Théologie de l’Ancien Testament

§ 107. Mesures prises pour que les propriétés de famille ne passent pas on d’autres mains.

Une famille qui aurait perdu sa propriété n’aurait pas pu vivre. La loi devait donc veiller à la conservation des propriétés de famille avec autant de sollicitude qu’à la conservation des familles elles-mêmes. Elle faisait plus ; elle veillait même à leur intégrité. A cette occasion, l’Éternel prononce une parole qui est l’application la plus frappante possible du principe théocratique : « La terre (le pays) est à moi et vous êtes étrangers et habitants chez moi ! (Lévitique 25.23) ce qui veut dire que Dieu, le roi de son peuple, est le vrai propriétaire du pays et que les Israélites en ont seulement la jouissance. Chaque famille formant une partie intégrante de la théocratie, c’est Dieu qui lui a donné pour en vivre une part du territoire qui constitue en quelque sorte un fief héréditaire. De là, le refus de Naboth (1 Rois 21.3) ; de là, les reproches adressés par les prophètes aux riches qui s’efforcent d’agrandir leurs propriétés, ce qu’ils ne pouvaient faire qu’en acquérant les champs de leurs voisins (Ésaïe 5.8 et sq.).

Si un Israélite, tombé dans la pauvreté, est contraint de vendre son patrimoine, ce ne peut être que pour un temps. Dès qu’il est en état de le racheter, ou que son plus proche parent, גאל, veut le faire pour lui, l’acquéreur doit le céder (Lévitique 25.23-27). De là, le principe général : « La terre ne sera point vendue à toujours [לצמת.ֻת, proprement : à anéantissement, de telle sorte qu’il ne puisse plus jamais être question pour le propriétaire primitif de rentrer en possession de son patrimoine]. Il faut qu’il y ait toujours possibilité de rachat (גאלה). » De là encore, le nom de « proche parent ayant droit de retrait (גאלו הקרב) » donné à celui à qui incombait ce devoir.

Quand il y avait rachat, la valeur des récoltes successives devait être défalquée de la somme à rendre, car ce n’était pas le terrain qui avait été vendu ; il ne pouvait jamais l’être, mais ce que l’on vendait, c’étaient uniquement les récoltes d’un certain nombre d’années. Quand arrivait l’année du jubilé, toutes les propriétés faisaient retour sans rachat à leurs propriétaires primitifs. Si l’on eût observé cette loi strictement, il n’y aurait jamais eu de pauvres en Israëla. Et tel était réellement le but que se proposait Moïse, bien qu’il sût que ce but ne serait jamais atteint. Comparez l’apparente contradiction qu’il y a entre les deux versets Deutéronome 15.4,11.

a – C’est pour cela que Proudhon est si fort admirateur des ordonnances de Moïse sur la propriété.

Lorsque le peuple s’établit dans la Terre sainte (§ 33), le séjour de chaque race fut déterminé, le lieu où devait se développer telle et telle famille fut fixé, de telle sorte que la famille devînt la base de toute la vie sociale. Mais les races et les familles devaient toujours être en état de prouver qu’elles faisaient partie du peuple élu. Ainsi l’esprit particulariste se trouvait heureusement combattu par le sentiment de la nationalité, comme aussi un trop fort mouvement de centralisation serait toujours venu échouer contre l’importance donnée à la famille dans une semblable constitutionb. Nous verrons au § 153 avec quelle sagesse les ordonnances relatives à la fête de Pâques, tout particulièrement, tiennent compte à la fois de la vie de famille et de la vie nationale et théocratique.

b – Voyez Baumgarten, Histoire de Jésus, page 88, sq.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant