence de Dieu sont, en réalité, non des démonstrations, mais des témoignages d’une valeur d’ailleurs inestimable pour le croyant. Mais ces témoignages ne sont pas, à proprement parler, des démonstrations.

En tant que suggestions, ils peuvent servir aux incroyants aussi, en leur faisant sentir que l’affirmation de l’existence de Dieu n’est pas arbitraire ; qu’elle peut invoquer des faits tels que la constitution de l’esprit humain, la nature des réalités physiques, des données morales, sociologiques et historiques.

Mais il y a une troisième évidence.

C’est une évidence qui n’est ni d’ordre sensoriel, ni d’ordre rationnel.

Elle s’adresse à la sensibilité intelligente. Elle est celle qui se tire de l’intuition de la divinité de la révélation : révélation objective dans la doctrine, quand cette doctrine est une parole procédée de Dieu ; révélation subjective, dans l’absoluité de l’adhésion de la foi ; dans l’acte aussi de la religion qui est la prière du cœur.

Révélation objective dans la doctrine, avons-nous dit.

« L’éternel Dieu est vérité », écrit Calvin, citant et commentant une parole de Jérémie.

« C’est-à-dire Dieu n’emprunte rien ailleurs, mais il se suffit à lui-même et sa vertu (sa force) a, par soi, une autorité suffisante… Dans l’essence de Dieu reluit une gloire vraie et fermef ».

fCalvin, Prælect. in Jer.10.10.

La parole de Dieu que l’Eglise enseigne porte, avec elle, le sceau de son origine divine.

Elle est auréolée de la gloire du sublime. Ce sublime n’est pas toujours le sublime littéraire ; mais il est le sublime intrinsèque de la pensée.

Or, la majesté au degré imminent, le sublime, est, dans l’ordre esthétique, la révélation de quelque chose d’infini ; dans l’ordre religieux, il est la révélation de cet infini qui provoque en celui à qui il se manifeste, cette évidence religieuse, ce sentiment de présence qui lui montre qu’il doit croire et adorer.

Dans l’ordre religieux, « la vérité est exempte de tout doute, puisque, sans autre aide, elle est, de soi-même, suffisante pour se soutenirg ».

gCalvin, Inst., 1.8.1.

Il n’est que trop certain que cette évidence de l’autorité divine de la doctrine sur Dieu qui s’atteste vraie, suo pondere, par son propre poids, n’est pas sensible à tous : la foi, dit l’apôtre, n’est pas le fait de toush.

h2 Thessaloniciens 3.2.

Pour être ému par le Beau et par le Sublime, il faut que la sensibilité intelligente, émoussée par le péché, retrouve son acuité et sa vigueur.

Pour discerner entre la perfection du Beau, qui est la proportion et l’harmonie du fini, et donc la parure de la créature finie, et le Sublime, qui est la révélation de l’infini se manifestant comme présent et comme transubjectif, il faut que l’intelligence reçoive une illumination qu’elle a perdue et qu’elle ne peut se donner à elle-même.

Ici, la raison discursive est impuissante. Cette impuissance est déjà certaine dans le domaine artistique.

On peut être supérieurement doué pour le raisonnement mathématique, philosophique, critique, et être insensible à la beauté d’une mélodie ; préférer en peinture, une croûte quelconque à une composition de Rembrandt.

De même, en religion, l’homme naturel peut se trouver en présence de la doctrine de Dieu et ne rien sentir, ne rien percevoir que des mots et, derrière ces mots, des abstractions vides de sens.

Mais que l’idée tombe dans un terrain préparé, dans une sensibilité en éveil, dans une intelligence douée de discernement spirituel ; qu’elle soit parole vivante, puis pensée et émotion ; qu’elle ne reste pas formule vide, elle s’imposera par son autorité propre comme manifestation de présence.

La révélation divine, la manifestation de Dieu par lui-même, étant, par définition, l’instance suprême, on ne peut imaginer un critère extérieur et supérieur à elle.

Elle est une évidence d’un autre ordre que l’évidence des sens et que l’évidence rationnelle, parce qu’elle s’adresse à un autre organe de connaissance que ces deux évidences-là.

Mais que l’organe soit créé, cette évidence sera perçue avec l’irrésistibilité propre à toute évidence.

Le péché contre le Saint-Esprit, le péché irrémissible, consiste à la voir et à refuser l’adhésion de la volonté, en attribuant sciemment une origine diabolique à ce qu’on voit comme divin.

Or, le calviniste est un homme qui a fait l’expérience de cette irrésistibilité du témoignage et de l’intérieure persuasion de l’Esprit de Dieu et qui a été déterminé, dans sa volonté, à répondre : oui, à l’affirmation de Dieu.

Il croit à la vérité de la parole par laquelle Dieu affirme qu’il est, parce qu’il ne peut pas ne pas voir qu’elle est revêtue de l’éclat de la majesté divine.

D’autre part, cette efficacité de l’action de la vérité sur l’âme n’enlève rien à la spontanéité de l’adhésion qu’elle donne, dans le cas de la conversion.

Par la grâce, l’objet révélé comme vrai à l’intelligence peut être révélé si souverainement aimable qu’il provoque l’amour. Or, aimer c’est se rendre volontairement et ce qui est volontaire est libre : veritas quam credit et amat cor meum, disait Saint Anselme.

D’ailleurs, quand il s’agit seulement de la foi au Dieu créateur transcendant et conservateur immanent de toutes choses, il n’est pas nécessaire d’être un chrétien orthodoxe, au sens ecclésiastique du mot, pour percevoir l’autorité qui s’attache à la seule affirmation que Dieu est.

Nous n’en voulons pour preuve que cette page si émouvante d’Emile Boutroux :

« … L’autorité, ne saurait être éliminée de la vie religieuse par cette raison générale qu’elle est impliquée dans le rapport de Dieu à l’homme.

Dieu, par définition, dépasse l’homme, infiniment. Comment donc pourrions-nous affirmer son existence autrement que par une sorte d’induction fondée sur l’autorité que nous attribuons à l’être parfait que notre pensée nous représente ?

La réalité de Dieu dépasse notre concept comme notre expérience, mais nous ne saurions en avoir l’idée sans ressentir en même temps le devoir d’affirmer son existence.

Dieu, en s’affirmant à nous, ne nous parle pas comme un fantôme de notre imagination, comme un idéal abstrait, mais comme ayant autorité… Dire que Dieu est, c’est dire que le bien, l’amour, l’esprit en tant que réel et possible, commande à la volonté de l’être raisonnable et n’est pas simplement un objet de contemplation esthétiquei ».

i – E. Boutroux, Esprit et autorité, Revue Chrétienne, 1904, p. 103.

Voilà pour ce qui concerne le côté objectif de la révélation.

Mais la révélation, avons-nous dit, a aussi un côté subjectif : la nature de l’adhésion de la foi, la nature de la foi elle-même, en tant qu’intuition de la vérité religieuse, est une révélation de l’action et de la présence actuelles de Dieu.

« La foi, dit l’Ecriture, est le support des choses qu’on espère, la démonstration de celles qu’on ne voit point. » (Heb.11.1)

Notons qu’il n’est pas dit que la foi soit le point de départ d’une démonstration. Ce qui est dit, c’est qu’elle est elle-même cette démonstration.

Pour comprendre qu’il puisse en être ainsi, il faut voir clairement ce que nous entendons, ici, avec l’auteur de l’Epître aux Hébreux, par ce terme de foi.

Ce n’est pas encore la foi justifiante, au sens des réformateurs, la ferme certitude de l’amour de Dieu, manifestée en Jésus-Christ, par les promesses de l’Evangile ; ce n’est pas encore la foi au Dieu sauveur, foi dont l’âme est l’amour et qui « opère par la charité ». C’est beaucoup moins que cela, à tel point que Calvin dit, qu’en comparaison avec la foi justifiante, cette foi est improprement ainsi nomméej.

jCalvin, Inst., 3.2.5

Il désigne pourtant par ce terme cet acte de l’esprit, à maintes reprises.

C’est ce qu’il appelle la foi au Dieu créateur.

Elle consiste à « croire que Dieu est. » (Hébreux 11.6)

On peut appeler cette croyance vivante foi, parce que s’il est vrai que le contenu en diffère d’avec la foi justifiante, la forme en est la même.

C’est une assurance ferme et certaine, qui ne repose ni sur l’évidence des sens, ni sur l’évidence de la raison, mais sur l’évidence d’une parole dont le caractère porte en elle-même une marque de divinité.

On voit que, pour le dire en passant, dans la langue religieuse, les termes de croyance, foi, croire, désignent le degré éminent de la certitude. C’est juste le contraire de ce qu’ils signifient dans le langage ordinaire et dans la langue philosophique, où ils ont pour équivalents opinion, probabilité, estime probable.

Voyons maintenant comment la foi, ainsi comprise, peut être, par elle-même, une révélation et une démonstration de la transubjectivité de Dieu. Si ce jugement existentiel est une démonstration d’existence, c’est que la foi en Dieu, être totalement infini, participe, par son objet, à l’infini et qu’elle doit nécessairement être un acte infini ou n’être pas foi en Dieu. Elle est une démonstration de l’action présente de la cause infinie parce qu’elle est un acte qui est un effet infini.

« La foi, dit Calvin, ne doit… pas être enclose en ce que nous apercevons, d’autant qu’elle est fondée sur la vertu de Dieu. Or, cette vertu-là est infinie… puisqu’ainsi est, il faut que notre foi s’élargisse aussi bien… et puisque Dieu n’a point une puissance par certaine mesure, et qui soit enclose ni sujette à moyens humains, ni naturels, il faut aussi que notre foi s’étende et haut et bas, quelle soit infiniek ».

k – Op. Calv. XXXIV, p. 603 sq.

La foi participe ainsi, par son objet, à l’Etre infini. En dépit de l’apparence fournie par les sens et, au besoin, de la vraisemblance rationnelle, elle s’affirme spontanément certaine de la victoire, au milieu des décombres et des ruines, même devant cette έσχατον, cette fin qu’est la mort.

Elle reçoit le succès comme un don visible de Dieu, et de l’insuccès, elle tire matière à prophétiser imperturbablement la résurrection finale des causes justes, définitivement vaincues.

Lorsque la foudre de la justice immanente frappe l’impie, elle s’incline, en tremblant, devant le jugement de Dieu.

Le trouvant partout dans le cours des événements, elle s’incline devant le mystère, plus profond encore, des dispensations de la grâce. La foi adore une miséricorde inattendue, quand Dieu jette Saul de Tarse tout meurtri dans la poussière et le traîne derrière son char de triomphe.

Quoi qu’il arrive et quoi que Dieu fasse, qu’il soit le Dieu manifesté ou le Dieu caché, la foi se penche sur l’infinitude de l’abîme divin qui se découvre devant elle.

Plus elle est opprimée, pressée par l’adversité et plus spontanément et vigoureusement elle détend ses ressorts et déploie ses énergies.

La foi se manifeste ainsi à la conscience du croyant comme un effet qui lui fait pour ainsi dire toucher du doigt une cause infinie. Car il a conscience d’être incapable de trouver en lui, dans sa nature encline à croire sans réserve ce qui est indigne d’une confiance absolue, l’aptitude à produire lui-même l’acte qu’il fait.

Ce qu’il y a dans la foi de paradoxalement sublime émeut et trouble ses adversaires eux-mêmes. Et ceux qui ont le cœur droit parmi eux confessent qu’elle est sublimel.

l – Wilfred Monod, Le problème du Bien, essai de théodicée et journal d’un pasteur, vol. III, p. 362 : « L’attitude est sublime… il y a là quelque chose d’héroïque, par où l’âme orthodoxe ressemble beaucoup à l’âme de l’agnostique ou du fidéiste croyants » ; p. 363 : « Nous tenons le secret de la piété calviniste ; … une attitude essentielle et métaphysique de l’âme, enracinée dans une attitude morale qui est une forme de l’héroïsme radical… ; p. 813 : … conclusions que l’on peut, à certains égards, qualifier de sublimes… »

Etant le chef-d’œuvre du Saint-Esprit, sa signature imprimée dans l’esprit humain, elle est tellement la preuve et la démonstration de ce qu’elle affirme, qu’en s’exprimant, elle devient souvent contagieuse : la cause de votre victoire sur le monde, dit l’Ecriture, c’est votre foi.

Or, parmi les actes de foi, il y a la prière.

Nous ne parlons évidemment pas de la prière machinale. Nous entendons la prière réfléchie et qui pense à ce qu’elle dit lorsqu’elle répète, après le Christ, les paroles qui ouvrent l’oraison dominicale : « Notre Père, qui es aux cieux. »

Cette prière-là est un acte à la racine, au cours, et au terme duquel Dieu se révèle comme présent, comme le non-moi auquel on dit : toi.

Fille du besoin et de la foi, la prière reçoit de sa mère, la foi, comme un reflet du sublime divin qui en est l’âme.

Dans la prière, il y a comme un défi surhumain jeté à la face de la raison ratiocinante et de l’adversité. C’est l’appel qu’un être de néant, perdu comme un atome sur ce grain de poussière qu’est la terre dans l’immensité de l’universm, lance à l’Etre souverain, croyant sur sa promesse, qu’il n’y a rien de grand pour lui parce qu’il est immense, et qu’il n’y a rien d’infime pour lui parce que sa pitié et sa fidélité sont infinies.

m – Beaucoup de modernes s’imaginent assez naïvement que la prière ne peut être cela que depuis la découverte de l’infini cosmique à l’aide du télescope, en 1610 de notre ère. C’est là une vue qui est contredite par l’histoire. Voir ch. XI, du présent ouvrage.

La prière appelle la présence de Dieu et, parce qu’elle est en soi un acte sublime, celui qui prie reçoit la certitude subjective de la transubjectivité divine.

Elle est, elle aussi, par cela même, un mode de révélation, un mode de l’évidence spirituelle de la réalité de Dieu. Elle est, en nous, le retentissement de l’acte de Dieu qui donne la foi et attire ceux qui croient, dans ses bras.

Quand on croit et quand on prie, on a immédiatement conscience d’être efficacement déterminé et causé par une puissance qui ne peut être que divine, puisque capable de faire passer la gloire de la majesté infinie dans l’acte d’une créature méprisable et finie.

Certes, la volonté du croyant intervient dans l’acte de foi qui dicte la prière. Mais c’est pour se rendre, parce qu’elle se sent dominée et vaincue. Je ne voudrais pas croire si ma volonté n’était inclinée efficacement à vouloir, par l’attrait invincible de la vérité divine que mon intelligence perçoit dans une promesse de Dieu. On ne peut constater en soi un acte plus spontané ; plus libre que l’acte de foi : il ne connaît ni la contrainte logique ni la contrainte physique ; il est volontaire dans le sens le plus complet du terme ; libre, puisque tout ce qui est volontaire est libre. (S. Bernard, Calvinn)

n – S. Bernard : Sermo super Cant. 81 apud. Calv. Inst. Chr., 2.3.5.

Mais c’est dans l’exercice même de ma liberté que je prends conscience de l’efficacité infaillible d’une révélation transcendante à moi.

Or, cet acte d’allégeance supradialectique de l’intellect fini à l’égard de l’Esprit infini, originaire et constitutif de toute réalité, n’est pas un sacrificium intellectus, un reniement de l’intelligence. Il est au contraire le seul moyen de sauver la valeur de l’intelligence.

Il résulte de l’intuition immédiate de l’intelligence qu’elle ne peut trouver ailleurs « plus certain et assuré repos ». L’intelligence qui refuserait de fonder sa foi en elle-même sur la foi en l’intelligence absolue se condamnerait à un scepticisme radical. Et si elle consentait à situer sa foi inconditionnelle plus bas que l’intelligence absolue, c’est alors qu’elle consommerait sa propre immolation.

La révélation positive permet à celui qui a reçu la foi et qui prie d’appeler par son nom l’être absolu dont la connaissance comme réel est impliquée dans la conscience que nous avons de ne subsister que relativement.

« Quiconque s’examinera, trouvera Dieu en lui-même, car c’est en lui que nous vivons, nous nous mouvons, nous sommes… Certes la vie est en nous. Si elle est en nous, elle est donc un témoignage de la divinité. Qui en effet serait insensé au point de prétendre qu’il vit de soi (a se) ? Comme donc les hommes ne vivent pas de soi, mais qu’ils reçoivent la vie d’ailleurs, à titre précaire, il résulte de là que Dieu habite en eux… Certes, voilà la vraie connaissance de Dieu, qui se produit lorsqu’on ne spécule pas en l’air sur ce que discutent les philosopheso, mais qu’on sent par expérience que Dieu seul est. Pourquoi ? Parce que nous sommes. Or, nous ne sommes pas, à proprement parler, mais nous subsistons seulement. Si nous subsistons, il faut nécessairement considérer le support (hypostasis). Donc l’être sera trouvé en possesssion de Dieu seul, à proprement parler. D’où il résulte que la vie humaine est une marque éclatante de la divinité uniquep ».

o – Par ces mots, notre réformateur renonce aux démonstrations de l’existence de Dieu présentée par les philosophes.

pCalvin, Prælect. in Jeremiah 10.1. Voir encore Inst. Chr. 1.1.1 ; Com. sur Actes 17.27.

Il ne faut pas se méprendre ici sur les « ergo » dont Calvin émaille son discours pour exprimer, articuler et expliciter l’intuition (« experiesntia »), le sentiment immédiat qui lui révèle la présence de Dieu dans les pulsations de sa vie, par delà les discussions des philosophes.

Il n’y a pas de syllogismes, pas de jugements prédicatifs dans ce passage. Il y a des jugements de relation. Calvin sent qu’il vit et dans la conscience qu’il prend de ce fait, il touche le support absolu de son être, la cause immanente de sa vie : Celui qui est de soi. Puis, par une sorte d’induction, comme dit Boutroux dans le passage cité plus haut, le réformateur étend son affirmation à toutes les créatures.

Il sait donner son nom, Dieu, à ce support absolu, parce que la révélation positive le lui a préalablement fait connaître dans la majesté de la révélation de son essence infinie et parce que la prière l’a mis en relation vivante avec le Vivant.

Ayant reçu l’illumination de la foi, au contact de la Parole de Dieu, le croyant peut percevoir et interpréter dans le sens théiste la révélation du divin dans l’univers et dans la destinée qui régit le cours de sa vie et le cours des événements.

Qu’il s’agisse de la marche de l’univers ou de celle de l’histoire, l’ordre lui révèle que c’est la volonté d’une intelligence suprême qui règne. L’exception, l’inattendu, l’avènement de l’improbable, lui révèle, en même temps, que cette intelligence est libertéq.

qPrælect. in Jer., loc. laud. ; Inst. 1.5.

L’avènement habituel du probable permet à l’homme d’organiser sa vie conformément aux règles de la prudence.

L’irruption de l’inattendu lui donne conscience qu’il doit compter avec la liberté d’une sagesse dont les desseins déjouent toute prévision humaine.

De fait, l’inattendu réalisé, l’invasion paradoxale de l’improbable, éveille invinciblement, chez la plupart des hommes, le sentiment qu’ils sont en présence du « fait exprès », d’une mystérieuse volonté dont les décrets se réalisent infailliblement, qu’il s’agisse d’événements nécessaires ou d’actes libres.

C’est alors que les preuves philosophiques de l’existence de Dieu, ramenées au rôle de témoins, prennent leur véritable valeur. La preuve cosmologique, par la contingence du monde, suggère une cause adéquate à l’explication de l’existence du monde et des faits cosmiques en général. La raison est incapable de démontrer que cette cause éternelle et immuable est Dieu, au sens du premier chapitre de la Genèse. La foi, éclairée par la révélation du dogme de la création, voit dans l’existence et la conservation du monde, une manifestation du pouvoir infini dont il est écrit : « il dit et la chose est ; il commande et elle subsiste. » (Psaumes 33.9) La foi est alors conscience d’une destinée réalisée par une volonté souveraine. Par la foi, au spectacle du monde, nous savons que nous sommes voulus.

La preuve téléologique laissait indécise la question de savoir si « le grand architecte » est transcendant au monde ou s’il ne serait pas tout simplement « l’élan vital », procédant par tâtonnements pour réaliser des formes toujours plus parfaites (Bergson), ou « la vie » se manifestant, quand elle peut et comme elle peut, au hasard des conditions qui lui permettent de s’organiser et dont la similarité générale donne l’impression d’un plan unique (Paul Rabaud).

La foi en tant que telle n’a pas à prendre parti entre les diverses explications scientifiques de l’origine de la vie ni même de l’organisation du monde.

Elle sait que le « conseil de Dieu demeure ferme ». La science établirait-elle qu’il faille attribuer les formes ascendantes des espèces vivantes à l’effort laborieux, souvent maladroit, de l’élan vital, que la foi ne confondrait pas cet élan vital avec Dieu. Elle saurait que les impulsions et les directions prises, puis abandonnées par cette hormè plus ou moins aveugle, sont régies par la providence de Dieu. Elle ferait retomber, sur cette cause seconde — qui pour elle serait une cause réelle, — les tâtonnements et les échecs que nous constatons dans l’univers.

Le résultat de l’étude des formes vivantes nous obligerait-il à reconnaître l’action prépondérante d’un concours de circonstances fortuites, que la foi ne s’en émouvrait pas.

Dans le fait même qu’il y aurait des conditions sine qua non pour que la vie puisse s’organiser et que ces conditions ont abouti à la constitution d’organismes, de systèmes, d’un cosmos ordonnés, la foi verrait toujours, grâce à l’existence et à l’organisation du monde, la maîtrise du législateur qui a soumis tout le réel aux lois qui sont les principes directeurs de l’intelligence et qui plient le réel physique sous leur domination.

Dans les désordres partiels, la foi voit l’intervention et les déviations de forces créées, libres ou aveugles, de l’élan vital, si on veut, dont il plaît à Dieu de permettre le jeu spontané, tout en le contrôlant et le bridant par sa providence, pour l’intégrer dans un cosmos.

Ce serait se condamner à comprendre de travers le beau chapitre V du premier livre de l’Institution Chrétienne, que d’y chercher les preuves dialectiques de l’existence de Dieu par la contingence du monde, les causes finales, etc.

Pour Calvin, ni le monde ni l’histoire ne démontrent Dieu par voie de démonstration apodictique ; ils reflètent comme un miroir les rayons qui jaillissent du mystère de l’essence divine et nous révèle ainsi, à des degrés divers, les noms, les attributs, qui nous font connaître analogiquement ce que Dieu est à notre égard, quand nous avons reçu des yeux pour voir.

Or, une révélation est une démonstration, si l’on veut, mais une démonstration immédiate ; une évidence, certes, mais une évidence suprarationnelle : il ne peut, en effet, y avoir d’instance au-dessus d’une révélation supposée divine.

Depuis l’invasion du péché dans le monde, le langage de la création et des événements qui s’y déroulent a cessé d’être clairement intelligible à l’homme tombé.

L’universalité des religions et l’élaboration des « preuves » de l’existence de Dieu indiquent qu’il n’a pas, malgré sa chute, perdu le sens de la divinité.

D’un autre côté, les superstitions envahissantes et la dégradation des religions historiques qui tendent toujours spontanément vers le polythéisme ; l’oscillation perpétuelle des philosophies religieuses entre le panthéisme acosmique et le déisme dualiste prouvent que la révélation naturelle est insuffisante pour conduire l’homme abandonné à lui-même vers le Dieu vivant et vrai. A fortiori, ne peut-elle rien lui apprendre sur la volonté miséricordieuse de ce Dieu à son égard, dont il n’est pas encore question ici.

Pour comprendre l’enseignement de la nature sur le Dieu créateur et conservateur, il faut que l’homme passe d’abord par cette restauration, partielle ou totale, de l’image divine qu’est la régénération.

Mais cela ne suffit même pas. Beaucoup de chrétiens spirituellement régénérés ne comprennent guère mieux que les incroyants le livre de la nature. Pour retrouver le sens oublié de ce langage, il faut une grammaire et un maître : la Bible et l’Esprit de Dieu. Sans la « maîtrise de l’Esprit », la Bible elle-même n’est plus qu’une collection d’écrits utilisables pour renseignements psychologiques, historiques, archéologiques. Et si l’Ecriture sainte n’est plus reçue comme le canon suprême de la foi, le Maître intérieur ne parle plus que par ces soupirs indistincts dont fait mention l’apôtre.

« Pour être éclairés et adressés en la vraie religion, il nous faut commencer par la doctrine (l’enseignement) céleste. Et… nul ne peut avoir seulement un petit goût de la saine doctrine pour savoir que c’est de Dieu, jusques à ce qu’il ait été à cette école pour être enseigné par l’Ecriture sainter. »

r – Calvin, Inst. Chr., 1.6.2.

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