Zinzendorf ne devait plus revoir l’Angleterre. Son activité allait tendre à se concentrer davantage, et, sans abandonner cette administration générale à laquelle il paraissait indispensable, il allait pouvoir, selon son désir, se livrer plus entièrement aux devoirs purement spirituels de son ministère. Une maladie qu’il fit peu après son arrivée à Herrnhout l’obligea à modérer son ardeur de travail : il se consacra donc de plus en plus à la prédication de l’Évangile, car ce n’était pas pour lui un travail, mais l’épanchement naturel et nécessaire d’un cœur rempli de l’amour du Sauveur. Il commença cependant par s’occuper à mettre en ordre les affaires financières de l’Unité. Dans son ministère pastoral, il s’occupa moins encore de la paroisse en général que de chacun des chœurs en particulier. Il attachait une grande importance à des instructions appropriées spécialement à telle ou telle catégorie de Frères et de Sœurs. Les gens mariés, les sœurs-filles, les enfants surtout furent tour à tour l’objet de ses soinsa.
a – On a recueilli et publié les Homélies aux gens mariés, mais d’après un texte incorrect et incomplet que Zinzendorf a désavoué.
Les établissements d’éducation de Hennersdorf prenaient un grand développement ; des personnes étrangères à la communauté y envoyaient leurs enfants. Zinzendorf, nous l’avons vu, n’avait pas toujours possédé les qualités nécessaires à l’éducation, mais l’âge les lui avait données, et l’expérience lui avait fourni des preuves convaincantes de la vérité de cette parole de Salomon : « Instruis le jeune enfant à l’entrée de sa voie ; quand il sera devenu vieux, il ne s’en écartera point (Proverbes 22.6). » Voici ce qu’il dit à ce sujet : « A quoi bon, m’étais-je souvent demandé, se donner tant de peine pour faire arriver les enfants à la connaissance du Sauveur et à une communion intime avec Lui ? Quand ils sont grands, la corruption s’éveille dans leurs cœurs, le Sauveur leur devient indifférent et ils perdent cette simplicité enfantine qu’on avait eu tant de joie à remarquer en eux. — Mais maintenant je connais un très grand nombre d’exemples d’enfants qui sont restés fidèles au Sauveur et qui ont gardé ce qu’Il leur avait donné. »
Outre les établissements de Hennersdorf, les Frères avaient à Barby un collège (pædagogium), un séminaire théologique, et depuis peu une petite académie dans laquelle on enseignait le droit et la médecine. La philosophie, pour laquelle Zinzendorf professait un assez grand dédain, en était seule exclue. Dans une visite qu’il fit à Barby, le comte voulut juger par lui-même de la manière dont se faisait l’enseignement et assista à tous les cours ; dans une autre, il adressa aux étudiants en théologie un discours destiné à leur rappeler quel était le but unique de leur séjour au séminaire. « En fondant cet établissement, leur dit-il, on n’a voulu que préparer des ouvriers pour l’œuvre que Dieu a confiée à l’église des Frères. Vous devez donc, pendant la courte durée de vos études, laisser de côté les choses dont la connaissance ne sert à rien autre qu’à pouvoir dire qu’on les sait, et vous appliquer à ce qui peut vous être utile dans le service du Sauveur et de son église. » Au nombre de ces choses réellement utiles, il comptait en première ligne l’étude de la Bible et recommandait aux étudiants la lecture assidue de l’Écriture sainte dans les textes originaux. Il leur donna lui-même quelques leçons sur les épîtres de saint Paul, afin de leur montrer la méthode à suivre dans cette étude.
Les écrits du comte, à cette époque de sa vie, se bornent presque exclusivement à des recueils de textes de l’Écriture. La composition de ces petits livres était une de ses occupations favorites ; il aimait à grouper ces textes d’après une idée générale qui leur donnât une sorte d’unité. Dans des recueils qu’il rédigea alors, il coordonna divers passages de la Bible, de manière à en former un petit cours de morale, dont il donna le développement dans une série de discours prononcés à Herrnhout. Les passages suivants feront connaître dans quel esprit il traitait ce sujet : « Il ne faut jamais exiger notre morale de ceux qui n’ont pas encore obtenu le pardon des péchés et qui n’ont pas encore reçu quittance de leur passé. Mais, quand a commencé pour un homme cette nouvelle économie dans laquelle il est ordonné à l’Ennemi de s’éloigner de lui, alors on peut lui faire la leçon (car c’est alors seulement qu’elle lui sert à quelque chose) ; alors on peut lui dire : Tu dois maintenant mener une autre vie, et, comme s’exprime Jean-Baptiste, porter des fruits convenables à la repentance. » « Toutes les facultés que Dieu nous a données », dit encore Zinzendorf, doivent être mises entièrement à la disposition du Sauveur et employées conformément à sa volonté. »
En avril et mai 1756, Zinzendorf réunit en un synode ceux des ouvriers de l’église qui appartenaient au trope morave. Il leur recommanda de ne pas se figurer qu’ils eussent quelque supériorité sur les autres Frères, luthériens ou réformés, mais de songer seulement à rester fidèles à leur vocation : leur caractère special, disait-il, devait être l’esprit de témoignage, car ils étaient les descendants de ces témoins de Jésus qui, un siècle avant la Réformation, avaient donné leur vie pour leur foi.
Au mois de juin de la même année, un synode général, composé de députés de toutes les communautés des Frères, se réunit à Berthelsdorf.