Jean Hus, Gerson et le Concile de Constance

5.2. — La France et Gerson.

Gerson, qui voua sa vie à l’extinction du schisme expira l’année même où il finit. Ce grand homme avait vu tomber une à une toutes ses illusions et s’évanouir toutes ses espérances ; il avait vu le concile abandonner la grande cause de la réforme et le pape se rendre indépendant du concile. Sa patrie, toujours déchirée par la guerre civile et la guerre étrangère, ne lui offrait aucune consolation ; il vit le corps illustre auquel il appartenait, l’Université de Paris, se fourvoyer, comme le dit Pasquier, de son ancienne vertu et soutenir les prétentions du pape contre les libertés de cette Église gallicane dont elle avait fait la force et la gloire.

Les évêques, en distribuant les bénéfices, avaient préféré leurs créatures aux gradués de l’Université ; celle-ci se plaignit au pape, et Martin V se la rendit favorable en lui concédant une part dans les collations par son concordat avec la nation française. Ce concordat portait atteinte aux libertés gallicanes, surtout en ce qui touche les collations, les appels au pape et les annatesd. Il ne fut point d’abord accepté en France, où dominaient le dauphin et les Armagnacs ; l’élection du pape y fut même contestée, et l’Université de Paris ayant fait appel à Martin V, avant que ce pontife eût été reconnu dans le royaume, son recteur et plusieurs de ses membres furent mis en prisone. La trahison livra bientôt après la capitale aux Bourguignons ; il y eut alors une révolution dans l’Église comme dans le gouvernement. Jean sans Peur, reconnaissant envers le pape, qui n’avait point condamné son apologiste, malgré la vive opposition du parlement de Paris, lui sacrifia les libertés de l’Église de France. Gerson vit avec douleur abroger les actes qui les établissaient ; il vit l’Université elle-même contrainte à désavouer, sur la doctrine de Jean Petit, ce qu’elle avait si longtemps mis son honneur à soutenir ; il vit casser, avec une solennité qui fut un scandale de plus, la sentence rendue quatre années auparavant par l’évêque de Paris contre l’apologie du meurtre ; il vit, enfin, son malheureux roi, abandonné, trahi par ses proches, le dauphin fugitif, ses amis égorgés, et la meilleure partie du royaume au pouvoir des étrangers et de ce même Jean sans Peur, dont il s’était fait un ennemi mortel.

d – Le pape, comme il a été dit 4.4, maintenait par son concordat les principales dispositions de son projet de réforme. Il conservait les annates, mais il s’engageait à n’en exiger que la moitié durant cinq ans, vu l’état du royaume.

e – Le conseil du roi, ayant ensuite appris que Martin V avait été canoniquement élu, fit reconnaître ce pontife en France, mais il maintint en même temps l’ordonnance de 1407 relative aux libertés de l’Église.

La France, ouverte à tous ses ennemis, était fermée à son plus noble fils : l’illustre Gerson n’eut de choix que le lieu de son exil. Vers le milieu de l’année 1418, déjà sexagénaire, il quitte Constance comme un banni, il se rend en Bavière et traverse en pèlerin les montagnes du Tyrol ; il arrive sur les bords de l’Inn à Rattemberg, où le duc Albert lui offre un asile. Là, il s’arrête le cœur brisé ; il rappelle avec amertume, dans sa pensée, les derniers actes du concile de Constance, les périls qui l’environnent après une longue vie de fatigue et d’épreuves, et il raffermit son âme par la méditation religieuse ; il oublie les hommes en se rapprochant de Dieu. C’est là qu’il écrit, à l’exemple de Boèce, ses quatre livres de la Consolation théologique. « Il a vu régner, dit-il, la discorde et l’iniquité au milieu de son peuple ; de toutes parts des pièges lui étaient tendus, et, comme l’oiseau échappe aux liens de l’oiseleur, il s’est dérobé au naufrage, emportant du moins avec lui l’espérance. »

[De Consolatione Theologiæ. Gers. oper., t. Ierer, page 130. — Cet ouvrage est un dialogue entre un personnage nommé Volucer, envoyé par Gerson à son frère, ce frère, qu’il désigne sous le nom de Monicus. « O Volucer, dit celui-ci, l’ami de mon âme ne gémit-il pas d’être ainsi exilé dans une terre étrangère et lointaine, où il n’entend point la langue qui lui est familière ? — Il glorifie Dieu, répond Volucer, il élève ses mains à ce Dieu, qui est son salut, et pleure, comme un autre Jérémie, sur les maux de sa triste patrie. »]

Dans cette même retraite son infatigable pensée se distrait et s’exalte par d’autres travauxf auxquels il se livre comme à un exercice qu’il ne croit utile qu’à lui-même. « Hélas ! s’écrie-t-il, dans ce siècle malheureux, qui lira ces choses, qui les étudiera ? Il travaille néanmoins avec ardeur ; aucun obstacle re le détourne de ces saintes occupations, parce que, pour lui, dès son enfance, étudier, méditer, lutter, c’est vivre.

f – Il écrivit à cette époque le Monotessaron, ou évangile unique, formé des extraits des quatre évangiles.

Les bienfaits de l’archiduc Frédéric vinrent le chercher dans cette obscure retraite. Frédéric désirait ardemment qu’une si grande lumière brillât dans son Université de Vienne : il y appela Gerson et lui fit le plus bienveillant accueil. Mais loin de la France, Gerson ne l’oubliait pas.

« O France, dit-il, qu’est devenue ta piété, ta foi antique ? Tes enfants subissent la mort et l’exil. Dieu puissant, que de théologiens, que de pontifes ont péri pour ta loi imprimée dans leurs cœurs ! Combien gémissent emprisonnés par une rage cruelle ! D’autres ont fui ; ils habitent des terres lointaines, protégés par l’exil, mais dénués de tout, et parmi eux le chancelier des douces études à Paris : il s’est éloigné, il est devenu étranger sur la terre ! »

Cependant il n’accuse de ses maux ni la destinée, ni les hommes ; sa douleur ressemble à ces sources qui coulent dans l’ombre et ne murmurent pas, et dans les pages mêmes où n’éclate aucune plainte on reconnaît la trace des larmes. Après quelques mois de séjour à Vienne, Gerson apprend l’assassinat du duc de Bourgogne à Montereau. Son ennemi n’est plus, la France se rouvre pour lui ; il tourne aussitôt ses pas vers elle. Mais ce n’est point à Paris qu’il se dirige Paris, théâtre de luttes sanglantes, ne lui promet pas le repos auquel il aspire ; d’ailleurs les Anglais y règnent : Paris dès lors, pour un Français, n’est pas la France. C’est à Lyon qu’il se rend, à Lyon, où le dauphin commande, où lui-même a deux frères, dont l’un est prieur au couvent des Célestins. Il y arrive vers la fin de l’année 1419, vieux et indigent ; là finissent son pèlerinage et son exil.

Désormais il renonce à tenir une place au milieu des hommes, dans la sphère orageuse du monde ; Gerson s’occupe de son âme, le plus grand trésor que possède l’homme sur la terre. Les épreuves, les tempêtes du monde ont purifié la sienne ; elles l’ont forcé à se replier sur lui-même, à se retrancher comme dans un fort où il n’est pas permis aux insensés de le suivre. Aux éclats éloquents de l’indignation courroucée, aux mordantes invectives contre l’erreur succèdent maintenant dans sa bouche les accents d’une compassion douce, infinie. Dans l’humble cellule du cloître Saint-Paul, où le grand orateur de Constance s’est retiré, sa patrie lui est toujours présente.

« On ne saurait croire, dit son frère, quels torrents de pleurs jaillissaient des profondeurs de son âme au spectacle des maux affreux du beau royaume de France, cruellement déchiré par les discordes civiles et en proie aux étrangers… C’est pour cela qu’offrant à l’autel le saint sacrifice il supplie le Seigneur d’accorder quelque relâche à son peuple travaillé par tant de douleurs. »

Parmi ses nombreux sujets d’affliction, faut-il donner une place au repentir de ses rigueurs envers ceux que le concile condamna ? Il serait difficile de l’affirmer, car, dans un siècle où l’hérésie est flétrie comme le plus grand des crimes, l’intolérance est honorée comme une vertu ; cependant, lorsque Gerson eut reconnu pour impraticable l’idée qu’il s’était faite du gouvernement spirituel de la société chrétienne par l’épiscopat, de la réforme de l’Église par l’Église, lorsqu’il eut vu surtout la grande assemblée qu’il réputait infaillible refuser de censurer des hommes plus coupables que ceux qu’elle avait fait brûler ; à mesure enfin que, détaché davantage du monde, il s’élevait au-dessus des disputes humaines pour s’attacher à cet Évangile, source vivifiante des doctrines de Jean Hus et sa loi suprême, on peut croire que, dans le fond de son âme, une voix secrète protesta sourdement en faveur de ce chrétien qui était mort en confessant son Sauveur. « Tout homme, dit Gerson, qui est mis à mort en haine de la justice et de la vérité qu’il honore et défend, est digne, devant Dieu, du titre de martyr, quel que soit le jugement des hommes. Il est impossible qu’en traçant ces mots, dans la solitude de l’exil, Gerson ait oublié ce juste qu’il avait vu préférant le supplice au parjure, et lorsque son frère lui demande si, en repassant dans sa mémoire tout ce qu’il a fait au concile, il n’a ni remords ni scrupule, il répond : « Qui se glorifiera de posséder un cœur sans tache ? Qui peut dire : Je suis innocent et pur ? Qui ne redoutera les jugements du Dieu terrible ? Peut-être alors Jean Hus s’offrait-il à sa pensée ; et voilà peut-être aussi ce qui contribuait, autant que l’avortement de ses projets et le renversement de ses plus chères espérances, à l’éloigner du monde… « Beaucoup s’étonnent, dit le prieur, son frère, de ce qu’il se tient ainsi à l’écart et mène une vie solitaire et cachée. Vous le diriez un anachorète s’il recherchait les lieux déserts ; mais il habite parmi son peuple, et beaucoup demandent : Pourquoi ne paraît-il plus en public ? Pourquoi ne va-t-il plus apaiser les querelles des hommes qui se déchaînent avec tant de fureur ? » Il ne se mêlait plus à ces brillants débats, parce que trop souvent la charité en souffre et y périt ; mais sa vie, quoique paisible, n’est pas oisive ; ce qu’il fait, son frère nous l’apprend encore : il s’entretient avec la sagesse, à laquelle, comme à sa compagne, il a voué sa vie dès son jeune âge ; elle le visite dès le matin, et s’il est triste et inquiet elle ne le quitte point qu’elle ne l’ait consolée. Il ne porte dans sa conversation ni chagrin, ni amertume ; le jour entier lui suffit à peine pour accomplir tout ce que sa belle âme lui suggère ; il médite, il écrit, il exhorte. Interrogé, consulté par les hommes, il leur prodigue ses sages avis il se mêle à eux, non plus pour disputer, mais pour instruire ; non pour condamner, mais pour sauver.

Le penseur profond qui a tout examiné, tout sondé, non sans crainte, ne cherche plus la solution des problèmes qui l’ont agité : deux grands besoins, réfléchir et aimer, se sont partagé sa vie ; maintenant la réflexion cède la place à la foi, à l’amour, à la contemplation intime et mystiqueg. Toutefois, en côtoyant ces profonds abîmes du mysticisme où tant d’hommes éminents se sont perdus, son sens droit et ferme le garantit d’y tomberh. Il a d’ailleurs un guide sûr dans l’Évangile ; il s’y attache plus que jamais ; tout ce qu’il fait, tout ce qu’il écrit est imbu de ce divin esprit dont il s’inspire chaque jour davantage.

g – C’est à cette époque de sa vie que Gerson a composé son commentaire sur le Cantique des cantiques et ses douze traités sur le Magnificat.

h – Voyez à ce sujet d’excellents aperçus dans un beau travail publié sur Gerson par M. Charles Schmidt. Strasbourg, 1830.

[Le plus beau titre de Gerson comme écrivain serait sans doute le livre de l’Imitation, s’il était avéré qu’il en fût l’auteur. Ce problème ne nous paraît pas encore résolu, malgré l’excellent travail de M. Onésime Leroi (Etude sur les mystères) ; la plus forte objection, à nos yeux, ressort du style. Mais il suffit à la gloire de Gerson qu’on lui ait attribué ce livre inimitable, et qu’il ait été jugé digne de l’avoir fait.]

Il avait redouté de mettre aux mains de la multitude l’Écriture en langue vulgaire, et il attire toutes les âmes à cette source vivifiante ; il nourrit les enfants du peuple de la parole de Dieu. Quel touchant spectacle donnait cet homme illustre, dont la parole avait éclairé les rois, lorsque, se dérobant aux honneurs du monde et à ses orages, il s’entourait dans le temple des petits et des faibles, formant avec amour leur jeune cœur à la connaissance des choses divines ! Tels sont les loisirs qui remplissent ses derniers jours. Aux approches de la mort, il rassemble une fois encore autour de lui les petits enfants qu’il instruit et qu’il aime ; il veut qu’ils prient pour lui dans sa langue natale, et les convie à répéter après lui en français, ces mots touchants par leur simplicité même : Mon Dieu, mon Créateur, ayez pitié de votre pauvre serviteur Gerson.

Le 12 juillet 1429, ce grand homme rendit son âme à Dieu ; il fut enterré dans l’église de Saint-Paul, où il avait coutume d’enseigner, et l’on suspendit les insignes du pèlerin auprès de la tombe de celui qui n’avait vu dans son séjour sur la terre qu’un laborieux pèlerinage.

Rome, dont il combattit les prétentions superbes, n’a point placé cet homme de Dieu au rang des saints ; la voix du peuple a été plus juste : elle attribua la vertu des miracles à ses reliques, et la foule est longtemps venue en grande dévotion à son tombeau. Une chapelle fut élevée à sa mémoire, et Gerson y reçut cette espèce de culte que l’on rend aux saints dans l’Église romaine. Un historien catholique, célèbre docteur en Sorbonne, fit à ce sujet cette réflexion : « Je concevrais difficilement, dit-il, que cet honneur ne fût pas aussi légitimement rendu à Gerson qu’à tous ceux à qui Rome l’a décerné depuis trois siècles, aucun d’eux ne l’ayant mérité davantagei. »

i – J. Launoi Reg. Navar. Gymnas. Paris. histor. p. 475. — Voyez aussi la Vie de Gerson par Lecuy, t. II, p. 262, etc.

Si maintenant on embrasse d’un coup d’mil une vie si pleine et si agitée, on reconnaîtra dans Gerson le moraliste, le réformateur et le penseur qui fonde et constitue. Comme moraliste, Gerson est digne de toute notre admiration. Dans un siècle barbare, où les préceptes de la morale se réduisaient à des subtilités d’école, où l’observation de vaines pratiques cérémonielles tenait lieu de la pratique de la vertu même, Gerson prêcha aux hommes la pure morale de l’Évangile ; il leur montra tout ensemble, dans la parole révélée, un miroir pour reconnaître leurs égarements, une vive lumière pour les guider et les conduire au bien. Comme réformateur du clergé il échoua, parce qu’il voulut réformer l’Église par l’Église même ; le mal était trop profond. Le clergé, pour renoncer à beaucoup d’abus, aurait dû renoncer d’abord à ce qui alimentait ses vices, à des sources de richesses que ces mêmes abus avaient ouvertes : c’était là véritablement la chose impossible ; la société ecclésiastique ne pouvait être renfermée dans d’étroites limites que par le pouvoir civil, comme elle le fut en France, ou par ceux qui l’établirent sur des bases toutes nouvelles dans les pays où la réforme triompha.

[On opposera peut-être à cette assertion les réformes décrétées dans le concile de Trente ; mais celles-ci, d’ailleurs très incomplètes, furent surtout l’effet d’une crainte salutaire et d’une impérieuse nécessité en présence des progrès d’une église rivale.]

Comme génie constituant, réglant l’action des pouvoirs religieux, indiquant les sources de l’autorité ecclésiastique et les mains dans lesquelles Dieu l’avait mise, Gerson exerça beaucoup d’influence, et son entreprise a de la grandeur : elle eut pour but de substituer dans l’Église l’autorité de plusieurs à celle d’un seul, le gouvernement suprême de l’épiscopat à celui de la papauté. Gerson cependant ne réussit pas ; mais, si tous ses efforts n’obtinrent point un succès général et durable, ils laissèrent du moins, dans le monde religieux, des traces profondes et eurent des résultats qu’il était impossible de pressentir. Nous avons fait voir, par les faits, toute l’importance des fameux décrets de la cinquième session du concile de Constance ; ces décrets, complétés par ceux de la trente-neuvième session, et que Gerson contribua plus que personne à formuler, établissent le gouvernement régulier et suprême des conciles généraux ; toutefois, pour que ce gouvernement fût réel et durable, il aurait fallu que la permanence de ces conciles, ou du moins leur convocation régulière et périodique, fût possible. Mais le monde n’était plus alors, comme au ive siècle, dans les mains d’un seul homme intéressé lui-même à convoquer et à maintenir ces grands congrès de la chrétienté. Dans l’Europe telle que l’avait faite la chute de l’empire romain, dans ces États morcelés pour lesquels la paix fut si longtemps une situation exceptionnelle et la guerre l’état normal, l’existence des conciles généraux n’était elle-même qu’une exception et leur retour périodique une chimère. Il était dès lors inévitable que le gouvernement de l’Église catholique, dont le principe est l’autorité, devint monarchique ; il était dans le cours naturel des choses qu’un pouvoir unique et central fît concurrence à celui des conciles et s’élevât rapidement au-dessus d’eux ; car, entre deux pouvoirs rivaux, dont l’un est perpétuel et l’autre accidentel, l’équilibre sera difficilement d’une longue durée.

Les décrets de Constance ne fortifiaient d’ailleurs le pouvoir des évêques et ne les rendaient indépendants à quelques égards de la cour de Rome qu’autant qu’ils consentaient à l’être ; ils leur donnaient un recours contre les usurpations du Saint-Siège ; mais seulement à condition qu’ils voulussent en user : ils en usèrent en France avec l’appui des rois. Ceux-ci tirèrent avantage des libertés de l’Église gallicane dans ses rapports extérieurs avec Rome pour se l’assujettir, dans une certaine mesure, à l’intérieur ; ils substituèrent dans plusieurs cas, sur la société ecclésiastique, leur autorité, ou celle de leurs parlements, à l’autorité du pape et des évêquesj. Les décrets de Constance, confirmés à Bâle, concoururent à ce double résultat, et ils furent en grande partie l’œuvre de Gerson.

j – Voir le concordat de François Ier et de Léon X.

Cet homme, si éminent comme penseur et comme moraliste, et qui exerça une si haute influence dans le gouvernement extérieur de l’Église, en eut peu sur les doctrines généralement admises à son époque. Nous avons, vu qu’en ce qui touche l’absolution des péchés, les œuvres et la prédestination, Gerson eut plusieurs points communs avec Wycliffe et les réformateurs du xvie siècle.

[Le célèbre traité De l’Union et de la Réformation de l’Église est le seul des écrits de Gerson où nous ayons reconnu une différence très marquée entre son opinion et le sentiment de l’Église sur le pouvoir du prêtre dans l’absolution : sa doctrine se rapproche d’ailleurs de celle qui a été condamnée sous le nom de jansénisme.]

Ce qui les sépare plus que toute autre chose du grand réformateur de l’Angleterre, c’est sa doctrine sur l’autorité des conciles généraux que Gerson reconnaît pour souverains infaillibles et sans appel ; ce qui l’en rapproche et lui donne quelques traits de ressemblance avec lui comme aussi avec les hommes célèbres de Port-Royal au xviie siècle, c’est sa résistance aux prétentions excessives du Saint-Siège, c’est son culte sans limites pour la parole révélée qui, aux yeux des grands docteurs gallicans de ce siècle, comme pour Wycliffe, est la véritable pierre sur laquelle Jésus-Christ a établi son Église ; c’est enfin ce simple symbole, cette parole toute chrétienne que Gerson répétait sans cesse et qu’on inscrivit sur sa tombe : « Repentez-vous, et croyez à l’Évangile ?

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