Étude sur Samuel

Mitspa et Guilgal

Tout le peuple poussa le cri de : Vive le roi !… Si vous faites le mal, vous périrez, vous et votre roi.

(1 Samuel 10.24 ; 12.25)

Samuel devait une réponse aux anciens d’Israël. Il est enfin en mesure de la leur donner. Dieu lui a désigné son oint ; c’est à lui de le faire connaître au peuple.

Le lieu choisi pour cette présentation solennelle est, à lui seul, une prédication et comme un discours du sacre. Ce n’est pas Guilgal, pour le moment. C’est Mitspa, et l’on peut deviner sans peine pourquoi. Le même lieu où les Hébreux ont été les objets d’une délivrance merveilleuse doit être maintenant le témoin de leur ingratitude ; il protestera en quelque sorte contre leur défection. L’absence d’un monarque ne les avait pas empêchés de dresser leur Eben-Ezer. Les empêcherait-elle tout-à-coup de battre les Ammonites ? Non certes. Mais puisque leur foi est tombée, il en faut constater la chute là-même où elle s’était jadis éveillée. C’est à l’endroit où ils ont juré de servir l’Éternel seul, qu’ils recevront un prince auquel ils seront bien contraints d’obéir. Ce qui montre que Samuel a voulu ce rapprochement et cette leçon, c’est l’opposition qu’il établit, dès les premiers mots de son discours, entre les dons de Dieu et l’oubli du peuple. « J’ai fait monter d’Egypte Israël, » voilà l’œuvre de Dieu. Aujourd’hui Israël rejette Jahveh, voilà l’action de l’homme… Je ne vous ai fait que du bien. Vous n’avez su que vous détourner de moi. Quelle philosophie de l’histoire dans le parallèle établi entre ces deux petits mots ! N’est-ce pas le contraste qui se dresse en face de la conscience, lorsqu’elle se met à penser à son péché et à l’amour du Père céleste ? « Voilà ce que j’ai fait pour toi. Toi, qu’as-tu fait pour moi ? » Avant que cette question, si brûlante dans sa simplicité, ait remué l’âme du comte de Zinzendorf, elle avait pu remuer plus d’un cœur hébreu sur la hauteur de Mitspa.

Le prophète ne multipliera pas les paroles. Le moment est venu de passer aux actes ; il n’est même plus temps de se repentir et de retourner en arrière. Il faut élire un roi. C’est devenu la volonté de l’Éternel.

Pour décider cette élection, Samuel fait intervenir un élément qu’il n’est pas rare de rencontrer dans l’Écriture : il a recours au sort. On s’en était servi sous Josué pour découvrir un voleura. On l’emploiera dans la première Église chrétienne pour nommer un apôtreb. Samuel, d’accord semble-t-il avec tous les anciens, s’en sert pour désigner un monarque. La façon de procéder était simple. On écrivait, sur des dés, des tablettes ou tels autres objets de petites dimensions, les signes particuliers ou les noms des personnes entre lesquelles il s’agissait de décider. Les objets ainsi marqués s’appelaient des sorts. Puis on les mêlait dans un vase, qu’on secouait jusqu’à ce qu’un dé tombât à terre. On disait alors que le sort était tombé sur la personne dont le dé portait le signe. Ou bien on secouait, jusqu’à ce qu’il ne restât plus qu’un seul nom au fond du vase. L’un ou l’autre de ces deux modes avait été employé pour le partage de Canaan entre les tribusc. D’autrefois encore, un enfant, un prêtre, un personnage choisi pour cet acte, plongeait la main dans l’urne où « les sorts » avaient été réunis, et en retirait un. De là l’expression tirer au sort.

aJosué 7.16-18.

bActes 1.26.

cJosué 18.6-8.

Nous n’avons pas ici à nous prononcer sur l’emploi du sort, ni sur le droit, très limité selon moi, que nous pourrions avoir d’y recourir. Il n’est légitime, assurément, que dans les limites tracées par un sage : « On jette le sort dans le pan de la robe, mais toute décision vient de l’Éterneld. »

dProverbes 16.33.

Or c’est précisément cette vérité que Samuel tient maintenant à inculquer aux Israélites. Le mode d’élection pour lequel il s’est décidé prouvera ostensiblement au peuple que son roi lui est donné de la main de Dieu. C’était agir fort sagement. Tout soupçon de favoritisme sera, de la sorte, écarté. Samuel s’était trompé en désignant ses deux fils pour partager son autorité. Il ne se trompera pas en présentant Saül, car ce n’est point lui qui l’a choisi.

Trois tirages ont lieu successivement : un pour les tribus, un pour les familles, un pour les individus, et le dernier bulletin sorti de l’urne porte le nom de Saül. Un instant de surprise suit la proclamation du résultat. Le nom de l’élu est crié à travers la foule ; l’élu ne se trouve nulle part. Il s’est si bien caché que, pour le découvrir, il faut consulter Dieue. Convenons-en : Saül vient de céder à un mouvement d’humilité qui lui confère, pour un temps, une très véritable grandeur. Il a peut-être été effrayé, ébranlé du moins, par les paroles que le prophète a prononcé tout à l’heure. Elles sont faites pour donner à réfléchir. Moïse avait reculé devant l’immensité de sa tâche. Jérémie s’est récusé à cause de son jeune âge et de son incapacité, lorsque Dieu l’a appelé au prophétismef. Saül aussi voudrait s’excuser, remettre à un autre le fardeau de la couronne qui commence à lui sembler trop lourd. Il s’est caché. Il espère qu’on pourra refaire l’élection. On le trouve, pourtant ; il faut se montrer. Et ce dut être un moment curieux, presque plaisant, que celui où le fils de Kis sortit du milieu des caisses et des chariots du bagage, derrière lesquels il avait réussi à se dissimuler. Mais on ne put longtemps songer à rire. Ce jeune homme était superbe. Sa haute taille, promptement redressée, dominait tous les assistants. Samuel lui-même ne retient pas un mouvement d’admiration. « Voyez-vous, dit-il, celui que l’Éternel a choisi ? Il n’y a personne dans tout le peuple qui soit semblable à lui ! » Ce trait n’est pas unique dans l’Écriture. Bien loin de faire fi de la beauté du corps, elle la signale, au contraire, parce qu’elle l’apprécie. Elle y voit un don de Dieu que nous n’avons jamais à mépriser, pas plus qu’il ne nous est permis de nous en glorifier. De là cette expression de « divinement beau, » littéralement « beau à Dieu, » ou « pour Dieu, » qu’elle applique à Moïse, dans le discours du diacre Etienneg. La beauté est divine dans sa source. Pour demeurer, elle doit être consacrée à Dieu ; dans le ciel, elle ne se flétrira plus.

e – Peut-être par Urim et Thummim. Voir à ce propos au ch. 9 de ce volume.

fJérémie 1.6.

gActes 7.20. On peut rappeler aussi, à ce propos, l’importance que les anciens attachaient à la beauté physique et à la grandeur du corps chez leurs héros. Voyez l’Ajax d’Homère et le Turnus de Virgile.

Les acclamations du peuple dès qu’il a vu son futur monarque ne troublent pas Samuel. Sa tâche n’est pas terminée ; c’est à lui d’installer son successeur. Il s’acquitte de ce devoir en faisant connaître à l’assemblée déjà très enthousiaste, « le droit de la royauté. » Que devons-nous entendre par là ? Ce n’était assurément pas une reproduction des prédictions faites aux anciens, lorsqu’ils étaient venus à Ramah. Ce prétendu droit, qui n’était que du caprice, ne méritait pas l’honneur d’être consigné dans un document authentique et officiel qui deviendrait la charte du royaume. Nous trouvons en revanche, dans un passage du Deutéronome auquel nous avons déjà fait allusion, toute une série de prescriptions éventuelles pour le cas où les Hébreux voudraient un jour avoir un roi. C’est là, je n’en doute point, le droit en question. Loi vénérable, revêtue de l’autorité de Moïse, et que Samuel a maintenant promulguée, en la développant peut-être quelque peu. Reprenons-la, dans le chapitre dix-septième du Deutéronome, dès le verset 14. Nous n’aurons pas de peine à y discerner les six articles suivants :

h8.10-18.

  1. La nomination du monarque appartiendra exclusivement et directement à l’Éternel. C’est bien, dans le cas actuel, ce qui vient de se passer. Dieu n’avait pas dit d’avance comment il ferait connaître son choix : voix d’un prophète, appel populaire, tirage au sort, etc. Ce dernier mode a été employé pour Saül ; le principe est sauvegardé. Même après l’établissement d’une constitution monarchique, la théocratie continuera de subsister.
  2. Le roi devra, en tout état de cause, être un Israélite : « Tu le prendras, avait dit Moïse, du milieu de tes frères. » Nul étranger, fût-il un prosélyte, n’aura le droit légal de monter sur le trône de Juda. C’est peut-être pour constater l’observation de cette règle, et le maintien d’une race royale sans mélange, que, dans l’histoire des princes qui ont régné à Jérusalem, nous rencontrons habituellement le nom de leur mère, accompagné d’indications précises sur la famille et l’origine de la reine. Ajoutons que l’usage, sinon une loi expresse, a exclu les femmes du trône. S’il arrive qu’elles gouvernent le pays, c’est considéré comme un malheuri.
  3. Le roi ne devra pas posséder un grand nombre de chevaux. Les haras lui sont interdits. Il est aisé de comprendre pourquoi. D’une part, une nombreuse cavalerie ne manquerait pas d’éveiller chez lui des idées de conquête et des désirs belliqueux. De l’autre, les chevaux étant très rares en Palestine, il aurait fallu en faire venir d’Egypte, par conséquent entrer en relation avec un peuple dont Dieu interdisait au sien de rechercher l’amitié.
  4. Défense, ensuite, de se créer un harem, de peur que le cœur du roi ne se détourne du service de Dieu pour plaire à des femmes idolâtres. D’ailleurs, il n’y a pas de harem sans d’effroyables dépenses. Les finances turques en savent quelque chose. Dieu voulait éviter à son peuple ces ruineuses prodigalités, qui se paient toujours par des impôts écrasants.
  5. Pour une raison analogue, le monarque n’aura pas le droit de faire « de grands amas d’argent et d’or. » Il restera simple. Il ne devra point chercher à remplir ses caisses ni à enfler sa liste civile en pressurant ses sujets. Il ne faut pas que le culte de l’argent s’établisse dans son cœur. Nous savons ce qu’il en a i-coûté à Ézéchias d’avoir attaché à ses trésors une trop grande importancej.
  6. Le roi, enfin, au moment où il montera sur le trône, écrira de sa main une copie de la loi. Il la gardera par devers lui, et y lira « tous les jours de sa vie. » Faut-il entendre par « la loi » les cinq livres de Moïse, comme c’était le cas ordinaire chez les Hébreux, ou seulement le Deutéronome ? Je ne sais pas. Mais, réduite même à ce dernier livre, la loi divine devait occuper dans les pensées d’un monarque hébreu une place absolument prépondérante. Comme nous avons changé tout cela, n’est-ce pas ? Allez donc rédiger au XIXme siècle une constitution, monarchique ou républicaine, qui imposerait au premier magistrat du pays l’obligation d’ouvrir la Bible tous les jours ? Aurait-on assez de quolibets et de protestations indignées pour abîmer ce projet de loi. On évoquerait le fantôme de la tyrannie religieuse, on agiterait les souvenirs de l’inquisition. On raillerait impitoyablement le président piétiste, le monarque petit-saint. Que sais-je encore ? Cela n’empêchera pas que le « droit de la royauté » chez les Hébreux n’ait dépassé de beaucoup en sagesse et en portée la proclamation des droits de l’homme lors de la Révolution française.On raconte qu’un prince africain avait envoyé en Angleterre une ambassade, chargée de riches présents pour la reine, avec la mission de rechercher les causes de la puissance anglaise. Victoria lui fit remettre alors une Bible, portant sur la première page ces simples et nobles paroles : Ici est le secret de la grandeur de l’Angleterre. Moïse et Samuel ont enseigné à leur peuple la même vérité ; pas de puissance durable, pas de grandeur vraie en dehors de la Parole Dieu. Ni la famille ni la société ne seront heureuses ni fortes, tant qu’elles essaieront de s’appuyer sur une autre base.

iEsaïe 3.12.

j2 Rois 20.12-19.

Nous ne finirons pas l’énoncé de ces remarquables articles, sans rappeler combien l’exemple de Salomon en a prouvé la justice. Ce roi en a violé ouvertement trois : le troisième, le quatrième et le cinquième. Nous savons ce qui en est résulté. Son âme s’est détournée de l’Éternel. L’idolâtrie s’est établie sous ses yeux dans Jérusalem. Le plus sage des Orientaux est devenu pour un temps un prince insensé, et son royaume fut irrévocablement déchiré.

Quand Samuel eut achevé de lire au peuple le « droit de la royauté, » il « l’écrivit dans un livre. » Ce fait mérite d’être signalé ; c’est la première fois qu’une activité littéraire des prophètes est mentionnée. Puis, le livre où ces préceptes avaient été consignés fut « déposé devant l’Éternel. » Où ? Le texte ne l’indique pas, et l’expression elle-même n’est pas très claire. Josèphe raconte, comme une tradition courante et qu’il ne discute pas, que « le prophète déposa le livre dans la tente de Dieuk » c’est-à-dire dans le tabernacle. C’est bien ce qu’il y a de plus probable. Mais nous avons vu que nous sommes réduits à des conjectures sur l’emplacement et même sur l’état du tabernacle, jusqu’à l’époque de David et de Salomon.

k – Antiq. VI, 4, 6.

L’assemblée populaire est maintenant dissoute. Tandis que chacun retourne chez soi, deux partis se forment. L’un, la majorité sans doute, voit en Saül un don de Dieu en réponse à l’attente du peuple, et l’accompagne comme des sujets qui suivent leur chef. L’autre – des hommes pervers, dit le texte – préfère se moquer du fils de Kis. Ce sont des frondeurs, prêts à rire de tout ; des mécontents qui auraient voulu que le roi fût pris dans leur tribu, ou même dans leur famille ; des rebelles, car c’était bien se constituer en rébellion que de « refuser des présents » au monarque désigné par le doigt de Dieu. Avec une bienveillance qui ne manque point d’esprit, Saül s’arrange à ne pas voir ces grondeurs et à ne pas entendre leurs plaisanteries. C’était le mieux, de beaucoup. Rien ne troublera la beauté tranquille de ses débuts. Aucun nuage n’assombrit son horizon… Hélas ! ils ne devaient pas tarder à s’amasser.

Nous n’avons pas à raconter la première victoire tu nouveau roi ; ce n’est pas l’histoire de Saül que nous retraçons. Il s’y montra général aussi habile que courageux, animé de cette décision prompte, de ce coup d’œil sûr qui font les grands capitaines. Si, dans cette campagne rapide et brillante, Samuel se tient complètement à l’arrière-plan, on peut affirmer cependant que son nom a servi de drapeau pour forcer les rangs des Israélites. Saül aurait eu peut-être quelque peine à convoquer une armée. Mais il somme les guerriers tant en son propre nom qu’au nom de Samuell et il les voit accourir au nombre de 330 000. De plus, quand la bataille est gagnée, quand les Hébreux, dans l’enivrement du triomphe, veulent faire un mauvais parti aux mécontents qui s’étaient moqués du fils de Kis, c’est à Samuelm qu’ils demandent la permission de les mettre à mort. Il est vrai que c’est Saül qui répond aussitôt, avec une générosité toute royale : « Personne ne sera mis à mort en ce jour. » Ce pardon, très politique d’ailleurs, est peut-être un résultat des leçons que Samuel avait données à son élève d’un soir, sur le toit de sa maison, à Rama. Il lui avait alors appris que « celui qui est maître de son cœur est plus grand que celui qui prend des villesn. »

l11.7.

m11.12.

nProverbes 16.32.

Le prophète, au surplus, va seconder avec un parfait à propos les vues sages et modérées du jeune monarque. Il propose de confirmer solennellement la royauté par une seconde assemblée générale qui sera tenue, cette fois, à Guilgal. Ce ne sera pas une seconde onction. La première suffit pleinement. Mais Saül vient de prouver, en battant les Ammonites, ce qu’il est capable de faire. Il a légitimé en quelque sorte la décision du sort manifestée à Mitspa. Le moment est donc bien choisi, soit pour une retraite décisive de Samuel, soit pour un couronnement public de Saül. La désignation du lieu n’est pas moins heureuse. Guilgal aussi était un centre politique et religieux. Là avait été dressé jadis, comme un premier Eben-Ezer, le monument des douze pierres prises dans le lit du Jourdain. Là Israël avait établi ses quartiers en entrant dans le territoire de Canaan. C’est de là que la conquête était partie. Convoquer une réunion du peuple à Guilgal c’était, pour les Hébreux, ce que serait une convocation des Suisses sur les pentes du Grütli. L’invitation fut comprise. On y répondit de partout avec empressement, et l’on consacra Saül comme roi « devant l’Éternel. » Il n’est pas impossible que ces derniers mots donnent à entendre la présence de l’arche avec le grand prêtre. Cela ne paraît néanmoins guère probable, vu le silence du texte sur ce point. Mais nous savons que des sacrifices d’actions de grâces furent offerts, et qu’on livra à de grandes réjouissances pour sceller le pacte du monarque avec la nation.

Samuel, toutefois, s’était proposé un autre but encore en rassemblant ces comices. Il avait besoin de recevoir une décharge de son administration. Non pas qu’il songeât proprement à rentrer dans la vie privée. Au contraire. Il a rempli jusqu’à la fin de ses jours ses fonctions de jugeo. Il va, de plus, s’engager à conserver tant qu’il en aura les forces un ministère prophétique au milieu de ses concitoyens. Sa position n’en est pas moins changée, et il importe de le constater devant tous. L’autorité vient de passer en d’autres mains. Or, comme il veut, moins que personne, susciter des embarras au monarque, il n’essaiera pas de partager avec lui le pouvoir. Il donnera le premier l’exemple de l’obéissance. Il se retire donc. Seulement, il ne peut pas, il ne doit pas se retirer sans un témoignage à lui rendu par ses administrés. C’est d’autant plus nécessaire qu’une des causes de sa retraite a été la conduite de ses fils. Il a besoin d’une attestation que sa conduite, du moins, à été pure.

o7.15.

N’objectons pas que ce sont là des préoccupations trop personnelles, que c’est prendre un trop grand soin de ce moi dont il faut toujours se détacher. Il y a ici bien autre chose. Samuel avait nommé ses deux fils à la charge de juge. Ils ont mal agi ; la responsabilité de leurs actes ne peut remonter plus haut que leur père. Qui, en revanche, avait nommé Samuel ? Dieu lui-même. S’il avait eu le malheur de se rendre indigne, si des malversations avait souillé sa carrière, c’est jusqu’à Dieu que les plaintes et les reproches monteraient. L’honneur de Jahveh est donc engagé dans la question qui reste à débattre. Ainsi quand Paul et Silas, enfermés injustement dans la prison de Philippe, recevront l’avis que les portes vont leur être ouvertes, ils refuseront de sortir en secret et la tête basse ; ils réclameront la présence des magistrats pour constater leur innocence. L’honneur de Jésus est en quelque mesure lié à ce que leur ministère ne porte pas la flétrissure d’une condamnation.

Le début du discours de Samuel est d’une entière simplicité. C’est aussi la plus véritable éloquence. « J’ai écouté votre voix, » dit-il au peuple, représenté probablement par la plus grande partie de l’armée qui revient de Jabès en Galaad. « J’ai établi sur vous le roi que vous aviez demandé. Vous ne pouvez donc pas voir en moi un adversaire constamment opposé à vos vues. Ne suis-je pas plutôt votre ami ? Mes fils sont au milieu de vous. Je sais leurs injustices ; je connais vos défiances à leur égard. Je n’ai pas le droit de les excuser. Mais ils ne sont plus en charge. Saül a pris leur place. Pour moi, je suis vieux, vous me l’avez dit, peut-être un peu durement, l’autre jour. Ce n’était rien, au reste, de nouveau pour moi. Je n’oublie pas mes cheveux blancs. Eh bien ! en face à un magistrat dont vous avez connu la vie entière, d’un chef que vous avez suivi dès les jours de sa jeunesse, parlez ouvertement, pour ou contre lui. Ne cachez rien. Faites entendre vos plaintes, si vous avez lieu de vous plaindre. Si votre témoignage doit être défendu contre moi, ne le taisez point. Nous voilà tous réunis en présence de l’Éternel et en présence de son oint. »

C’est bien une sorte de procès que Samuel ouvre par ces paroles. La cause se plaidera devant deux juges. L’un dans le ciel : Jahveh. L’autre sur la terre : Saül, à qui ses fonctions royales imposent désormais le devoir de juger. L’accusé, pour un moment, ce sera le prophète, l’ancien juge. Si l’on a quelque grief à articuler contre lui, qu’on le dise. Voyons, Israël ; rassemble tes souvenirs. Ne passe rien à ce vieillard. Amasse contre lui tout ce que tu pourras produire. Fais la revue complète de ces années où il fut ton premier représentant. Il est prêt à tout entendre… Beau parallèle de cet autre procès, encore plus grand et plus majestueux, où l’Éternel intervient comme partie contre les fils d’Abraham, et prend pour témoins les montagnes de la terre : « Mon peuple, que t’ai-je fait, et en quoi t’ai-je fatigué ? Réponds-moi !p »

pMichée 6.1-8.

Samuel pose ici trois questions. Elles lui sont comme dictées par les trop justes imputations qu’on avait dirigées contre ses fils.

– Ai-je touché, sous quelque forme que ce soit, à la propriété de mon prochain ? – Cette propriété se concentre en deux termes : le bœuf et l’âne. C’est parfaitement naturel devant un auditoire d’agriculteurs et de propriétaires ruraux. C’est en outre un examen imposé, en quelque sorte, par le dixième commandement, qui nous interdit de convoiter le bœuf et l’âne du prochain. Moïse aussi, quand il veut affirmer son équité vis-à-vis des enfants de Coré, déclare qu’il ne leur a pas pris un âneq.

qNombres 16.16.

– Ai-je opprimé ou traité durement qui que ce soit parmi mes concitoyens ? – En d’autres termes, j’ai respecté la propriété, ai-je porté atteinte au droit ou à la liberté des personnes ? Mes fils l’ont fait, il m’est assez dur d’en convenir. Pouvez-vous prouver que je l’aie fait aussi ?

– Ai-je, enfin, accepté des présents de la main d’un coupable pour fermer les yeux sur sa faute ? – Question de première importance, dans cet Orient où l’on peut dire que l’habitude d’exiger des présents ou d’en donner hors de propos constitue un mal endémique. On se sert même pour désigner ces cadeaux d’un mot significatif : on les appelle des « couvertures, » parce qu’ils servent à couvrir soit le coupable pour qu’il ne soit pas vu, soit les yeux du juge, pour qu’il ne regarde pas. Saint Paul, comme Samuel, a tenu à constater qu’il n’avait jamais trempé les mains dans ces malversations : « Je n’ai désiré ni l’or ni l’argent, ni les vêtements de personne, » dit-il aux pasteurs d’Éphèser. Et aux chrétiens de Corinthe : Donnez-nous une place, nous n’avons fait de tort à personnes. »

rActes 20.33.

s2 Corinthiens 7.2. Un missionnaire américain raconte, à propos de ces habitudes, un trait typique : En tractation pour acheter un terrain nécessaire à sa station, il refusait de payer un prix absolument usuraire. On le cite, pour ce refus, en justice. On prolonge, sans raison valable, les délais. Mais on lui fait dire, en même temps, que « les roues de la justice tourneront beaucoup plus vite s’il veut les graisser avec un peu d’or américain. » (Blaikie ; Expositor’s Bible. I Samuel, p. 186).

Une réponse unanime atteste au prophète qu’il emportera dans sa retraite l’estime de tous ses anciens subordonnés. « Tu ne nous a point opprimés, et tu ne nous a point traités durement, et tu n’as rien reçu de la main de personne. » Et comme il ajoute que les deux témoins du procès, l’Éternel et Saül, sauront, au besoin, rappeler à Israël ce témoignage à décharge qu’il accorde à son premier magistrat, l’assemblée déclare qu’elle accepte toutes les conséquences de son vote… J’ignore, mes jeunes amis, si vous aurez à revêtir des fonctions semblables à celles de cet homme de Dieu. Vous en exercerez d’autres probablement. Quelles qu’elles soient, puissiez-vous, à l’heure où vous les déposerez, emporter un témoignage pareil à celui qui fut rendu alors au juge. Il n’y aura peut-être pas de foule pour le proclamer. Que votre conscience, du moins, vous le rende, de la part de Dieu ; cela suffit.

Je vous souhaite, en outre, d’être aussi jaloux que Samuel de l’honneur de Dieu. Le prophète n’a pas levé l’assemblée, après l’éloge qu’elle vient de lui décerner. Il avait à lui demander beaucoup plus encore. Il voulait obtenir d’elle une confession de son péché, aussi éclatante que l’approbation sans réserve dont elle vient d’honorer son juge.

Le procès continue donc. Samuel ne défend plus sa cause devant Dieu. C’est la cause de Dieu même dont il se constitue l’avocat. Il en a le droit, maintenant qu’il a été déclaré intègre et sans reproche. Aussi, avec quelle autorité il plaide ! Avec quels accents élevés, pénétrés d’une conviction qui a sa source dans les profondeurs les plus intimes de l’âme ! C’est tout un cours d’histoire nationale qu’il expose en peu de minutes à ses concitoyens. Il ne multiplie pas les exemples, mais il les choisit avec soin, parmi les plus illustres. Il commence à Moïse ; il finit par son nom, pour montrer toujours et partout la main souveraine de Dieu agissant, suivant l’occasion, pour châtier ou pour délivrer. La période des juges, en particulier, est résumée en quelques traits d’une sobre fidélitét. Le peuple s’est révolté contre l’Éternel ; Jahveh l’a châtié ; Israël a crié dans sa détresse ; son Dieu l’a entendu et l’a sauvé. On ne saurait mieux dire. Et c’est après cette longue série de bienfaits que les Hébreux, les tenant en quelque sorte pour nuls et non avenus, se sont écriés sans rien vouloir entendre : Non, mais il y aura un roi sur nous !…

t – Le texte offre une difficulté à l’occasion du nom de Bedan, qui ne se trouve nulle part dans le livre des Juges. Il est possible que ce nom remplace, par erreur, celui de Barac, dont les consonnes, en hébreu, sont assez semblables à celles de Bedan.

Essayez de vous représenter la surprise, d’abord, l’inquiétude ensuite, des auditeurs du prophète. Ils ne lui ont pas marchandé, tout à l’heure, leurs applaudissements. Ils se flattaient que cela serait assez, et qu’une fois en possession de leurs témoignages de confiance, Samuel ne leur demanderait plus rien. Or voici qu’il continue. Il raconte, et ses récits renferment une accusation d’autant plus angoissante qu’elle n’est pas encore nettement formulée… Où veut-il donc en venir ? Prétendrait-il établir que ce passé, où l’Éternel seul était roi, valait mieux que cet avenir en vue duquel nous nous sommes donné le luxe d’une cour ? – Précisément ; c’est bien le but de son réquisitoire. Une dernière fois, le juge qui dépose aujourd’hui ses fonctions entend faire toucher du doigt à ses administrés leur folie. Il assure bien que tout n’est pas perdu. Si les Israélites ne renoncent pas à servir l’Éternel, il y a encore des bénédictions en réserve pour eux. Mais s’ils se révoltent, ils verront tomber sur eux-mêmes les châtiments qui ont déjà frappé leurs pères. Comprendront-ils enfin, ces gens au col roide, que la prospérité d’un peuple ou ses infortunes ne dépendent pas de la forme du gouvernement, mais de la conduite des individus ? L’Éternel n’avait eu besoin d’un prince couronné ni pour punir les infidélités de ses enfants, ni pour les arracher à leurs détresses.

A mesure que Samuel avance dans ce discours, la crainte envahit petit à petit la foule. C’était bien ce qu’il se proposait. Il veut même l’amener à trembler plus encore. Montrant du doigt les champs jaunis qui les entourent et qui promettent la moisson des blés, il annonce qu’à sa prière le tonnerre va gronder et la pluie inonder la campagne. Phénomène inouï. De mai à juin, époque ordinaire de cette moisson, il ne pleut pas en Palestine. De mémoire d’homme, on n’a pas vu d’orage fondre sur les épis mûrs. C’est vrai, très vrai. Mais Dieu règne sur la nature et n’est pas gouverné par elle. Quand il s’agit de convertir quelques cœurs, plus précieux que toutes les moissons du monde, peu lui importe d’agir ou non dans les limites de ce qu’on appelle les lois naturelles. Il agit dans les limites de sa puissance, qui sont aussi celles de sa charité, et les unes comme les autres sont infinies. De plus, nous le voyons répondre en ceci à la prière d’un de ses serviteurs. Digne prédécesseur d’Élie et, comme lui, d’une nature semblable à la nôtreu, Samuel fait aujourd’hui ce que le Tischbite fera plus tard pour les plaines de la Samarie. Il suffit de sa requête pour qu’un orage éclate. Les Hébreux paraissent ne s’y être pas trompés un instant. Ils découvrent tout de suite dans ce phénomène la main de Dieu. Maintenant ils ont peur de mourir, et ils ne voient le salut que dans une autre prière, qu’ils n’osent pas prononcer eux-mêmes.

uJacques 5.17.

L’Écriture est bien hardie, pensons-nous, de montrer ainsi la supplication d’un homme agissant dans le domaine de la nature, amenant des sécheresses, commandant des orages et arrosant la terre. Oui, certainement l’Écriture est hardie. Quant à nous, nous sommes timides. Faibles dans notre foi, sous prétexte de devenir plus raisonnables. Nous n’admettons pas, il nous semble impossible qu’un Père, plus grand que tous les autres pères, écoute les requêtes de ses enfants. Nous prétendons avoir compris beaucoup mieux qu’Élie et Samuel, beaucoup mieux que la Bible, non seulement les lois du monde, mais le cœur de Dieu. Nous avons découvert qu’il est enchaîné par l’organisation de l’univers ! Gens sensés que nous sommes, ce n’est pas nous qui lui demanderons de faire un miracle ! Nous savons assez qu’il n’y en a plus !… Prenez garde, mes amis. Cette prétendue sagesse confine au mensonge. Il n’est pas vrai que Dieu soit lié, si ce n’est par sa propre volonté. Il n’a point à redouter, en nous exauçant, de briser les décrets soi-disant immuables du soi-disant destin. La folie, ce n’est pas de lui « faire connaître nos besoins en toutes chosesv ; » c’est de douter de lui. Si les exaucements marquants sont rares, c’est que nos prières hésitent et que notre foi vacille.

vPhilippiens 4.6.

Samuel, du moins, n’a pas douté. A Guilgal comme là Mitspa, comme dans toutes les circonstances importantes de sa vie, il a su lutter avec Dieu. L’Éternel, de son côté, ne lui a rien refusé de ce qui pouvait servir à la conversion de son peuple. Le tonnerre a grondé pour réveiller la conscience endormie des Hébreux, comme autrefois pour épouvanter les Philistins. La pluie est tombée, et tout Israël craint à la fois Jahveh et son prophète, Or, il vaut la peine de l’observer : dans sa détresse, ce n’est pas à son roi que le peuple a recours ; on dirait qu’il n’est pas assez sûr encore de la piété de Saül. Il s’adresse à Samuel. « Prie, » lui dit-il ; « prie ton Dieu, » comme si des remords soudains faisaient sentir aux Israélites qu’en ne voulant plus de l’Éternel pour leur roi, c’est à peine s’ils l’avaient conservé comme leur Dieu. « Prie, car nous avons ajouté à tous nos péchés celui de demander un roi. » Quel revirement ! Il y a quelques semaines : Voici, tu es vieux ; établis sur nous un autre chef. – Maintenant : Prie l’Éternel pour tes serviteurs. Nulle mention du jeune roi. Dans la circonstance actuelle, il ne peut point sauver son peuple ; il faut que Saül soit délivré ou périsse avec ses sujets… Un fidèle ministre du Seigneur est quelquefois utile. On le dédaigne au temps de la prospérité. Aux jours d’angoisse, on est fort content de pouvoir compter sur lui. Sur les flots courroucés de la Méditerranée, deux cent soixante-quinze passagers et matelots ont été arrachés à la mort par la présence d’un seul homme au milieu d’eux. Cet homme était un prisonnier, mais un chrétien. C’était l’apôtre Paul. Samuel, d’ailleurs, ne cherchait point la puérile satisfaction de faire peur aux gens. Il ne voulait que le repentir de ses concitoyens et la confession loyale de leur péché. « Ne craignez rien, leur dit-il. » Il est encore temps de revenir à l’Éternel. Seulement, que votre retour soit sincère. Ne vous détournez plus de lui. Plus de partage avec les idoles. Le nom même de Jahveh est intéressé à ce que vous ne périssiez pas. Il a résolu de faire de vous son peuplew. Vous ne pouvez pas ne pas l’être. Toute la question est de savoir si vous serez un peuple rebelle et châtié, ou bien un peuple fidèle et comblé de bénédictions.

w12.22.

Adorons, ici, la patience, la condescendance toute paternelle et néanmoins absolument sainte de notre Dieu. Admirons aussi, car elle en découle, la noblesse de Samuel. On lui a fait, il y a quelque temps, un des plus grands affronts qui se puissent faire à un homme public. On l’a mis de côté comme incapable et comme père de magistrats indignes. On a exigé qu’il fît place à un autre, après qu’il l’aurait lui-même désigné et présenté à ses concitoyens. Il y a consenti. Il n’a laissé paraître aucune rancune personnelle. Il n’y a qu’une chose à laquelle il ne consent pas : c’est à laisser les devoirs d’un ministère qu’il tient directement de Dieu et non de la faveur populaire. Il entend rester jusqu’à la fin le pasteur d’Israël – jusqu’au moment où il sera recueilli près d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. – Laissez-moi à l’écart, semble-t-il dire aux fils d’Israël. Saluez l’étoile qui se lève. Que sa clarté efface la mienne ; je veux bien. Il y a deux choses pourtant que vous n’obtiendrez jamais de moi : c’est que je cesse de prier pour vous ou que je refuse de vous donner tous les conseils et tous les enseignements qui pourront vous être utiles. Intercesseur et prophète, je le suis, je veux l’être jusqu’à la fin. Présenter au trône de Dieu vos besoins et vos faiblesses. Vous apporter de la part du Seigneur tantôt des ordres et tantôt des pardons ; des révélations ou des reproches ; des encouragements ou des leçons. C’est là ma tâche ; je l’aime, et je ne cesserai de m’en acquitter qu’à l’instant où je cesserai de vivre. « Je vous enseignerai le bon et le droit chemin. »

Dans le discours de Samuel, le mot de la fin est cependant une menace. « Si vous faites le mal vous périrez, vous et votre roi. » L’événement a fait de cette parole une prophétie. Le vieillard avait peut-être déjà discerné chez Saül un principe de désobéissance qui devait amener un jour la rébellion ouverte. Habitué comme il l’était à vivre avec Dieu, le prophète pouvait bien avoir reçu quelque révélation de ce que le jeune roi deviendrait, quand il céderait à ses instincts naturels.

Un fait, en tout cas, reste frappant : c’est le silence gardé par Saül pendant et après cette solennelle allocution. Vous avez entendu avec quelle insistance Samuel déclare au peuple qu’il a péché en demandant un roi. Or Saül, n’est-ce pas ? est en quelque sorte la preuve visible ou le représentant vivant de ce péché. Il entend les remontrances du voyant. Ces appels redoublés à la conscience d’Israël devraient tomber sur sa propre conscience. Comment expliquer qu’il ne dise, rien ? Est-ce bon signe ? Personnification d’une faute qui peut attirer sur sa nation d’immenses malheurs, et qui, déjà, rend moins intimes ses rapports avec l’Éternel, il consent à porter cette responsabilité. Il semble n’en être point troublé… Mais, s’il doit contribuer à rendre définitive et sans remède la transgression d’Israël, ne ferait-il pas mieux mille fois de se retirer dès maintenant ?… Monarque à ce prix ? Jamais ! Je retourne garder les ânesses de mon père !…

Saül n’a rien dit. L’historien, du moins, ne nous a pas conservé un mot de lui dans cette conjoncture. Serait-il permis de deviner ce qu’il a pensé ? Il n’aura pas supporté sans quelque impatience la longue plaidoirie du prophète. Il aura trouvé qu’il abusait un peu trop de son autorité. Et tandis que Samuel prolonge, peut-être à dessein, ses objurgations, comme pour fournir au souverain l’occasion d’une prière, d’une parole qui témoigne de son humilité, de son désir d’aimer Dieu malgré tout, le fils de Kis persiste à se taire. Il trouve que c’est assez de s’être fait petit pour une fois.

A partir de cette heure, sa déchéance a commencé. Il remportera encore des victoires. Mais il deviendra ce despote soupçonneux et méchant dont l’image recouvrira bientôt le portrait auquel nous avions d’abord souri. Un voile mélancolique va s’étendre sur sa personne et sur son règne. Il va descendre. Lentement d’abord, et puis toujours plus vite, jusqu’à ce que le Souverain Juge dise de lui : « Je l’ai rejeté ! »

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