Théologie de l’Ancien Testament

§ 7. La Révélation a son histoire. Elle s’est développée progressivement. Elle concerne l’homme tout entier. Son caractère surnaturel.

Dieu, même en se révélant de la manière la plus personnelle, ne laisse pas de tenir compte des lois qui président au développement des choses du monde. Tout ici bas est soumis à la loi du progrès, ce qui suppose un point de départ imparfait. La révélation ne sera donc pas complète dès le premier jour ; elle connaîtra le temps des petits commencements ; elle sera d’abord limitée, imparfaite ; elle se restreindra à un seul peuple et s’y particularisera. Puis, sans entraver aucunement le développement naturel de l’humanité, sans faire violence à personne, elle travaillera pendant des siècles à préparer les hommes à recevoir le salut quand il apparaîtra. Il apparaît en Jésus. Depuis ce moment, il s’agit, pour l’humanité, de s’approprier la plénitude de grâce divine dont Christ est le porteur. C’est ce qui a lieu de nouveau par degrés et progressivement.

Et comme la Révélation a pour but de rétablir une communion parfaite entre Dieu et l’homme, elle s’adresse à la nature humaine sous toutes ses faces. Elle n’agit pas exclusivement, ni même d’une manière prédominante, sur l’intelligence de l’homme. C’est à rapprocher l’homme de Dieu, et non seulement à faire connaître Dieu à l’homme, que travaille la Révélation ; elle y travaille en parlant, en agissant, en produisant des effets objectifs sur le monde extérieur, en fondant un ordre social, en illuminant le cœur de l’homme, en communiquant l’Esprit de Dieu, en produisant une vie nouvelle ; mais la parole révélatrice et l’histoire vont toujours de pair ; toute intervention divine est annoncée à l’avance, et commentée ensuite par les prophètes. « Le Seigneur l’Éternel ne fera rien qu’il n’ait révélé son secret aux prophètes ses serviteurs. Le Seigneur l’Éternel a parlé, qui ne prophétisera ? » (Amos 3.7-8).

La notion de révélation que nous venons de développer, diffère sur deux points de celle qui était généralement reçue dans l’ancienne Théologie protestante. A ses yeux la Révélation n’était presque exclusivement qu’une doctrine, destinée à éclairer les hommes. On allait jusqu’à dire que les lumières que la Révélation communiquait à l’humanité, l’humanité les aurait peut-être acquises un jour par sa propre raison, seulement moins parfaites. — Mais s’il ne s’était agi que de cela, pourquoi donc Dieu n’aurait-il pas envoyé tout simplement du ciel un catéchisme, un recueil de doctrines, ce qui nous transporterait en plein Islamisme et ferait de la Bible un Coran ? Pourquoi tout ce déploiement historique, s’il ne s’agit que d’apporter au monde telle ou telle connaissance nouvelle ? Tout cet appareil ne doit-il donc servir absolument qu’à confirmer les vérités révélées ? — En second lieu, l’ancienne Théologie protestante méconnaissait complètement le caractère progressif de la Révélation. A ses yeux, nulle différence entre l’A. T. et le N. T. ; les dogmes chrétiens, comme par exemple la Trinité, se trouvent renfermés à titre égal dans les deux tomes de la Bible.

Mais, pour revenir à la première erreur de l’ancien supranaturalisme, il est clair que la Révélation doit aussi agir sur l’intelligence de l’homme et augmenter la somme de ses connaissances ; mais tel n’est point son but exclusif, ni même son premier but. Il faut au sein d’une humanité pécheresse, créer des hommes de Dieu ; il faut fonder une Église qui soit porteuse de la vie divine. L’humanité doit être haussée jusqu’à devenir le Royaume de Dieu, le Tabernacle de Dieu avec les hommes (Apocalypse 21.3). Voilà ce dont il s’agit, et rien de moins ! Un but pareil, jamais la Révélation ne l’atteindra si elle se borne à éclairer l’homme. Nous voulons faire une Théologie de faits. Nous ne tomberons pas dans un autre extrême en disant avec Hoffmann, dans son livre sur la Prophétie et son accomplissement, ou avec Ad. Köhler, dans les Etudes et critiques de Ullmann, 1852, que la Révélation ne consiste absolument qu’en des faits, et que c’est uniquement en réfléchissant sur ces faits que les hommes ont acquis leurs connaissances religieuses. Non ! nous le répétons : il y a réciprocité continuelle de bons offices entre les faits et les révélations orales. Par exemple le déluge est annoncé à l’avance, — une parole prophétique précède ce grand jugement de Dieu ; puis le déluge vient donner raison à l’Éternel et à Noé, et Dieu ne tarde pas à le prendre pour texte de nouvelles exhortations.

Si l’on demande à quoi l’on peut distinguer la Révélation d’avec les pensées qui surgissent d’elles-mêmes dans l’esprit de l’homme, je répondrai :

Il est vrai que le sentiment du salut ne se change en une assurance du salut que lorsque, avec la nouvelle alliance, un nouvel homme est là pour dire ce dont il est redevable à la Parole de Dieu, et ce qu’il doit à ses propres forces et à ses propres lumières. Mais il y a dans l’A. T. déjà des paroles qui montrent que les vrais Israélites ont fait des expériences qu’ils ne peuvent oublier : « Où y a-t-il un Dieu comme toi ? » (Exode 15.11). « Quelle est la nation qui ait des lois aussi justes que celles-ci ? » (Deutéronome 4.8 ; Psaumes 147.19-20).

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