Étude pratique sur l’épître de Jacques

17. Préceptes de détail

5.12-20

12 Avant toutes choses, mes frères, ne jurez point, ni par le ciel, ni par la terre, ni par aucun autre serment ; mais que votre oui soit oui, et votre non non, afin que vous ne soyez pas condamnés. 13 Quelqu’un est-il dans la souffrance parmi vous, qu’il prie ; quelqu’un est-il joyeux, qu’il psalmodie ; 14 quelqu’un est-il malade, parmi vous, qu’il fasse venir les anciens de l’Eglise, et qu’ils prient pour lui et l’oignent d’huile, au nom du Seigneur ; 15 et la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera, et s’il a commis des péchés, il lui sera pardonné. 16 Confessez vos fautes les uns aux autres et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris ; elle a une grande efficace la prière du juste, lorsqu’elle est agissante. 17 Elie était un homme d’une nature semblable à la nôtre, et par la prière il supplia qu’il ne tombât point de pluie, et il ne plut point sur la terre durant trois ans et six mois ; 18 et il supplia de nouveau, et le ciel donna de la pluie et la terre produisit son fruit. 19 Mes frères, si quelqu’un parmi vous s’était égaré loin de la vérité et que quelqu’un l’y ramenât, 20 qu’il sache que celui qui aura ramené un pécheur de son égarement sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés.

Jacques passe maintenant à quelques exhortations de détail, principalement dirigées contre les péchés particuliers qui régnaient dans ces églises. Jésus-Christ, dans le sermon sur la montagne, avait spiritualisé la loi, il avait montré qu’elle est, dans son sens profond, une loi intérieure ; les préceptes extérieurs et isolés qu’elle renferme, il en avait montré la signification spirituelle et permanente et les avait rattachés à tout l’ensemble des dispositions chrétiennes. C’est ainsi qu’il avait tout à la fois aboli et accompli la loi, l’abolissant selon la lettre, l’accomplissant selon l’esprit. C’est de ce point de vue qu’il la considère toute entière, et de même qu’au commandement lévitique : « Tu sanctifieras le septième jour, » il avait substitué ce commandement nouveau qui n’est que l’explication spirituelle du premier : « chaque jour sera consacré à Dieu ; » de même ce précepte ancien : « tu garderas fidèlement ton serment, » se trouve transformé en celui-ci : « que chacune de tes paroles soit sacrée, car tu es sans cesse sous le regard du Seigneur. » — La simple parole du chrétien a pour lui autant de valeur que le serment pour les autres hommes ; c’est pourquoi les vrais chrétiens n’ont nullement besoin du serment ; ils sont liés par leur seule parole et celle-ci est reçue par tous leurs frères avec une telle confiance que le serment n’y ajouterait aucune autorité. Il en devrait être ainsi dans toute association vraiment chrétienne, dont tous les membres se reconnaîtraient entre eux comme de vrais chrétiens. Mais dans les églises auxquelles Jacques s’adresse s’était introduite, comme conséquence naturelle de l’intempérance de langue, la funeste coutume judaïque de ne pas attacher aux paroles une très grande importance ; pour leur donner une autorité qu’elles n’avaient point par elles-mêmes, on les accompagnait d’une foule de protestations de véracité dans lesquelles on ne mêlait pas toujours le nom de l’Eternel, mais qui étaient comme des demi-serments qu’on se faisait aussi moins le scrupule d’enfreindre. C’est contre cette coutume que s’élève l’écrivain sacré : « Avant toutes choses, mes frères, ne jurez point, ni par le ciel, ni par la terre, ni par aucun autre serment, mais que votre oui soit oui et votre non non, afin que vous ne soyez pas condamnés ; c’est-à-dire : votre oui et votre non doivent suffire, indépendamment de toute autre confirmation ; sinon, si votre simple parole ne suffisait pas, et qu’il fallût encore, pour qu’on y ajoutât foi, qu’elle fût appuyée sur l’autorité d’un serment quelconque, vous seriez condamnables.

Jacques s’élève alors à un point de vue plus général. Comme il s’était introduit dans ces églises l’habitude toute mondaine de distinguer entre certains actes qui appartiennent au service de Dieu et tout le reste de la vie qui appartient au monde, Jacques oppose à cette tendance formaliste le précepte qui est, entre tous, le plus propre à la combattre, savoir, que tous les sentiments du chrétien, joies ou douleurs, doivent se tourner en prière. Par là, les joies comme les douleurs sont purifiées et sanctifiées. Quelqu’un souffre-t-il ? que ces souffrances se changent en accents de prière ; qu’il cherche en Dieu la délivrance, la force de supporter ses douleurs et de les accepter avec soumission ! Quelqu’un est-il dans la joie ? qu’il élève son cœur vers Dieu pour le louer et bénir Celui duquel viennent tous les biens ! La disposition d’âme commune à la joie et à la tristesse chrétienne doit donc être le regard vers Dieu ; et puisque ces deux sentiments résument toute la vie, on peut dire de toute la vie du chrétien qu’elle est une prière continuelle. La prière, étant l’âme de la vie chrétienne, doit en pénétrer tous les détails ; Jacques en montre l’application dans une circonstance particulière, la maladie, et insiste sur l’importance de prier alors les uns pour les autres, au nom du Seigneur.

Comme les divers membres de la communauté chrétienne sentaient le besoin des sympathies et des prières de l’Eglise, et savaient qu’ils pouvaient compter sur elles, ils devaient, en cas de maladie, faire venir les anciens qui représentaient la communauté entière et agissaient en son nom. Ceux-ci devaient prier pour eux et joindre à leur prière un acte symbolique qui était pratiqué dans plusieurs églises de l’Orient, sans être jamais devenu d’un usage général ni obligatoire, savoir, l’onction d’huile ; Jésus-Christ l’avait quelquefois employée dans les guérissons des malades, comme signe de la puissance divine qui rend la santé au corps et à l’âme. Si c’était la volonté du Seigneur, le malade guérissait ; dans tous les cas, il recevait de nouvelles forces spirituelles et une nouvelle assurance du pardon de ses péchés ; puis, par une conséquence naturelle, son état physique se ressentait du soulagement qu’avait éprouvé son âme. Quelqu’un est-il dans la souffrance parmi vous, qu’il prie ; quelqu’un est-il joyeux, qu’il psalmodie ; quelqu’un est-il malade parmi vous, qu’il fasse venir les anciens de l’Eglise et qu’ils prient pour lui et l’oignent d’huile au nom du Seigneur ; et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera et s’il a commis des péchés, il lui sera pardonné. On voit que Jacques attribue la puissance de guérison non à l’huile, mais à la prière de la foi.

Après avoir considéré les anciens comme les organes de l’Eglise, il rappelle à tous les autres chrétiens, sans distinction, qu’étant membres d’un même corps, ils doivent tous prier les uns pour les autres, dans leurs besoins temporels et spirituels, se confesser les uns aux autres leurs péchés et implorer les uns en faveur des autres la miséricorde divine, car la prière inspirée par l’amour fraternel est d’une grande puissance. Confessez vos fautes les uns aux autres et priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris ; soit qu’il s’agisse ici, comme plus haut, de la guérison du corps, en même temps que de celle de l’âme, soit qu’il ne s’agisse exclusivement que de cette dernière. Elle a une grande puissance, la prière du juste lorsqu’elle est agissante. A l’appui de cette vérité, Jacques cite des exemples puisés dans l’Ancien Testament. Mais comme ces chrétiens, encore imbus de l’esprit judaïque et formaliste, étaient enclins à reléguer dans un profond éloignement les saints hommes de l’ancienne alliance qu’ils se bornaient à vénérer et à admirer à distance, sans songer à imiter leur exemple, Jacques leur rappelle que ces héros de la foi ont été des hommes faibles comme eux et que la même puissance divine qui les avait soutenus, peut encore agir dans les faibles aujourd’hui, et cela d’autant plus que les grâces et les privilèges qui n’étaient, sous l’ancienne alliance, que le partage d’un petit nombre, sont devenus, dans l’économie nouvelle, le patrimoine universel des croyants, puisqu’ils sont tous sacrificateurs et prophètes. Elie était un homme d’une nature semblable à la nôtre, et par la prière il supplia qu’il ne tombât point de pluie, et il ne plut point sur la terre durant trois ans et six mois ; et il supplia de nouveau, et le ciel donna de la pluie et la terre produisit du fruit.

Jacques qui avait exhorté les chrétiens à prier les uns pour les autres dans toutes leurs nécessités, soit du corps, soit de l’âme, leur recommande maintenant de ne pas repousser durement ceux qui, dans leur développement religieux et moral, auraient suivi une fausse voie ; leur devoir est au contraire d’accueillir ces frères égarés, pour chercher à les ramener à la vérité ; recommandation bien nécessaire pour ces esprits étroits, toujours portés à taxer les autres d’hérétiques et à les condamner. Mes frères, si quelqu’un parmi vous s’était égaré loin de la vérité et que quelqu’un l’y ramenât, qu’il sache que celui qui aura ramené un pécheur de son égarement sauvera une âme de la mort, et couvrira une multitude de péchés. Sauver un frère de la mort spirituelle qui le menace, voilà donc, selon l’écrivain sacré, le plus beau fruit de l’amour. Car ce n’est pas seulement le convier à la repentance, à l’égard d’un péché particulier, et par là lui ouvrir les voies au pardon de ce seul péché-là ; c’est le retirer de la voie de péché dans laquelle il marche et rétablir en lui le principe de la vie divine. Ainsi les nombreux péchés dans lesquels sa vie passée le faisait tomber sont pardonnés. Cette explication est la plus conforme au contexte. Cependant l’on pourrait entendre par « la multitude de péchés, » non ceux du frère égaré mais ceux du frère qui le redresse ; le sens serait alors : quand un homme, poussé par l’amour chrétien, se montre plein de zèle pour le salut d’un autre, les nombreux péchés dans lesquels l’entraîne encore sa faiblesse seront pardonnés, précisément parce que l’amour surmonte et absorbe tout ; l’amour triomphe du mal. C’est ainsi que le Sauveur a dit ; « celui qui a beaucoup aimé il lui sera beaucoup pardonné » (Luc 8.17). Seulement, dans cette dernière interprétation du passage, qui n’est pas la nôtre, il ne faut pas faire dépendre le pardon des péchés de celui qui redresse un frère du succès de ses efforts, puisque ce succès n’est pas au pouvoir de l’homme. Ce qui couvre la multitude de péchés, c’est l’amour.

C’est ainsi que l’Épître se termine dans le même esprit d’amour qui en a dicté toutes les pages, et qui caractérise la personne et le ministère de son auteur.

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