Méditations sur la religion chrétienne

1.2 — Le réveil dans l’Église protestante

Je passe, sans chercher aucune transition, du réveil chrétien dans l’Église catholique au réveil chrétien dans l’Église protestante. Je n’ai nul besoin de transition, car je ne sors pas de l’Église chrétienne. En fait de christianisme, les nations protestantes ont fait leurs preuves ; elles ont eu, comme les nations catholiques, des luttes violentes à soutenir, de mauvaises tendances à contenir, des épreuves périlleuses à traverser ; mais, l’action simultanée de la foi et de la science, de l’autorité et de la liberté, ce propre et sublime caractère du christianisme s’est glorieusement développé dans leur sein. L’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne protestante, la Suède, le Danemark, la Suisse, les États-Unis d’Amérique ont eu leurs vices, leurs erreurs, leurs souffrances, leurs revers ; mais, à tout prendre, ces États ont efficacement travaillé, depuis quatre siècles, à la solution chrétienne du grand problème des sociétés humaines, le progrès moral et matériel pour tous et la garantie politique des droits et des libertés de tous. Et de nos jours, ces mêmes États résistent efficacement aux secousses tour à tour anarchiques ou despotiques qui troublent le monde chrétien. Quant à la foi chrétienne elle-même, si elle est attaquée dans les pays protestants comme ailleurs, elle y est aussi puissamment défendue, maintenue et pratiquée ; les Églises chrétiennes y sont pleines de fidèles, et la cause chrétienne y trouve chaque jour de vaillants champions qui mettent à son service les armes de la science et de la liberté. Il y a, de la part des catholiques, un puéril aveuglement à méconnaître ces faits, et ils s’entretiennent dans une erreur funeste pour eux-mêmes quand ils imputent la fermentation sociale et la désertion religieuse à des nations protestantes chez qui ces deux fléaux sont combattus au moins aussi fermement et aussi efficacement qu’ailleurs. Je ne veux ni instituer des comparaisons blessantes, ni fomenter des rivalités peu chrétiennes ; le protestantisme n’est pas, dans le monde chrétien, le dernier et unique boulevard de la foi chrétienne ; mais elle n’en a point de plus fort, ni qui offre aux assaillants moins de prise, ni qui soit mieux pourvu de fidèles et habiles défenseurs.

Au commencement de ce siècle et dans les années qui suivirent la promulgation du Concordat, les protestants ne songèrent en France, comme les catholiques, qu’à jouir du rétablissement de leur culte et de la liberté de leur foi. Liberté d’autant plus précieuse et charmante pour eux qu’elle succédait à deux siècles de persécutions et de souffrances dont on ne peut lire aujourd’hui les récits sans un saisissement de surprise, d’indignation et de tristesse. Il faut garder fidèlement ces douloureux souvenirs ; les hommes vaudraient infiniment mieux qu’ils ne valent s’ils avaient toujours présente à l’esprit la vive image des iniquités et des douleurs qui ont rempli leur histoire, et le mal ne reparaîtrait pas si aisément s’il n’était pas si vite oublié. La terreur révolutionnaire avait enveloppé les catholiques et les protestants dans une commune oppression, aboli pour les uns comme pour les autres tout culte, toute liberté chrétienne, et fait monter sur l’échafaud les pasteurs du désert comme les évêques de la cour de Versailles, Rabaut Saint-Étienne comme les religieuses de Verdun. Au sortir de cet épouvantable régime, les uns et les autres n’avaient, en religion comme en politique, que des désirs et des prétentions très modestes : vivre en sûreté et prier Dieu en plein jour, c’était là, pour tous, le souverain bien. Ils ne se préoccupaient sérieusement d’aucune autre question, et ils avaient à cœur de se montrer reconnaissants et déférents envers le pouvoir qui leur assurait la libre respiration de l’âme avec la sécurité de l’existence. Les protestants avaient, de plus que les catholiques, les joies de la conquête en même temps que celles de la délivrance ; ils étaient hors de l’ancien régime comme de la Terreur ; point de regrets à ressentir, point de désirs de réaction à satisfaire ; ils n’aspiraient qu’à la consolidation de leurs droits et de leurs biens nouveaux : « Vous qui vécûtes, comme nous, sous le joug de l’intolérance, leur disait en 1807 M. Rabaut-Dupuy, ancien président du Corps législatif et le dernier fils de l’un de leurs plus dignes pasteurs, vous, le résidu de tant de générations persécutées, voyez et comparez. Ce n’est plus dans les déserts et au péril de votre vie que vous rendez au Créateur l’hommage qui lui est dû. Nos temples nous sont rendus, et tous les jours il s’en élève de nouveaux. Nos pasteurs sont reconnus fonctionnaires publics ; ils sont salariés par le gouvernement ; le glaive d’une loi barbare n’est plus suspendu sur leurs têtes. Hélas ! ceux à qui nous avons survécu sont montés sur la montagne de Nébo d’où ils ont vu la terre promise, mais nous seuls en avons pris possession. »

Quoi d’étonnant qu’au lendemain du Concordat qui leur valait la liberté de la foi et l’impartialité de la loi, les protestants s’inquiétassent peu de l’incomplète organisation où il laissait leur Église, et même des atteintes qu’il portait à son indépendance et à sa dignité ?

Mais leur modestie dans la jouissance de leurs nouveaux droits ne les rendait point indifférents à leurs anciennes croyances, et ils rentraient dans la foi chrétienne en même temps qu’ils prenaient possession de la liberté. En 1812, au milieu du grand silence qui régnait alors dans l’Empire, un professeur de la Faculté de théologie protestante de Montauban, M. Gasc, attaqua, dans son enseignement, le dogme de la Trinité. De vives et générales réclamations s’élevèrent aussitôt dans la France protestante ; un grand nombre de consistoires, entre autres ceux de Nîmes, de Montpellier, de Montauban, d’Alais, d’Anduze, de Saint-Hippolyte, pasteurs et laïques, adressèrent leurs plaintes, les uns au doyen de la Faculté de théologie, les autres à M. Gasc lui-même, invoquant tous le maintien de la doctrine de l’Église protestante. Le grand maître de l’Université, M. de Fontanes, « fit inviter sérieusement le professeur à ne point s’en écarter, » et M. Gasc reconnut lui-même qu’il devait y conformer son enseignement. L’esprit qui, au xvie siècle, avait animé la Réforme en France, y vivait encore au xixe, et sous le régime de la liberté naissante le réveil chrétien s’y est annoncé par un appel à la foi.

Quand, sous la Restauration, la liberté politique fut rentrée en France, elle ne tarda pas à porter ses fruits dans le protestantisme français ; elle amena, en matière religieuse comme en matière politique, d’abord la manifestation et bientôt la lutte des idées et des tendances diverses ; et comme il arrive dans les grandes crises intellectuelles, deux hommes éminents, M. Samuel Vincent et M. Daniel Encontre, apparurent aussitôt dans l’Église protestante, tous deux pasteurs et tous deux dignes représentants des deux principes qui se développent naturellement au sein du protestantisme, la foi traditionnelle et la liberté individuelle : principes divers sans être contradictoires, et qui peuvent vivre en paix pourvu qu’ils restent chacun à sa place et dans les limites de son droit.

Esprit remarquablement étendu, varié et fécond, vrai et zélé protestant, mais homme d’étude et de méditation intellectuelle plutôt que de sympathie expansive et d’action, versé dans la connaissance, encore nouvelle et rare alors en France, de la philosophie et de la critique érudite de l’Allemagne, M. Samuel Vincent faisait « consister, selon sa propre expression, l’essence du protestantisme dans la liberté d’examena. » Il repoussait les confessions de foi écrites, toute unité religieuse définie, et réclamait, dans le sein de l’Église, pour les pasteurs comme pour les fidèles, la plus grande latitude en matière d’opinion et d’enseignement. Mais quand il serrait de près la question ainsi posée, quand il était amené à la nécessité d’indiquer jusqu’où pouvait aller, dans le sein même de l’Église, la diversité des croyances individuelles, son embarras devenait extrême, car il était trop sensé pour admettre que cette diversité fût sans limite, et qu’une Église, protestante ou autre, pût exister sans une certaine foi commune et reconnue : « La religion protestante, disait-il lui-même, ne doit pas être seulement une négation ; elle doit avoir aussi sa partie réelle et positive ; elle doit, avant tout, être une religion, c’est-à-dire posséder les moyens de durer et d’édifier les hommes par la propagation d’une doctrine bienfaisante et chrétienne… Le christianisme est la base de l’enseignement ecclésiastique. » Lorsque, après avoir posé ce principe, M. Samuel Vincent cherchait comment l’Église protestante pouvait rester une Église, et une Église chrétienne, au milieu de l’indépendance des croyances individuelles, il n’en trouvait point d’autre moyen que « de déterminer, disait-il, par des conventions orales et non écrites, un certain nombre d’opinions que chacun serait prié de garder pour soi, dans l’intérêt de la paix. » Procédé étrange et d’une pratique difficile que de prescrire le silence en proclamant la liberté ! M. Samuel Vincent n’essayait pas de déterminer quelles étaient ces opinions que, pour maintenir l’existence d’une Église chrétienne au sein du libre examen le plus étendu, « chacun devait être prié de garder pour soi ; » quant à lui-même, il professait la foi au surnaturel, à la révélation biblique et évangélique, à l’inspiration des livres saints, à la divinité de Jésus-Christ, aux grands faits historiques comme aux préceptes moraux de l’Évangile, et il fut l’un des pasteurs qui signèrent la réclamation du consistoire de Nîmes contre l’enseignement irrégulier du professeur Gasc. M. Samuel Vincent regardait-il toute opinion contraire à ces grandes croyances évangéliques comme une de celles que « chacun devait être prié de garder pour soi dans l’intérêt de la paix ? » Je doute qu’il eût osé prescrire au libre examen tant de réserve ; mais je doute en même temps qu’il eût persisté à regarder comme de vrais et fidèles pasteurs de l’Église protestante ceux qui auraient ouvertement déserté et combattu, dans ses plus essentiels fondements, la foi chrétienne qu’il professait lui-même. Il redoutait presque également l’unité définie et la dissidence déclarée.

aVues sur le protestantisme en France, par M. Samuel Vincent, 2e édition, page 15, Paris 1859.

Il serait resté dans l’embarras où tombent inévitablement ceux qui n’acceptent ni une base et une manifestation de foi commune, ni la nécessité morale de la séparation en Églises distinctes et libres quand la foi commune n’existe pas.

[Les principaux ouvrages de M. Samuel Vincent sont : 1° Vues sur le protestantisme en France, première édition, 1829, 2 vol. in-8°. Une seconde édition en 1 vol. in-12 a été publiée en 1859, par M. Prevost-Paradol ; 2° Observations sur l’unité religieuse et Observations sur la voie d’autorité appliquée à la religion (1820) contre l’Essai sur l’indifférence en matière de religion de l’abbé de la Mennais ; 3° Méditations ou recueil de Sermons, 1823 ; 4° Mélanges de religion, de morale et de critique sacrée ; recueil périodique publié de 1820 à 1825.]

Aucun embarras semblable n’a pesé sur l’esprit de M. Daniel Encontre dans le cours de ses travaux pour le réveil chrétien au sein du protestantisme français. Je ne reproduirai pas ici, tant elles sont rudes et sévères, les paroles qu’il prononça le 13 décembre 1816, à Montauban, comme doyen de la Faculté de théologie protestante, sur « les prétendus ministres de l’Évangile, disait-il, qui ne croient pas à l’Évangile et à la divinité de Jésus-Christ. » Il regardait l’harmonie entre la foi et le langage, entre le pasteur et le troupeau, comme la première loi de la société religieuse. Né dans une grotte de la Vaunage où sa mère s’était cachée pour fuir la persécution flagrante, voué, dès sa naissance, par son père, le pasteur Pierre Encontre, à la prédication de l’Évangile dans le désert, M. Daniel Encontre appartenait à cette race de protestants indomptables qui ont gardé leur foi à travers tous les périls, toutes les souffrances, tous les sacrifices qu’elle leur imposait. Ses premiers pas semblèrent indiquer en lui d’autres dispositions et un autre emploi de sa vie. Après avoir fait, à Lausanne et à Genève, ses études théologiques, et avoir été consacré, par son père lui-même, au ministère évangélique dans une assemblée du désert, il se sentit peu propre à la prédication ; et tout en remplissant ses devoirs de pasteur, il se livra à l’étude des mathématiques, des sciences naturelles, de la philosophie, des langues savantes, avec la passion d’un esprit avide de tout connaître et dont aucun obstacle intérieur, aucune idée préconçue, ne gênaient le développement. Établi à Montpellier où ses goûts scientifiques trouvaient à se satisfaire, il y mena, pendant les mauvais temps de la Révolution, la vie la plus obscurément laborieuse, donnant aux maîtres maçons des leçons sur la coupe des pierres, aux protestants les instructions et les secours de la foi, célébrant des baptêmes, bénissant des mariages, et poursuivant en même temps ses travaux de géométrie, de botanique, de philologie, de théologie, de littérature, même de poésie. Quand l’ordre commença à se rétablir, il fut naturellement conduit, par son penchant et par le conseil de ses amis, à faire de l’enseignement public sa carrière ; il obtint au concours d’abord la chaire de belles-lettres à l’École centrale de Montpellier, puis celle de mathématiques transcendantes au Lycée et à la Faculté des sciences dont il fut nommé doyen. Sa réputation se répandit bientôt avec les preuves répétées de ses mérites : les recueils des sociétés savantes étaient pleins de ses Mémoires et l’École polytechnique de ses élèves : « J’ai rencontré dans nos départements, disait Fourcroy, deux ou trois têtes pareilles à la sienne, aucune qui lui soit supérieure. M. de Candolle s’empressait de le prendre pour son collaborateur dans ses Recherches sur la botanique des anciens, et M. de Fontanes m’a plus d’une fois parlé de lui comme de l’un des hommes qui honoraient le plus l’Université. Mais le mathématicien, le botaniste et le philologue ne primaient jamais en lui le chrétien ; tantôt pour expliquer Moïse et la Genèse, tantôt pour défendre les apôtres d’avoir été les copistes de Platon, il saisissait toutes les occasions de mettre sa science au service du christianisme ; et lorsque, en 1814, on lui demanda de quitter

Montpellier, ses habitudes, ses goûts, ses amis, pour aller occuper, dans la Faculté de théologie de Montauban, la chaire de dogme et les fonctions de doyen, il sacrifia sans hésiter l’agrément de sa vie à la vocation de sa foi, et se livra sans relâche à l’activité militante du professeur chrétien jusqu’au jour où, vaincu par la fatigue et la maladie, il s’accorda la mélancolique satisfaction de retourner mourir à Montpellier, auprès du tombeau d’une fille chérie qui l’avait longtemps aidé dans ses travaux.

[Dissertation sur le vrai système du monde comparé avec le récit que Moïse fait de la création (Montpellier, 1807). Lettre à M. Combes-Dounous, auteur d’un Essai historique sur Platon (Paris 1811). Un remarquable essai de M. Daniel Encontre sur le Péché originel fut publié, après sa mort, en 1822, et il a laissé un grand nombre de manuscrits, entre autres un Traité sur l’Église de 600 pages) écrit en latin, des Études théologiques, une Grammaire hébraïque, un Cours de philosophie, un Cours de littérature française, une Flore biblique, plusieurs Mémoires de mathématiques transcendantes, etc. Dans son enseignement de mathématiques transcendantes à Montpellier, il eut pour élève M. Auguste Comte, le chef de l’école positiviste, qui, malgré la profonde diversité de leurs opinions, se fit, en 1856, un devoir de lui dédier son traité sur la Synthèse subjective, en témoignage d’admiration et de reconnaissance.]

Les destinées du protestantisme français ont été singulièrement et à la fois variées et fixes, confuses et simples. Après avoir, au xvie siècle, vaillamment disputé la victoire, il a été vaincu, décimé, expulsé. Il a résisté ; il a survécu à la défaite, à l’affaiblissement progressif, à l’expulsion. Dans le cours des xviie et xviiie siècles, il a perdu ses garanties légales, ses places de sûreté, ses grands chefs, ses grands théologiens, ses grands écrivains ; il a conservé sa foi et son honneur religieux ; faibles et obscures, les générations protestantes successives sont demeurées fidèles aux croyances et aux mœurs de leurs pères ; elles ont puisé dans la persécution même, dans les condamnations à mort, les confiscations, les prisons et les galères, la fermeté de la piété protestante ; les controverses théologiques se sont amorties dans leur sein ; les convictions chrétiennes fondamentales sont restées. Dans la classe élevée et riche, les idées philosophiques du xviiie siècle se sont répandues ; le grand mouvement libéral a rempli le peuple protestant de joie et de sympathie, mais sans le détacher de ses traditions et de ses habitudes religieuses ; la foi avait cessé d’être savante ; le sentiment populaire protestant était toujours profondément biblique et évangélique ; plus libres et plus heureux que ne l’avaient été leurs pères, les protestants français avaient à cœur de rester chrétiens comme eux ; et lorsque, en 1790, Rabaut Saint-Étienne, succédant à l’abbé de Montesquiou dans la présidence de l’Assemblée constituante, écrivait à son vieux père le pasteur Paul Rabaut : « Le président de l’Assemblée nationale est à vos pieds, » il faisait acte de fierté politique, de piété filiale et de fidélité protestante devant l’humble et ardent prédicateur des assemblées du désertb.

bHistoire des protestants de France, par M. de Félice, t. II, page 6, édition ThéoTEX, Phoenix 2020.

M. Daniel Encontre a été, au commencement de ce siècle, le fidèle représentant de ce caractère historique et religieux du protestantisme français, comme M. Samuel Vincent a été le sincère introducteur, dans l’Église protestante française, de la science et de la critique allemande. Le premier répondait mieux au pieux et national esprit de la vieille France protestante ; le second aux tendances nouvelles et indéfiniment latitudinaires d’une philosophie et d’une érudition étrangères. Ni l’un ni l’autre, à coup sûr, ne mesuraient la portée de la crise religieuse dont ils étaient eux-mêmes les premiers symptômes, et qui devait engager, au sein du protestantisme, une lutte déclarée entre le progrès rationaliste et le réveil chrétien.

Ce fut à Genève que cette crise commença à se manifester. Le scepticisme moqueur de Voltaire et le déisme oratoire de Rousseau, proclamés à ses portes, avaient profondément miné dans la cité de Calvin la foi chrétienne. Ce n’était pas seulement sur quelques-unes des doctrines calvinistes du xvie siècle, mais aussi sur les croyances fondamentales du christianisme que portaient les négations et les doutes de la plupart des pasteurs genevois ; le péché originel et la divinité de Jésus-Christ étaient aussi ouvertement délaissés que la prédestination et le salut gratuit. En 1810 selon les uns, dès 1802 selon les autres, quelques symptômes de réaction évangélique parurent à Genève parmi les étudiants en théologie ; et quelques-uns d’entre eux, qui depuis sont devenus des pasteurs ou des écrivains distingués, MM. Gaussen, Malan, Gonthier, Bost, Merle d’Aubigné, ne tardèrent pas à déployer autant de ferveur orthodoxe que de talent. En 1816, un pieux Écossais, naguère vaillant marin et qui n’avait quitté sa carrière que pour se vouer tout entier au service de sa foi, M. Robert Haldane, vint à Genève et contracta bientôt, avec les jeunes méthodistes genevois, les plus intimes et les plus actives relations ; ils tinrent des réunions, ils discutèrent, prêchèrent, prièrent, écrivirent ; M. Haldane savait à peine le français ; il avait sa bible anglaise sous la main, la feuilletait sans cesse, montrait du doigt à ses amis les passages qu’il regardait comme décisifs, les invitait à les lire tout haut dans leur bible française, et leur en donnait des commentaires toujours écoutés avec faveur, tant la conviction du commentateur était sympathique et puissantec. En 1816 et 1817, la réaction évangélique fit de si rapides progrès que la compagnie des pasteurs genevois résolut de la combattre officiellement ; mais elle n’en trouva point d’autre moyen que de faire ce que, douze ans après, recommandait encore M. Samuel Vincent ; elle prescrivit le silence en proclamant la liberté : « Sans porter, dit-elle, aucun jugement sur le fond des questions et sans gêner en aucune manière la liberté des opinions, » elle imposa, soit aux étudiants qui demanderaient d’être consacrés au saint ministère, soit aux ministres qui aspireraient à exercer, dans l’Église de Genève, les fonctions pastorales, un engagement ainsi conçu : « Tant que nous résiderons et que nous prêcherons dans les églises du canton de Genève, nous promettons de nous abstenir d’établir, soit par un discours entier, soit par une partie de discours dirigée vers ce but, notre opinion : 1° sur la manière dont la nature divine est unie à la personne de Jésus-Christ ; 2° sur le péché originel ; 3° sur la manière dont la grâce opère, ou sur la grâce efficiente ; 4° sur la prédestination. Nous promettons aussi de ne point combattre, dans des discours publics, l’opinion de quelques pasteurs ou ministres sur ces matières. »

cGenève religieuse au xixe siècle, par le baron de Goltz, traduit de l’allemand, par C. Malan, pages 137-149, in-8°, Genève et Paris 1862.

Il est difficile de comprendre qu’on se soit jamais flatté de rétablir la paix dans l’Église par un tel expédient ; la liberté, qui a brisé de si lourdes chaînes, ne se laisse pas retenir dans ce si minces filets : le résultat immédiat du règlement des pasteurs genevois fut de faire éclater la dissidence ; les plus ardents des méthodistes, MM. Malan et Bost à leur tête, se séparèrent hautement de l’Église établie ; les plus modérés, entre autres MM. Gaussen et Merle d’Aubigné, persistèrent à rester officiellement dans son sein, se considérant comme chargés d’y représenter les doctrines de la Réformation, qu’ils continuèrent, en effet, de prêcher et d’enseigner. La compagnie des pasteurs les ménagea d’abord et respecta leur liberté ; et quand la multitude, irritée de l’agitation que les dissidents portaient dans les familles et de l’austérité de leurs préceptes, se livra contre eux à des démonstrations hostiles, le conseil d’État genevois eut la sagesse et l’équité de les réprimer ; mais bientôt, lassé de ce pénible devoir, il interdit formellement qu’on n’imprimât à Genève, sans sa permission expresse, aucun écrit de polémique religieuse ; la compagnie des pasteurs se prononça bientôt contre les méthodistes modérés aussi vivement que contre les dissidents déclarés ; les méthodistes modérés, à leur tour, prirent, pour soutenir leur cause, des mesures éclatantes ; ils fondèrent une société évangélique et une école de théologie vouées, l’une à propager le zèle, l’autre à enseigner les doctrines du réveil chrétien ; et quinze ans après le commencement de la lutte, les chefs du parti qui proclamait que la libre diversité des croyances individuelles, au sein même de l’Église, était « le grand fait de notre époque et le grand pas qu’avait à faire aujourd’hui la Réforme, » la compagnie des pasteurs, le consistoire et le conseil d’État genevois destituaient M. Gaussen de ses fonctions de pasteur de la paroisse de Satigny, pour avoir pris part à l’institution d’un culte libre et d’une école de théologie indépendante : « manière d’agir, disait-on, incompatible avec la paix de l’Église, et qui devait être regardée comme un acte d’insubordination tendant à déconsidérer l’autorité ecclésiastiqued. »

dGenève religieuse au xixe siècle, par le baron de Goltz, Pages 379-384.

Une telle fermentation religieuse, dans le foyer primitif de la Réforme française et aux portes de la France, ne pouvait manquer d’exercer sur l’Église protestante française, une action puissante. En quittant Genève en 1817, M. Robert Haldane alla à Montauban, entra en amitié avec quelques-uns des professeurs de la Faculté, entre autres avec M. Daniel Encontre, et fit publier en français un de ses ouvrages intitulé : Emmanuel, vues scripturaires sur Jésus-Christ, que ses amis s’empressèrent de répandre. En 1818, une société se forma en Angleterre, sous le nom de Société continentale, spécialement vouée à seconder sur le continent le progrès du réveil chrétien. Un dissident anglais, M. Mark Wilks, pasteur de la communauté américaine qui s’était formée à Paris, devint le plus efficace agent de toutes les œuvres dirigées vers ce but : « On pouvait dire de lui qu’il eût été capable de gouverner un empire, écrivait naguère M. le pasteur Juillerat, tant son caractère était fort et son esprit actif et entreprenant. Il m’apportait des secours de toute sorte ; il fallait de l’argent : il en avait ; il fallait des brochures, des livres : nul n’en était mieux pourvu, et ne s’entendait mieux aux choses qui se lient à l’impression et à la publication des journaux. » Plusieurs journaux et recueils protestants, la Voix de la religion chrétienne au xixe siècle, les Archives du christianisme au xixe siècle, les Mélanges de religion, de morale et de critique sacrée, l’Evangéliste, la Revue protestante, le Semeur, etc., se fondèrent successivement à cette époque, et portèrent, çà et là, dans l’Église protestante disséminée, la ferveur ranimée au centre. Le vrai zèle religieux ne se contente pas d’agir de loin, sur des inconnus, et par des moyens indirects comme des livres et des journaux ; il veut que l’homme parle lui-même à l’homme et que les âmes s’unissent en priant ensemble ; de jeunes pasteurs qui avaient d’abord pris part au mouvement évangélique de Genève, MM. Neff, Pyt, Bost, Gonthier, se répandirent en France, les uns comme pasteurs sédentaires, les autres comme missionnaires mobiles, groupant autour d’eux les protestants zélés, échauffant les tièdes, et créant, partout où ils séjournaient quelque temps, de petits foyers chrétiens qui rayonnaient aux environs. Diverses associations, les unes officiellement reconnues par l’État, les autres sans caractère public, la Société biblique, la Société pour l’encouragement de l’instruction primaire parmi les protestants, la Société évangélique de France, la Société des traités religieux, la Société des missions protestantes, la Société centrale pour les intérêts protestants, la Société d’évangélisation, etc., donnèrent, aux travaux des individus isolés, la publicité, l’ensemble, la permanence qui leur manquaient ; et une spéciale, celle du colportage biblique, commencée d’abord avec sept et poursuivie, quelques années après, avec soixante obscurs agents aussi zélés que leurs patrons, fit pénétrer les livres saints et les petits écrits religieux jusque dans les parties de la France les plus étrangères à tout autre moyen de communication et d’instruction.

A un mouvement si vif et si répandu, quoique propagé par un petit nombre d’hommes au sein d’une population en grande minorité dans le pays, les obstacles ne pouvaient manquer : il en rencontra de toute sorte, religieux, politiques, administratifs, l’esprit national, les préjugés locaux, les passions populaires, les méfiances du pouvoir, l’hostilité du clergé catholique, les dissentiments théologiques entre protestants, les amours-propres individuels, l’embarras ou la pusillanimité des autorités inférieures. L’activité des sociétés protestantes inquiétait des évêques et des prêtres qui s’efforçaient, non seulement de combattre leur influence, mais d’entraver leur liberté. Des maires, des juges de paix, quelquefois même des magistrats et des administrateurs plus élevés prêtaient à ce mauvais vouloir leur concours. De là des soupçons, des plaintes, des luttes qui retardaient les progrès du réveil chrétien. Mais la ferveur persévérante de ses patrons, la sagesse générale des pouvoirs supérieurs et l’autorité de jour en jour croissante des principes de justice et de liberté surmontèrent peu à peu ces obstacles. Ce fut sous la Restauration que les principales sociétés protestantes furent légalement reconnues et autorisées. Sous le gouvernement de 1830, elles usèrent de leurs droits avec plus de confiance et moins d’entraves ; quoiqu’ils prissent grand soin de ménager les inquiétudes et les susceptibilités catholiques, l’équité religieuse du roi Louis-Philippe et de ses conseillers ne pouvait être douteuse. Les protestants ne crurent plus avoir le même besoin d’un appui étranger ; formée à Paris en 1833, la Société évangélique de France se montra un moment accessible aux jalousies de l’esprit national ; quelque froideur en résulta d’abord dans ses relations avec la Société continentale de Londres ; mais dès que celle-ci s’aperçut que son action directe était, pour le réveil chrétien en France, plus embarrassante que nécessaire, elle la retira en maintenant sa sympathie, et elle remit à la Société évangélique de France toutes les stations, toutes les œuvres religieuses fondées et jusque-là soutenues par ses soins.

Au point où était dès lors parvenu le réveil chrétien dans la France protestante, il importait peu que l’œuvre fût entre les mains de tels ou tels de ses patrons ; elle avait pris son vrai caractère et elle puisait sa force à la vraie source. Dans les temps d’incrédulité et d’indifférence religieuse, et même quand on commence à en sortir, c’est l’erreur de beaucoup d’hommes, même parmi ceux qui respectent et soutiennent la religion, de la considérer comme une grande institution publique, une police morale salutaire, nécessaire même à la société, mais qui doit à son utilité pratique plutôt qu’à sa vérité intrinsèque son mérite et son droit. Grave méprise qui méconnaît la nature comme l’origine de la religion, et qui lui ferait bientôt perdre son empire comme sa dignité ; les hommes tiennent grand compte de l’utilité, mais ils ne se donnent réellement qu’à la vérité ; l’utilité commande la prudence et les ménagements ; la vérité seule inspire la confiance et le dévouement ; une religion qui n’aurait, pour influer et durer, que son utilité sociale, serait bien près de sa ruine ; les hommes ont besoin et soif de vérité dans leurs rapports avec Dieu encore plus que dans leurs rapports entre eux ; pour prier, adorer et obéir spontanément, il faut croire. C’est au nom de la vérité de la religion chrétienne, de sa vérité manifestée dans son histoire par la parole et la présence de Dieu même, que s’est accompli parmi nous le réveil chrétien ; les ouvriers de cette grande œuvre avaient et répandaient la foi ; s’ils n’avaient parlé que de l’utilité sociale du christianisme, ils n’auraient pas conquis une âme.

Au premier aspect, on est tenté d’attribuer leur succès à l’énergie de leur propre foi, à l’activité dévouée et persévérante de leur zèle. Autre méprise. Sans doute le mérite des hommes a eu sa part dans l’efficacité du travail ; mais la part des croyances mêmes ainsi propagées, de leur vertu propre et intime, a été infiniment plus grande que celle des hommes. L’incrédulité et l’indifférence religieuse ont beau se répandre et paraître dominantes ; elles n’abolissent pas les problèmes déposés au fond des âmes ; elles ne suppriment pas nos perplexités, instinctives ou réfléchies, sur la création du monde et de l’homme, sur l’origine du bien et du mal, sur la Providence et la fatalité, sur la liberté et la responsabilité humaines, sur l’immortalité et l’avenir. Au lieu des négations et des doutes répandus sur ces questions impossibles à éluder, les ouvriers du réveil chrétien rappelaient dans les âmes des solutions positives, conformes aux traditions de la patrie, aux habitudes de la famille, aux souvenirs de l’enfance : solutions souvent contestées, jamais vaincues et toujours renaissantes à travers les siècles. C’était dans la valeur intrinsèque et permanente des doctrines qu’ils prêchaient, non en eux-mêmes, qu’ils puisaient leur force et leur crédit.

Ils avaient encore une autre puissance, une puissance qui est née et s’est déployée au sein de la religion chrétienne et de la religion chrétienne seule ; ils avaient la passion du salut des âmes. On n’est pas, on n’a jamais été assez frappé de la beauté de cette passion, ni de sa nouveauté dans l’histoire morale du monde, ni du rôle qu’elle a joué chez les peuples chrétiens. Avant le christianisme, l’antiquité asiatique et européenne, païenne et philosophique, s’est préoccupée du sort des hommes au delà de leur vie terrestre, et en a curieusement sondé les ténèbres ; mais la sollicitude ardente pour le salut éternel de toute âme humaine, le travail assidu pour préparer toute âme humaine à l’avenir éternel, et pour la mettre, dès la vie présente, en rapport intime avec Dieu et en état de subir son jugement, c’est là un fait essentiellement chrétien et l’un des plus sublimes caractères du christianisme comme l’une des marques les plus éclatantes de sa divine origine. Dieu constamment en rapport avec l’homme, avec chaque homme, assistant à la vie actuelle de chaque homme et devant décider de sa destinée future, l’immortalité de chaque âme humaine et le lien entre sa vie actuelle et sa destinée future, la valeur immense de chaque âme humaine aux yeux de Dieu et l’immense gravité, pour elle, de l’avenir qui l’attend, ce sont là les convictions, les affirmations contenues dans cette passion pour le salut des âmes qui a été la vie même de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a passé, de son exemple et de ses préceptes, dans la vie de ses premiers disciples, et qui, à travers la diversité des temps, des peuples, des mœurs, des opinions, est restée le trait caractéristique et le souffle inspirateur du génie chrétien.

Ce souffle animait les hommes qui, de nos jours, ont travaillé et réussi à ranimer, dans la France protestante, la foi chrétienne. Leur zèle se déployait dans une sphère bien peu étendue ; hors de cette sphère, leurs noms étaient et sont restés bien ignorés ; quels spectateurs, quels lecteurs, quel public, savaient alors et savent aujourd’hui ce qu’étaient et ce qu’ont fait MM. Neff, Bost, Pyt, Gonthier, Audebez, Cook, Wilks, Haldane ? Mais qui donc, du temps de Tacite et de Pline, savait ce qu’étaient et ce que faisaient Pierre, Paul, Jean, Mathieu, Philippe, les disciples inconnus du maître inconnu lui-même qui a conquis le monde ? L’éclat n’est pas la condition nécessaire de la puissance, et dans l’ordre moral comme dans l’ordre physique, les sources, pour être obscures, n’en sont pas moins fécondes. Les missionnaires chrétiens de notre temps ne s’inquiétaient pas de leur obscurité ; ils n’avaient aucune prétention à la célébrité littéraire ; ils ne recherchaient le triomphe d’aucune idée politique, d’aucun système spécial d’organisation ecclésiastique, d’aucun plan qui fût leur propre ouvrage et dans lequel leur amour-propre fût intéressé ; le salut des âmes était leur unique passion et leur unique but ; ils se regardaient comme d’humbles serviteurs chargés de rappeler aux hommes les promesses trop oubliées du salut par la foi en Jésus-Christ : « Le bruit de ce réveil, a dit l’un d’entre eux, portait amplement le caractère de la jeunesse ou même de l’enfance ; le moindre pasteur en tournée devenait un missionnaire ; son passage était un événement, presque un météore ; vite on convoquait une assemblée ; on se trouvait vingt, trente, cinquante, cent, deux cents personnes pour entendre avec joie, comme une grande nouveauté et comme une merveille, cet évangile que nous savons maintenant par cœur ; hélas ! oui, que nous savons par cœur, bien plus encore que nous ne l’avons dans le cœure ! » Qui pourrait méconnaître, dans ces sentiments et ces paroles, un réveil vraiment chrétien ?

eMémoires pouvant servir à l’histoire du réveil religieux des Églises protestantes de la Suisse et de la France, par A. Bost (1854), t. I, p. 240.

Éternelle faiblesse de l’homme ! incurable imperfection de ses œuvres, même quand il marche dans les voies de Dieu ! Au sein de ce réveil chrétien, à côté de ce fervent retour à la foi évangélique, reparaissaient quelques-unes des vieilles prétentions théologiques, entre autres la prétention de pénétrer les décrets de Dieu et de déterminer les conditions du salut. En février 1818, le pieux et orthodoxe doyen de la faculté protestante de Montauban, M. Daniel Encontre, rendant compte de l’ouvrage de M. Robert Haldane (Emmanuel ou vues scripturaires sur Jésus-Christ) qui venait de paraître, et après l’avoir justement loué, s’empressait d’ajouter : (Les dernières pages de l’Emmanuel expriment des sentiments que les chrétiens évangéliques sont loin de partager. L’auteur pose en principe que tous les hommes qui ne croient pas à la parfaite égalité du Fils et du Père sont également ennemis du Père et du Fils, les renient, les blasphèment l’un et l’autre, et ne peuvent éviter la mort éternelle. Il regarde comme infiniment criminelle l’indulgence que nous leur témoignons, et peu s’en faut qu’il ne damne tous ceux qui n’ont pas le courage de les damner. Quant à moi, j’ose croire que le devoir d’un chrétien est de travailler à son propre salut, sans se permettre de prononcer sur celui des autres. Ne jugez point afin que vous ne soyez point jugés, nous dit celui que nous reconnaissons tous pour notre maître ; et saint Paul ajoute : Qui es-tu, toi qui condamnes le serviteur d’autrui ? Je saisis cette circonstance pour déclarer, à tous ceux qui voudront l’entendre, que je crois fermement à la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ et que j’adopte dans tout son contenu le symbole de Nicée. J’ose affirmer de plus que ces sentiments sont actuellement ceux de tous les membres de notre faculté, comme ils ont toujours été ceux de nos Églises. Il me paraît que les personnes qui ne connaissent pas Jésus-Christ comme Dieu sur toutes choses, béni éternellement, sont très à plaindre et manquent de la plus grande de toutes les consolations. Leur erreur me semble d’autant plus dangereuse que d’ordinaire elle est bientôt suivie d’autres erreurs, parce que les vérités, objets de la foi, sont tellement liées, tellement enchaînées entre elles, qu’on ne peut en retrancher une sans ébranler, sans renverser toutes les autres. Ces vérités forment ensemble un édifice majestueux dont toutes les parties sont absolument nécessaires, et qu’on ruine de fond en comble si une fois on parvient à l’entamer, surtout lorsque la première pierre qu’on détache est la maîtresse pierre de l’angle. Mais où en serions-nous si les errants, même lorsqu’ils se trompent de bonne foi, ne trouvaient point d’accès au pied du trône de grâce ? Ceux qui sentent, comme moi, combien ils ont besoin de la miséricorde de Dieu et de l’indulgence des hommes, ne sont pas tentés de se montrer sévères envers autruif.

fArchives du Christianisme au xixe siècle, t. I, p. 63-66.

M. Encontre, en tenant ce langage, ne faisait pas seulement, pour son propre compte, acte d’humilité et de charité chrétienne ; il touchait à l’une des questions suprêmes qui font, de nos jours, la crise du christianisme, et il en indiquait la vraie solution, la seule solution chrétienne. Comme toutes les passions, même les meilleures, la passion du salut des âmes est pleine d’entraînement et d’aveuglement ; elle se persuade trop aisément qu’elle peut atteindre son but, et elle en adopte trop indistinctement tous les moyens. De là sont nées la tyrannie religieuse et l’intolérance théologique ; les puissants ont cru qu’ils pouvaient contraindre les âmes à se sauver ; les savants ont cru qu’ils pouvaient déterminer les conditions du salut. Deux méprises profondément antichrétiennes. De même qu’aucun pouvoir humain n’a le droit d’enlever la liberté de conscience à une seule des âmes que Dieu a créées libres et responsables, de même aucune science humaine ne peut définir selon quelles lois et quels faits sera réglé le sort futur des âmes. La liberté est, sur cette terre, le principe de la vie morale de l’homme ; son sort au delà de cette terre est une question posée entre Dieu et l’homme par l’usage que l’homme a fait ici-bas de sa liberté. Respecter le don que Dieu a fait à l’homme de la liberté et le mystère des arrêts de Dieu sur le salut de l’homme, c’est là vraiment la loi chrétienne ; à cette double condition seulement il y a réveil et progrès chrétien.

Rien ne fait à la mémoire de M. Daniel Encontre plus d’honneur que d’avoir, l’un des premiers, compris et rempli ce double devoir. Fermement attaché aux croyances fondamentales qui sont le christianisme même, il a été étranger à toute doctrine étroite et excessive, à toute présomption et à toute intolérance théologique ; sa piété a été large sans que sa foi fût vague ; le chrétien a été libéral et le géomètre est resté chrétien.

M. Encontre à peine mort, deux hommes nouveaux, tous deux, comme lui, pasteurs et professeurs éminents, M. Alexandre Vinet et M. Adolphe Monod, parurent dans l’arène religieuse et imprimèrent avec plus d’éclat au réveil chrétien le même caractère, en poussant l’Église protestante française dans la même voie.

Quoiqu’il soit né et qu’il ait constamment vécu et écrit en Suisse, M. Alexandre Vinet était d’origine française, et il appartient à la France autant qu’à la Suisse, car il a connu, compris et aimé la France autant que la Suisse ; il a servi la cause de la liberté religieuse et du réveil chrétien en France autant qu’en Suisse. Ce frêle enfant, fils d’un pauvre et sévère maître d’école qui le destinait à la vie obscure d’un pasteur de village, manifesta, dès ses premiers travaux, un goût ardent pour les lettres et pour les perspectives d’étude et de jouissance intellectuelle que lui ouvraient les chefs-d’œuvre de la littérature ancienne et moderne. On le trouvait dans sa petite chambre pleurant d’enthousiasme et d’attendrissement à la lecture du Cid. A vingt ans, il était professeur de littérature française à Bâle, et il se vouait à faire connaître, comprendre et admirer, à tout venant, sur le Rhin et dans les Alpes suisses, les grands esprits français de tous les genres et de tous les siècles. Philosophes et orateurs, prosateurs et poètes, chrétiens ou libres penseurs, catholiques ou protestants, conservateurs ou novateurs, classiques ou romantiques, tous les hommes qui ont fait la gloire intellectuelle et littéraire de la France ont trouvé, dans ce fervent méthodiste vaudois, un admirateur aussi chaud qu’intelligent et impartial. Le caractère dominant de M. Vinet dans ses études et ses appréciations littéraires, c’est la sympathie ; partout où il rencontre quelques parcelles, quelques traits du vrai et du beau, sous quelque drapeau qu’ils lui apparaissent et à quelques opinions choquantes pour lui qu’ils soient mêlés, il est ému et attiré ; il admire et loue avec effusion. C’est un esprit de toutes parts ouvert et toujours prêt, non seulement à tout comprendre, mais à goûter tout ce qui mérite de plaire, ne fût-ce qu’en passant et pour un moment.

Cet admirateur passionné du beau, ce critique si libéral et si équitable ; était en même temps un moraliste pur et sévère, un pieux et ferme chrétien. L’idée morale plane toujours au-dessus de ses jugements littéraires et en détermine toujours le caractère et le dernier effet, sans jamais les rendre étroits ni durs. Et dans la sphère des croyances positives, sans porter dans la controverse des questions contestées entre les croyants eux-mêmes aucune exigence minutieuse, M. Vinet n’a jamais, sur la divine origine et les dogmes fondamentaux du christianisme, la moindre hésitation et ne fait jamais la moindre concession ; il aborde de front les plus spécieuses, les plus populaires objections de ses adversaires, et les combat avec une conviction qui devient de plus en plus éloquente à mesure qu’elle se manifeste plus complète et plus précise : « Vouloir distinguer la morale du dogme, dit-il, c’est vouloir distinguer un fleuve de sa source. Le dogme chrétien est tout de suite une morale, mais une morale chrétienne. Parce que Dieu, dans le symbole chrétien, se révèle sous des traits que la nature n’annonçait pas, la morale, à son tour, y revêt un caractère que la nature ne lui eût pas imprimé. L’homme s’est trouvé incapable de se faire une religion, et Dieu est venu au secours de son impuissance. Il y a un peu plus de dix-huit cents ans que, dans un coin obscur de ce monde, un homme parut. Je ne dis pas qu’une longue suite de prophètes avait annoncé la venue de cet homme, qu’une longue suite de miracles avait marqué d’un sceau divin la nation où il devait naître et la parole même qui l’annonçait, qu’en un mot un ensemble imposant de preuves l’entoure et l’autorise. Je dis seulement qu’il prêcha une religion. Ce n’était pas la religion naturelle ; les dogmes de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme sont partout supposés dans ses discours, jamais enseignés, jamais prouvés. Ce n’étaient pas des idées déduites logiquement des données primitives de la raison ; ce qu’il enseigne, ce qui fait le fond, le propre de sa doctrine, ce sont des choses qui confondent la raison, vers lesquelles la raison n’a point de route, point d’accès ; il prêche un Dieu en terre, un Dieu homme, un Dieu pauvre, un Dieu crucifié ; il prêche la colère enveloppant l’innocent, le pardon enlevant le coupable à toute condamnation, Dieu victime de l’homme et l’homme formant une même personne avec Dieu ; il prêche une nouvelle naissance sans laquelle l’homme ne saurait être sauvé ; il prêche la souveraineté de la grâce de Dieu et la plénitude de la liberté de l’homme. Je ne vous adoucis point ses enseignements ; je vous les livre dans leur nudité, je ne cherche point à les justifier. Vous pouvez, si cela vous plaît, vous étonner, vous effaroucher de ces dogmes étranges ; ne vous y épargnez pas. Mais quand vous aurez assez admiré leur étrangeté, je proposerai, moi, autre chose à votre admiration. Ces dogmes étranges ont conquis le monde. A peine éclos dans la pauvre Judée, ils ont envahi la savante Athènes, la riche Corinthe, la superbe Rome. Ils ont recueilli des confesseurs dans les ateliers, dans les prisons, dans les écoles, dans les tribunaux, sur les trônes. Vainqueurs de la civilisation, ils ont triomphé de la barbarie ; ils ont fait passer sous le même joug le Romain dégradé et le Sicambre sauvage. Les formes de l’état social ont changé ; la société s’est fondue, renouvelée ; ils ont duré. Aucune doctrine, ni philosophique, ni religieuse, ne durait ; chacune faisait son temps ; chaque temps avait son idée ; et comme l’a développé un écrivain célèbre, le sentiment religieux, abandonné à lui-même, se choisissait, selon le temps, des formes qu’il brisait quand le temps était passé. Le dogme de la croix s’est obstiné à reparaître. S’il ne se fût emparé que d’une seule classe de personnes, c’était déjà beaucoup, c’était inexplicable peut-être ; mais vous trouvez des sectateurs de la croix dans les camps et dans la vie civile, chez les riches et chez les pauvres, parmi les esprits hardis et parmi les esprits timides, parmi les doctes et les ignorants. Ce dogme est bon pour tous, partout, toujours ; il ne vieillit jamais. La religion de la croix ne paraît nulle part disproportionnée à la civilisation ; au contraire, la civilisation a beau avancer, elle trouve toujours le christianisme en avant. N’allez pas croire que le christianisme complaisant éliminera quelque idée pour se mettre d’accord avec le siècle ; non, c’est de son inflexibilité qu’il est fort ; il n’a pas besoin de rien céder pour être en harmonie avec ce qui est beau, légitime et vrai, car il en est lui-même le type accompli. Ce n’est pourtant pas une religion qui flatte l’homme naturel, et les mondains, en s’en éloignant, rendent assez témoignage que le christianisme est une doctrine étrange. Ceux qui n’osent le rejeter s’efforcent de l’adoucir. On le dépouille de ses rudesses, de ses mythes, comme on se plaît à les nommer ; on le rend presque raisonnable. Mais, chose singulière ! quand il est raisonnable, il n’a plus de force ; et semblable en ceci à l’une des plus merveilleuses créatures du monde animé, s’il perd son aiguillon il est mort. Le zèle, la ferveur, la sainteté, l’amour, disparaissent avec ces dogmes étranges ; le sel de la terre a perdu sa saveur, et l’on ne sait avec quoi la lui rendre. Au contraire, apprenez-vous d’une manière générale que quelque part il y a un réveil, que le christianisme se ranime, que la foi devient vivante, que le zèle abonde ? Ne demandez pas sur quel terrain croissent ces précieuses plantes ; vous pouvez répondre d’avance que c’est dans le sol rude et raboteux de l’orthodoxie, à l’ombre de ces mystères qui confondent la raison humaine, et qu’elle aimerait tant à écarter d’elle…… Quelques passages du beau livre de M. Saint-Marc Girardin sur la littérature dramatique pourraient faire conclure, au moins je le crains, que le christianisme n’est essentiellement qu’un progrès naturel de l’esprit humain, un développement graduel de la sagesse antique ; par exemple, lorsque l’auteur nous dit que les Grecs s’avançaient peu à peu vers le spiritualisme chrétien. Nous regrettons que M. Saint-Marc Girardin n’ait pas dit dans quel sens il l’entend et dans quelles limites. Nous espérons qu’il ne verra pas en nous le champion d’une orthodoxie ombrageuse si nous disons que rien n’affaiblit autant l’autorité du christianisme, que rien, dans les esprits, ne nuit plus à sa cause que d’en faire un anneau de la chaîne qu’à dire vrai il a rompue. Que les événements, c’est-à-dire la Providence, aient creusé d’avance, dans les régions de l’Occident, un lit à ce fleuve divin, le plus scrupuleux des croyants l’accordera sans difficulté ; mais il est essentiel de ne pas méconnaître la source d’où le fleuve a jailli. Aucun développement naturel, juif ou grec, n’importe, ne saurait rendre raison de l’existence du christianisme. Quels que fussent les progrès de la pensée antique, il y avait toujours un infini entre elle et la pensée chrétienne, et l’infini lui seul peut combler l’infini. C’en est fait du christianisme dans le monde dès qu’on sera d’accord à penser le contraire, et à faire entrer un fait surnaturel dans l’un des compartiments de la philosophie de l’histoire. En ce qui nous concerne, nous aimons beaucoup mieux, pour la religion chrétienne, la plus outrageuse négation qu’une admiration resserrée dans de pareilles limites. Le christianisme n’est rien s’il n’est, comme Melchisédec, sans père ni mère ici-bas, sans généalogieg. »

gEssai sur la manifestation des convictions religieuses, page 85. Premiers discours, pages 14, 50, 53. Littérature française au xixe siècle, t. III, page 623.

Qui a jamais plus nettement marqué la pierre maîtresse dans l’édifice chrétien et s’y est plus fortement attaché ? La liberté de la conscience et de la pensée humaine, la foi chrétienne et la littérature française, telles ont été, à d’inégales profondeurs dans l’âme, les trois passions de M. Vinet. Une seule, la passion littéraire, a obtenu sa paisible et douce satisfaction. Les deux autres, la passion libérale et la passion chrétienne, ont été mises à l’épreuve, non seulement des travaux et des luttes de l’esprit, mais des difficultés et des tristesses de la vie. Le défenseur de la liberté des cultes, couronné, à ce titre, par la Société française de la morale chrétienne, a vu cette liberté attaquée, dans sa patrie suisse, par les passions populaires et les pouvoirs politiques. Le fervent promoteur du réveil chrétien a vu cent soixante pasteurs évangéliques du canton de Vaud, ses compagnons dans ce pieux travail, forcés de quitter leur chaire pour garder leur foi. Et c’est sous les atteintes de la maladie, aux approches de la mort, que M. Vinet a subi ces coups. Il n’en a été troublé ni dans sa foi, ni dans la paix de son âme ; il est resté, jusqu’à son dernier jour, au milieu des luttes qu’il a eu à soutenir et malgré les mécomptes qu’il a éprouvés, actif champion de la liberté, fidèle serviteur de Christ, éloquent admirateur et commentateur de la littérature française à travers toutes ses phases, sereines ou orageuses, pures ou mêlées de fange : « Après tout, écrivait-il en 1845, je ne suis pas de ceux qui désespèrent ; Dieu, sans attenter à notre liberté, et par cette liberté même, nous conduit à des rivages inconnus. Les relâches de la navigation ne sont pas toutes heureuses ; nous en savons quelque chose dans ce petit pays ; nos progrès seront lents et orageux ; mais le cercle des vérités universelles se complétera, la conscience humaine s’enrichira comme la science. J’aurais horreur de penser que quelqu’un n’est pas au centre de tout ce mouvement et n’en tient pas tous les éléments dans sa main ; quelqu’un vers qui, le connaissant ou ne le connaissant pas, toutes les créatures élèvent, avec un gémissement profond, le nom tendre et rassurant de père. »

[Notice sur M. Alexandre Vinet, par M. E. Souvestre, publiée dans le Magasin Pittoresque de 1848, page 81. Les principaux ouvrages de M. Alexandre Vinet sont : 1° son Traité et sa Polémique sur la liberté des cultes, 1826 1852 ; 2° ses Discours sur quelques sujets religieux, 1831-1853 ; 3° ses Essais de philosophie et de morale religieuse, 1837 ; 4° son Essai sur la manifestation des convictions religieuses et sur la séparation de l’Église et de l’État, 1842-1858 ; 5° ses Études et ses Méditations évangéliques, 1847, 1849, 1851 ; 6° ses Études sur Pascal, 1848-1856 ; 7° sa Chrestomathie française, son Histoire de la littérature française au xviiie siècle et ses Études sur la littérature française au xixe siècle, 1829, 1849, 1853, etc., etc. ; plus un grand nombre de petits écrits et d’articles insérés dans les revues et les journaux, à mesure que les questions du temps les ont provoqués.]

Sur un seul point, sur la question des rapports entre l’Église et l’État, l’étendue et la liberté d’esprit habituelles de M. Vinet lui ont fait défaut. Justement frappé et attristé, par sa propre expérience, des inconvénients d’un lien étroit entre l’Église et l’État, dégoûté de la servitude comme du mensonge qui en résultent souvent, tantôt dans l’État, tantôt dans l’Église, il en a conclu qu’en tout cas toute alliance entre les deux sociétés était radicalement vicieuse ; et il a fait, de leur complète séparation, un principe général et absolu, le seul régime rationnel et juste, la seule garantie efficace de la vérité et de la liberté dans la vie religieuse et dans la vie civile. Il a ainsi méconnu, je pense, les causes naturelles et les motifs légitimes d’une certaine mesure d’alliance entre les deux sociétés, et les précieux avantages que, dans certains temps et certaines circonstances, elles peuvent en retirer, elles en ont effectivement retirés l’une et l’autre. Aux États-Unis d’Amérique, l’entière séparation de l’État et des Églises diverses a été nécessaire et bonne, car elle a été la conséquence spontanée de l’état des esprits et des faits sociaux. En Angleterre, malgré les injustices et les maux qu’a longtemps entraînés l’intime union de l’État avec une Église légalement constituée et privilégiée, la coexistence de l’Église anglicane avec la liberté, de plus en plus reconnue et complète, des Églises dissidentes, a été, pour la religion chrétienne, un puissant principe de vie, de force et de durée. Et en remontant à l’ancienne histoire de l’Europe, qui peut douter qu’à la chute de l’Empire romain, si l’État et l’Église n’avaient pas été alliés en restant distincts, le christianisme se serait bien moins puissamment développé et aurait bien moins sûrement conquis ses conquérants barbares ? C’est là, je le répète, une question, non de principe, mais de temps, de lieu, de mœurs et d’état social. Le régime de la complète séparation entre l’Église et l’État peut être bon et praticable ; il n’est ni le seul bon, ni toujours possible ; le régime de l’alliance entre les deux sociétés à certaines conditions a ses inconvénients et ses périls ; il a aussi de très salutaires effets ; il peut être nécessaire, et il n’exclut pas inévitablement la sincérité et la liberté religieuses. M. Vinet, en traitant cette question, a trop oublié l’histoire générale des sociétés humaines, et il a accordé trop d’empire aux faits spéciaux et temporaires qu’il avait sous les yeux.

Si M. Vinet vivait encore, il verrait, dans sa propre patrie, deux beaux exemples des bons résultats de ce régime mixte qu’il a si absolument condamné. Dans les cantons de Vaud et de Genève, après les luttes vives et douloureuses que je viens de rappeler, une Église dissidente et libre s’est établie à côté de l’Église reconnue et soutenue par l’État. Dans l’un et l’autre canton, cet établissement n’a pas été un expédient passager, le fruit de l’ardeur d’un moment ; l’Église libre s’est affermie et développée ; elle dure et prospère ; elle a, comme l’Église officielle, ses pasteurs, ses temples, ses solennités, ses écoles populaires et savantes. J’ai sous les yeux les faits et les chiffres qui prouvent sa vitalité et ses progrès. Non seulement l’Église soutenue par l’État a fini par accepter l’existence paisible de l’Église libre ; elle en a ressenti la salutaire influence ; ses plus dignes pasteurs l’ont eux-mêmes loyalement reconnu. En Suisse comme en Angleterre, en Écosse, en Hollande, et de nos jours plus facilement et plus promptement que jadis, d’une part l’existence officielle d’une Église nationale a donné aux croyances chrétiennes une stabilité et une dignité qui ont assuré leur action permanente sur les générations successives ; d’autre part, l’existence des Églises libres et l’émulation religieuse qui s’est développée entre les deux établissements ont tourné, dans l’un et dans l’autre, au profit de la foi et de la piété.

Plus encore que M. Vinet, M. Adolphe Monod semblait appelé, par la pente de son caractère et les incidents de sa vie, à devenir le champion de l’entière séparation de l’Église et de l’État. Au début de sa carrière, il eut à souffrir de leur commun empire ; pasteur, à Lyon, de l’Église nationale, il fut, en 1831, destitué par le consistoire de cette ville comme trop exigeant dans son orthodoxie et troublant, par ses exigences, la paix de son Église. Il devint alors, à Lyon même, le fondateur et le pasteur d’une petite Église dissidente et libre. L’énergie de ses convictions et l’éclat de sa prédication répandirent et élevèrent rapidement sa pieuse renommée. Le désir de le voir rentrer dans l’Église nationale se manifesta chez un grand nombre de protestants. Il ne s’y refusa point : une chaire vint à vaquer dans la faculté de Montauban ; M. Adolphe Monod fut nommé, et de 1836 à 1847, il enseigna et prêcha à Montauban avec une puissance qui s’exerçait, non seulement sur la plupart des étudiants, mais au loin, dans les principaux foyers du protestantisme français. En 1847, il fut appelé à Paris, comme suffragant de M. le pasteur Juillerat. Il ne se refusa pas non plus à cette situation secondaire et précaire ; il avait pleine confiance dans la vocation divine et la ferme résolution d’aller partout où elle l’appellerait pour le service de la foi chrétienne. Il eut, dans la chaire évangélique, encore plus de succès à Paris qu’à Lyon et à Montauban. Lorsque, après la révolution de 1848, une assemblée générale des Églises réformées de France se réunit pour traiter de leurs institutions et de leurs intérêts communs, une grave question fut l’objet de vifs et longs débats ; le protestantisme français devait-il proclamer, soit son ancienne confession de foi de La Rochelle, soit une confession de foi nouvelle ou s’abstenir de tout acte semblable ? Quelques membres, notamment M. le pasteur Frédéric Monod, frère aîné de M. Adolphe Monod, se déclarèrent décidés à se retirer de l’assemblée et de l’Église établie si elles n’adoptaient pas une confession de foi conforme à la foi traditionnelle de la Réformation. L’inertie de l’assemblée incertaine et timide équivalait à un refus. Ils se retirèrent en effet. A la grande surprise et au vif regret de ses adversaires, M. Adolphe Monod, quoique favorable au principe des confessions de foi, ne se joignit point à cette retraite ; il succéda même, comme pasteur titulaire dans l’Église de Paris, à son frère dissident, et publia, sous ce titre : Pourquoi je reste dans l’Église établie, les raisons de sa détermination.

Ses raisons étaient bonnes, et telles qu’il convenait à une âme haute et forte de les concevoir et de les déclarer Malgré leur importance, les questions relatives à l’organisation de l’Église et à ses rapports extérieurs n’étaient, aux yeux de M. Adolphe Monod, que des questions de second ordre, subordonnées, dans une certaine mesure, aux temps et aux circonstances. La question de la foi était, pour lui, la question suprême, et il se préoccupait infiniment plus de l’état spirituel des âmes que du régime ecclésiastique. Pour qui pense sérieusement, la foi chrétienne est tout autre chose qu’une conception, une conviction de l’esprit ; c’est un état général de tout l’homme ; c’est la vie même de l’âme ; non seulement sa vie actuelle, mais la source et le gage de sa vie future. La foi en Jésus-Christ rédempteur et sauveur fait la vie chrétienne, et la vie chrétienne prépare le salut éternel. Pénétré jusqu’à la moelle des os de cette foi et de toutes ses conséquences, le devoir de l’exprimer et de la répandre était l’idée dominante, la passion permanente de M. Adolphe Monod. Il n’avait pas toujours été fermement établi lui-même dans ses pieuses convictions ; il avait été en proie à de grandes perplexités morales et à des accès de profonde mélancolie. Quand il en fut sorti, ou plutôt, selon ses propres expressions, « quand Dieu fut vraiment le maître de son cœur, » il ne s’inquiéta plus que d’amener les autres âmes à ce même état, et de les éveiller à la foi chrétienne en vue de leur salut éternel. De toutes les situations personnelles, la meilleure, pour lui, était celle où il pouvait travailler le plus efficacement à cette œuvre. Quand, en 1848, la question lui fut ainsi posée, ce qu’il voyait depuis vingt ans dans l’Église protestante de France et ce qu’il y avait déjà fait lui-même l’avait convaincu que l’Église établie lui ouvrait, pour le travail chrétien, le champ le plus vaste et les meilleures chances de succès ; il n’hésita pas à y rester : « Je trouve dans la situation, disait-il, un désordre grave dont je dois poursuivre la réforme sans relâche ; mais j’y trouve aussi des gages d’espérance. Les longs développements seraient superflus ; bornons-nous à quelques rapprochements. Essayez de compter ce que notre Église possédait de pasteurs orthodoxes quand le réveil a commencé, en 1819 ; puis, refaites le même calcul pour 1849. Je n’ai garde d’indiquer des chiffres ; mais est-ce trop de dire que, dans le cours d’une génération, le nombre des pasteurs orthodoxes s’est multiplié par dix, par quinze, par vingt peut-être ? Voilà pour le clergé, dont chacun sent ici l’immense influence. Dans les troupeaux, les choses sont moins faciles à suivre ; mais le même mouvement s’y découvre à l’observateur attentif. Voyez nos sociétés religieuses : les plus populaires d’entre elles ne sont-elles pas celles qui ont le plus franchement arboré les couleurs orthodoxes ? S’il en est qui languissent, ne sont-ce pas celles qui n’offrent pas des garanties suffisantes à cet égard ? Évidemment la première condition de vie pour nos œuvres religieuses, c’est la saine doctrine. Que mes lecteurs me permettent une question plus intime. Jetez les yeux sur les huit ou dix familles qui vous sont le mieux connues, à commencer par la vôtre, et comparez ce qu’elles sont aujourd’hui à ce qu’elles étaient en 1819 ; comparez les occupations, les goûts, les sacrifices, les entretiens, l’éducation, les lectures, les amitiés et le reste ; et puis dites, ingrats que vous êtes, si Dieu vous a laissé manquer d’encouragement. »

A ce progrès chrétien général, qu’il avait raison de signaler, M. Adolphe Monod eût pu ajouter le progrès qu’il avait fait, qu’il faisait lui-même chaque jour dans le vrai et grand esprit chrétien. A son début dans le ministère évangélique, entre autres dans sa controverse avec le consistoire de Lyon, il avait paru âpre, impatient, imprévoyant, trop pressé de faire prévaloir sa foi par l’argumentation et tenant trop peu de compte des obstacles. Grâce à sa profonde sincérité et à l’élévation naturelle de son esprit, le temps, l’expérience, le succès, avaient élargi et assoupli sa pensée ; il avait appris la modestie dans la foi et la patience dans l’espérance ; contre la pente commune des hommes, il était devenu plus libéral à mesure qu’il était devenu plus fort ; il se fit, en 1849, un devoir de manifester, à cet égard, l’état de son âme : « Nous encourons de la part du siècle, dit-il, le reproche d’exclusisme, mot nouveau, inventé tout exprès pour son accusation favorite ; pour les idées fausses, on n’a que la ressource des termes barbares. Cet exclusisme est la seule chose que le siècle ne puisse pas souffrir en fait de doctrine ; il est prêt, dit-il lui-même, à tout inclure, hormis les exclusifs. Aussi ne nous demande-t-il, dans la profession de notre foi, qu’un seul changement ; c’est qu’à ces mots dont nous avons coutume de la faire précéder : « Voici la vérité, » nous voulions bien substituer ceux-ci : « Voici mon opinion. » Si l’on se bornait à réclamer cette modération de langage pour des choses qui, malgré leur importance relative, ne constituent pas la substance de la foi et de la vie chrétienne, nous ferions ce qu’on demande de nous ; ou plutôt nous le faisons déjà, par égard pour l’amour fraternel et dans l’intérêt de la vérité elle-même. C’est l’un des traits distinctifs du réveil religieux de notre époque que, charitablement avare de cette affirmation absolue dont le xvie siècle s’est montré trop prodigue, il la réserve pour un petit nombre de doctrines fondamentales. Encore s’applique-t-il à en resserrer le cercle, jusqu’à ce que, parvenu au centre vivant et comme au cœur de la vérité, il la résume en un seul nom, Jésus-Christ, et en un seul mot, la grâce ; quiconque est de cette foi-là, quelque nom qu’il porte d’ailleurs et quelque place qu’il occupe dans l’Église universelle, luthérien, anglican, méthodiste, morave, baptiste, je dis plus, catholique romain ou catholique grec, nous l’accueillons comme un frère en Jésus-Christ ; et non pas nous seulement, mais toute l’Église évangélique contemporaine, à part les exceptions, toujours plus rares, d’une piété étroite ou sectaire. De là cette Alliance évangélique qui s’est formée de nos jours entre plus de vingt dénominations protestantes, et qui n’est que le prélude d’une autre alliance évangélique plus étendue encore, où trouvera accès tout ce qui se repose sur les seuls mérites de Jésus-Christ, le Sauveur et le Seigneur de tous.

Notre exclusisme d’ailleurs porte sur les doctrines, non sur les personnes. L’affirmation absolue est légitime quand il s’agit d’annoncer cette foi qui est la promesse du salut, parce que Dieu l’a clairement révélée dans sa parole ; mais quand il s’agit de marquer les individus qui possèdent cette foi salutaire, la même affirmation serait téméraire parce que Dieu ne nous a révélé nulle part ni l’état intérieur d’aucun homme, ni le partage final qui lui est réservé. Nous n’excluons personne, nous ne jugeons personne, vivants ou morts ; le jugement des vivants et des morts appartient à Dieu seul. Sans doute nous apprécions, selon notre mesure, la condition spirituelle d’un homme par ses œuvres, comme l’arbre par ses fruits ; Jésus-Christ lui-même nous y invite. Sans doute, en voyant un homme vivre et mourir dans les œuvres de la foi, nous espérons pour lui, d’une espérance qui peut croître jusqu’à une ferme assurance ; et en voyant, au contraire, un homme vivre et mourir dans les œuvres de l’incrédulité, nous sommes inquiets pour lui, d’une inquiétude amère autant que mystérieuse. Mais enfin, soit dans le premier cas, soit surtout dans le second, nous ne sommes jamais autorisés à prononcer un jugement personnel ; et sauf le tour paradoxal de l’expression, j’adopterais volontiers le langage du pieux Bunyan : « Trois choses m’étonneront dans le ciel : la première, de n’y pas voir certaines personnes que j’y attendais ; la seconde, d’y en voir que je n’y attendais pas ; la troisième, qui sera la plus surprenante des trois, de m’y voir moi-mêmeh. »

h – Sermon sur l’Exclusisme ou l’Unité de la foi, dans le Recueil des Sermons de M. Adolphe Monod ; 3e série, t. II, p. 386-390 ; Paris, 1860.

Une piété si profonde, si modeste et si large, manifestée avec une éloquence où la gravité passionnée du langage se joignait à la gravité passionnée de la conviction, ne pouvait manquer d’exercer une grande influence. Comme prédicateur, M. Adolphe Monod était puissant ; il avait acquis, non par une curieuse et froide observation, mais par une assidue et consciencieuse étude de l’Évangile et de lui-même, une intelligence supérieure de la nature humaine, de ses forces et de ses faiblesses, de ses vides et de ses aspirations. Il assiégeait, pour ainsi dire, les âmes avec une ardeur savante, frappant à toutes leurs portes, les poursuivant dans leurs plus intimes replis, tenant constamment déployé le drapeau de Jésus-Christ et leur inspirant la parfaite confiance qu’il les pressait de s’y rallier, non par aucun motif humain, par aucun désir de sa propre gloire, mais par l’unique et sérieux souci de leur salut éternel. Il conquérait ainsi à son divin maître les cœurs disposés à l’accueillir, remuait fortement ceux qui ne lui étaient pas décidément rebelles, et laissait étonnés et intimidés ceux qu’il n’attirait pas. Comme pasteur aussi, il était puissant ; sa vie était le reflet et le commentaire de sa prédication ; il s’appliquait à lui-même, le premier, les préceptes et les conséquences de sa croyance ; comme il ne disait rien qu’il ne pensât, de même il ne pensait rien qu’il ne pratiquât ; et sans être aisément sympathique comme M. Vinet, il était ardemment expansif et pieusement tourmenté du besoin de répandre, par son exemple comme par sa parole, la foi et la vie chrétienne. Atteint d’une maladie douloureuse et incurable qui le condamna enfin à l’immobilité, il ne souffrit pas qu’elle le rendît inactif et inutile ; pendant les six derniers mois de sa vie, tous les dimanches, sa famille, quelques-uns des pasteurs ses collègues et autant d’amis fidèles que sa chambre en pouvait contenir, se réunissaient autour de son lit ; et son zèle surmontant ses douleurs, il leur adressait, selon ses propres expressions, tantôt les regrets d’un mourant, tantôt les résultats de son expérience dans la foi et dans la vie. Cette pieuse réunion était encore convoquée, selon sa volonté, pour le 6 avril 1856 : « Mais ce jour-là, avant que l’heure de la convocation fût venue, Dieu retirait à lui son serviteur, exauçant ainsi sa prière souvent répétée : Que ma vie ne s’éteigne qu’avec mon ministère, et que mon ministère ne s’éteigne qu’avec ma viei. »

i – Ce sont les paroles insérées dans un écrit intitulé : Les Adieux d’Adolphe Monod à sa famille et à l’Église, où les dernières exhortations et conversations de ce chrétien mourant ont été pieusement recueillies. (Page viii ; Paris, 1856.)

Dix-huit mois avant M. Adolphe Monod, un pasteur éminent de l’Église luthérienne de Paris, son ami et son compagnon dans le travail chrétien, M. Édouard Verny, mourait subitement dans la chaire évangélique à Strasbourg, en prêchant sur cette parole des apôtres aux chrétiens d’Antioche : « Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous point imposer d’autre charge que les choses qui sont nécessaires. » Parole aussi libérale que pieuse, et fidèle expression des sentiments de l’orateur chrétien qui mourut en la commentant. M. Verny avait, par nature, l’esprit large et libre ; il avait débuté dans la vie intellectuelle par les études philosophiques, et il en avait conservé un goût vif pour le mouvement des idées avec une prompte et tranquille intelligence de celles qu’il ne partageait pas. Moins passionné et moins puissant que M. Adolphe Monod, il était aussi dévoué à la cause chrétienne, et il pénétrait avec charme dans les âmes que M. Monod conquérait avec empire. Ce fut, pour l’Église protestante de France, une perte immense, mais aussi un frappant et salutaire spectacle que la fin de ces deux serviteurs de Christ, l’un mourant soudainement, dans la plénitude de sa force, au moment même où, du haut de sa chaire, il soutenait avec éclat la doctrine de son maître ; l’autre recueillant, au fond de son lit, les derniers souffles de son âme en ce monde pour verser encore à flots sa foi dans l’âme de ses auditeurs.

[Quoique M. Verny ait longtemps prêché et souvent écrit dans les revues et les journaux religieux, notamment dans le Semeur, il reste peu de monuments écrits de ses idées et de son talent. Les principaux sont : 1° Un Sermon sur l’unité de l’Église, prêché dans l’église de Bolbec en 1854 ; 2° deux sermons, l’un sur la prière de la Cananéenne, l’autre sur la repentance, prêchés à Paris en 1845 et 1846 ; 3° Le sermon pour l’ouverture solennelle de la session du Consistoire supérieur de l’Église de la confession d’Augsbourg, prêché à Strasbourg le 19 octobre 1854, et au milieu duquel M. Verny est mort en chaire ; 4° Un Essai sur les droits de la science, inséré dans la Revue de théologie et de philosophie chrétienne, publiée à Strasbourg par M. Colani ; t. IX, pag. 208-248, 1854. Cet Essai devait être suivi d’un Essai sur les devoirs de la foi, dont la mort de M. Verny a empêché la rédaction.]

De telles vies et de telles morts ne sauraient demeurer stériles ; sous leur influence, la foi chrétienne s’est ranimée et répandue dans le protestantisme français. Non pas cette foi sèche et froide que les hommes acceptent comme par acquit de conscience et pour se décharger d’un souci ; ni cette foi vague et rêveuse qui se repaît de ses propres émotions plutôt qu’elle ne se nourrit des vérités qui sont la voix de Dieu. La foi chrétienne n’est pas un acte de soumission prudente ni un accès de ferveur mystique ; la conviction et le sentiment, la ferme adhésion de la pensée et le filial amour du cœur y sont essentiels et intimement unis. C’est la lumière venue d’en haut et qui porte ici-bas la chaleur féconde. Les œuvres en découlent avec liberté et abondance, comme une eau salutaire d’une source pure. J’ai sous les yeux le tableau des œuvres humaines qu’a suscitées de nos jours, dans l’Église protestante de France, la foi chrétienne raniméej : associations multipliées, entreprises à longue échéance, efforts soutenus pour le développement moral des hommes, pour le soulagement matériel de leur condition terrestre, pour la conquête ou la défense de la liberté religieuse, pour l’entretien et la propagation de la foi elle-même, tous ces buts à la fois si variés et si analogues sont laborieusement poursuivis par les Églises protestantes libres comme par l’Église protestante établie ; M. Edmond de Pressensé et M. Eugène Bersier vouent leur talent et leur ardeur aux mêmes croyances, aux mêmes travaux que M. Alexandre Vinet et M. Adolphe Monod. A travers les libres dissidences et les divers régimes ecclésiastiques du protestantisme français, il y a, dans son sein, progrès de foi chrétienne, progrès d’œuvres chrétiennes, progrès de science chrétienne, progrès d’influence chrétienne. Je répète ici les mêmes termes dont je me suis servi en parlant de l’Église catholique contemporaine, parce que je me trouve en présence de faits semblables. Ces faits n’annoncent point la réunion des deux Églises ; de profonds dissentiments les séparent toujours ; mais c’est, dans l’une et dans l’autre, le réveil chrétien.

jExposé des œuvres de la charité protestante en France, par H. de Triqueti, membre du conseil presbytéral et du diaconat de l’Église réformée de Paris, in-18, 1863.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant