Étude sur Samuel

Rama

L’Éternel dit à Samuel : Écoute leur voix, et établis un roi sur eux.

(1 Samuel 7.22)

Un temps assez long s’écoule de nouveau, sans que nous sachions rien de précis au sujet de Samuel. Nous : l’avons laissé à l’apogée de sa gloire et probablement dans la force de l’âge. Nous le retrouvons, au chapitre huitième, déjà vieux et se croyant obligé de confier à d’autres mains une partie de son administration. Il a commencé à s’apercevoir que ses forces ne suffisent plus à la tâche. Il avait besoin d’aides, il a cru les avoir trouvés dans la personne de ses deux fils : Joël et Abijan.

n1 Chroniques 6.28, les nomme Vascheni et Abija. Mais Vascheni équivaut exactement en hébreu aux mots « et le second. » Le texte des Chroniques pourrait donc être traduit : « Et le second Abija, » ce qui laisserait supposer que le nom du premier, Joël, a été omis par une faute de copiste.

En cela, il s’est trompé. Il est même permis de dire que notre prophète a commis une faute ; faute politique, sans doute, mais qui touche de très près à la faute morale.

En désignant de sa propre autorité les juges qui doivent l’assister, d’abord, puis le remplacer, Samuel a dérogé aux usages anciens, qui avaient subi probablement une première atteinte dans le cas d’Éli. Dieu seul, autrefois, faisait ces désignations ; soit directement, comme pour Gédéon ; soit par le moyen d’un appel populaire, comme pour Jephthé. En outre, la nomination de Joël et d’Abija introduisait dans la transmission des pouvoirs le principe de l’hérédité ; nous savons avec quelle énergie Gédéon s’était refusé à entrer dans cette voieo. Ce choix, enfin, expose le prophète à être accusé de népotisme. Son autorité n’en pourra être qu’amoindrie.

oJuges 8.23.

Encore si ses fils lui avaient ressemblé ! Malheureusement il n’en était rien. Par leur conduite cupide et, vénale, ils avaient commencé à jeter le discrédit sur la magistrature, comme un jour les fils d’Éli sur le sacerdoce. Aucun verset, il est vrai, aucune ligne ne nous prouve que Samuel n’ait pas été fidèle dans : l’éducation donnée à ses fils. Nous avons à peine hasardé plus haut la supposition que ses fréquentes absences comme juge l’auraient un peu trop éloigné de la maison. Est-il absolument besoin de rechercher les fautes du père pour expliquer les péchés des enfants ? Ne savons-nous pas que les parents les plus fermes et les plus pieux ont vu grandir à leur foyer des fils incrédules et lâches ?

Quand, comment s’est révélée l’inconduite de Joël et d’Abija ? Nous l’ignorons. Peut-être ont-ils été vexés de voir que Samuel ne profitait pas de sa position pour arrondir d’avance leur patrimoine. Ils se seront alors promis qu’ils n’imiteraient pas son désintéressement, et ils ont tenu parole. Les voilà maintenant qui rendent des services et non des arrêts. Ce qui décide leurs verdicts, ce n’est pas le droit, c’est l’argent : « ils reçoivent des présents. » Etablis pour faire partout respecter la loi de Moïse (Israël n’avait pas d’autre code), ils foulent aux pieds outrageusement ces défenses pourtant assez précises : « Tu ne porteras point atteinte au droit du pauvre… Tu ne recevras point de présent ; car les présents aveuglent ceux qui ont les yeux ouverts et corrompent les paroles des justesp. » Peut-être ces deux jeunes gens eussent-ils fait moins de mal s’ils avaient été séparés l’un de l’autre. Mais leur père avait commis une faute de plus en les plaçant tous les deux à Béer-Schébahq. Ils semblent en avoir profité pour s’encourager mutuellement dans leurs concussions. Ils profitent aussi de la vieillesse de Samuel : il n’a plus l’énergie nécessaire ni pour porter lui-même tout le fardeau, ni pour s’en décharger sur des épaules plus dignes. Cela nous paraît ressortir presque avec évidence de l’accent mis par l’historien sur l’âge avancé du prophète : « Lorsqu’il devint vieux, il établit ses fils pour juges… Tous les anciens vinrent auprès de lui et lui dirent : Voici, tu es vieux ! »

pExode 23.6, 8 ; Deutéronome 16.19.

q8.2. Josèphe affirme (Antiq. VI, 3, 2) que l’un d’eux fut placé à Béthel et l’autre seulement à Béer-Schébah ; mais le texte de notre livre ne favorise pas cette explication.

Pauvre père ! Pauvres parents qui assistent de nos jours au même spectacle et qui souffrent des mêmes douleurs ! Joël et Abija aimaient l’argent. Ils l’aiment aussi, ils l’aiment avec passion beaucoup de nos jeunes contemporains. N’est-ce pas à propos du convoi funèbre d’Alfred de Musset qu’un journaliste écrivit cette mordante observation : « On n’y voyait que des quinquagénaires. Tous les jeunes gens étaient à la Bourse ? » Ils y sont encore, à moins qu’ils ne soient partis pour Monte-Carlo, ces jeunes adorateurs du veau d’or dont la fin de notre siècle engendre des milliers toujours renouvelés. On dit que les dieux s’en vont ? Pas celui-là, en tout cas. Ses temples sont bien remplis, et ses autels ne manquent pas de sacrifices. Et aujourd’hui comme aux jours de Timothée « l’amour de l’argent est la racine de toutes sortes de maux. Quelques-uns en étant possédés, se sont égarés loin de la foi et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments…r » Oh ! mes amis, ne grossissez pas les rangs de ces idolâtres. C’est le culte de l’argent qui a fait de Judas un traître à Jésus-Christ, comme il avait fait des fils de Samuel des traîtres à leur pays.

r1 Timothée 6.10.

Il vint un jour où la mesure fut comble. Une députation du peuple, prise assurément parmi les citoyens les plus respectables, chefs de famille et revêtus de l’autorité des anciens, se rendit auprès de Samuel pour le presser de mettre un terme à une situation intolérable. Il n’y a, selon eux, pas d’autre moyen d’en sortir que l’établissement de la royauté. Qu’ils eussent compris toute la gravité de leur démarche et toutes les conséquences qu’elle devait entraîner, cela n’est ni certain ni même probable. Mais les soins minutieux que la Bible a pris de nous raconter l’introduction à cette nouvelle phase de l’histoire d’Israël suffisent, pour nous prouver que nous arrivons à l’un des points tournants des destinées du peuple élu.

Convenons-en, du reste ; la demande présentée par les anciens ne ressemble point à un coup de tête. C’est plutôt une requête mûrement pesée et sérieusement motivée. Si elle blesse profondément le cœur de Samuel, elle n’en renferme pas moins un très bel hommage rendu à son caractère. Car enfin, il fallait qu’il inspirât une confiance bien solide, pour qu’on s’en remît à lui du choix de ce roi que tout le monde excepté lui réclamait avec impatience. On était prêt à recevoir les yeux fermés celui qu’il lui plairait de désigner. On ne voyait nulle part dans le peuple un homme plus capable ni plus digne que ce juge, déjà vieux, de donner un monarque à ses concitoyens. En outre, ce n’est pas seulement son âge avancé et la conduite coupable de ses fils que les anciens mentionnent, pour justifier les vœux unanimes de la nation.

Ils mettent en avant aussi, et non sans une forte apparence de raison, le besoin de posséder un chef militaire. Ce motif, il est vrai, ne se rencontrera que plus loin dans notre récits. Mais il est permis de supposer que les anciens l’ont exprimé dès leur première entrevue avec le prophète. Des ennemis nouveaux se joignaient, contre les Hébreux, aux ennemis anciens, et cela dans le moment même où le vainqueur d’Ében-, Ezer n’était plus en état de conduire des armées.

s8.20 ; 12.12.

Il est même équitable de concéder plus encore. La Bible à la main, on peut ne pas considérer comme un péché la demande d’avoir un roi. Elle tendait, sans doute, à modifier la forme ancienne de la théocratie ; mais elle ne la supprimait point. Autrement Samuel n’eut pas même consenti à la discuter et, selon toute apparence, Dieu ne lui eût point commandé d’y obtempérer. Dès l’époque patriarcale, la possibilité qu’une monarchie s’établisse en Israël est clairement entrevue. « Des rois sortiront de Sara, ». dit l’Éternel à Abraham, et il fait à Jacob une promesse tout analoguet. Balaam, dans un de ses oracles, vit un sceptre qui s’élève d’Israëlu. Moïse va jusqu’à énumérer les prescriptions auxquelles sera soumise l’élection d’un roi, et les règles qui seront imposées au monarque lors de son accession au trônev. Ce dernier passage, extrêmement remarquable, servit dans la suite à constituer le « droit du royaume, » ainsi que nous aurons à le signaler plus tard. La mère de Samuel se rappelait probablement ces prophéties, et en faisait en quelque sorte la sienne, lorsqu’elle chantait en son cantique : « L’Éternel donnera la puissance à son roi et il relèvera la force de son ointw. » Autant de paroles desquelles il est aisé de conclure que Dieu n’avait point interdit à son peuple de jamais se donner une constitution monarchique.

tGenèse 27.6 ; 35.11.

uNombres 24.17.

vDeutéronome 17.14-20.

w1 Samuel 2.10.

Autre chose serait de prétendre que Dieu ait approuvé la requête des anciens, et n’ait point trouvé de péché dans leur désir de posséder un roi. Un peu de réflexion nous y fera aisément découvrir trois mauvais symptômes.

Beaucoup d’ingratitude d’abord. Ce n’était pas la première fois qu’Israël traversait une situation difficile, et se trouvait menacé par des ennemis plus ou moins redoutables. Au désert, quand Amalek avait traîtreusement attaqué l’arrière-garde de la longue caravane, il n’y avait pas eu besoin d’un roi pour le mettre en fuite ; les prières de Moïse et la vaillance de Josué y avaient suffi. Un monarque n’avait pas été nécessaire pour la prise de Jérico ni pour la conquête de Canaan. Dans la période si mouvementée et si troublée des juges, tout avait été disposé de telle sorte que l’idée même de la royauté fût repoussée. Et quand, plus récemment, les Philistins avaient assailli à Mitspa Israël en prières, ce n’était pas un prince couronné qui les avait mis en fuite : la puissante intercession de Samuel avait déchaîné contre eux les foudres de Jahveh, et la victoire des Hébreux avait été éclatante… Tout cela maintenant est oublié. Il semble que Dieu soit vieilli, que sa main ne puisse plus délivrer, à moins qu’on ne lui fournisse de nouveaux instruments. A tout prix il faut changer les institutions et renouveler les procédés. C’est tellement agaçant de vivre depuis des siècles sous le même régime !

Beaucoup de petitesse ensuite. J’appelle ainsi ce besoin puéril d’être comme les autres, de ressembler à ceux du dehors, de renoncer à une distinction qui a fait pendant bientôt trois cents ans la gloire autant que la puissance d’un peuple. « Établis sur nous un roi pour nous juger comme il y en a chez toutes les nations. » Voilà le motif clairement exprimé par les anciens, et je ne serais pas étonné que ce fût le principal. On raconte que la grande raison donnée par les Athéniens pour se débarrasser d’Aristide, c’est qu’ils étaient las de l’entendre toujours appeler le juste. Eh bien ! les Hébreux sont las de ne pas ressembler à tout le monde, et de s’entendre appeler « les justes, » les « mis à part. » Cela devient à la longue très ennuyeux, presque honteux. Comment ! Être par excellence le peuple de Dieu ! Pouvoir se considérer comme « sa portion et la part de son héritagex » mais c’est une charge cela, c’est un joug, et nous n’en voulons d’aucune sorte. Allons ! donne-nous vite un roi, afin que nous devenions comme les autres et que nous soyons à la mode… Ainsi pensent, ainsi parlent souvent beaucoup de jeunes gens qui craignent bien moins de pécher que de se singulariser. Ils n’ont pas le désir d’être des impies ; oh ! non. Mais ils ne veulent point être tenus pour pieux (on dit vulgairement mômiers) dans la foule de leurs contemporains. Ils en viendront petit à petit jusqu’à renier leur foi, à se détourner du Christ, à commettre des bassesses, plutôt que de passer ouvertement pour des disciples du Crucifié. On nomme cela de l’indépendance, ne ferait-on pas mieux de dire : lâcheté ? Où donc est la vraie liberté, dans une vie qui n’a pour devise que ces trois mots : Comme les autres ?

xDeutéronome 32.9.

Enfin, et malgré bien des réflexions, nous en sommes convenus, beaucoup d’imprudence. Autre forme de l’ingratitude envers Dieu. Lorsque Samuel, navré de tout ce qu’il vient d’entendre, essaiera d’opposer une digue à cette marée bruyante, il commencera par prier. Il ne cédera, contre son sentiment le plus intime, que sur un ordre positif de l’Éternel. Mais je ne vois pas que rien de semblable ait précédé la démarche des anciens. Ils n’ont pas consulté Dieu. Ils n’ont consulté qu’eux-mêmes et n’ont écouté que la voix du peuple, Mauvaise préparation, à la veille d’une entreprise qui allait modifier du tout au tout les conditions politiques et sociales d’Israël. Sous prétexte de se hausser au niveau des autres nations, les anciens se préparent à descendre et à faire descendre leurs concitoyens. Quelques heures de prière les auraient empêchés de leur causer un si grand mal !

Quant à Samuel, en cette occurrence, il nous apparaît avec une incontestable grandeur. Point de petitesse chez lui. Seulement une douleur profonde qui nous le fait aimer mieux encore, en nous révélant l’âme d’un vrai patriote. Il a discerné tout de suite ce que renfermait la demande à lui adressée. Il y a vu une sorte de défi jeté à la face de ce Dieu qu’il servait depuis son enfance. Néanmoins, avant toute autre démarche, avant même de formuler une réponse ou d’exprimer sa tristesse aux représentants d’Israël, il cherche sa sûre et forte retraite : il prie. Il se gardera bien de laisser dégénérer en question personnelle la cause qui vient de lui être confiée. Ne sachant tout d’abord à quoi se résoudre, c’est dans un moment d’intime communion avec Dieu qu’il cherche la solution du problème… « Samuel vit avec déplaisir qu’ils disaient : Donne-nous un roi… Et Samuel pria l’Éternel ! » Il y a, dans le rapprochement de ces deux phrases, un bel exemple proposé à notre imitation. Il y a trop de déplaisirs qui s’exhalent en plaintes, trop peu qui se traduisent en prières.

Ce que le prophète dit à son Dieu, nous pouvons sans beaucoup de peine le deviner. Il le supplia de détourner ses concitoyens d’un dessein coupable, ou, tout au moins, de lui épargner à lui-même l’obligation de l’accomplir. Requête inutile. L’Éternel n’exauce pas son serviteur. « Écoute, lui dit-il, la voix du peupley. » Mais est-il vrai que ce ne soit pas un exaucement ? Quand l’apôtre Paul, souffleté par un ange de Satan, demanda par trois fois d’être délivré, le Seigneur lui donna autre chose que ce qu’il avait demandé : sa grâce au lieu de la guérison ; sa force manifestée dans son infirmité, et non la suppression de l’infirmité mêmez. C’était un exaucement cela, quand même l’apôtre en attendait, en désirait un autre. Samuel aussi fut exaucé, car ce qu’il demanda ce fut sans doute, plus encore que l’accomplissement de ses vœux personnels, la réalisation de la volonté divine. Eh bien ! Dieu confond la cause de son prophète avec sa propre cause. Il l’associe à ses propres souffrances de père abandonné par ses enfants… « Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi ! » Ainsi devait parler Jésus à ses disciples : « Celui qui vous écoute m’écoute, et celui qui vous rejette me rejettea. »

y8.7, 9.

z2 Corinthiens 12.9.

aLuc 10.16.

Lorsqu’on examine d’aussi près que possible les différents textes relatifs à l’établissement de la royauté chez les Hébreux, on est conduit à croire que cette institution répondait après tout au plan de Dieu. Seulement, il s’était réservé de choisir lui-même l’heure et le mode d’exécution. L’entrée en scène des anciens à Rama aurait donc été tout particulièrement intempestive. En favorisant leur dessein, l’Éternel aurait joint à sa concession un châtiment pour leur manque de foi. En fait, l’histoire de Saül nous montrera bien souvent ce caractère de la punition, de l’épreuve attachée à une royauté qu’on avait si ardemment souhaitée. Ce n’est pas du fils de Kis, c’est seulement du fils d’Isaï qu’il est dit qu’il fut un roi selon le cœur de Dieu. Et n’est-ce point à lui qu’il faut appliquer cette solennelle déclaration d’un prophète : « Je t’ai donné un roi dans ma colère, je te l’ôterai dans ma fureurb ? » Il reste, en tout cas, certain que le Messie n’est pas sorti de la famille de Saül, d’un monarque demandé d’abord par ingratitude, acclamé ensuite par enthousiasme, écarté enfin et par le désenchantement du peuple et par les justes rétributions divines. Le Christ devait naître d’un prince choisi et désigné par le doigt même de Dieu, en dehors de la dynastie appelée la première au trône, contrairement à toute attente et à toute supposition.

bOsée 13.11.

Voici, dès lors, sous quel jour les grands événements qui se passent maintenant se présentent à nous. En désirant un roi, les Israélites ne se révoltent pas pour cela contre la loi de Dieu. En le demandant sous la forme impérieuse qu’ils emploient, avec les motifs qu’ils mettent en avant, ils se constituent bien en état d’opposition à la volonté divine, Donc, en résistant aux prières de Samuel qui avait un sentiment juste de la situation, en octroyant aux anciens la requête formulée par eux au nom du peuple, Dieu rend toute justice à son prophète et accorde aux Hébreux une faveur qui va devenir une épreuve, même un châtiment. De là les avertissements si clairs, si précis que Samuel devra leur soumettre, tout en se déclarant prêt à leur complaire. Ils ne se décideront, du moins, qu’en pleine connaissance de cause. La souveraineté de l’Éternel n’enlèvera rien à leur liberté. En leur permettant de choisir, le Seigneur placera devant eux tous les éléments du choix ; il répandra la lumière à flots sur les deux routes maintenant ouvertes. Et quand leur décision aura été prise, quand elle aura été la moins bonne possible pour leurs intérêts, Dieu ne manquera pas de la faire tourner à l’accomplissement de ses projets, par conséquent au bien final de ceux-là mêmes qui avaient si mal choisi.

Il faut, tout d’abord, apprendre sans ambage au peuple les conséquences que sa demande entraînera. Sans leur opposer ni refus ni fin de non-recevoir, Samuel va leur faire une description très nette de la condition nouvelle où ils entreront, s’ils persistent dans leur dessein. Il leur exposera « le droit du roi qui régnera sur euxc. » Non pas le droit absolu, celui de la justice, mais celui que le futur monarque ne manquera pas de créer à son intention : le droit du plus fort, Un mot le résume, c’est le verbe prendre. Il prendra ! Les pachas, en Orient et ailleurs, n’ont pas d’autre motto et guère d’autre occupation. Lisez bien : vous le voyez revenir six fois en sept versets : « Il prendra vos fils… Il prendra vos filles… Il prendra la meilleure partie de vos champs… Il prendra la dîme du produit de vos semences et de vos vignes… Il prendra vos serviteurs et vos servantes, vos meilleurs bœufs et vos ânes… Il prendra la dîme de vos troupeaux. » Cela ne sera peut-être pas très gai. Mais à ce compte, au moins, les Israélites pourront se dire satisfaits. Ils seront comme les autres nations ! Je me figure que le prophète insista beaucoup sur ces conséquences fatales de la royauté ! Il dut se plaire en quelque sorte à en tracer un sombre tableau. Un instant de réflexion ne suffirait-il pas, après ces peintures, pour détourner le peuple de son projet ? Comparant son passé avec cet avenir, il ne manquerait pas de se désister… Le croyez-vous, mes amis ? Et quand donc a-t-il suffi, pour vous faire abandonner vos plans favoris, de vous exposer les maux qui en résulteraient ? Vous vous êtes persuadé, n’est-ce pas ? qu’on chargeait les couleurs afin de vous effrayer. Vous avez admis que les dangers dont on vous paraît étaient réels peut-être pour les autres, mais chimériques en ce qui vous concernait. Vous avez conclu, enfin, que c’était vous qui aviez raison, les conseillers qui avaient tort, et qu’on perdait son temps à vous faire de si longs sermons. Ce qu’il en est advenu, de cette belle assurance, vos échecs et vos déboires sauraient nous le dire. Les concitoyens de Samuel ont fait les mêmes expériences, à la suite du même entêtement. Ils ont écouté son discours ; rien ne prouve qu’ils n’aient pas été respectueux. Puis, quand le prophète s’est tu, ils ont dit : Non ! Tout simplement. Ce genre de réponse est commode. Il dispense de chercher des raisons. L’enfant gâté paraît résolu alors qu’il n’est que têtu.

c8.11.

« Non ! mais il y aura un roi sur nous. » Eh bien ! vous l’aurez, votre roi. Il n’y a plus rien à opposer. Samuel essaie bien encore une dernière prière, en répétant « aux oreilles de l’Éternel » ce que le peuple vient de décider. Mais Dieu ne modifie rien à sa première décision. « Écoute leur voix, dit-il. Établis un roi sur eux. » Il ne reste plus au prophète qu’à obéir.

Caleb et Josué, autrefois, avaient sauvé Israël d’une destruction totale en ne voulant pas être comme les autres espions. Le peuple saint courrait-il à sa perte, aujourd’hui, en voulant à toute force être comme les autres nations ? Cette question demeurera longtemps suspendue. L’histoire marchera, avec des alternatives d’abaissement et d’élévation, jusqu’au jour où Jérusalem désolée, le temple livré aux flammes, une population entière emmenée en captivité prouveront aux plus indifférents qu’en effet les descendants d’Abraham sont devenus « comme les autres. »

Revenons à notre récit. Laissant à Samuel le soin de préparer la réalisation de leur vœu, les anciens ont quitté Rama. Nous sortons avec eux de cette ville. La Bible, avec l’admirable variété de ses ressources, fait succéder à cet entretien solennel une scène presque idyllique. Elle va nous montrer, en même temps, comment Dieu se sert des moyens les plus ordinaires pour accomplir ses desseins.

C’est volontiers des plus petites causes qu’il fait sortir les plus grands effets. Deux fonctionnaires d’une cour égyptienne, jetés dans une prison par un caprice de leur maître, raconteront à un troisième captif des songes qui tourmentent leur esprit… et Joseph deviendra le premier ministre de Pharaon, Jacob et ses enfants échapperont à la famine qui ravage Canaan, le peuple de Dieu sera formé. Une princesse viendra faire, un matin, ses ablutions dans les eaux d’un fleuve sacré… et Moïse sortira vivant de ces ondes qui allaient l’engloutir, il recevra l’éducation la plus distinguée qui pût se donner alors, il deviendra un législateur consommé, un libérateur, un homme qui s’entretiendra avec l’Éternel comme un ami avec son ami. – Un paysan de la tribu de Benjamin ne retrouvera pas, un jour, au pâturage, quelques ânesses de son troupeau ; il enverra son fils et un domestique les chercher… et ce fils, rencontrant un prophète, recevra l’onction, sainte, sera le premier roi d’Israël, battra les Ammonites, restera pour un temps l’homme le plus populaire des douze tribus. Toujours, au-dessus de la liberté humaine, la providence divine qui s’en sert sans la violenter. De siècle en siècle et chez toutes les nations le dicton demeure vrai : L’homme s’agite ; Dieu le mène.

Un Benjamite donc, nommé Kis et désigné par l’historien comme fort et vaillant, avait perdu ses ânesses. La perte était probablement sensible pour lui. Pour peu qu’on se trouvât au moment des travaux de la campagne, cela pouvait devenir un sérieux embarras. Il avait envoyé sans tarder son fils Saül, un jeune et beau garçon, accompagné d’un domestique, à la recherche des bêtes égarées. Saül, sans observations, avait obéi. Cela va sans dire, pensez-vous ? Hélas ! pas tellement sans dire, avec nos habitudes progressistes. Dans nombre de nos familles, le fils aurait trouvé au-dessous de sa dignité de se charger d’un pareil mandat. Il aurait objecté, non sans hauteur, que les domestiques sont « faits pour çà. » Saül, qui doit bien avoir pour le moins vingt ans, ne se croit pas déshonoré de courir après des ânesses. Son père le désire ; cela suffit. Relevons ce trait qui est à son éloge ; nous en aurons assez de mauvais à signaler plus tard. Et, si cela peut contribuer à stimuler votre obéissance, rappelez-vous que ce jeune homme, en cherchant des ânesses, a trouvé une couronne. Il y en a une aussi pour vous, mes chers amis, et une meilleure que celle de Saül, si vous avez pour principe d’honorer en tout temps votre père et votre mère.

Les recherches durèrent trois jours, à travers la campagne d’Éphraïm, le pays de Schalischad et celui de Schaalim, jusqu’à celui de Tsuph, patrie de Samuel. Toujours en vain. Les ânesses ne se trouvaient point. Saül soupçonne à la longue que son père commence à s’inquiéter à son sujet. Il demande qu’on reprenne le le chemin de la maison. Le serviteur, alors, hasarde un conseil. Il ne se considère point comme un étranger à son maître. Les intérêts de la famille sont les siens. Il est un peu comme cette jeune servante de la femme de Naaman qui fut le premier instrument de la guérison du Syrien, ou comme les domestiques de ce général lui-même qui apaisèrent son courroux et le conduisirent au Jourdaine. « Si nous allions, dit-il, consulter l’homme de Dieu. Peut-être nous fera-t-il connaître le chemin que nous devons prendre. »

d – Peut-être Baal- Schalischa de 2 Rois 4.42.

e2 Rois 5.3, 13.

La pensée est naïve et jolie. Elle nous montre quelle absolue confiance on plaçait dans le « voyant. » On croyait à son savoir universel comme à sa bonté sans limites. Le prophète passe pour un homme qui voit tout, ou peu s’en faut. Et parce que rien ne lui est caché, on ose tout lui demander. On ne l’ennuie point, même en lui exposant de petits malheurs fort ordinaires. Pourtant, je ne puis m’empêcher de relever ici un trait bien étrange. A entendre la conversation entre Saül et son domestique, il semble que le premier ait vécu jusqu’ici dans une parfaite ignorance de Samuel. Ce n’est point lui qui songe à l’aller consulter. Il ne paraît pas se douter que Rama, dont ils sont tout près, soit la ville de l’homme de Dieu. Cela se comprendrait encore s’il s’agissait de quelque prophète obscur et sans notoriété. Mais, depuis la victoire de Mitspa, Samuel était aussi connu que le fut Bonaparte après Marengo. Que Saül sache si peu de lui, cela donne à penser. Il pouvait bien dépasser de la tête tous les enfants d’Israël ; il est peu probable qu’il les effaçât par ses habitudes religieuses.

Il consent, au reste, et c’est encore un trait à noter en sa faveur, à suivre immédiatement l’avis de son domestique. Il ne met pas sa gloire à ne pas écouter un inférieur. Une seule objection l’arrête : les sacs aux provisions sont vides, il n’y a rien à offrir à l’homme de Dieu, et l’on n’ose pas l’aborder sans un présent. Ces scrupules ne doivent pas nous étonner. C’était, c’est encore aujourd’hui la coutume en Orient de ne point se rendre auprès d’un personnage distingué sans avoir un cadeau quelconque à lui faire. Les exemples en sont nombreux dans l’Écriture même. Quand les anciens de Moab arrivent auprès de Balaam pour le déterminer à maudire Israël, ils ont eu soin de se munir de présents à son intentionf. La femme de Jéroboam ne vient pas consulter Achija au sujet de son enfant malade, sans avoir pris une offrande pour cet homme de Dieug. Et Naaman le lépreux, espérant obtenir du roi d’Israël d’abord, ensuite d’Élisée, la guérison de sa maladie, apporte avec soi des libéralités dont la valeur a été estimée à un million de francsh. Il était permis, au reste, de se contenter de dons beaucoup moins riches ; mais il fallait donner quelque chose. Plutarque raconte le trait d’un pauvre paysan qui, voyant tout le monde offrir des présents à Artaxerxès en voyage, courut à la rivière, y remplit d’eau ses deux mains et vint présenter ce don précieux au roi des roisi. Ce que les princes d’Orient, grands ou petits, prisent le plus aujourd’hui, c’est l’argent, toujours l’argent. Tel schah de Perse, dit-on, demandait à propos de tout cadeau qu’on voulait bien lui présenter : « Combien cela vaut-il ? » Et, sur la réponse du loyal sujet : « Garde la chose, répliquait-il, et paie m’en la valeurj. »

fNombres 22.7.

g1 Rois 14.1-3.

h2 Rois 5.5.

i – Plutarque Vies des hommes illustres. Traduit par Dacier. Tome VIII, p. 206.

j – Kitto, vol. cité, p. 137.

Le domestique de Saül n’était donc point en dehors des traditions en voulant offrir quelque chose à l’homme de Dieu, avant de le consulter, ni en réduisant ce quelque chose en argent, le seul qu’il possédât. C’était peu, du reste ; le quart d’un sicle, à peine 85 centimes de notre monnaie. Mais ce peu suffisait ; l’usage était de la sorte observé et nul ne songeait à se formaliser.

La ville vers laquelle Saül monte avec son serviteur n’est pas nommée dans notre texte. Il est à peu près certain que c’était Rama, résidence habituelle du juge, nous l’avons vu, une fois qu’il avait terminé les tournées annuelles exigées par sa charge. En chemin, les deux voyageurs rencontrent un essaim de jeunes filles qui descendent à la source, leurs cruches sur la tête ou sur l’épaule. Elles vont faire la provision d’eau du ménage. De part et d’autre on s’arrête, on se regarde, on cause. Saül s’informe du prophète. Les jeunes filles, charmées sans doute de cette rencontre, répondent toutes à la fois : « Oui. Il est devant toi. Mais va promptement. Aujourd’hui il est venu à la ville. Il y a un sacrifice sur le haut lieu… Quand vous serez entrés vous le trouverez… Le peuple ne mangera point qu’il ne soit arrivé… Il doit bénir le sacrifice… Après cela les conviés mangeront… Montez donc, vous le trouverez… » Ne croirait-on pas entendre le joyeux babil de cette jeunesse ? – Saül ne s’attarde pas longtemps. Les informations qu’on vient de lui donner prouvent que l’occasion est des plus favorables, mais pourrait bien ne pas se retrouver. Il « Continue à monter, entre dans Rama, et arrive au milieu de la ville au moment où Samuel se dispose à sortir pour gagner le haut lieuk.

k – On appelait ainsi un bocage avec autel, situé sur une hauteur et destiné au culte. La loi les proscrivait. La désorganisation du culte à cette époque expliquait, sans la justifier, cette contravention. Le haut lieu que nous rencontrons ici était ou bien plus haut que la ville même, ou plutôt situé sur une autre colline (Ramathajim, les deux hauteurs).

Le prophète, de son côté, était prévenu. Nous l’avons laissé très ému après la visite des anciens. Bien des prières avaient dû s’élever de son âme blessée pour demander au Seigneur une manifestation plus positive de sa volonté. Dieu veut donner un roi au peuple. Mais lequel ? Où le trouver ? Est-ce au prophète à chercher ? Doit-il tout simplement attendre des ordres, une indication ? Enfin, la veille du jour où le fils de Kis approche de Rama, l’Éternel a dit au voyant : « Demain, à cette heure, je t’enverrai un homme du pays de Benjamin ; tu l’oindras pour chef de mon peuple d’Israëll. » Les vingt-quatre heures sont écoulées. L’attente anxieuse de Samuel est arrivée à son plus haut point, quand, à l’instant où il traverse la place et où ses yeux découvrent le beau gars qui vient à sa rencontre, Dieu lui dit : « C’est Lui ! » Je ne sais point par quel moyen particulier cette révélation lui a été accordée. Mais je ne m’étonne pas que des âmes qui prient comme Samuel en reçoivent de pareilles. Nous retrouverons, au reste, un exemple tout semblable, quand le prophète sera dans la maison d’Isaïm.

l9.15-16. Les mots ajoutés : « Il sauvera mon peuple de la main des Philistins » indiquent bien que ces ennemis des Hébreux, tout en ayant renoncé à leurs incursions depuis la victoire d’Eben-Ézer, n’avaient point cessé d’être menaçants. Ils n’attendaient que l’occasion pour reprendre l’offensive.

m16.7-12.

Mais si, dès à présent, Samuel connaît Saül, ce dernier ne connaît pas encore le voyant. Il est probable qu’en se disposant à exercer des fonctions sacerdotales, Samuel avait quitté les insignes de sa magistrature, qui l’auraient aisément fait reconnaître. Le jeune paysan, d’autre part, semble frappé de la noble apparence du vieillard et des marques de respect qui l’accueillent sur son passage. Il se demande si ce ne serait pas celui qu’il est venu chercher. Néanmoins, il ne l’aborde pas tout de suite. La déférence, les usages le lui interdisent. Ce n’est pas sur la place publique qu’on adresse la parole à un personnage aussi distinguén. Les affaires, en Orient, se traitent à la porte de la ville. Saül revient donc sur ses paso. Attendant le moment favorable pour formuler sa question.

n – Comparez le cas de Booz, Ruth ch. 4.

o – Ainsi s’explique comment Saül, arrivé au milieu de la ville, vers. 14, se retrouve à la porte avec Samuel, vers. 18.

Cette question, pourtant, nous ne l’entendons pas sortir de ses lèvres. N’est-il pas assez sûr d’avoir bien Samuel devant lui ? Cela se peut. Il me semble plutôt éprouve une certaine gêne à troubler, pour un sujet si secondaire, un homme aussi grave et qui va présider à un sacrifice. Il se contentera de la demande plus générale et moins personnelle : « Indique-moi, je te prie, la demeure du voyant. » Ainsi, quelque onze siècles plus tard, au bord du Jourdain, deux jeunes disciples de Jean-Baptiste, brûlant de s’entretenir avec Jésus, n’oseront pas tout de suite lui en exprimer le désir. Quand le nouveau maître qu’ils veulent suivre se retourne vers eux et leur dit : « Que cherchez-vous ? » ils ne répondent point : Maître, toi-même, tes leçons, ta présence. Il ne leur est pas possible d’en dire plus que : « Où demeures-tu ? » Manière respectueuse et modeste, observe M. Godet, d’exprimer le désir de lui parler en particulierp. »

p – Frédéric Godet, Commentaire sur l’Evangile selon saint Jean, I, p. 317.

Samuel ne se contente pas de se faire connaître comme le voyant. Il adresse à ce visiteur poli une invitation pour un festin qui va suivre le sacrifice. Il promet en même temps de révéler à Saül « tout ce qui se passe dans son cœur. » Pour le moment, qu’il n’ait plus d’inquiétudes : les ânesses sont retrouvées ; il pourra donc accepter sans scrupule l’invitation reçue ; cela ne le détournera pas de l’accomplissement d’un devoir. Il faut bien, d’ailleurs, qu’il se rende vers le voyant et qu’il ait avec lui une explication. Car ce mystérieux personnage est en train de lui tenir le discours le plus extraordinaire. Il ne lui suffit pas de le tranquilliser au sujet des bêtes perdues par son père. Il ajoute, comme pour le presser avec plus d’autorité de ne pas se troubler pour si peu : « Ce qu’il y a de mieux en Israël est réservé pour toi et pour ta famille… » Ah çà ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Il n’y a pas moyen de croire à une plaisanterie : le caractère de Samuel interdit cette supposition. Il me promet en outre de m’instruire sur tout ce qui se passe dans mon cœur. Est-ce qu’il s’y passe quelque chose de si particulier ? Ne sais-je pas bien que je suis Benjamite, de l’une des plus petites tribus d’Israël ; que ma famille est une des moindres de cette tribu ? Comment ce qu’il y a de plus précieux dans le peuple pourrait-il nous être réservé ? N’est-ce qu’une formule de politesse ? Je n’y comprends rien… L’heure des explications viendra. C’est à présent de la cérémonie et du repas. Trente hommes environ sont réunis dans une salle de festin. Samuel entre avec ses deux hôtes, car le serviteur de Saül a été aussi convié. L’homme de Dieu, debout, les mains levées vers le ciel, rend grâce, en prononçant peut-être cette formule de prière que les rabbins nous ont conservée : « Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous as ordonné de manger le sacrifice ! » Puis on se met à table. Les places d’honneur ont été réservées aux deux Benjamites. Une portion d’honneur aussi est placée devant Saül : « l’épaule et ce qui l’entoure, » morceau habituellement mis à part pour les prêtresq. Nous avons peut-être à nous représenter le peuple de Rama prenant en plein air, à côté de la maison, sa part du banquet. La distinction dont Saül fut l’objet ne put pas tarder à être connue. Elle excita sans doute bien des remarques étonnées, comme en avait provoqué jadis, chez les frères de Joseph, celle dont fut favorisé Benjamin, un des ancêtres de Saülr. C’est ainsi que se préparaient peu à peu les voies pour l’élévation au trône de ce cultivateur qui, hier encore, pensait à ses ânesses bien plus qu’à un sceptre.

qLévitique 7.32. Quelques commentateurs mettent dans la bouche du cuisinier parlant à Saül, les mots du vers. 24 : « Voici ce qui a été réservé ! » Le texte original permet cette traduction, mais elle cadre mal avec la fin du verset : « J’ai convié le peuple. » Ce n’est pourtant pas le cuisinier qui a fait l’invitation au peuple. Le texte, il est vrai, paraît ici incertain.

rGenèse 43.33-34.

De retour à la ville, Samuel emmène dans sa demeure celui que, dès à présent, il considère comme le prince de son peuple. Il le conduit sur le toit de la maison, sur cette terrasse qui sert aux Orientaux de lieu de réunion et de délassement après les fatigues de la journée. Vous savez de combien de scènes variées ces toits de la Palestine ont été les théâtres. Rahab y a caché les espions de Josué. La Sunamite y a construit la petite chambre d’Elisée. Le paralytique y a été porté pour, être descendu de là aux pieds de Jésus… soir-là, nous aurions donné beaucoup, n’est-ce pas ? pour entendre quelque chose de la conversation qui s’engagea sur le toit de la maison, entre le juge l’Israël et son futur monarque. Qu’elle a dû être émouvante en même temps qu’instructive, passant tour à tour des souvenirs d’autrefois aux perspectives le l’avenir ; rappelant au jeune homme qui se croyait le jouet d’un rêve, les glorieuses journées où ses pères pavaient eu d’autre roi que l’Éternel ; puis déployant à ses regards éblouis des destinées plus hautes encore, s’il veut rester fidèle au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ! Samuel, évidemment, aura profité de la circonstance pour exposer à son hôte l’état vrai de la nation. Il lui aura montré les déficits nombreux qui se faisaient sentir dans la vie religieuse d’Israël. Surtout, il l’aura aidé dans la tâche plus importante et plus délicate d’apprendre à se connaître soi-même. Il aura jeté des rayons inattendus dans le cœur de Saül, dans cette conscience qui s’ignorait sur bien des points, dans cette volonté qui n’avait pas, jusqu’à présent, fait ses preuves, et dans cette intelligence dont l’horizon, il y a peu d’heures, était encore bien restreint. Il lui aura dit qu’une main ferme était absolument nécessaire pour tenir les rênes trop flottantes du gouvernement, et il aura peu à peu éveillé en lui l’ambition d’être cette main-là. Il l’aura pressé enfin de prendre l’Éternel seul pour conseil, et de lui redire chaque jour ce que Samuel disait jadis, à Silo : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ! »

La soirée a passé vite dans un tel entretien. La nuit était avancée quand les deux interlocuteurs se sont séparés pour essayer de prendre un court repos. Je ne pense guère que Saül ait pu dormir. Samuel l’appelle de bon matin, et tous deux sortent de la ville. Le serviteur est envoyé seul en avant. Si favorisé qu’il soit de l’intimité de son jeune maître, il ne convient point qu’il soit témoin de l’acte solennel qui se prépare. Quand il est hors de vue, Samuel s’arrête et fait arrêter Saül. Aucun autre regard ne doit contempler l’onction du fils de Kiss.

s9.27 ; 10.1.

L’onction d’huile était conférée, d’après la loi, aux prêtres au moment de leur consécration. L’idée, au reste, de l’appliquer aussi aux rois n’apparaît pas ici pour la première fois. Jotham, fils de Gédéon, dans son ingénieux apologue, raconte que les arbres s’étaient occupés d’oindre un roi et de le mettre à leur têtet. Il n’en faudrait pas conclure, cependant, que tous les rois d’Israël et de Juda aient reçu cette onction au moment de monter sur le trône. Il y a plutôt lieu de supposer qu’elle était réservée à certains cas exceptionnels, aux changements de dynastie par exemple, comme à l’avènement de David, de Jéhu. D’ordinaire, les descendants en ligne directe de monarques oints au nom du Seigneur étaient considérés comme héritant de leur onction. L’huile sainte, image et symbole du Saint-Esprit, rendait inviolable celui qui l’avait reçue, au moins aux yeux de tous les « craignants Dieu ». S’attaquer à lui, c’était s’élever contre Jahveh dont il avait reçu l’Esprit. Nous savons avec quelle constance et quelle fidélité David a respecté ce caractère sacré chez Saül, même quand ce prince en voulait à sa vie.

tJuges 9.8.

A l’onction, Samuel joint le baiser. C’était aussi une marque de soumission. L’injonction du Psalmiste tous les peuples : « Embrassez le Fils !u » ne signifie pas autre chose que : Portez-lui vos hommages. On donnait ce baiser sur la main, sur les genoux, quelquefois sur le bord du vêtement, plus rarement sur la bouche. Celui du prophète à son futur successeur a dû lui coûter, certes : c’était comme le sceau de son abdication. Aussi nous fait-il encore plus admirer Samuel. Descendre librement, volontairement, afin qu’un autre monte, que c’est rare et que c’est beau ! Comme cette retraite de Samuel va être plus noble, d’ailleurs, et plus bienfaisante que celle de Charles-Quint à Saint-Juste ! Ici la recherche égoïste et pompeuse d’un repos tout personnel, où l’on ne s’occupera plus des autres ; là, dans une abnégation continuelle et sans ostentation, un travail qui ne cessera qu’avec la vie et qui aura toujours pour objet le bien du pays. Le baiser de Samuel nous fait entendre par avance la devise du Précurseur : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. »

uPsaumes 2.12.

Avant de se séparer de Saül, le prophète prend soin de raffermir et de rassurer ses esprits. C’était nécessaire après les secousses inattendues qui venaient de les ébranler. Il était non seulement avantageux mais indispensable de graver profondément en son cœur le sérieux de sa vocation ; d’en bannir par conséquent tout ce qui aurait pu l’éblouir ou le griser. Trois signes vont lui être annoncés qui lui permettront de reconnaître, à ne pouvoir s’y méprendre, que c’est la main de Dieu qui vient de poser la couronne sur sa jeune tête. Ces signes consisteront en trois événements, fort naturels en eux-mêmes, mais que Saül ne pouvait pas prévoir, et dont la succession lui prouvera qu’il n’est pas devenu soudain un halluciné.

Ce sera d’abord la rencontre de deux hommes près du sépulcre de Rachel, sur la frontière de Benjamin, à Tselstachv. Ces hommes achèveront de tranquilliser Saül au sujet de ses ânesses perdues. Il est bon que tout souci, sur ce point, soit enlevé à celui que bien d’autres préoccupations attendent. D’ailleurs, il n’y a pas pour Dieu de petites choses ; celles que nous appelons petites deviennent grandes par le seul fait qu’il consent à s’en occuper. Les ânesses d’un propriétaire de Béthléhem ont quelque valeur à ses yeux, et il ne dédaigne pas d’en parler à Samuel. Les animaux logés dans une grande ville païenne entrent pour quelque chose dans la résolution qu’il a prise de ne pas la détruire. « N’aurais-je pas, dit-il à Jonas, pitié de Ninive, où se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre ?w » Rappelez-vous ces traits, mes amis. Quand vous traversez les heures mauvaises où le péché vous sollicite avec plus d’insistance, quand le diable vous invite à de petites chutes, à de petits péchés dont Dieu ne saurait s’inquiéter, qu’il ne verra même pas, pensez à ces ânesses de Kis, à ces bêtes de Ninive qu’il a fort bien vues. Il verrait votre péché. Mais il vous voit aussi, et il vous protège. Croyez-vous qu’il se soucie de vous moins que des animaux ?

v – Localité inconnue dont le nom est peut-être incorrectement écrit. Si on lisait Tséla, on aurait l’indication du lieu de sépulture de la famille de Saül : 2 Samuel 21.14.

wJonas 4.11.

Second signe. Arrivé devant le térébinthe de Thabor (encore un lieu inconnu), Saül rencontrera trois hommes montant vers Dieu à Béthel, et chargés de trois chevreaux, de trois galettes de pain et d’une outre de vin : probablement des offrandes apportées pour quelque sacrifice, car Béthel était restée une ville de culte. En voyant Saül, ils lui donneront deux de leurs pains, et il ne devra pas faire difficulté de les recevoir. Cet acte, en apparence insignifiant, annonçait déjà la royauté de Saül. Nous l’avons en effet observé : en Orient, le personnage important, celui qui est élevé en dignité, ce n’est pas celui qui donne, c’est habituellement celui qui reçoit… ou qui prend. Saül a donné hier à Samuel, son supérieur, le peu qui lui restait. Aujourd’hui, c’est à lui de recevoir, car l’huile sainte a été répandue sur sa tête. Il reçoit même une portion de ce qu’on avait destiné à un sacrifice. L’onction dont il a été honoré le met, en un certain sens, au rang des prêtres, des représentants de Jahveh. Il a droit dès lors aux offrandes qui leur sont réservées et aux hommages qui les accompagnent. Ces deux galettes bien chétives remises à Saül, c’est le commencement du tribut. C’est aussi l’indication du changement qui s’opère dans la théocratie, Désormais les revenus du pays, symbolisés par ces pains, appartiendront dans une large mesure au souverain.

Le troisième signe annoncé par Samuel nous met en présence d’un des phénomènes les plus intéressants de l’histoire d’Israël, c’est-à-dire d’une école de prophètes. Nous retrouverons plus tard l’occasion d’en parler avec quelques détails, de relever au moins ce que l’Écriture nous en raconte. Bornons-nous, pour le moment, à marquer les paroles du voyant.

Parti du sépulcre de Rachel, Saül, continuant son chemin pour rentrer chez son père, doit arriver à Guibea-Elohim, littéralement « la colline de Dieu, » ville qu’on croit avoir retrouvée à une lieue au nord de Jérusalemx. Là, dit notre texte, était établie une garnison de Philistins. Cette remarque a quelque chose de bizarre. Après la victoire décisive d’Eben-Ezer, après l’indication qu’elle suffit pour empêcher Philistins de revenir sur le territoire israélite pendant les jours de Samuel, on comprend peu que ces païens eussent alors une garnison au centre même du pays. L’auteur n’a-t-il pas voulu plutôt parler d’un monument propre à rappeler leurs anciens triomphes, et bien fait dès lors pour caractériser ce Guibea entre toutes les autres localités du même nom ? La supposition est d’autant plus permise que le terme employéy se rencontre avec le sens de pilier, colonne, et non pas seulement avec celui de poste militaire. Quoiqu’il en soit de cette question, d’ailleurs secondaire, en entrant dans la ville Saül se trouvera en face d’une bande d’hommes inspirés, descendant d’un haut lieu, et marchant en procession au son de divers instruments de musique. L’Esprit de Dieu le saisira soudain à cette rencontre. Pour un temps il sera changé en un autre homme. Le jeune paysan, tombé à l’improviste dans une compagnie de prophètes, deviendra prophète avec eux. Il pourra faire, dès lors, tout ce qui se présentera ; il ne sera plus seul ; l’Éternel sera avec lui… Comprendra-t-il les devoirs que des dons pareils lui imposeront ?

x – Probablement très près de Guibea-Saül, la colline de Saül.

yNetsib, c’est ainsi qu’est désignée la statue de sel en laquelle fut changée la femme de Lot. Genèse 19.26.

Samuel ne met qu’une restriction à l’exercice d’une aussi vaste liberté : les fonctions sacerdotales sont et demeureront interdites à Saül. Il ne devra s’en mêler en rien. Lorsqu’il y aura des holocaustes l’offrir, qu’il attende le voyant. Et si des décisions urgentes, capitales, dépendent de ces sacrifices, qu’elles soient renvoyées jusqu’au moment où l’homme de Dieu aura parlé de la part de l’Éternel… « Tu descendras avant moi à Guilgal ; et voici je descendrai vers toi pour offrir des holocaustes… Tu attendras sept jours, jusqu’à ce que j’arrive auprès de toiz. » Une difficulté assez sérieuse se présente, par le rapprochement de cet ordre avec les faits racontés au début du chapitre treizième. Nous en renvoyons la solution au moment où nous aborderons l’exposé de faits. Accompagnons maintenant Saül de Rama jusqu’à la maison paternelle.

z10.8.

Séparé du vieillard qui vient de lui promettre de si hautes destinées, il reçoit d’abord un autre cœur, probablement avant de pouvoir s’en rendre un compte bien exact. Puis les signes annoncés se succèdent régulièrement pour lui. L’historien, toutefois, se contente de raconter le dernier. Le jeune homme, dès son arrivée à Guibea, est saisi par l’Esprit de Dieu ; mais saisi avec une telle puissance qu’il se joint, sans trop savoir pourquoi ni comment, à la troupe des prophètes qui descendent du haut lieu, et qu’il se met à prophétiser avec eux. Cela paraît incroyable à ses concitoyens. Là, dans sa ville natale, au milieu de ceux qui le connaissent dès sa naissance ! Cela dépasse toute prévision. Peut-être que c’est un signe de folie. On ne l’avait jamais entendu prophétiser ; nul n’avait cru qu’il en devînt capable. Qu’est-il arrivé au fils de Kis ? se disent les uns aux autres les passants étonnés. Saül est-il aussi parmi les prophètes ?… Cette question devait se répéter plus tard, et devenir une sorte de proverbea. Est-il injuste d’en conclure que la réputation de Saül parmi ses contemporains, si elle était celle d’un honnête garçon, ne lui attribuait pourtant pas beaucoup de piété ? Ne voyons-nous pas ainsi se confirmer les doutes qu’avait fait naître en nous, quant à sa vie religieuse, l’ignorance où il avait vécu à propos de Samuel ?

a19.24.

Au surplus, l’exclamation railleuse dont le fils de Kis fut l’objet s’est répétée et se répète encore maintes fois, dans nos villes comme dans nos villages. Un étudiant, un apprenti, un commis se décident à chercher Dieu après l’avoir presque ignoré… Quoi ! lui aussi parmi les prophètes ! Quel dommage ! Un si gai compagnon ! On ne pourra plus plaisanter avec lui… Cette jeune fille songe à se convertir ; elle renonce à briller dans le monde… Mais sa tête se dérange ! C’est une épidémie ! Pauvre jeunesse ! – bienheureuse épidémie, mes amis. Puissions-nous en sentir quelque atteinte au sein de notre piété correcte et posée, où l’on semble vouloir en revenir à la maxime des concordats : « Maintenir la religion dans de justes limites ! ! »

Une exclamation partie de la foule, pendant que Saül prophétise, semble témoigner d’un sens plus vrai de ce qui se passe. Comme on persiste à s’étonner, et que plusieurs peut-être se scandalisent, quelqu’un s’écrie : « Et qui est leur père ? » Non pas son père, veuillez l’observer ; mais leur père, celui de tous les prophètes dans les rangs desquels le fils de Kis vient d’entrer. Pourquoi donc être si surpris que ce jeune homme ait reçu tout-à-coup le don de prophétie ? Les autres, ses compagnons d’une heure, appartiennent-ils à des familles plus distinguées, plus exceptionnelles ? Ont-ils eu des pères plus excellents ? Est-ce par droit de naissance qu’on devient prophète ? Assurément non, grâce à Dieu. De tels dons ne dépendent ni de la famille ni du lieu d’origine. Un fils de Kis peut annoncer les secrets de l’Eternel, aussi bien qu’un Jean-Baptiste prêcher la repentance et l’approche du royaume de Dieu.

Un court verset du récit nous donne encore, au sujet de Saül, une indication que nous recueillons volontiers. Quand tous ces signes lui furent arrivés, « il se rendit au haut lieu. » Il y cherchait, nous le pensons, un peu de repos et de recueillement. Un peu de prière aussi n’était pas de trop après les heures qui venaient de finir. Et c’est peut-être dans ces instants consacrés au culte, que le jeune homme aura puisé quelque germe au moins d’une vertu vraiment royale : la discrétion. Lorsque son oncle – Abner probablement – le presse de questions sur l’excursion qu’il vient de faire, il ne lui dit pas un mot des révélations relatives à la royauté.

Laissons, au surplus, ce qui touche uniquement à Saül. Son histoire ne nous occupera désormais que dans ses rapports avec Samuel. Avant de passer aux scènes suivantes, relevons trois traits du caractère de ce prophète qui nous sont apparus dans celles de Rama.

L’intimité d’abord et la permanence de ses rapports avec Dieu. Il faut, vraiment, une bien constante habitude de s’entretenir avec le Seigneur, pour recevoir de lui, juste au moment voulu, les indications qui empêchent les erreurs et les faux pas. Comment, s’il n’avait su ce que c’est que de prier avec instance et avec foi, le prophète eût-il entendu cet avertissement : Demain, je t’enverrai celui que tu cherches ? et, vingt-quatre heures plus tard, cette désignation : C’est lui ? Nous nous plaignons de ce que les révélations du Seigneur sont devenues rares. N’est-ce pas la faute de ceux qui ne savent plus ni prier, ni attendre, ni écouter ?

La bienveillance, ensuite, et la noblesse de ses rapports avec Saül. Il s’apprête à s’effacer devant ce jeune homme dont il pourrait être le père. Il va lui céder peu à peu presque tous les honneurs qu’il était seul à posséder jusqu’ici. Et il ne fera pas valoir à grandes phrases son désintéressement. Vous pensez, chers amis, qu’il est beau de défendre ses droits. C’est vrai quelquefois. Mais il y a quelque chose de plus beau. C’est de savoir les sacrifier sans mauvaise humeur. Samuel abandonne les siens avec un baiser ! Sa fidélité, enfin, au Dieu qu’il a servi dès l’enfance. En faisant abandon de ses droits, il ne livre point ceux de l’Éternel. Il ne permet pas que les fonctions du sacerdoce passent à des mains non consacrées… On peut me dépouiller, moi. On ne dépouillera pas le Seigneur. – L’inverse, hélas ! tend à devenir fréquent. Faire bon marché des droits de Dieu, se camper intransigeant sur les siens, c’est le seul idéal que certains prophètes modernes paraissent connaître, le seul qu’ils proposent à notre génération. On nourrit, dans bien des écoles, des enfants de douze ans avec des notions mal comprises de droit constitutionnel. On proscrit des mêmes écoles tout enseignement biblique pendant les heures de classe. Les droits de l’homme ; voilà l’essentiel. Ses devoirs envers Dieu, c’est accessoire. Cela s’appelle neutralité confessionnelle. Reste à savoir si c’est ainsi qu’on fondera des libertés durables. Le système de Samuel m’inspire plus de confiance ; et ce ne sera pas la faute du prophète s’il n’en sort pas d’excellents fruits.

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