Vie - Flavius Josèphe

CHAPITRE LXXV

Après la prise de Jotapat, les Romains qui m'avaient fait prisonnier me gardaient étroitement ; mais Vespasien ne laissait pas de me faire beaucoup d'honneur  ; et j'épousai par son commandement une fille de Césarée, qui était du nombre des captives. Elle ne demeura pas longtemps avec moi ; car, lorsque étant délivré de prison, je suivis Vespasien à Alexandrie, elle me quitta. J'en épousai une autre dans cette même ville d'où je fus envoyé avec Titus à Jérusalem, et m'y trouvai diverses fois en grand danger de ma vie, n'y ayant rien que les Juifs ne fissent pour me perdre ; car toutes les fois que le sort des armes n'était pas favorable aux Romains, ils leur disaient que c'était moi qui les trahissais, et pressaient sans cesse Titus, qui était alors déclaré césar, de m'y faire mourir. Mais comme ce prince n'ignorait pas quels sont les divers événements de la guerre, il ne répondait rien à ces plaintes. Il m'offrit même diverses fois, après la prise de Jérusalem, de prendre telle part que je voudrais dans ce qui restait des ruines de mon pays. Mais rien n'étant capable de me consoler dans une telle désolation, je me contentai de lui demander les livres sacrés et la liberté de quelques personnes ; ce qu'il m'accorda très favorablement. Je lui demandai aussi la liberté de mon frère et de cinquante de mes amis, qu'il me donna de la même sorte ; et étant entré par sa permission dans le Temple, j'y trouvai, entre une grande multitude de captifs, tant hommes que femmes et enfant, environ cent quatre-vingt-dix de mes amis ou de ma connaissance, qui furent tous délivrés à ma prière, sans payer rançon, et rétablis dans leur premier état.

Titus m'envoya ensuite avec Céréalis et mille chevaux à Thécua pour voir si ce lieu serait propre à y faire un campement. Je trouvai à mon retour qu'on avait crucifié plusieurs captifs, entre lesquels j'en reconnus trois de mes amis. J'en fus outré de douleur et allai, fondant en larmes dire à Titus le sujet de mon affliction. Il commanda à l'instant même qu'on les ôtât de la croix et qu'on les pansât avec grand soin. Deux d'entre eux remirent l'esprit entre les mains des chirurgiens, et le troisième a vécu depuis.

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